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Critiques de Victor Lavalle (39)
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La ballade de Black Tom

Dans le New York de l’entre deux guerre, des années 20, Charles Thomas Tester, un noir de Harlem, vit de petits boulots plus ou moins légaux, et joue du blues avec sa guitare, ce n’est pas le meilleur musicien qui soit. Un riche et étrange personnage de Brooklyn, va lui proposer un contrat juteux, où sa musique ne sera pas précisément l’objectif. J’ai aimé cette incursion dans l’étrange et le fantastique, c’est bien écrit, bien mené. J’ai découvert qu’il s’agit d’une variante sur le thème de “Horreur à Red Hook” d’H.P. Lovecraft. Je n’ai pas lu cette nouvelle et je me contenterai bien de cette version, ne supportant pas trop l’écriture de Lovecraft. L’incursion dans le blues apporte ici une couleur particulière, une atmosphère riche, la confrontation avec le fantastique fonctionne à merveille et les personnages sont bien abordés, leur évolution dans l’histoire est impressionnante, que ce soit Charles Thomas Tester ou l’inspecteur Malone. L’histoire commence doucement pour finir en une apothéose sombre et inquiétante et c’est parfaitement rythmé. C’est une lecture que j’ai appréciée, ce court roman m'a presque réconcilié avec H.P Lovecraft, ou je devrais plutôt dire : Lovecraft c’est pas mal quand c’est écrit par un autre.
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La ballade de Black Tom

Je suis passée un peu à côté de ce petit roman de fantastique... L'époque et le thème du racisme dans les années 20 aux Etats-Unis avait tout pour me plaire mais j'ai eu l'impression de ne pas avoir pu raccrocher les wagons de l'histoire ensemble, ça m'est restée décousu. Est-ce le manque de références à d'autres oeuvres qui m'a empêchée d'apprécier...?
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La ballade de Black Tom

Encore bravo aux éditions Bélial : le treizième opus de leur collection Une heure-lumière est à nouveau une réussite. Elle permet de faire découvrir Victor Lavalle, jusqu'alors jamais traduit en français.



La Ballade de Black Tom se déroule dans le New-York des années 1920. Charles Thomas Tester est un jeune homme noir de vingt ans qui réside à Harlem avec son père usé par la vie et la perte de sa femme. Tom est un gars débrouillard et sympathique, pas tout à fait escroc mais pas totalement innocent non plus. La livraison d'un livre ésotérique rare chez une mystérieuse vieille femme d'un quartier blanc huppé va le conduire sur un chemin dangereux où il deviendra Black Tom.



Cette novella de qualité s'inspire de Horreur à Red Hook de Lovecraft. Celui-ci est décidément à la mode car les ouvrages reprenant ses monstres et ses thèmes ne se comptent plus dans les parutions actuelles.

Ici Victor Lavalle semble croiser le fer avec  l'écrivain de Providence bien connu pour son racisme et ses ignominieuses descriptions des populations qu'il exécrait. Victor Lavalle, fils d'une immigrée ougandaise, développe le thème du racisme à travers les péripéties de son héros noir. Sortir de Harlem et franchir les limites des quartiers blancs s'avèrent risquées et ne passent pas inaperçu. Tom est d'emblée soumis à suspicion du fait de sa couleur de peau. Le romancier utilise les arguments de Lovecraft en les plaçant notamment dans la bouche de policiers ou détective blanc pour mieux dénoncer la ségrégation et le racisme général à l'encontre des Noirs et de tous les nouveaux migrants à la peau trop basanée au goût de certains.



Injustice et racisme conduisent Tom sur le chemin du surnaturel et de la vengeance. La novella se lit très vite par envie de savoir, de se plonger dans une atmosphère particulière oscillant entre le réalisme cru du quotidien des gens de Harlem et les mystères occultes menés dans l'ombre. C'est très bien écrit et mené. Ne reste plus qu'à espérer que ce premier titre traduit de Victor Lassalle sera suivi d'autres tant son style mérite d'être suivi.



Un grand bravo également à Aurélien Police, en charge de la conception graphique de la collection Une heure-lumière. La couverture de La Ballade de Black Tom est très réussie et rend parfaitement la teneur du roman, sombre, gothique et lovecraftienne.
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La ballade de Black Tom

Une expérimentation littéraire audacieuse et bluffante



Véritable réécriture, pratiquement au sens propre, de L'horreur de Red Hook de H.P. Lovecraft, La ballade de Black Tom ne se contente pas de participer à la récente vague littéraire combinant hommage et critique de l'oeuvre du natif de Providence via la place qu'elle donne à un noir dans un roman qui prend le même cadre que (et le contre-pied de) la nouvelle la plus raciste du Maître. Cet aspect social n'est en fait que l'arbre qui cache la forêt, l'intérêt profond du texte se trouvant en fait dans sa structure de base et dans l'expérimentation littéraire qu'il représente, véritable piratage de l'ADN de la nouvelle lovecraftienne dont il propose une interprétation inédite et plus profonde, faisant presque de Lovecraft un narrateur non-fiable. A cet égard, la lecture antérieure du texte d'H.P.L me paraît être une nécessité pour pleinement saisir la dimension et toutes les couches du roman court de LaValle. En tout cas, je ressors impressionné par la lecture combinée des deux textes (on peut d'ailleurs se demander s'il n'aurait pas été intéressant de les proposer dans le même ouvrage, à la suite), et recommande vivement ce nouvel opus de la collection Une heure-lumière qui, à mon avis, se place parmi ses textes les plus magistraux et indispensables pour le lecteur qui exploitera complètement l'intertextualité.



Ce qui précède n'est qu'un résumé : retrouverez l'analyse (très) détaillée sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.com/..
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La ballade de Black Tom

La collection Une Heure Lumière du Bélial' continue son bonhomme de chemin en proposant au lectorat français toujours plus de textes courts de qualité, souvent primés et écris dans la majorité des cas par des auteurs étrangers. Treizième de la collection, « La ballade de Black Tom » ne fait pas exception à la règle et permet de découvrir un nouvel auteur (américain, cette fois) puisque Victor Lavalle n'avait jusqu'à présent jamais été traduis chez nous. Sa novella s'inscrit dans un courant littéraire à la mode en ce moment qui consiste à réadapter des textes de Lovecraft tout en remettant en question la place des minorités dans son oeuvre. Après Kij Johnson et sa « Quête onirique de Vellitt Boe » (adaptée de « La quête onirique de Kadath l'inconnue ») qui proposait une réflexion intéressante sur la place des femmes dans le monde de l'auteur, Victor Lavalle revient pour sa part sur le texte de Lovecraft qui a sans doute la plus mauvaise réputation : « Horreur à Red Hook ». Cette réputation négative, elle tient d'abord à la qualité purement littéraire du texte qui, selon son auteur lui-même, ne figure clairement pas parmi ses meilleures oeuvres. L'autre raison pour laquelle la nouvelle est tenue en aussi piètre estime vient de son caractère résolument raciste, Lovecraft l'ayant écris après son installation dans un quartier cosmopolite de New-York, moment de sa vie qu'il a très mal supporté. Je n'ai personnellement pas eu l'occasion de lire le texte d'origine, et je vous avoue que je n'en ai pas spécialement envie compte tenu des quelques extraits nauséabonds auxquels j'ai pu avoir accès. Néanmoins si vous voulez un avis concernant « Horreur à Red Hook » vous pouvez vous reporter à l'article d'Apophis qui, lui, a eu le courage de se farcir la nouvelle originale.



