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Evelyne Grossman (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070765072
1792 pages
Gallimard (15/02/2004)
4.54/5   68 notes
Résumé :
Ce volume contient, dans un ordre chronologique : tous les grands livres d'Artaud : Correspondance avec Jacques Rivière, L'Ombilic des Limbes, le Pèse-Nerfs, Fragments d'un Journal d'Enfer, L'Art et la Mort, Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, Le Théâtre et son Double, Les Cenci, Messages révolutionnaires, Les Tarahumaras, Les Nouvelles Révélations de l'Etre, Artaud le Mômo, Ci-Gît précédé de La Culture indienne, Suppôts et Supplications, Van Gogh le suicidé de la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce qui frappe dans la poésie d'Artaud, c'est l'absolue liberté dont il use avec une force incroyable. Il écrit une poésie qui dérange, qui va là où personne n'est jamais allé. Artaud cherche à recréer ou à réinventer la réalité. C'est une entreprise de désaliénation verbale, de libération physique et de volonté de maîtrise du corps, l'apparition d'un " corps neuf ", ce qu'Artaud appelle une " immortalité corporelle ".
Pour Artaud, c'est l'écriture de l'immédiat qui importe , comme une fulgurance, une urgence.
Antonin Artaud crie, gueule, éructe, il écrit pour survivre. Il bouscule la notion d'oeuvre pour l'oeuvre, le livre est pour lui « en suspension dans la vie ». Il enrage : « Il faut en finir avec l'Esprit comme avec la littérature » car « l'Esprit et la vie communiquent à tous les degrés »
Une oeuvre atypique , dérangeante, bouillonnante, incandescente....
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À la fin de l'année 1936, les deux grands plasmateurs du verbe français, Antonin Artaud et Louis-Ferdinand Céline se croisent lors d'un repas organisé chez leur éditeur.Céline ne parle que cuisses et danse. Il se plaint que Naissance d'une fée a été refusé au ballet de Monte Carlo par René Blum, le frère de Léon, chef du gouvernement. Quand Céline ajoute qu'il aurait dû signer son livret d'un nom juif pour être joué, une convive rétorque posément qu'elle est juive et apprécie beaucoup Léon Blum. le dessinateur Carlo Rim rapporte la scène.

Il (Céline) la regarde gentiment, éclate de rire :
– Rassurez-vous, je ne suis pas assez bête pour être antisémite, je suis anti-tout, voilà.
Antonin Artaud, qui n'a pas encore dit un mot, s'échauffe brusquement :
– Je suis comme vous, un homme en colère !
Céline hausse les épaules. Son oeil s'est éteint :
– Faut encore aimer la vie pour se foutre en colère. Est-ce que j'aime la vie? C'est trop plein de cons, la vie.
Artaud lui lance, péremptoire :
– Oui, vous aimez la vie !
Céline rigole et concède :
– C'est vrai, j'aime la vie.
Souce : d-fiction

Artaud.

Il y'a un paradoxe Artaud.

Pendant longtemps il a fasciné, obsédé : les pavillons des hopitaux psychiatriques portent son nom , on a théorisé , débattu, tenté de le comprendre sous toutes ses coutures, on l'a ausculté, dissequé, maché , recraché, porté aux nues, renié, diffamé ou toléré.
C'est avant tout une experience desarçonnante que de se plonger dans cette jungle foisonnante ou rien ne colle au sens et ou paradoxalement tout fait sens :

"  Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ces temps-ci. Tous ceux qui ont des points de repère dans l'esprit, je veux dire d'un certain côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous ceux pour qui il existe des altitudes dans l'âme, et des courants de la pensée, ceux qui ont l'esprit de l'époque, et qui ont nommé ces courants de la pensée, [...] sont des cochons "

La cruauté violente , le cri , la logorrhée blasphèmatrice et le hurlement d'Artaud sont toujours tempérées par une grande joie enfantine d'une rafraichissante simplicité dans les mots , en apparence seulement naïfs , mais qui vont droit au but et qui donnent cette impression d'immediateté, de présence hyper-réelle et spontanée , même quand on ne comprends rien.

Chez Artaud tout casse , tout jouit ... la chaire , l'esprit , la matière, tout se mélange dans une pâte qui est tantôt cuite, tantôt crue, tantôt carbonisée , au détour d'un bout de phrase à l'autre...
On croit comprendre et puis non on lit finalement l'inverse et parfois on lit deux , trois , quatre idées contradictoires écrites en même temps et dites simultanément dans un niagara de mots.

