Unanimement, les gens hochaient la tête et approuvaient ses propos en murmurant. On avait l'impression qu'ils venaient de trouver leur gourou et s'abreuvaient de sa sagesse. Sauf qu'il ne s'agissait pas d'un maître spirituel, mais de mon frère Roger, handicapé mental, qui allait dans un centre réservé aux individus comme lui et qui ricanait en regardant des dessins animés. Mais qui est ce type ? a demandé un homme en smoking blanc à sa petite amie. Pour la première fois de ma vie, c'était la question que je me posais.
Si vous avez eu la chance de pouvoir dire la vérité pendant presque toute votre existence, il vous sera probablement impossible d’imaginer à quel point vivre sans cesse dans le mensonge est éreintant. A quel point il est usant de devoir toujours veiller à combler le gouffre entre ce que vous pensez et ce que vos mots, vos actions et votre regard renvoie au monde extérieur.
Le problème quand on parle sous le coup de la colère, c'est qu'une fois que c'est dit, c'est dit. À l'instant où les mots sont lâchés, ils le sont pour toujours. Suspendus là-haut, dans l'atmosphère, comme une épée.