L'univers n'a ici (presque) rien à voir avec les Contrées du rêve de Lovecraft, le récit surfant davantage sur le fantastique horrifique que sur la fantasy. L'action se situe à New-York dans les années 1920, où on fait la connaissance d'un certain Charles Thomas Tester, un jeune noir qui vit avec son père dans un petit appartement d'Harlem. Débrouillard, celui que tout le monde surnomme « Tommy » arpente le quartier à la recherche de petites combines qui lui permettent d'entretenir sa famille... quitte parfois à se retrouver confronté à des personnes très étranges. Tout bascule le jour où, alors qu'il jouait dans la rue, un vieil homme du nom de Robert Suydam lui propose de l'engager le temps d'une soirée dans sa maison cossue située dans les beaux quartiers. En dépit de l'étrangeté du vieillard et de sa proposition, Tommy accepte et se retrouve entraîné dans un terrible engrenage. le texte est décomposé en deux parties : la première est racontée selon le point de vue de Charles Thomas Tester, la seconde selon celui d'un certain Malone, inspecteur de police qui va, pour son plus grand malheur, croiser le chemin de « Black Tom » et Suydam. Nul doute que les lecteurs connaissant la nouvelle d'origine seront capables de repérer et d'interpréter l'ensemble des références distillées dans le texte par Victor Lavalle. Néanmoins, pour ceux qui, comme moi, ne connaîtraient pas l'oeuvre de Lovecraft, le plaisir de lecture reste très vif. L'auteur nous offre en effet un texte glaçant, qui séduit avant tout par son ambiance oppressante, presque malsaine lors de certaines scènes. Difficile de ne pas être tenté de dévorer la nouvelle d'une traite, tant l'atmosphère étrange qui imprègne cette ville de New-York exerce une fascination presque irrésistible sur le lecteur.



Le second gros attrait de l'ouvrage tient à la manière dont Victor Lavalle transforme un texte résolument raciste en une nouvelle qui rend compte et dénonce la condition des Noirs dans les États-Unis de l'époque (situation qui mériterait malheureusement toujours d'être améliorée aujourd'hui). A travers le parcours de « Black Tom », le lecteur se trouve ainsi directement confronté aux humiliations et aux injustices subies par les personnes de couleur. Les Noirs sont ainsi tenus de rester dans leur quartier (le personnage se fait interpeller dans les transports en commun ou toiser par les passants (quand ce n'est pas pire) dès qu'il s'éloigne d'Harlem) ; ils ne peuvent absolument pas compter sur la police (pour qui ils ne forment de toute façon qu'une seule et même masse indistincte) de même que sur une quelconque protection sociale ou juridique (le père de Thomas en a fait la difficile expérience en tant que maçon). Cette ségrégation est d'autant plus durement ressentie par le lecteur qu'il apprend à connaître au côté de Tommy les réflexes développés par la plupart d'entre eux pour ne pas se faire remarquer des Blancs ou ne pas alimenter leur colère. Là où Victor Lavalle fait fort, c'est qu'il réutilise les arguments développés par Lovecraft pour stigmatiser les populations noires et s'en sert justement pour faire passer le message inverse. Mises dans la bouche des Blancs auxquels le héros se retrouve confronté, des phrases telles que « Décidément, ces gens ne sont pas comme nous. Ç'a été scientifiquement prouvé. » ou « Pas étonnant qu'ils puissent vivre de cette manière » ne véhiculent alors plus une idéologie raciste mais servent au contraire à la dénoncer.



Victor Lavalle signe avec « La ballade de Black Tom » une excellente nouvelle qui parvient à rendre hommage à l'oeuvre de Lovecraft tout en retournant habillement la vision donnée par l'auteur des populations noires. Bourré de références (que les connaisseurs de Lovecraft saisiront certainement mieux que moi), le texte séduit aussi et surtout par son ambiance résolument oppressante ainsi que par la qualité de la plume de l'auteur. Une belle réussite.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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La ballade de Black Tom

« La ballade de Black Tom ». En voici l’amorce qui ne soulèvera que peu d’éléments du récit :



Le New-York des années 20.

La ségrégation s’impose avec férocité.

Harlem, Brooklyn, le Queens … etc.

Quartiers ghettos noirs où la précarité règne. Quartiers blancs au goût de paradis. Un mur, virtuel, entre les deux. Les flics patrouillent en Ford T et font tampon. Ils protègent les plus forts des plus faibles. Dichotomie à contraste accentué, l’argent et le luxe pour les uns, la dèche pour les autres. La vie à pile ou face sur la simple couleur de peau.



Charles Thomas Tester, 24 ans, traine une six cordes acoustique en bandoulière. Voix sans âme et instrumentiste besogneux. En tant que musicien de studio: pour lui pas d’embauche, les oreilles des autres lui bottent le train arrière. Malin et débrouillard, il fait la manche, chantant et grattant les cordes, sur les trottoirs des quartiers limitrophes où son absence de talent ne trompe que les blancs. Tombent tombent les pièces dans son chapeau renversé aux pieds des immeubles en promesse de gratte-ciel. Sa vie bascule quand il est embauché le temps d’une soirée par Robert Suydam, un vieil homme blanc et riche, adepte de sciences occultes. L’attendent les horreurs lovecraftiennes que vous avez tous et toutes croisées.



Thomas F. Malone, flic de son état, blanc, dans le sillage policier de Suydam, filatures et enquêtes diverses. Il y croise les pas de Charles Thomas Tester déjà deux doigts dans l’Ailleurs. Bienvenue en HPL Land, ses codes, ses atmosphères où rôde sans fin ce que l’on ne distingue ni n’explique que vaguement, une boule de terreur au fond de la gorge.



Les deux personnages sont en quête de leurs destins croisés. Ils vous y attendent. En compagnie de Black Tom. Mais qui est ce dernier ?



La présente chronique n’a pas été facile à écrire : « La ballade de Black Tom », malgré sa brièveté (143 pages), ne manque pas d’éléments à mentionner pour chercher à aller plus loin que sa simple lecture, de particularismes singuliers et charmants qui en font tout le charme ... le concernant tout est dans les détails.



Je vais essayer de faire court …Mdr.



Victor Lavalle est un auteur tout neuf, tout nouveau en France. 4 romans et un recueil de nouvelles déjà parus ailleurs. Le voici présenté, pour sa première publication hexagonale, dans la collection « Une Heure Lumière » chez Le Belial Ed. qui a eu l’idée saugrenue en ces temps de crise, mais apparemment justifiée au regard des résultats et de sa longévité inattendue, d’avancer sur le terrain des novelas de Science-Fiction et de Fantastique proposées sous un bel emballage. La série en est à sa 24ème publication (juillet 2020) et semble drainer à sa suite un bon nombre d’afficionados (et quelques réticents). J’y avais lu «Les attracteurs de Rose Street » de Shepard qui m’avait laissé assez satisfait. Je m’étais promis d’y revenir si ce n’est que le prix … (refrain connu me concernant). Qu’ici soit remercié quelqu’un qui se reconnaitra et qui, à titre de réciprocité à venir, m’a permis de m’affranchir de l’obstacle.



L’auteur, Victor Lavalle, dédicace en page 9 la présente novela comme suit: « A H.P. Lovecraft avec tous mes sentiments contradictoires » … car c’est bien de çà dont il s’agit ici tant le Reclus de Providence est dans l’air lovecraftien que le récit véhicule; tant Lavalle s’y montre échafaudant un hommage à HPL couplé à une critique douce mais palpable de certaines de ses considérations raciales, entre refus de ce qu’a parfois écrit le Maitre et vénération pour ce qu’il a imaginé, en un positionnement qui s’apparente à la nécessité de l’exorcisme. C’est du moins ce que j’y pressens au regard de la mode actuelle des récits qui revisitent Lovecraft, ses mondes obscurs et sa manière.



Compliqué ? Oui et non. Je m’explique:



Victor Lavalle est noir, Lovecraft, beaucoup moins. Mais çà, les fans du « Reclus » le savent depuis longtemps, à force de l’avoir lu s’auto-positionner socialement de manière discutable. Sa plume, via Providence, s’en est fait l’écho, à longueur de nouvelles, novelas et romans. Mais bon, on lui pardonne : la fascination que l’on ressent à son égard est ailleurs : lorsqu’il entrebâille l’Ailleurs sous nos pieds, dans nos caves obscures et sonores, derrière nos murs et leurs papiers-peints décollés où les couches de salpêtre humide griffent les parois, au-delà de portes titanesques dévoilant les abysses insondables qui laissent entrevoir des entités menaçantes.



