LETTRE
Dans la grande lumière, la parole d'un être se détache soudain et recouvre le monde. Voile de solitude pour le seul auditeur. Un homme vient d'ouvrir une lettre. Ses mots déjà ne sont plus de la foule. Ce sont les mots d'un arbre, longuement retracés, tressés, comme le sont les paroles uniques. Closes, les pensées vagabondes. Un homme vient d'ouvrir une lettre. Pliée, comme le sont les vagues qui protègent le cœur.
BATIMENTS ECROULES DE SONGES
Il est des pays de rocaille
Où la rumeur de l'eau est dure
Et où d'anciennes filatures
Se mêlent aux pierres de taille
On cherche de nouveaux détails
Colline cheveux en bataille
Bâtiments écroulés de songes
Étanche fumée que je longe
Et l'on file la filature
L'odeur des mots l'odeur des murs
La silhouette et les arcs brisés
Une Charrette où s'allonger
L'escalier pierres sans rampage
L'herbe le thym le paysage
Le sel dans l'air l'air sur la page
Le pays long et sans visage
Le pied s'écarte en sursautant
Nu dans la terre et sans rivage
On prononce le mot serpent
L'habitant maudit des nuages
Se précise en se murmurant
Se connaît mieux en s'éloignant
Soleil aux dernières trouvailles
Des immobiles ouvertures
Immolées aux gestes futurs
Meurtre au milieu de la pagaille
DOUCEREUX
Doucereux
J'aime ce mot qui porte au loin
Sa plainte et sa candeur
Frappée de doute
Une vague recommencée
Après le terme de son royaume
Borne jetée vers l'infini
Du faux
L'intonation s'allongeant
L'ombre du verbe à minuit
L'affectation et l'oubli
De son corps trop altruiste
Doucereux
Voilà la rengaine
Qui méprend les justes
Et souffre de n'être que douceur
Ce monde et moi sommes mensonges
N’accusez pas l’un sans l’autre