Pour un garçon qui voulait devenir un homme, aucune vocation ne semblait égaler celle de gangsta – de G. Il n'y avait aucune dignité dans le travail quotidien. Servir à table, nettoyer après les touristes, passer au jet d'eau le vomi et la pisse des confréries d'étudiants dans Bourbon Street – qu'est-ce que ça avait de viril ? Mais un G, c'était autre chose. Il avait droit au respect. Il suivait une éthique de guerrier – force, loyauté, vengeance – et avait un sentiment d'appartenance.
"La lecture change tout. On découvre qu'il y a autre chose dans la vie que de boire et de tirer un coup, on voit les choses sous un autre angle. En même temps, les gens vous voient aussi sous un autre angle. On vous respecte davantage, peut-être. Mais on ne vous aime pas plus."
L’homme au costume était là de nouveau , à poser d’autres questions. Alors Vincent raconta sa vie au dixième étage, ses fenêtres qui ne donnaient sur rien, l’odeur. Et puis le travail au magasin d’articles ménagers, à vendre de la peinture, à grimper aux échelles, à sourire pour gagner sa vie.
“Fais chier, dit-il. Ils me tiennent par les couilles.
– Et l’avenir ? demanda l’homme au costume.
– Quel avenir ?” fit Vincent, et il prit un air soupçonneux, comme s’il fallait être débile pour poser une question pareille. Ce n’était pas le Raj ; il ne flottait pas dans un film. Il y avait les factures à payer, des gens à faire vivre. Ça coûtait de l’argent. Et l’argent, par ici, était synonyme d’emprisonnement.
Eddie Cochran incarnait le rock à l'état pur.
[...]
Summertime Blues, My Way, C'mon Everybody, plus quelques autres, en tout une demi-douzaine de titres seulement lui rendent entièrement justice ; mais ensemble, additionnés, le résultat pèse très lourd.
En filigrane, c'est comme si une seule et même histoire coulait à travers ces morceaux. Eddie va encore à l'école et ça lui fait horreur. Habite encore chez ses parents et déteste. Travaille pendant les vacances et hait ça encore plus que tout. Mais il est dégourdi et il sait se débrouiller. Il entre dans une sorte de gang et en devient le chef. Eddie Cochran : ni un minable, ni un pauvre type de 59.
Quand il a beaucoup de chance, son père lui prête sa voiture pour la soirée, et à lui la vraie vie. Evidemment, quand à quatre heures du matin, il rentre à la maison claqué et fauché, il est interdit de sortie pendant quinze jours, mais c'est la règle du jeu : il ne peut pas gagner. Le monde ne lui fait pas de cadeaux. Quand il travaille, il est payé en monnaie de singe. Quand il s'amuse, il est automatiquement puni. Dur.
[...]
Mais ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. Car quelqu'un qui est capable de rassembler en six morceaux l'atmosphère de toute une époque et de cristalliser la façon dont une génération fonctionne doit être doté d'un talent vraiment exceptionnel.
En cas de coup dur, les durs en mettent un coup, a dit Œil de Faucon. C'était une de ses formules préférées. Et les trois se mirent donc au boulot.
Les journaux ne cessent de parler de révolution sans effusion de sang. Au lieu de l'ancienne classe dirigeante, les Britanniques ont aujourd'hui pour consigne de s'incliner devant une méritocratie autoproclamée : rock-stars, designers de mode, conseils, relations publiques, présentateurs de télévision, éditorialistes des journaux du dimanche, footballeurs, cuisiniers.
Un de mes premiers employeurs, un agent de voyages à la moustache rousse et au port militaire qui désirait qu'on l'appelât major, aimait répéter : « Un Anglais ne prétend jamais être le meilleur. Il suffit qu'il le sache. »
Il était à peine 3 heures ; six heures seulement s'étaient écoulées, et déjà je me sentais épuisé. Pour 10 dollars en liquide, de retour sur le Strip, j'ai acheté de la cocaïne à un type affecté d'un strabisme divergent.
Et puis il est arrivé quelque chose d'étrange – les rebelles et les inadaptés sont devenus à la mode. Dick Rowe, l'homme qui refusa de signer les Beatles chez Decca, ouvrit par inadvertance les vannes à une marée de jeunes chiots arrogants de toutes confessions. Du jour au lendemain, les agents se plièrent en quatre pour engager du sang frais. Mieux valait se retrouver avec une bande de bons à rien sans talent sur les bras et des régiments entiers de dégénérés et de monstres de foire que de voir les prochains John Lennon ou Joe Orton vous passer sous le nez.
Tout à coup on pouvait être noir, rose, idiot, délinquant, taré ou trimballer toutes les maladies de la Terre et ramasser quand même le paquet. Il suffisait de se pointer et de savoir provoquer le frisson.