Au-delà de cette gêne (voire crispation coléreuse) à sentir Lovecraft raciste et antisémite, l’auteur d’origine ougandaise s’est nourri de sa Mythologie des Grands Anciens. Naitra « La ballade de Black Tom » à cheval entre lumière et obscurité. Tout du long des 143 pages de la novella on sent le « oui, mais » qui pose à plat et retricote. Il y décrit le racisme ordinaire qui courbe les échines et fait baisser les regards devant l’homme blanc. Il y prend le contre-pied du positionnement d’HPL et c’est salvateur.



Nous avons ici affaire à la réécriture totale d’une nouvelle de Lovecraft. Son titre : « L’horreur de Red Hook » (je ne l’ai pas lu, je ne l’ai pas en stock mais elle est écoutable sur You Tube) ; elle est parue en 1927 dans Weird Tales. Passant pour être une des plus polémiques de son œuvre, Victor Lavalle s’en empare, la pose à plat et la retricote, usant de ses propres mailles et de son propre style, s’échappant de celui reconnaissable entre mille de son initiateur. Il offre une bonne part de l’intrigue à son chanteur noir, reconfigurant les faits relatés au regard de son ressenti d’homme noir, à sa manière, à l’aune de sa vérité. Que les choses soient enfin claires, que le lecteur juge, qu’il décide qui de lui ou de Lovecraft est le plus crédible.



Au final, percevant à minima cette « ballade » comme un récit fantastique traditionnel bien mené et bien écrit, ou du moins dans la bonne lignée lovecraftienne, je lui trouve en bonus son intérêt principal dans le contrepied, la réécriture, la mise en avant d’un angle nouveau. Je suis prêt pour un autre voyage de la même eau, le principe me plait au moins au titre de curiosité.




Lien : https://laconvergenceparalle..
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La ballade de Black Tom

Sous une anodine ballade dans les rues de Harlem, Victor Lavalle dynamite les apparences. Et ceux qui en font leur miel.



Charles Thomas Tester aurait pu avoir une vie normale comme tant d'autres. Mais il traine une sacré casserole dans cette Amérique des années 1920 : il est noir !



Cette novella peut se lire comme un simple récit fantastique, réussi qui dose très finement la montée dramatique. L'atmosphère est bien rendue, on est dans les pas du personnage, visitant ces quartiers malfamés, ou huppés dans une ambiance jazzy. Les personnages sont bien campés, tout en nuance.

Nous suivons la ballade d'un jeune noir qui survit grâce à quelques combines. Jusqu'au jour où il va croiser la route d'un vieillard qui ne se laisse pas abuser par l'habit... Peu à peu, l'auteur égrène quelques notes de magie, noire, d'occultisme et de réalité pervertie pour en milieu de récit changer de point de vue et nous offrir un autre regard.



On peut aussi lire ce texte de manière politique. Et c'est la cerise sur le gâteau.

Qu'elle soit vestimentaire, physique ou morale, l'apparence est un des maitre mot de ce texte. Charles Thomas Tester n'est pas dupe de cet état de fait, joue le Noir devant le Blanc, devant le flic. Il est débrouillard, alors se faire passer pour une personne que l'on est pas, tenter de devenir invisible dans un quartier où être noir est un affront...

Le remerciement de Victor LaValle en début de texte "À H.P. Lovecraft, avec tous mes sentiments contradictoires" suffit en une économie de mots à rendre à Paul ce qui lui revient, mais c'est surtout un bon coup de genou dans les roubignoles de l'écrivain de Providence. En ces temps de Lovecraft-mania, salutaire!

Un texte aussi très actuel sur le ressenti des fils d'immigrés qui ont vu leurs parents trimer pour une misère, en devant baisser la tête pour unique prime.

Bref, une novella sociologique qui parvient à en dire beaucoup plus qu'un essai sur la condition des immigrés et des inégalités, tout en préservant le plaisir de lecture.



Cependant, malgré une montée en tension réussie et un regard social réaliste, La Ballade de Black Tom n'est pas un texte qui me restera longtemps en mémoire. J'ai trouvé le récit fantastique assez convenu somme toute. Je n'ai pas grelotté sous ma couette, ni sursauté.

Une belle ballade, certes, pas inoubliable. Mais tout à fait recommandable, pas comme certains textes d'un certain auteur...
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La ballade de Black Tom

1924. Charles Thomas Tester, la vingtaine, vit dans Harlem de petits expédients et s’avère un musicien sans talent et sans oreille (il possèdent ses deux appendices de chair), un comble quand nous considérons ses origines et le milieu pauvre mais musical dans lequel il a été élevé. Sa mère était un chanteuse à la voix chaude et mélodieuse, son père, maçon de profession, maniait aussi bien la guitare que la truelle. Ce dernier a perdu son travail à la suite d’une mauvaise blessure, demeure dans l’appartement familial à pleurer sa défunte épouse et s’inquiéter sur l’avenir de son fils.



Otis, souhaiterait le voir reprendre le flambeau et chercher un travail plus stable au lieu de se contenter de quelques larcins, souvent en infraction avec la légalité. C’est lors d’une de ces missions qu’il est amené à flirter avec les dessous les plus sombres de Harlem et de ses environs. Il doit transporter un livre pour une dame dans le quartier voisin et pour une très jolie somme. Il s’agit du Grand Alpahbet, un codex très particulier…



Ce jour-là, le cours de son existence bascule. Non pas en raison de la vieille dame qui a acheté le codex, mais parce qu’il croise la route de Robert Suydam, un « illuminé » fan de sciences occultes. Celui-ci l’invite à venir jouer pour une soirée contre une somme faramineuse. Quelques minutes après cette rencontre, c’est l’inspecteur Malone qui l’interpelle au sujet de ce personnage bizarre.



Victor LaValle nous fait découvrir une Harlem de 1924 a l’ambiance tout à fait saisissante, une précarité « intrinsèque » à ce quartier, vivant replié sur lui-même avec ses lois et ses habitudes propres, ses clubs louches et accueillants, la musique à chaque coin de rue, sa délinquance, un ADN puissant.



Au-delà, il s’agit de la transformation d’un jeune homme s’émancipant par rapport aux autres, sa couleur et lui-même. Cette plongée happe le lecteur dans un univers aux franges de la réalité, aar les forces mises en œuvre dans cette novella n’ont rien de bienveillantes. Suydam souhaite réveiller un Roi. Un Roi sombre, puissant.

critique plus complète sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2017/1..
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La ballade de Black Tom

Victor LaValle propose avec cette novella un nouvel éclairage (et un contrepoint) sur les événements odieux relatés par Lovecraft dans son (médiocre) récit de « l'horreur à Red Hook ». À travers l'exposition des conditions de vie des Noirs et des immigrés dans le New York des années 1920 et des conséquences qui en résultent, il révèle que le véritable monstre n'est pas celui qu'imaginait Lovecraft mais plutôt les préjugés dont – comme beaucoup d'autres à cette époque – il était la proie.



Ce récit me rappelle, par sa thématique, davantage Clive Barker que Lovecraft, ce qui est bien sûr loin d'être un défaut. Peut-être manque-t-il encore à LaValle un peu de talent pour nous faire frémir lors des scènes horrifiques, mais son texte n'en est pas moins fort réussi.
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La ballade de Black Tom

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec cette novella qui est, d’une certaine façon, à la fois un hommage à l’univers de Lovecraft, mais aussi une réponse au racisme du maître de Providence. Victor Lavalle nous offre ainsi un récit maîtrisé dans son intrigue, ses révélations et ses surprises, qui offre une ambiance qui monte lentement en tension et en angoisse, poussant ainsi le lecteur à tourner les pages avec l’envie d’en apprendre plus. La narration à deux narrateurs est efficace et permet d’offrir deux points de vues, deux visions différentes. L’univers construit réutilise de façon solide et efficace les codes Lovecraftiens, mais surtout gagne en intérêt dans la toile de fond qu’il dessine. Cette musicalité qui s’en dégage, mais aussi ce New York des années 20 à la fois fascinant, mais aussi glaçant par tout ce qu’il soulève comme réflexion sur la place de chacun le racisme ou encore la haine. L’auteur nous propose des personnages complexes, efficaces et fascinants à découvrir et à suivre. Qu’ils soient bons ou mauvais, ils ne manquent pas d’attraits à travers leurs envies, leurs quêtes ou leurs peurs. Je regretterai peut être une transition entre les deux parties un peu abrupte avec une ellipse légèrement frustrant, ainsi qu’une seconde partie peut-être un chouïa plus rapide que la première, mais rien de dérangeant tant j’ai passé un très bon moment de lecture. La plume de l’auteur est entraînante, efficace, soignée et je lirai sans soucis d’autres écrits de Victor Lavalle.



Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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La ballade de Black Tom

On ne présente plus l’excellente collection Une heure lumière éditée par Le Bélial dont La ballade de Black Tom est la 13ème parution. Ce roman court à la superbe couverture signée Aurélien Police fait partie d’un courant littéraire reprenant ou s’inspirant de textes de Lovecraft mais en donnant une place plus importante aux femmes et aux personnes de couleur. On sait en effet le peu de cas qu’avait le maître de Providence pour eux.



La quête onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson publiée également chez Le Bélial s’inscrivait dans ce même courant. Kij Johnson avait choisi comme support La Quête Onirique de Kadath L’Inconnue en ayant comme personnage principal une femme professeure d’université. Victor Lavalle a pour sa part choisi de mettre en cause le côté raciste de Lovecraft en partant d’un texte très controversé et un peu moins connu de l’écrivain, L’Horreur à Red Hook écrit en 1925. Cette nouvelle de H. P. Lovecraft a été écrite quand l’auteur a vécu à New York, ville qu’il a purement détestée. Lovecraft a vécu dans le quartier de Red Hook et son horreur pour la ville et ce quartier en particulier transparait dans la nouvelle de manière abjecte. Ce texte est un des plus odieux de l’écrivain où l’on voit son rejet de tout ce qui n’est pas comme lui. Le dégoût des grandes villes est presque palpable dans la nouvelle. Autre fait à savoir concernant ce texte, est qu’il ne s’inscrit pas dans le fameux mythe de Cthulhu, il y a des références occultes mais au culte de Lilith et on n’y parle pas de grands anciens.



Victor Lavalle, qui est un romancier noir américain vivant à New-York, a décidé de réécrire la nouvelle de Lovecraft à sa manière. Il s’agit bien de réécriture et non d’une inspiration, car on retrouve les mêmes événements ainsi que les mêmes personnages dans les deux textes. La trame générale est semblable, les recherches occultes de Robert Suydam, cependant Victor Lavalle a modifié le déroulement de certains faits et a fait de personnages très peu présents dans le texte de Lovecraft, des personnages centraux. Dans L’Horreur à Red Hook, des musiciens de rue et également des détectives sont mentionnés. Chez Victor Lavalle, le personnage principal est un musicien de rue et un dénommé M. Howard, un détective. D’ailleurs ce dernier a des opinions racistes fortement marquées et apparait comme plutôt détestable.



La ballade de Black Tom est divisé en deux parties: la première est consacrée à Charles Thomas Tester, tandis que la seconde s’attache plus particulièrement à l’inspecteur Malone. Charles Thomas Tester est une jeune homme noir vivant à Harlem avec son père. Il aime particulièrement la musique et se promène toujours avec un étui à guitare même s’il n’est pas particulièrement doué au chant. Il arrive à gagner un peu d’argent avec diverses petites magouilles. Il va faire la connaissance d’un étrange individu, Robert Suydam, un homme riche féru d’occultisme. Les héritiers de Suydam ont demandé deux hommes pour surveiller le vieil excentrique et éviter que sa fortune ne disparaisse avant sa mort: le détective Howard et le policier Malone. C’est là que le récit rejoint celui de L’Horreur à Red Hook consacré aux recherches ésotériques de Suydam qui abandonne sa belle maison pour aller vivre dans le quartier de Red Hook, plus propice à ses recherches.



La seconde partie du roman est un peu moins intéressante que la première. L’auteur prenait le temps d’installer un climat autour de la musique et de la magie et de nous présenter les lieux et les personnages. Au contraire le rythme s’accélère dans la seconde partie, où quelques détails supplémentaires sur les événements auraient été bienvenus. La transition entre les deux parties est un peu brutale. Malgré tout, cela ne nuit pas à l’histoire qui reste très prenante.



L’Horreur à Red Hook ne contenait aucune mention de grands anciens ou de quoi que ce soit à tentacules aimant passionnément les océans. La trame était très simple et la nouvelle assez courte. Victor Lavalle a choisi de changer cela et de rattacher son histoire à la mythologie de Lovecraft en parlant d’un « Roi endormi » rêvant de revenir dominer les humains. C’est vraiment une brillante idée qui renforce la puissance du récit.



Un autre point à souligner dans ce roman, c’est bien entendu ce qui a motivé son écriture, le racisme. Bien entendu, le choix de prendre pour personnage principal un homme noir n’est pas anodin. Cependant, on trouve dans le récit des faits qui sont à rapprocher de tristes faits divers se produisant malheureusement de nos jours encore aux États-Unis par exemple. L’auteur ouvre ainsi son propos en ne parlant pas que de ce problème chez Lovecraft et offre un récit vraiment glaçant, et pas vraiment à cause des tentacules mais à cause du comportement humain.



La ballade de Black Tom est donc une parfaite réussite. On peut apprécier sa lecture sans connaitre la nouvelle de Lovecraft. Cependant, on perd alors une dimension importante du texte. Le roman est vraiment bluffant par la réécriture de la nouvelle d’origine et par ses choix narratifs. Il est assez court mais aborde beaucoup de thèmes. Victor Lavalle arrive à rendre son récit particulièrement glaçant tout en le rattachant à la mythologie créée par Lovecraft et à la dépasser. C’est véritablement épatant!
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La ballade de Black Tom

NO LIVES MATTER







L’impressionnante (et quelque peu effrayante, à vrai dire) vague de publications lovecraftiennes ou para-lovecraftiennes-truc de ces dernières années a pu emprunter bien des avatars, mais un sans doute attire plus particulièrement l’attention : la relecture critique de l’oeuvre du gentleman (eh ?) de Providence, à l’aune d’une Amérique (notamment) qui change, espérons-le, mais n’a en tout cas longtemps pas assez changé. De fait, l’accent mis sur les côtés les plus déplaisants du personnage – son racisme et son antisémitisme au premier chef, on parle aussi de sexisme et d’homophobie même si ces questions appellent peut-être des réponses davantage nuancées –, maintenant que sa biographie est plus assurée et que les silences gênés de certains de ses anciens éditeurs ne sont plus de mise, a assez logiquement débouché sur des textes, peut-on encore parler de pastiches, qui inscrivent/révèlent (peut-être avec des guillemets ?) dans le corpus lovecraftien même les hantises, les phobies, les haines, les absences de l’auteur, qui n’en manquait certes pas. Ceci avec plus ou moins de pertinence, et plus ou moins d’intérêt – car l’idée critique, aussi solidement étayée soit-elle par les faits les plus affligeants de la biographie ou de la bibliographie de Lovecraft, et pertinente à maints égard, ne suffit pas forcément à faire un bon récit, si elle peut suffire à faire un bon pamphlet.







Assez récemment, je vous avais ainsi causé de La Quête onirique de Vellitt Boe, de Kij Johnson, qui, à l’heure de #MeToo entre autres, féminisait (et diversifiait ?) une œuvre lovecraftienne cruellement lacunaire, et c'est peu dire, en matière de personnages féminins, en adoptant le prisme des Contrées du Rêve et en le dépouillant au passage d’une certaine immaturité fondamentale. Cependant, je n’avais pas été vraiment convaincu : un bon personnage et un propos juste n’avaient pas suffi à m’emballer, car j’avais bien trop le sentiment d’une autrice oubliant de raconter quelque chose derrière son message.







