On a demandé à l'équipe des Puf quel livre leur avait été le plus utile pendant leurs études :
« le siècle des possibles (1814-1914) » d'Emmanuel Fureix
https://www.puf.com/le-siecle-des-possibles-1814-1914
« Qu'est-ce que la philosophie politique ? » de Leo Strauss
https://www.puf.com/quest-ce-que-la-philosophie-politique
« Grammaire méthodique du français » de Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul - Nouvelle édition en collection « Savoirs » à paraître le 19 juin 2024
https://www.puf.com/grammaire-methodique-du-francais
« Aristote. La métaphysique » d'Annick Jaulin
https://www.puf.com/aristote-la-metaphysique
« Précis d'économie » d'Emmanuel Combe
https://www.puf.com/precis-deconomie
« Histoire romaine » de Jean-Louis Voisin, Marcel le Glay et Yann le Bohec
Nouvelle édition en collection « Savoirs » à paraître le 21 août 2024
https://www.puf.com/histoire-romaine
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Le Banquet nous raconte ce qui s’est réellement passé dans cette profanation des mystères [de 416-415]. La vérité est entièrement différente de ce que dit l’hystérie populaire. Les mystères divulgués n’étaient pas ceux d’Eleusis, mais des mystères racontés par une prêtresse tout à fait différente de Mantinée – nous verrons cela plus tard – et l’homme qui les a divulgués était Socrate en personne. Alcibiade est complètement innocent.
Dans l’année 415, les Athéniens entreprirent leur expédition contre la Sicile, dont le principal instigateur fut Alcibiade. C’était là un terrible coup de dés, mais Alcibiade était doté d’un si grand génie qu’il aurait bien pu réussir. Les Athéniens ont commis la folie, politiquement parlant, de rappeler Alcibiade presque immédiatement après le départ de la flotte. Alcibiade n’a pas apprécié ce rappel et il s’est enfui à Sparte. Il a ruiné Athènes. Plus que tout autre, il fut l’artisan de la ruine d’Athènes. Alors que l’expédition se préparait, les Athéniens se sont aperçus un matin au réveil que la plupart des Hermès – des piliers surmontés d’un buste, habituellement celui d’Hermès – avaient été mutilés pendant la nuit. C’était là un acte au plus haut point blasphématoire, mais il avait également une certaine connotation politique. En quelque manière, la statue d’Hermès était liée à la démocratie et le peuple pressentait qu’une activité subversive avait eu lieu. Ensuite, des résidents étrangers […] ont révélé que d’autres mutilations de statues avaient eu lieu auparavant, mais le grand scandale fut la profanation des mystères d’Éleusis, les mystères les plus sacrés d’Athènes. La rumeur disait que l’horrible individu qui était derrière tout cela était Alcibiade. Tel était l’arrière-plan du rappel d’Alcibiade et de sa fuite. Il savait que la condamnation à mort était inéluctable en ces jours d’hystérie collective, comme on dit aujourd’hui.
Le Banquet est beaucoup moins ascétique que la République – ils mangent. Et c’est là un point d’une très grande importance. Par conséquent, pas d’utopie. En quelque sorte, ils sont satisfaits.
La crise de l'Occident consiste dans le fait que l'Occident a perdu confiance en son dessein. Ce dessein était la société universelle, une société de nations égales, chacune constituée d'hommes et de femmes libres et égaux, et ces nations devaient être pleinement développées du point de vue de leur puissance de production, grâce à la science. Il faut comprendre la science comme essentiellement au service de la puissance humaine, de l'amélioration de la condition de l'homme. La science engendrera une abondance universelle. Un état de fait dans lequel personne ne pourra plus jamais avoir de raison de nuire aux autres hommes ou aux autres nations. Cette abondance conduira à la société universelle et parfaitement juste, en tant que société parfaitement heureuse.
Il y a quelque chose de dur dans la politique, quelque chose qui est de l’ordre de la colère. Platon compare quelque part les lois à un vieillard en colère, à un vieillard obstiné qui dit toujours la même chose sans envisager les circonstances avec l’esprit ouvert.
La notion d’une science sociale dépourvue de jugements de valeur n’est apparue que dans les dix dernières années du XIXe siècle. La forme la plus couramment évoquée de cette science sociale plus ancienne est l’enseignement de la loi naturelle. Cet enseignement de la loi naturelle a ses racines dans l’enseignement de Platon et d’Aristote, mais il n’a pas été développé par eux. Il a commencé à être développé par une école grecque particulière, ceux que l’on appelle les Stoïciens, qui sont apparus après Aristote […].
Or de quoi s’agit-il entre la philosophie et la poésie ? C’est un concours de sagesse. Permettez-moi d’illustrer cela par les Nuées d’Aristophane : Socrate y est présenté comme un homme qui fait des recherches sur la nature, sur la nature de toutes choses, ou sur le Tout, et également comme un maître de rhétorique. Il est présenté comme un corrupteur de la jeunesse en faisant représenter à un jeune homme la victoire de l’argument en faveur de l’injustice sur l’argument en faveur de la justice. Il dépasse la vie éphémère, ordinaire, de l’homme, tout ce qui est simplement humain, et dévoile le caractère conventionnel des choses que tous les hommes considèrent comme sacrées. Bien qu’il soit un maître de rhétorique, il est incapable de l’emporter à la fin – il ne peut pas persuader le grand nombre. Son « pensoir » - son école – est entièrement réduite en cendres. Aristophane suggère ainsi que la philosophie, contrairement à la poésie, est incapable de persuader ou de charmer la multitude.
Platon soutenait que la conviction définitive liée à la compréhension que nous ne connaîtrons jamais tout implique une réponse définitive à la question de la vie bonne, qui inclut la question de la meilleure société. Tel est le problème que nous devons comprendre lorsque nous essayons de comprendre la pensée de Platon.
L’implication de la philosophie platonico-aristotélicienne est donc qu’il ne peut pas y avoir de société rationnelle, c’est-à-dire une société composée d’êtres humains pleinement rationnels. La polis en tant que polis se caractérise par une résistance essentielle, irrémédiable, à la raison.
Il y a un propos remarquable de Pascal selon lequel nous en savons trop peu pour être des dogmatiques et trop pour être des sceptiques, qui exprime merveilleusement ce que Platon nous transmet par ses dialogues.