Sur ma table de chevet, tout simplement, jour après jour, année après année.
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Saltimbanques (A Louis Dumur)
Dans la plaine les baladins
S'éloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans églises
Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe
Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours des cerceaux dorés
L'ours et le singe animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage
Les Sapins
Les sapins en bonnets pointus
De longues robes revêtus
Comme des astrologues
Saluent leurs frères abattus
Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrinés
Par les vieux sapins leurs aînés
Qui sont de grands poètes
Ils se savent prédestinés
À briller plus que des planètes
À briller doucement changés
En étoiles et enneigés
Aux Noëls bienheureuses
Fêtes des sapins ensongés
Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens
Chantent des noëls anciens
Au vent des soirs d’automne
Ou bien graves magiciens
Incantent le ciel quand il tonne
Des rangées de blancs chérubins
Remplacent l’hiver les sapins
Et balancent leurs ailes
L’été ce sont de grands rabbins
Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins médecins divaguants
Ils vont offrant leurs bons onguents
Quand la montagne accouche
De temps en temps sous l’ouragan
Un vieux sapin geint et se couche
(Rhénanes, Alcools, 1913).
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d’or
Était composée de deux panneaux
S’attachant sur l’épaule
Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
Elle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nus
N’entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d’ottoman violine
Et en tunique brodée d’or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d’or
Et traînait ses petits souliers à boucles
Elle était si belle
Que tu n’aurais pas osé l’aimer
J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peur
J'espère une lettre de toi
Tes lettres amour sont les roses
De l'absence et de notre foi
Épine et parfum de tes proses
Un oiseau chante ne sais où
C'est je crois ton âme qui veille
Parmi tous les soldats d'un sou
Et l'oiseau charme mon oreille
Tandis qu'il chante le canon
Répète le non taciturne
Éclat et non parole Non
Que répète l'écho nocturne
Non ennemi tu n'auras point
Ni les villes ni les campagnes
Ni ma vie amour en a soin
Entends l'amour qui m'accompagne
Ecoute il chante tendrement
Je ne sais pas sur quelle branche
Il est partout qui va m'aimant
Nuit et jour semaine et dimanche
Et que dire de cet oiseau
Que dire des métamorphoses
Du chant en âme doux morceau
Du cœur en lys du corps en roses
Car cet oiseau c'est mon amour
Et mon amour c'est une fille
La rose est moins parfaite et pour
Moi seul l'oiseau bleu s'égosille
Oiseau bleu comme le cœur bleu
De mon amour au cœur céleste
Ton chant si doux répète-le
- J'attends ta lettre comme un geste
Tu m'ouvriras les bras et puis
tu me répéteras je t'aime
Ainsi vont les jours et les nuits
Amour bleu comme est le cœur même
Extrait des Poèmes à Madeleine
Dans la chambre de volupté
Où je t’irai trouver à Nismes
Tandis que nous prendrons le thé
Pendant le peu d’heures intimes
Que t’embellira ta beauté
Nous ferons cent mille bêtises
Malgré la guerre et tous ses maux
Nous aurons de belles surprises
Les arbres en fleur les Rameaux
Pâques les premières cerises
Nous lirons dans le même lit.
Au livre de ton corps lui-même
— C’est un livre qu’au lit on lit —
Nous lirons le charmant poème
Des grâces de ton corps joli.
Nous passerons de doux dimanches
Plus doux que n’est le chocolat
Jouant tous deux au jeu des hanches
Le soir j’en serai raplapla
Tu seras pâle aux lèvres blanches
Cécile Coulon est écrivaine : romancière et poétesse. Elle a fait son entrée en littérature très tôt, et a publié son premier roman à 16 ans. de livre en livre, elle nous mène vers des genres différents, mais avec certaines constantes : une écriture cinématographique, très visuelle, très organique aussi avec une forte présence de la nature, et des lieux érigés en véritables personnages. La poésie est venue après le roman, et a commencé en ligne, sur les réseaux sociaux. Puis, son premier recueil de poésie, "Les Ronces", a été publié en 2018. Il a rencontré un très grand nombre de lecteurs, a reçu le prix Guillaume Apollinaire et a contribué à engendrer un souffle de renouveau dans la poésie contemporaine.
Au cours de cette rencontre, Cécile Coulon nous parle de son nouveau roman, "La Langue des choses cachées", un texte court, proche du conte, qui se situe à mi-chemin de la littérature et de la poésie. Cécile Coulon nous raconte les conditions -intenses et singulières- d'écriture de ce livre, explique la façon dont les lieux l'inspirent, nous parle aussi de notre société actuelle, et nous livre quelques conseils de lecture.
Pour retrouver son livre, c'est ici : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23140391-la-langue-des-choses-cachees-cecile-coulon-l-iconoclaste
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