Le même éditeur, Le Bélial’, a récidivé plus récemment, mais dans le cadre de sa belle collection « Une heure-lumière » cette fois, avec La Ballade de Black Tom, novella de Victore LaValle (dont c'est le premier texte traduit en France, sauf erreur) bardée de prix, qui revisite la (mauvaise) nouvelle « Horreur à Red Hook » à l’heure entre autres du mouvement Black Lives Matter ; c’est un fait, le rêve de Martin Luther King ne s’est pas exactement réalisé, et il y a encore bien du boulot – je laisse Mr Ice-T vous expliquer tout cela, ici, là, et encore ailleurs. Victor LaValle, auteur afro-américain, revient ainsi sur une nouvelle de Lovecraft notoirement raciste, en adoptant le point de vue des Noirs (mais pas seulement). En ce sens, la démarche me paraît assez proche de celle de Kij Johnson – mais, à mes yeux, le résultat est cette fois bien plus convaincant, et le livre, orné comme d’hab’ d’une belle couverture d’Aurélien Police (woop-woop !) (…) (pardon) (mais y a un lien) (si si) (voyez plus haut) (aheum), le livre disais-je est cette fois tout à fait recommandable et même bien plus que ça sans doute. Penchons-nous donc sur ce texte très intéressant, dédié « à H.P. Lovecraft, avec tous mes sentiments contradictoires ».







THE RACISM AT RED HOOK







Mais il nous faut donc partir de la nouvelle de Lovecraft « Horreur à Red Hook » – dont la (re)lecture est fortement recommandée avant ou pendant ou après la lecture de la novella de Victor LaValle : celle-ci n’est pas à proprement parler « incompréhensible » sans cela, mais, le jeu littéraire étant affiché sans la moindre ambiguïté, la méconnaissance du texte source risque de faire passer à côté d’un certain nombre de choses d’un intérêt non négligeable.







Écrite les 1er et 2 août 1925, « Horreur à Red Hook » est publiée dans le numéro de janvier 1927 de Weird Tales. Et c’est une période charnière pour Lovecraft – dont le mariage improbable avec Sonia Greene prend vite l’eau, tandis que son séjour à New York, de merveilleux, devient cauchemardesque, et tout cela n’est probablement pas pour rien dans le tournant que connaît parallèlement la production littéraire de Lovecraft, avec une nouvelle écrite un an seulement après « Horreur à Red Hook », mais autrement réussie : « L’Appel de Cthulhu », qui inaugure la phase la plus enthousiasmante du corpus lovecraftien. À l’époque, si je ne m’abuse (je crois qu’il y en a quelques exemples dans A Weird Writer in Our Midst), « Horreur à Red Hook » s’attire quelques louanges dans « The Eyrie », le courrier des lecteurs du fameux pulp, mais Lovecraft lui-même ne se faisait guère d’illusions sur ce texte, qu’il jugeait lui-même « pas très bon », et la critique ultérieure a été unanime à ce propos, et plus vigoureuse ; de fait, ce texte est atrocement mauvais…







Il a pourtant sa célébrité. On en a fait « la nouvelle la plus raciste de Lovecraft ». Elle est assurément raciste, horriblement raciste ; cependant, si cette réputation fait sens dans le cadre de la novella de Victor LaValle (qui n’a certes pas choisi son sujet au hasard), je ne suis pas certain qu’elle soit vraiment très pertinente dans l’absolu. Déjà parce qu’il y a un certain nombre d’autres textes lovecraftiens horriblement racistes – même sans se livrer à un absurde concours de « la nouvelle la plus raciste » (et encore, je m’en tiens ici à la fiction – la poésie et les essais et la correspondance, je vous raconte même pas) ; on peut citer par exemple « La Rue » (un pamphlet d’une stupidité abyssale), ou la (ridicule, à ce stade) révision « La Chevelure de Méduse » (même s’il semblerait que, pour cette dernière, les torts soient partagés avec la « commanditaire », Zealia Bishop) ; probablement aussi « Arthur Jermyn », un chouia moins mineur… mais aussi des textes bien plus connus, lus et relus et à bon droit car brillants, tels « Le Cauchemar d’Innsmouth »… ou, oui, « L’Appel de Cthulhu ».







En fait, j’ai le sentiment que cette approche (encore une fois, en dehors du cadre spécifique de la novella de Victor LaValle) peut avoir quelque chose d’assez pernicieux, lié peut-être à une forme de puritanisme très américaine, s’offusquant parfois de la façade sans chercher vraiment dans le fond. « Horreur à Red Hook » a gagné cette réputation de « nouvelle la plus raciste de Lovecraft » parce qu’elle est ouvertement, frontalement raciste – l’auteur en pleine crise, à mesure que son séjour new-yorkais se prolonge, s’y livre notamment à une navrante litanie des maux d’ordre quasi médical imputés au melting-pot du quartier de Red Hook (associé à Brooklyn où il vivait), dans une nouvelle outrée, explicite, débordant de peur et de haine pour ces immigrés clandestins qui suintent dans les rues, une menace pour les « Norvégiens aux yeux bleus » (putain, Howard-chou, quand même...), avec dans leurs valises leurs rites impies et sanglants d’une antique et blasphématoire sorcellerie.







Mais, à tout prendre, « L’Appel de Cthulhu » ne raconte pas forcément autre chose (et à vrai dire beaucoup d’autres textes d’autres auteurs de la même époque) – simplement, enfin, non, pas si simplement, justement, Lovecraft a cette fois maquillé son propos en narrant une histoire bien plus inventive, de portée philosophique plus saisissante et c’est peu dire, et bénéficiant d’une construction admirable, parfaite, l’ensemble constituant un vrai chef-d’œuvre. Mais si le racisme de « L’Appel de Cthulhu » est moins « visible » (même si le repérer ne demande pas exactement un effort considérable – dès la première page, c’est assez clair), il n’en est pas moins présent – et c’est bien pourquoi, dans le registre des relectures contemporaines, les idées de certains me navrent, qui s’affichent simplement désireux d’expurger cette nouvelle en particulier de tel ou tel mot qui fait tache à l’occasion (ce « mot en N... » qu’il ne faut plus prononcer aux États-Unis, même pour dénoncer le racisme) ; mes excuses, mais même en rayant tous les vilains mots de cette nouvelle, elle demeurera raciste – géniale, mais raciste. On peut refuser de la lire si l’on y tient, ne pas aimer voire détester Lovecraft en raison de son racisme est ma foi une raison tout à fait valable de ne pas l’aimer voire de le détester et ses écrits avec, mais, clairement, ce n’est pas un petit retouchage cosmétique qui en changera la portée.







Or la relation entre les deux nouvelles (rédigées avec seulement un an d’écart, donc) me paraît instructive. « Horreur à Red Hook », j’en suis persuadé, a quelque chose d’un brouillon de « L’Appel de Cthulhu ». Seulement, prise isolément, même en mettant à part la question du racisme (ce qui n’est certes pas évident), c’est une mauvaise, une très mauvaise nouvelle. Tout le contraire, pour le coup, de « L’Appel de Cthulhu ».







Victor LaValle n’a donc pas choisi son texte source au hasard : dans le contexte de la gestation de sa propre novella, la réputation de « Horreur à Red Hook » est une motivation plus que suffisante, et parfaitement pertinente. En outre, comme Alan Moore, par exemple, qui a su s’en inspirer avec talent dans Neonomicon puis Providence, Victor LaValle en dérive très intelligemment un texte tout à fait réussi, dans sa portée critique comme dans sa dimension narrative.







HARLEM, RED HOOK – MALONE, SUYDAM, BLACK TOM







Quelques mots, tout de même, de « l’histoire » dans « Horreur à Red Hook » ; ce qui ira assez vite, parce que la nouvelle pèche clairement sous cet angle, et Lovecraft lui-même en était semble-t-il très conscient. À vrai dire, au-delà des éructations racistes et xénophobes qui fondent le propos, le texte m’a toujours fait l’impression d’un auteur vraiment pas à l’aise avec ce qu’il écrit – le personnage même du « héros », Thomas F. Malone, un policier (ça va vraiment pas, Howie-chou ?!?), en est très vite une éclatante démonstration… Et Victor LaValle y a trouvé un élément très important de son propre récit (comme, dans un autre registre, Alan Moore dans Providence, qui y associe une dimension homo-érotique totalement absente de l’orignal, mais qui sonne parfaitement juste).







