Le romancier et dramaturge Yves Ravey parle de la création des personnages #ecrire #écrire #écriture #ecriture #écrireunroman #litterature
J’ai pris le bord de mer en quittant l’autoroute. Luisa, à son aise, la nuque contre l'appuie-tête, présentait maintenant un profil insouciant. J'ai alors constaté, non sans satisfaction, que ce bain d'eau de mer favorisait sa bonne humeur. D'autant que son visage avait embelli, parcouru, sans que cela ne me surprenne, de minuscules taches de sel laissées par les embruns. Elle portait ses lunettes de soleil à monture argentée, marque à consonance italienne, offertes par son père, le professeur Gozzolli. Était-ce le moment de lui dire que cette paire de solaires ajoutait à son charme ? Ou étais-je trop intimidé pour déclarer une chose pareille, y compris à voix basse ? Pour lui dire quoi, en fait... ? que je l'aimais... ? que j'étais heureux d'être avec elle ? satisfait qu’ensemble, ces jours derniers, nous ayons laissé passer l’orage de notre récente dispute ?
Dans la foulée, j'ai commandé un apéritif, et nous avons pris place sous la verrière, dans le salon du jardin à plantes tropicales. Le serveur n'a pas tardé à réapparaître, son plateau à la main, porteur de nos deux apéritifs à base de vin pétillant, d'une lumineuse couleur orangée. Il a déposé les deux verres, accompagnés d'olives et d'une serviette grenat.
Luisa tenait le guide entre ses genoux, elle l’a consulté, puis annoncé : Aujourd’hui, c’est donc les temples, et demain, c’est Syracuse, après-demain Raguse. N’oublie pas, Melvil, nous nous étions promis Savoca. Toute personne normalement constituée, qui se rend en Sicile, visite Savoca. Qui ne connaît pas au moins le nom de ce village perché ? les marches de son église ?
La vérité énoncée par une menteuse devient mensonge. Quand on ment, on ne sait plus où est la vérité.
Les larmes ça ne sert à rien,c'est trop tard pour regretter,de toute façon ça ne change pas grand-chose...
Il est venu hier soir, a répliqué ma mère, donc...vous pouvez l'arrêter,il est venu,je vous dis.
L'interdiction d'approcher est levée, a répliqué le gendarme,quinze ans de bonne conduite, madame Rebernak,ça pèse dans la balance.
La file de visiteurs a progressé vers la billetterie. J’ai suivi Luisa : Et si j’émettais l’idée que tout ceci n’était qu’un ennui causé par le hasard ? Et si, à partir de notre débarquement, tout s’était joué pour que nous prenions cette route précisément ? pour que nous fassions halte devant ce snack-bar, et pas un autre ? Aurait-il donc fallu que je commette l’erreur, sans le savoir, guidé par une main invisible, de prendre l’embranchement sur la droite, qui ne conduisait nulle part ? Aurait-il fallu également qu’il se mette à pleuvoir et que la nuit tombe à cet instant ? Luisa, jetant un regard fuyant sur les visiteurs agglutinés dans la file d’attente, m’a prévenu : Stop ! s’il te plaît, Melvil, on ne parle plus de ça, on ne parle plus de rien, plus de journal, on visite, tu entends ?
En attendant, fallait quand même être gonflé pour déranger une brigade pour un chien assis au milieu de la cour, qui ne fait aucun mal, évidemment. Le brigadier a ajouté qu’il n’allait quand même pas mettre une amende au chien pour violation de propriété privée et pour tapage nocturne.
Luisa se demandait si tout cela finirait un jour, car ce n'était quand même pas trop difficile de décrocher un emploi, suffit d'en avoir envie. Tout est question de respect de ma personne, lui avais-je répondu. Mais Luisa avait rétorqué que tous ces postes, refusés par moi, m'étaient pourtant offerts sur un plateau d'argent.
Elle est sortie avec Dietrich dans le fond du jardin, mesurer la distance entre sa propriété et le clocher de l'hôpital Sainte-Croix, qui jouxtait la maison de retraite. Elle a aperçu le chien, puis son cousin assis sur son banc devant une cabane de jardinage. Elle a dit : "Il ne va quand même pas passer l'hiver dans cette cabane ? L'éducateur a répondu qu'on aménagerait l'endroit. Comme ça, il serait sur place pour travailler dans le potager de l'hospice. Elle a ouvert la barrière du fond. Ils ont traversé la nationale. Elle s'est approchée, le chien est venu à sa rencontre. Ils ont parlé, elle et son cousin. Elle a demandé à Freddy s'il ne préférait pas retourner d'où il venait. Ensuite elle lui a ordonné de ne pas approcher de la maison. Elle lui a dit : La frontière, pour toi, c'est cette route nationale. Interdit de passer cette ligne. Ni toi ni ton chien. Il a répondu oui.