La Classe Média du lycée Montaigne reçoit Sonia Devillers dans le cadre des "Rencontres de Montaigne". Journaliste à France Inter, elle nous présente son émission "l'Instant M" et nous dit comment elle voit le métier de journaliste.
À la fin des années 1930, la Roumanie comptait 750 000 juifs. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la moitié d’entre eux furent assassinés. La commission dénombre plus de 300 000 juifs roumains et ukrainiens (la Transnistrie, mais aussi la ville d’Odessa sont devenues ukrainiennes après guerre) ayant trouvé la mort durant la Shoah, ainsi que 130 000 juifs roumains vivant en Transylvanie du Nord déportés à Auschwitz. Si la commission pointe la difficulté de compter les morts sur des territoires qui ont changé plusieurs fois de nationalité, elle établit sans discussion la responsabilité de l’État roumain, du haut en bas de l’échelle administrative, et l’implication de sa population civile dans la destruction des juifs de Roumanie. Au sortir de la guerre, la Roumanie ne comptait donc plus que 350 000 citoyens d’origine juive. Le régime s’empressa d’enfouir leur histoire. Il enfouit l’histoire des morts, comme il enfouit celle des vivants. Quatre décennies plus tard, lorsque Nicolae Ceauşescu fut renversé en 1989, les juifs étaient moins de 10 000 dans le pays. Ils avaient physiquement disparu. La Roumanie était bel et bien devenue un pays sans juif.
Les grands-parents meurent toujours trop tôt, bien avant qu'on s'intéresse à leur histoire et qu'on leur pose de vraies questions.
Contrairement au public français, nombre de roumains savent dans quelles conditions les juifs et les ressortissants de la minorité allemande sont sortis du pays. ils ne s'en émeuvent pas, car il fut un temps où ils auraient tout donné pour décrocher ces feuilles de route mystérieusement accordées à certains. Eux au moins, ils ont pu partir...
Dans un système sensé abolir l'économie de marché, tout pouvait en réalité s'acheter ; tout avait un prix, un cours indexé sur l'offre et la demande.
Je ne sais pas ce que c'est d'être juif, on ne m'a rien transmis et cela ne me manque pas. En revanche, je comprends en lisant Perec que "je suis étrangère à quelque chose de moi-même" différente non pas des autres, mais "différente des miens".
Le deal était simple. D'un côté, la Roumanie disposait d'un vaste contingent de citoyens juifs désireux de quitter le pays. De l'autre, elle devait faire venir du bétail étranger sur son territoire.
La fin du bloc communiste signifiait l’autorisation de refaire le voyage à l’envers. De reprendre langue. De reprendre racine. De faire valoir ses droits. D’obtenir réparation.
Les mots étaient lisses. Les mots étaient vides. les mots étaient prononcés d'un ton détaché. Ils plantaient le décor sans autre émotion. une anecdote de plus.
Il (Harry, le grand-père) remit à Jacober ce qu’il avait de plus précieux : ses diplômes d’ingénieur, ceux de musicologie et de français de son épouse, les sésames pour pouvoir un jour retravailler. Le régime interdisait d,emporter de tels documents à l’étranger. Ainsi, les citoyens roumains se retrouvaient-ils sans curriculum vitae, sans compétences validées, ni valeur professionnelle à l’extérieur de leurs frontières.
C'était sans compter la dérive extrémiste des figures les plus admirées de Bucarest... Le dramaturge Eugène Ionesco se ferait dépêcher comme conseiller culturel à Vichy, où la Roumanie fasciste était diplomatiquement représentée auprès du maréchal Pétain. Quant au philosophe Emil Cioran et au grand historien des religions, Mircea Eliade, ils ne cachaient rien de leur admiration pour Hitler ni de leur haine féroce des juifs.
Dans ce grand en avant roumain, une société, cette société entièrement tournée vers l'avenir et la modernité, les élites éduqués vivaient les yeux rivés vers le passé.