Ledit Thomas F. Malone, que l’on découvre en bien sale état au début de la nouvelle (comme souvent chez Lovecraft, le temps de la narration n’est pas celui des événements, et on commence en gros par la fin), a été amené à enquêter dans le quartier de Red Hook, un îlot de Brooklyn particulièrement cosmopolite (horreur glauque), sur les activités d’un certain Robert Suydam – un Blanc de bonne famille, et d’un bon quartier, que sa famille suppose être devenu fou, puisqu’il fricote avec des « Syriens » et compagnie. L’enquête amènera Malone à découvrir l’existence d’une sorte de culte souterrain en forme de conspiration globale de l’étranger toujours corrompu par une sorcellerie millénaire ; et ça se finira mal pour tout le monde.







Clairement, cette histoire est d’une pauvreté affligeante. Lovecraft voulait vitupérer contre les vilains étrangers (même en leur conférant un Blanc pour patron, faut pas déconner non plus), mais, en dehors de cette navrante note d’intention, son scénario est erratique et terne, avec des éléments surnaturels tristement convenus et sans âme – un mariage bizarre (dont Victor LaValle se débarrasse à bon droit), des souterrains glauques propices à l’immigration clandestine comme aux messes forcément noires, une résurrection chelou (un thème dont il était particulièrement friand)… Mais, au fond, tout cela ne va nulle part.







Victor LaValle, lui, va quelque part – et il sait où, et il sait comment y aller. Que « Horreur à Red Hook » soit une mauvaise nouvelle n’est au fond pas un problème pour lui, même si je n’irais pas jusqu’à prétendre que c’est un avantage pour autant. Son histoire est paradoxalement épurée en adoptant un champ plus large (même si le nom n’apparaît que tardivement dans la nouvelle, le culte de Robert Suydam est clairement associé au culte de Cthulhu dans La Ballade de Black Tom), car elle ne s’égare pas – il y a des trajectoires bien définies.







Cependant, pour qu’elles fassent sens, il lui faut deux choses : un cadre, et des personnages. Le cadre, et l’ambiance, font partie des éléments assurant la pertinence et la qualité de La Ballade de Black Tom. À vrai dire, ils sont probablement plus que cela, car ils constituent la première accroche de la novella : dès les premières pages, Victor LaValle accomplit un travail admirable. Harlem sonne juste (« sonne », oui, car la musique est omniprésente, blues très prégnant, jazz qui s'annonce), en sachant éviter le pittoresque pour toucher à quelque chose de bien plus fondamentalement humain – Red Hook aussi, si les quartiers des Blancs sont plus intimidants et secrets, quand nous les parcourons, un peu nerveux, en compagnie de Black Tom. Et tous ces personnages que nous croisons sont comme une revanche sur le texte de Lovecraft : ces immigrés basanés, ces Syriens, etc., qui n’étaient jamais autre chose que des menaces barbares chez Lovecraft, se révèlent pour ce qu’ils sont évidemment – des êtres humains. Lovecraft, dans une fameuse et navrante diatribe, reprochait à tous « ces gens-là » de « ne pas rêver ». Pouvait-il écrire pire sottise ? Bien sûr qu'ils rêvent, et Black Tom comme les autres ! Pour autant, en traitant de ce thème, Victor LaValle ne produit en rien un réquisitoire – ça n’en est tout simplement pas la peine.







La vie, chez ces personnages au fond de la scène, prend des connotations peut-être différentes quand on se penche sur les personnages principaux, mais sans rupture de ton pour autant. Les personnages, on le sait, ne sont pas exactement le fort de Lovecraft, et dans « Horreur à Red Hook », c’est particulièrement flagrant. Victor LaValle devait faire mieux, pour réussir son pari. Mais Suydam ? On peut se contenter de le laisser tel quel – d’une certaine manière, le vieux bonhomme n’en est que plus ridicule, sans que la novella ne vire le moins du monde à la parodie pour autant. Ceci, parce que Suydam est de toute façon un personnage finalement assez secondaire ici – ce qui compte, ce sont deux personnages qui sont amenés à interagir avec lui, et qui sont successivement nos personnages points de vue ; car la novella se scinde en deux parties, chronologiques – la première est centrée sur celui qui n’est pas encore Black Tom, mais simplement Charles Thomas Tester, apport de Victor LaValle, tandis que la seconde est centrée sur Thomas F. Malone.







Ce dernier est incomparablement mieux caractérisé dans la novella de Victor LaValle que dans la nouvelle de Lovecraft. Là où le gentleman de Providence s’empêtrait, avec son « policier mais rêveur », LaValle a campé un personnage pas forcément détestable dans l’absolu, mais qui sidère de par son absence totale d’empathie ; il n’est pas véritablement maléfique, mais il semble dans l’impossibilité la plus totale d’envisager le monde au prisme des sentiments – c’est comme s’il n’en avait pas lui-même, et ne pouvait même pas comprendre que d’autres pourraient en avoir, eux ; dans la scène charnière de la novella, qui fait la transition entre les deux parties, cette dimension du personnage devient véritablement révoltante. Il ne s’agissait donc pas de faire de Thomas F. Malone un avatar raté de fantasme hard-boiled, mais au contraire d’accentuer sa dimension lovecraftienne – au point de se montrer plus lovecraftien que Lovecraft. Au fond, comme souvent sinon toujours, le racisme de Lovecraft tenait pour une bonne part à son ignorance ou en tout cas à sa méconnaissance du monde autour de lui – et cela vaut pour Malone ici, au regard de l'empathie ; même si lui n’est pas forcément raciste, ou pas au même degré – c’est qu’il n’est même pas en mesure de se poser la question du racisme ; son approche censément froide et objective, « scientifique » plus que « rêveuse », pour le coup, de ses enquêtes, dénonce en fait un homme incapable de voir le monde – ce qui est embêtant pour un policier, mais plus qu’utile eu égard au propos de cette novella. Et ces biais peuvent nous rappeler un certain écrivain qui mettait souvent de lui dans ses narrateurs – et nous en disait parfois plus long ainsi qu’il ne le supposait.







Mais, avant de nous intéresser plus spécialement à Thomas F. Malone, Victor LaValle introduit son récit par son « héros », celui qui ne pouvait tout simplement pas être envisagé comme tel dans la conception de Lovecraft/Malone : un Noir… Charles Thomas Tester, donc – un jeune homme, qui vit avec son vieux père Otis (il y a peu maman est morte) dans un appartement miteux de Harlem. Notre Tommy se balade avec une guitare, mais ne sait guère jouer que deux, trois chansons faciles, au grand dam de ses parents tous deux très imprégnés de musique ; et il ne chante pas très bien… Suffisamment toutefois pour récupérer quelques piécettes en s’installant à la lisière de Harlem – là où des Blancs peuvent passer ; bien sûr, s’installer dans un quartier blanc est parfaitement inenvisageable, il ne ferait que s’attirer la suspicion des badauds, et se ferait dégager par la police aussi vite qu’un… euh, qu’un Afro-américain d’aujourd’hui qui attend un pote dans un Starbucks, ou qui pique une sieste dans un coin du campus de Yale. Bon, ça n’est de toute façon pas une vie : au grand dam là encore d’Otis, Tom arrondit les fins de mois en se livrant à quelques petites filouteries de petit escroc, ou par exemple une mission de coursier pour un truc bizarre (un livre occulte à livrer à une vieille Blanche, ce qui permet à Victor LaValle d’intégrer « l’alphabet suprême » à son récit, en lui conférant une connotation ésotérique bienvenue) ; des trucs pas toujours très légaux, ou limite disons, mais rien de bien grave. Le bonhomme est médiocre, mais plutôt (très) sympathique.







