Se démarquant d’une vision de l’école laïque dont l’espace-temps est figé, Tortillet développe une conception du temps scolaire cohérente avec sa vision d’une école susceptible de s’harmoniser avec les attentes de la société civile, d’entrer en osmose avec le monde de la production.
Il ne s’agit pas de livrer les élèves à l’exploitation, mais de trouver les conditions d’une complémentarité entre l’expérience scolaire et l’expérience professionnelle.
L’idée est que la vertu critique de l’école laïque ne peut résider dans un droit à arracher l’élève à son milieu. En 1911 déjà, Tortillet s’était réjoui de voir que « l’instituteur de l’école laïque libre de Bagnes (Valais) […] ferme son école pendant la belle saison et vaque alors aux travaux des champs comme tous ses concitoyens ».
Tortillet est un de ces instituteurs convaincus que cette nouvelle orientation pédagogique devrait logiquement conduire à refonder l’école rurale sur « l’ambition d’emprunter à la vie ses moyens habituels d’instruction, de remplacer les leçons du maître et celles des livres par les leçons des choses et des êtres ». Sa démarche théorique et rhétorique élaborée dans le contexte de ce congrès oscille entre l’expression d’une forte conviction agrarienne et un travail de réinterprétation des principes de l’Éducation nouvelle dans le cadre de l’institution scolaire. L’École publique rurale prendrait la forme d’une école nouvelle d’État, étendue à l’échelle de régions entières, principalement fondée sur la pédagogie des centres d’intérêts et des classes-promenades. Ce projet rencontre cependant un certain nombre d’obstacles.