Une longue discussion autour du roman "Babel", de R. F. Kuang, par la Garde de Nuit.
- Vous voyez ? reprit Anthony. Les langues ne sont pas seulement faites de mots. Ce sont des modes de vision du monde. Les clefs de la civilisation. Et c’est une connaissance qui mérite qu’on tue pour elle.
Eh bien, fit-elle d'une voix traînante, on a dû décider de devenir des filles parce que, pour être des garçons, il aurait fallu renoncer à la moitié de nos cellules cérébrales.
Mais quel est le contraire de la fidélité ? demanda le professeur Playfair. Il approchait de la fin de son raisonnement, il ne lui restait plus qu'à conclure sur un coup d'éclat. La trahison. Traduire, c'est faire violence à l'original, c'est le déformer pour des yeux étrangers ignorants de sa forme première. Alors, où cela nous mène-t-il ? Comment conclure si ce n'est en reconnaissant qu'une traduction est toujours une trahison ?
Vous êtes vous déjà interrogé sur le mécanisme de popularisation ? Comment ule personne cesse-t-elle d'être un individu réel, qu'on a bel et bien connu, pour devenir une suite d'arguments de marketing et de publicité, pour se retrouver consommée et vantée par des fans qui croient la connaître alors qu'ils ne la connaissent pas, mais qui sont conscients du processus et l'acclament néanmoins ?
Schleiermacher pensait qu’une traduction devait être assez peu naturelle pour se présenter sans ambiguïté comme un texte étranger. Selon lui, il y a deux choix possibles : soit le traducteur laisse l’auteur en paix et en rapproche le lecteur, soit il laisse le lecteur en paix et en rapproche l’auteur.
Ol décrit toujours la jalousie comme une horreur verte, tranchante et vénimeuse. Infondée, aigre et malveillante. Mais j'ai découvert que, chez les écrivains, elle est plus proche de la peur.
Les bonnes nouvelles continuent d’affluer. Brett m’envoie par e-mail des nouvelles des ventes de droits à l’étranger. On a négocié des contrats avec l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne et la Russie. Pas encore avec la France, mais on y travaille, me dit-il. Cela dit, personne ne se vend bien en France. Si les Français t’apprécient, tu sais que tu fais carrément fausse route.
Le poète court sans entrave. Le traducteur danse des chaînes aux pieds.
Un acte de traduction est nécessairement toujours un acte de trahison.
Les livres sont faits pour être touchés, sinon ils ne servent a rien, alors ne soyez pas timides.