Cependant, un jour (pas si beau), Tom se fait accoster par Robert Suydam, qui engage le « musicien » ; et, aussitôt après, il se fait questionner à propos de ce bref entretien par le flic Malone, froid, déconcertant, et son associé de circonstance, le détective Howard, qu’on devine bien vite être la (plus flagrante sinon principale) brute raciste de cette histoire. Tout cela tourne bien vite mal – et les projets occultes de Suydam, d’abord effrayants pour Tom, gagnent considérablement en intérêt après l’épreuve décisive…















Je SPOILE, attention…















… l’épreuve décisive, donc, qu’est la mort de son père, abattu par Howard dans une scène qui a quelque chose de tristement quotidien et actuel : « Il avait une guitare dans les mains, j’ai cru que c’était un fusil alors je lui ai vidé deux chargeurs dans la carcasse, légitime défense, vous comprenez... » Oui, il faut croire que nous le comprenons, parce que ça se produit encore et toujours.







Et c’est ainsi que Charles Thomas Tester va devenir Black Tom – car, disons-le, il aura toutes les raisons de le faire



LA HAINE ET L’INDIFFÉRENCE







Cette séquence remarquable, très forte dans la novella, émouvante, poignante, tragique, révoltante, fait basculer le récit (on passe du point de vue de Tom à celui de Malone), mais en fournit en même temps une, sinon la, clef. Et c’est sans doute là, plus que dans la citation tardive (et superflue, mais j’y reviendrai) d’un certain Cthulhu, que Victor LaValle montre qu’il a bien travaillé son Lovecraft, au-delà de la seule nouvelle « Horreur à Red Hook », et que sa novella est d’une ambition marquée.







On le sait, et l’incipit de « L’Appel de Cthulhu » en est peut-être la plus éloquente des démonstrations chez Lovecraft lui-même (depuis, il faut y adjoindre les travaux de la critique lovecraftienne, et tout particulièrement d’un S.T. Joshi), l’horreur lovecraftienne « canonique » se veut « cosmique ». Un point revient souvent dans cette optique, comme une caractéristique essentielle de l’approche philosophique du monde chez Lovecraft, qui veut que le plus grand drame de l’humanité soit son insignifiance,
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La ballade de Black Tom

Réécriture de "Horreur à Red Hook", nouvelle notoirement raciste de HP Lovecraft publiée en 1927, "La ballade de Black Tom" revisite ce conte démoniaque par le prisme d'un œil noir nord-américain. Pour mieux appréhender ce texte, il est recommandé d'avoir lu "Horreur à Red Hook" au préalable ou de le découvrir après. Sans cela, vous allez passer à côté de pas mal de choses.



Par son héro, un petit escroc sans grande envergure dénué d'émotions qui vit de combines et s'occupe de son père, Victor Lavalle dénonce la ségrégation qui s'impose en ce début de siècle au coeur des quartiers pauvres de New York. Il offre un bel hommage à Lovecraft tout en parvenant à détourner sa vision intolérante des minorités. S'instaure une ambiance joliment retranscrite de la société de l'époque entre bars louches, injustice sociale, police corrompue et conditions de vie précaires jusqu'à ce que l'aspect fantastique émerge peu à peu. Comme dit l'autre : "On s'y croirait". Et cette performance-là est déjà, en elle-même, un bel exploit littéraire.



L'atmosphère oppressante s'intensifie. Le récit oscille alors entre un réalisme puissant – celui d'un quotidien difficile, toujours actuel – et la noirceur des mystères occultes évoqués. Au fil des révélations de Robert Suydam, une menace abominable se fait jour et on assiste à un enchaînement d'événements qui vont mener à un basculement irrémédiable : la transformation de Tom.



Ce texte est très court, mais il est admirablement écrit. Que ce soit par le contexte social, l'état d'esprit des personnages ou la peinture des quartiers et métros du New York de l'entre-deux guerres, l'auteur offre une oeuvre vibrante, dont l'intérêt principal réside évidemment dans sa réinterprétation avec sa vision radicalement différente de l'originale. Le récit de Lavalle renoue avec la mythologie lovecraftienne, mais il en transcende la portée et s'élève au-delà de la simple fiction fantastique.



Admirable.
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La ballade de Black Tom

Décidément, très peu pour moi le fantastique ... Je suis encore une fois passée à côté de ce roman, m'ennuyant plus qu'autre chose.

Tester vit de petits boulots , de petits larcins tout en vivant avec son père . Un jour, alors qu'il joue son minuscule répertoire à la guitare , il est interpellé par un homme qui lui propose une grosse somme d'argent en échange d'une représentation de ses chansons . Mais que lui veut vraiment cet homme ?

Quand la magie prend le dessous, que décidera Tester ?
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La ballade de Black Tom

Victor LaValle, déjà plusieurs fois primé (Shirley Jackson, Locus), se voit ici pour la première fois traduit en français, l’engouement actuel démesuré pour Lovecraft ne devant pas y être étranger. L’auteur, afro-américain, dédie en effet son récit à HPL « avec mes sentiments contradictoires ». Son court roman constitue une sorte de relecture de « Horreur à Red Hook », un texte assez médiocre de Lovecraft dont on retient surtout le côté autobiographique (l’écrivain vivait dans ce quartier à l’époque) et le racisme quasiment délirant.

Victor LaValle va donc s’inspirer de cette nouvelle pour plonger son héros, un musicien raté de Harlem, Charles Thomas Tesser, surnommé Black Tom, dans l’univers des Grands Anciens. Nous sommes dans les années 20 et notre Black Tom égrène les quelques mêmes accords de guitare (les seuls qu’il connaisse) lorsqu’il croise la route d’un énergumène, le vieux Blanc Robert Suydam qui souhaite l’engager pour animer une soirée dans sa demeure…A partir de là tout dérape.

Le texte étant court, nous n’allons pas trop le détailler, ce qui enlèverait au lecteur le plaisir de la découverte. Il s’agit d’un mélange de chronique sociale sur l’entre-deux Guerres aux Etats-Unis, avec tous les problèmes d’argent qui se posent à la population (et en particulier aux Noirs), et de fantastique. Victor LaValle possède une écriture travaillée, précise et ciselée, et il l’utilise pour créer une ambiance effrayante tout en remettant la nouvelle originale de Lovecraft en perspective. Il dénonce la virulence attaque raciste lancée par Lovecraft sans charger inutilement la bête, refusant le simple pamphlet pour une approche plus subtile. Il reprend ainsi certaines idées de l’écrivain de Providence afin de s’en distancer ou de les démonter mais sans que cela transforme son roman en simple exercice. En effet, il use également à bon escient de la mythologie lovecraftienne pour offrir une intrigue réussie qui se tient parfaitement, proposant donc deux niveaux de lecture : une critique littéraire et une novella fantastique de qualité.

Dans la masse immense des pastiches « tentaculaires » sortis ces dernières années, LA BALLADE DE BLACK TOM constitue, à coup sûr, une belle réussite, un texte efficace et (relativement) original. Primé par le British Fantasy et le Prix Shirley Jackson, voici une découverte à faire pour les amateurs de HPL…et les autres. On aimerait à présent découvrir les romans de LaValle afin de vérifier qu’il sache tenir la distance sur le format long…Editeurs, à vous de jouer !


Lien : http://hellrick.over-blog.co..
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La ballade de Black Tom

LaValle s'attaque à l'un des textes les plus racistes de HPL, "Horreur à Red Hook", pour en donner plus qu'une relecture : une réécriture. Sans trahir le texte original, il en renverse le point de vue en le confiant à un homme noir et fait de cette histoire dénonçant la société multiculturelle à l'origine une dénonciation du racisme envers les noirs, lui conférant une puissance très contemporaine.
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La ballade de Black Tom

Depuis quelques années, les pastiches de Lovecraft sont légions. Un Cthulhu par-ci, un Grand Ancien par-là, une petite allusion à Providence... bientôt, ce pauvre endormi va se retrouver assaisonné à toutes les sauces, façon ''Martine à la plage'' mais avec plus de tentacules, pauvre bestiole...