Il faut aimer se perdre , il faut être amoureux de l'anarchie radicale pour pouvoir se baigner dans ce torrent , gouter les sucs d'une oeuvre infinie et réduite, totale et parcellaire, complète et fragmentée, dure et friable, solide et liquide, genereuse et rabougrie, douce et épineuse, soyeuse et coupante, rassurante et effrayante , liberatrice et infernale, émacipée et prisonnière, lucide et folle , claire et obscure, libre et déterminée , humaine passionément et monstrueusemement alien ...
Artaud quoi !
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Le Génie d'Antonin Artaud fait de ce pavé un labyrinthique parcours où l'on (re)découvre l'homme de théâtre d'abord, et derrière les multiples facettes de la folie qui le ronge, la fulgurance d'une pensée sans équivoque, brutale, géniale. le XXème siècle n'aurait pas été le même sans le grand Antonin. Une relecture quotidienne pour éviter de glisser dans l'ornière, de verser dans la facilité, de souscrire à la bêtise.
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Minéral, surréaliste, coupant comme un silex.
Je parle du poète, le reste m'est inconnu.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Van Gogh le suicidé de la société

Décrire un tableau de Van Gogh, à quoi bon ! Nulle description tentée par un autre ne pourra valoir le simple alignement d'objets naturels et de teintes auquel se livre Van Gogh lui-même.
aussi grand écrivain que grand peintre et qui donne à propos de l'oeuvre décrite l'impression de la plus abasourdissante authenticité. p 1451

8 septembre 1888
"Dans mon tableau de Café de nuit, j'ai cherché à exprimer que le café est un endroit où l'on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes. Enfin j'ai chercher par des contrastes de rose tendre et de rouge sang et lie-de-vin, de doux vert Louis XV et Véronèse, contrastant avec les vert-jaune et les vert-bleu durs, tout cela dans une atmosphère de fournaise infernale, de soufre pâle, à exprimer comme la puissance des ténèbres d'un assommoir.
Et toutefois sous une apparence de gaieté japonaise et la bonhomie du Tartarin..."
p 1452

Je ne décrirai donc pas un tableau de Van Gogh après Van Gogh, mais je dirai que Van Gogh est peintre parce qu'il a recollecté la nature, qu'il l'a comme retranspirée et fait suer, qu'il a fait gicler en faisceaux sur ses toiles, en gerbes comme monumentales de couleurs, le séculaire concassement d'éléments, l'épouvantable pression élémentaire d'apostrophes, de stries, de virgules, de barres dont on ne peut plus croire après lui que les aspects naturels ne soient faits. p 1453
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Ah donne-nous des crânes de braise
Des crânes brûlés aux foudres du ciel
Des crânes lucides des crânes réels
Et traversés de ta présence

Fais-nous naître aux cieux du dedans
Criblés de gouffres en averses
Et qu’un vertige nous traverse
Avec un ongle incandescent

Rassasie-nous nous avons faim
De commotions intersidérales
Ah verse-nous des laves astrales
A la place de notre sang

Détache-nous. Divise-nous
Avec tes mains de braises coupantes
Ouvre-nous ces routes brûlantes
Où l’on meurt plus loin que la mort

Fais vaciller notre cerveau
Au sein de sa propre science
Et ravis-nous l’intelligence
Aux griffes d’un typhon nouveau
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Ma bien chère maman,

Je viens te demander ton témoignage dans une affaire grave et d'où mon sort et mon salut dépend. Car il ne s'agit en ce moment de rien de moins que de me sauver. (...)
Or il y a ici un traitement affreux qui s'appelle l’électrochoc qui dure chaque fois un mois et fait perdre pendant deux mois l'intelligence et la mémoire à ceux qui y sont soumis et c'est un traitement par lequel le Dr Ferdière ne cesse de me faire passer. (...) Et je ne veux plus que cela recommence. Et il ne faut plus que cela recommence parce que ma conscience s'en va à chaque traitement et cela ne me revient qu'au bout de deux ou trois mois. Et j'ai besoin de ma conscience pour vivre, être et travailler. - Ce traitement est en plus une torture affreuse parce qu'on se sent à chaque application suffoquer et tomber comme dans un gouffre d'où votre pensée ne revient plus.
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« Et il avait raison, Van Gogh, on peut vivre pour l’infini, ne se satisfaire que d’infini, il y a assez d’infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh n’a pas pu combler son désir d’en irradier sa vie entière, c’est que la société le lui a interdit.
(...) et Van Gogh aurait pu trouver assez d'infini pour vivre pendant toute sa vie si la conscience bestiale de la masse n'avait voulu se l'approprier pour nourrir ses partouses à elle, qui n'ont rien eu à voir avec la peinture ou avec la poésie.  »
(Van Gogh, le suicidé de la société p 1461-1462)
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Il me parle de narcissisme, je lui rétorque qu'il s'agit de ma vie. J'ai le culte non pas du moi mais de la chair, dans le sens sensible du mot chair. toutes les choses ne me touchent qu'en tant qu'elles affectent ma chair, qu'elles coïncident avec elles, et à ce point même où elles l'ébranlent, pas au-delà. Rien ne me touche, ne m'intéresse que ce qui s'adresse directement à ma chair.

Fragments d'un journal d'enfer
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Vidéo de Antonin Artaud
Antonin ARTAUD – Témoignages (DOCUMENTAIRE with english subtitles, 1993) Les deux parties du documentaire "La Véritable Histoire d'Artaud le Mômo", par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, réalisées en 1993. Présences : Luciane Abiet, Jacqueline Adamov, André Berne-Joffroy, Annie Besnard-Faure, Gustav Bolin, Denise Colomb, Pierre Courtens, Alain Gheerbrant, Alfred Kern, Gervais Marchal, Domnine Milliex, Minouche Pastier, Henri Pichette, Marcel Piffret, Rolande Prevel, Marthe Robert, Jany Seiden de Ruy, Paule Thévenin et Henri Thomas.
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