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2.63/5 (sur 4 notes)

Biographie :

Vincent Roy est écrivain, critique littéraire et éditeur. Après un essai, Matzneff, l'exilé absolu et des nouvelles, il livre avec Les Corps virtuels, son premier roman.

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Vincent Roy
C’est l’enfance bien vivante dans la mémoire (une éclaircie), le grand cèdre du Jardin de Bordeaux (l’arbre est cette mémoire), c’est Anne, la soeur du narrateur, toujours là dans les rêves ou sur une photo d’autrefois qui n’est pas une image mais, précisément, une éclaircie : « Au fond, c’est simple : on arrive, ou pas, à jouer jusqu’au bout son enfance ».

« Le fait de devoir protéger le petit frère est quand même très présent. »
C’est l’été, maintenant, « le bord de mer, les courses dans le sable, le soir très rouge, les oiseaux, les routes, les chemins de campagne, nos peaux brûlantes, nos réconciliations troubles ». Anne adresse à son petit frère un sourire « au-delà du souci ». Ces deux-là, qui « ont été jetés côte à côte dans l’existence », se perdent (la vie), se retrouvent sur un ponton des Zattere à Venise, boivent, s’embrassent en profondeur. Bientôt Anne sera « emportée dans son mariage, son contrat d’enfants » « rideau des familles ». Et puis avant, encore, ils sont tous les deux à Barcelone, vont sur les Ramblas, au Cosmos, admirer les « belles putains propres et parfumées ». Anne est tentée d’en voir une en action. Mais non. Rien ne se passe. Pas plus que dans la Sérénissime. Là, sur le quai du Dorsoduro, « on aurait emprunté la grande route du sentiment et, par conséquent, des devoirs ». À Barcelone, c’est le narrateur qui refuse de monter : « J’ai eu tort, tout aurait pu être facile et gai ». On l’interroge : « Vous avez failli coucher avec votre soeur ? ». Il répond : « Mais oui, failli. Cette distance est sans mesure, préférable à un acte plus ou moins raté, sur fond de malédiction mythique ». Et il poursuit « A-t-elle pensé finir sa vie avec moi, ma soeur Anne ? Sans doute, en passant, fantasme furtif. Quelle femme n’a pas pensé transformer un homme en frère qui protège, paye, respecte votre corps, écoute et se tait ? Avec les maris, les amants, impossible, la blessure sexuelle est là, elle cicatrise mal. Mais le frère sensible et discret, celui des verts paradis des amours enfantines, celui qui ne vous ressemble pas mais a les mêmes yeux que vous ? » Quelle femme, en vérité, dirait le contraire ?
Anne est morte. Mais non, elle est bien vivante puisqu’il suffit au narrateur de voir le portrait intitulé Berthe Morisot au bouquet de violettes de Manet [1] pour qu’aussitôt elle lui apparaisse, à l’instar du modèle, « éblouissante de fraîcheur et de gaieté fine ». En somme, la voici, en noir « éclatant », comme dans le jardin d’enfance, « dans une éclaircie bordée d’ombre ». Le temps ne passe pas, il surgit, Sollers en apporte la preuve. Pour lui, le temps est un jardin, une clairière que les humanoïdes actuels, grands adorateurs inconscients de la mort, n’aperçoivent pas, car « ils ne peuvent pas entrer dans le noir vivant, c’est-à-dire le néant vivifiant qui les fonde ». Oui, le temps est une clairière : voyez Le Déjeuner sur l’herbe dont le vieux Picasso se sert pour rajeunir [2]. Mais restons sur le noir du portrait de Morisot. Qu’est-ce que Manet (personnage central, avec Picasso, de L’Éclaircie) a découvert dans ce noir ? « L’interdit qui dit oui ».


Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872.
« Berthe est la future belle-soeur de Manet,
« la très belle soeur » du peintre du désir incestueux. » Manet, Lola de Valence, 1862.
Comment ? Reprenons, vous allez voir (dans le noir), tout coïncide : Berthe est la future belle-soeur de Manet, « la très belle soeur » du peintre du désir incestueux. C’est clair, non ? Revenons à Anne : elle se réincarne. Voici la riche Lucie D. (l’argent tient son rôle dans ce roman politique), grande bourgeoise, collectionneuse de manuscrits, qui vient du Sud-Ouest (magie !), et dont le regard est aussi « révélateur » que celui de B. Morisot dans Le Balcon (toujours Manet) : Lucie est « ma soeur Anne, en effet, si cela avait été possible ». Entre le narrateur et Lucie (on pense au Lys d’or, « Folio »), là encore, le secret est de mise, les amants se retrouvent, pour se « désennuyer », dans un studio de la rue du Bac : « Je sais que personne ne me croira si je dis, une fois de plus, que le véritable amour exige une clandestinité stricte. Il suffit de s’organiser ». Entre Lucie et le narrateur, ce n’est pas le coup de foudre, mais le « coup de nuit » (toujours le noir), en plein jour « Dès ma première rencontre avec Lucie, une formule espagnole m’est venue à l’esprit : « los ojos con mucha noche », les yeux avec beaucoup de nuit. Les "coups de foudre" sont rares, les coups de nuit encore plus. Les tableaux où Lucie apparaîtrait, si j’étais peintre, devraient être envahis par l’intensité de ce noir sans lequel il n’y a pas d’éclaircie. Noir et halo bleuté. Tout le reste, robes, pantalons, bijoux, répondrait à ce noir, nudité comprise ». Ce coup de nuit est infilmable. C’est de la peinture. Tiens, à propos de peinture, le narrateur rêve de sa soeur Anne : « Nous sommes à Bordeaux, elle est entrée sans frapper dans ma chambre, elle me regarde avec un air de reproche, et s’en va, après quelques mots jetés en espagnol. C’est bien elle, ce n’est pas Lucie, la peinture sait comment intervenir dans les rêves. »

Qu’est-ce qu’une belle jeune femme, demande Sollers, « s’il n’y a pas un Manet ou un Picasso pour la voir ? » : « Une hypothèse ». Manet et Picasso sont des héros. On n’insistera jamais assez sur leur aspect grec : ces deux-là, nous dit le romancier, sont des sortes de dieux qui montrent, indiquent, font signe — à l’inverse de celui de la Bible qui commande. Il faut ici, à l’instar de Sollers, citer l’admirable Parménide de Heidegger pour tout comprendre « Les dieux sont ceux qui regardent vers l’intérieur dans l’éclaircie de ce qui vient en présence ». Comment s’appelle l’une des toiles les plus célèbres de Manet ? Olympia. Regardez-la vraiment et vous comprendrez pourquoi « cette star continue son travail au noir ».
Sollers peint une Éclaircie. C’est manifestement le peintre clandestin qui, aujourd’hui, a le meilleur coup de pinceau.
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Vincent Roy
Philippe Sollers fut enterré le 15 mai 2023. Dominique Rolin est morte le 15 mai 2012. Coïncidence ? Impossible. Signe des dieux ? Certainement. Dans L’Étoile des Amants (Gallimard, 2002), on peut lire ceci : « Les amants sont évidents, mais personne ne les remarque ». Et, un peu plus loin : « Tout doit servir à votre cause, drapeau noir, baie introuvable, signaux codés et discrets ». Voilà !

Sollers n’en finit pas de faire signe. Ceux qui l’ont connu le savent bien. Je l’ai connu en 1998, ou 1999. Qu’importe. Depuis cette date, la conversation court. Et la mort, dans cette affaire, ne changera rien. Sollers est là puisque je le lis. J’entends sa voix.

Il m’est difficile, aujourd’hui, de parler de lui. De nos déjeuners réguliers pendant 15 ans, de nos rencontres programmées, le soir, toujours à La Closerie, à 18h45 précises. De ma visite à l’Île de Ré. De mon voyage à Bordeaux, en sa compagnie. De nos si nombreux entretiens dont certains, rassemblés, forment un livre, L’Évangile de Nietzsche (Gallimard-Folio n°4804). De nos rires. Oh oui, de nos rires. Surtout.

Un soir, il y a trois ou quatre ans déjà, c’est l’été, il fait une chaleur de plomb, je passe une heure dans son bureau chez Gallimard à parler de Lautréamont puis nous allons prendre un verre. Au sortir de la « banque centrale », sur le trottoir, Sollers me lance : « Vite, de l’alcool, je n’en peux plus de Sollers ! ». Drôle de type, quand même, qui métabolisait le poison.

Je ne perds pas un ami car il m’a écrit, en 2017, que je l’étais, c’est immuable, comme les lois de la Nature. Je perds un maître. On pourra bien dire ce qu’on voudra, c’était le plus grand écrivain vivant.
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