Mais ici, Victor LaValle ne se contente pas d'emprunter quelques bestioles à Lovecraft, il a carrément décidé de réécrire toute ''L'horreur à Red Hook'' à sa sauce ! Sur le principe, je dois bien avouer que ça me laisse assez perplexe tant je trouve ça limite sur le plan moral. Écrire de la fanfiction entre potes, c'est une chose. Décider que cette même fanfiction peut être considérée comme une novella à part entière, la publier et se faire du pognon dessus en prime... mouais, je suis réservée sur ce coup-là.



Mais voyons plutôt le fond ! ''L'horreur à Red Hook'' mettait en scène Malone, traumatisé et retraité dans une petite ville de campagne, et dont on va découvrir la dramatique dernière enquête. L'inspecteur surveillait alors le quartier de Red Hook, où il soupçonnait d'occultes cérémonies de se dérouler, chapeauter par un vieil excentrique : Robert Suydam.



Ici, Suydam est devenu un personnage secondaire, le héro est un jeune musicien noir du nom de Charles Thomas Tester. Amateur de jazz, il gratte de temps en temps sa guitare, cumule les petits boulots, et s'occupe de Otis son père malade. Disons le tout de suite, j'ai beaucoup aimé le début ! Suivre Thomas dans ce Harlem des années 20 est très intéressant. Le racisme y est bien décrit, dénonçant ainsi la nouvelle originale de Lovecraft. Mais malheureusement, l'histoire se désagrège assez rapidement.



J'ai bien aimé la première rencontre avec Suydam, ainsi que les explications dans cette bibliothèque située ''à l'extérieur''. Le passage avec la porte à ne surtout pas ouvrir est très bon, surtout lorsqu'on découvre l'autre pan un peu plus tard ! Mais dès le meurtre d'Otis, les choses s'emballent. A mon goût, le basculement de Tom se fait un peu vite, mais si l'on avait conservé ce protagoniste principal sur la durée, ça n'aurait sûrement pas gêné. Sauf que, sans aucune explication, le point de vue passe brusquement sur Malone, ce qui n'a juste aucun sens ! La progression psychologique de Tom se stoppe donc brusquement, il se retrouve érigé en grand méchant, mais celui-ci manque vraiment de substance.



Les allées et venues de Malone sont inintéressantes, et les événements de Red Hook ne sont pas terribles non plus. L'auteur semble s'emmêler dans son élément fantastique, il ne sait pas quoi en faire, il est absolument incapable de gérer correctement son ambiance. Héro de Lovecraft, Suydam est alors assassiné et jeté comme une vieille chaussette, on nous parle de rites mais sans rien en dire. Pire, Tom disparaît sans rien faire de plus. Alors le p'tit pote Cthulhu, réveillé ou pas ? Ben en fait, on ne sait pas ! L'auteur se désintéresse totalement de l'histoire, se contentant de boucler vite fait une fin en copiant bêtement celle du texte de Lovecraft.



Malgré tous ses problèmes de racisme, ''Horreur à Red Hook'' est pourtant un très bon texte, et le mysticisme va croissant. Suydam prépare ses rites, puis on apprend qu'il cesse soudainement, quitte Red Hook et redevient plus soigné de sa personne. Il va même jusqu'à se marier, partir en croisière. Et lors de l'horrible final avec les visions de Malone, on comprend que le pauvre vieux a sans doute pris peur du mariage infernal qu'il a lui-même mis sur pied, et que son mariage avec une femme n'était certainement là que pour essayer de le protéger de Lilith. Même dans la mort, il la fuira avec l'énergie du désespoir. Suydam a pêché par ses intérêts occultes, il s'en retrouve puni de la pire des manières.



Mais dans ''La ballade de Tom Black'', il n'y a pas cet enjeu. Le héro blanc est remplacé par un héro noir. Suydam est même égorgé et jeté aux ordures. Mais qu'en est-il de la partie fantastique/occulte de l'histoire ? Alors celle-là, Victoire LaValle l'a ouvertement oubliée ! Et je trouve ça dommage parce qu'écrire une novella pour dénoncer le racisme, je suis à 100% pour, et si l'histoire avait continué à suivre ''Tom la débrouille'' dans New-York, avec ou sans élément fantastique, elle aurait sans doute été excellente. Mais là, l'auteur semble avoir pris plaisir à dépeindre Tom, lui faire prendre la place du héro... et puis à la fin, par manque d'idée sans doute, il raccroche avec la fin de Lovecraft pour ne pas avoir à se fouler. Il en ressort une novella très moyenne, une fanfiction qui s'est loupée.



N'est pas Lovecraft qui veut.
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La ballade de Black Tom

Ce petit roman est une réécriture d'une nouvelle de H.P. Lovecraft que je n'ai pas lu; je ne peux pas en conséquence la comparer à l'originale. Mais en soi le récit m'a paru assez intrigant. Ne pas avoir su de quel auteur il s'agissait j'aurais pencher pour du Edgar Allan Poe; une situation banale qui se complique tranquillement, des personnages un peu étranges aux contours mal définis, du fantastique apparait, prend de l'ampleur et le dénouement, qui n'en est pas vraiment un, nous laisse à la fois songeurs et un peu sur notre faim. Cette histoire n'est pas marquante, mais pas désagréable à lire non plus. De là à revisiter l'auteur il n'y a rien d'évident.
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La ballade de Black Tom

Je voulais d'abord lire Horreur à Red Hook de Lovecraft avant de découvrir La Ballade de Black Tom, imaginée par Victor Lavalle en réaction à la nouvelle du maître de Providence.

La nouvelle de Lovecraft est raciste, primaire, exploite une veine fortement réactionnaire et laisse un goût malsain après lecture. Pour autant le récit est brillant par ses évocations et ouvre un panel d'interprétations sur un univers déjà très chargé.

Aussi Victor Lavalle s'empare-t-il du récit de Lovecraft et le tord-il pour en exprimer une version plus réaliste - expurgée des préjugés racistes, et aborder cette histoire via le prisme d'un jeune Noir de Harlem, embrouilleur, petit escroc sans réel talent artistique, mais fils aimé par son père grabataire. le twist opéré par Lavalle consiste à faire se rencontrer son nouveau personnage avec ceux de Lovecraft.

Si c'est malin, il faut avouer que le récit convainc moins que celui de son glorieux ancien. Il donne l'impression de chercher à se justifier continuellement, et il faut bien avouer que le récit de Lovecraft est beaucoup plus puissant dans l'horreur qu'il décrit. La Ballade de Black Tom se révèle plus anecdotique et moins percutante.
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La ballade de Black Tom

Charles Thomas Tester est un jeune noir de Harlem en 1924 qui vit avec son père, se débrouillant par des magouilles dans le racisme ambiant. Il décide de jouer de la guitare près d’un cimetière dans un quartier blanc et rencontre Robert Suydam un vieil homme qui veut l’engager pour meubler une soirée. Il croise ensuite Malone un flic accompagné d’un détective qui semblent le surveiller. Tommy se rend comme convenu chez Suydam qui lui montre et lui vante le retour des Grands Anciens.

La première partie de l’histoire illustre la vie dans certains quartiers de New-York à cette époque de façon réaliste. Le fantastique s’installe doucement et subjugue ce gamin perdu qui trouve dans l’ouverture de portes dimensionnelles une échappatoire. La seconde partie déroule l’enquête du flic passionné d’occultisme jusqu’au climax éminemment lovecraftien. C’est un hommage qui entérine le contexte social d’une Amérique raciste tout en se basant sur les réflexions universalistes d’un péril qui concerne l’humanité en tant qu’espèce. La ballade de Black Tom s’insère dans Horreur à Red Hook de Lovecraft, dans une mise en abyme qui permet de vivre l’embrigadement du point de vue d’un habitant, d’adoucir et de circonstancier le récit original, de développer les personnages de Suydam et Malone, de moderniser l’action avec l’intervention très musclée de la police, s’engouffrant dans les mystères ménagés par Lovecraft dans sa nouvelle, grâce à des témoignages et la caractérisation d’un nouveau personnage, membre de la population sournoise qui voue un culte aux Grands Anciens.

« Je préfère cent fois Cthulhu à des monstres comme vous. »
Lien : https://lesbouquinsdyvescalv..
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