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Critiques de Jeff VanderMeer (210)
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Annihilation

Voilà une expérience de lecture incroyablement immersive !

Sans préliminaire, te voilà plongé direct dans un univers dystopique aux frontières de la SF, dans la Zone X, mystérieuse, en expansion, aux côtés de quatre femmes scientifiques ( une biologiste, une psychologue hypnotiseuse, une anthropologue et une géomètre ) , douzième expédition dont la mission est de cartographier la Zone X et y survivre, après onze expéditions soldées par des suicides, meurtres, cancers foudroyants et troubles mentaux.

Tu n'en sais pas plus et n'en sauras guère plus à la fin car ce n'est que le premier tome d'une trilogie.



Tout est déroutant dans ce roman, un peu comme si tu foulais en pionnier le sol d'une planète inconnue dans laquelle le danger est permanent et où rien ne ressemble à ce que tu connais.

Dès le départ, tu sens une présence suivre l'expédition. le lecteur n'est pas omniscient et n'a jamais une longueur d'avance sur la narratrice, la biologiste, il avance à petit pas, explore cette nature sauvage où tout est surprenant : la faune, la flore, les formes de vie, l'architecture qui y surgit au point que tu peux confondre une tour d'un tunnel, et une créature invisible qui gémit.



L'auteur a un vrai talent pour créer une ambiance anxiogène aux confins de la paranoïa, réussissant à préserver le mystère durant tout le roman, au point que le récit se mue progressivement en quasi thriller psychologique dans laquelle la biologiste ( elle n'a pas de prénom ni de nom ) cherche à comprendre coûte que coûte cette Zone X qui menace la planète.

Etonnante héroïne, très froide, qui semble gagner en sérénité à mesure que s'approche la menace jusqu'à la confrontation finale, comme si être là face à sa soi-même en mode survie l'a poussée à l'introspection et se faire confiance.

Le deuxième tome "autorité" m'attend !



Lu dans le cadre du Club de lecture virtuel janvier 2019 «  sortir de sa zone de confort » du blog http://deslivresetmoi7.blogspot.com/

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Annihilation

Un univers de qualité mais excessivement gonflant.

L'univers de annihilation est très bien formé, cependant , en pratique , l'auteur patine occasionnellement à vide et le cadre du roman en prend un coup dans les carreaux dans ces moment-là.

La zone X est une zone délabrée et fantasque qui s'étend inéluctablement et c'est donc un peu comme dans La foret de cristal de Ballard : la chronique d'une apocalypse annoncée.

Comme zone X démente et en extension, je préfère La Démence que l'on croise dans notre trésor national : La trilogie de l'autoroute sauvage.

L'univers de ce premier tome Annihilation , possède une présence très forte et une consistance paradoxalement aussi solide que élusive de toute portée pratique. Les personnages ,surtout celui (celle) qui mène la parole est sur un mode première personne légèrement limitée.

Ce détail donne au texte une efficace consistance psychologique. le propos s'écoule avec régularité et le sens se formule au rythme de fréquents soliloques intérieurs, de dialogues méticuleusement restitués et commentés avec des descriptions environnementales nombreuses qui sont rationnelles ou non rationnelles ou bien encore les deux.

C'est un travail d'écriture solide et intéressant mais totalement dénué à mon humble avis, de finalité et de sens pratique autre que la narration réussie d'un Delirium possiblement Tremens .

Ce qui fait que l'existence de cette zone X est un peu pour le lecteur plus une croyance que une réalité. Je veux dire que de facto ce récit m'a fait l'effet d'être la narration d'une bouffée délirante très imaginative et très pathologique.

Cette lecture ma replongé dans l'époque où je travaillais en CMPP , et où je passais mes journées à composer avec une série d'univers tout aussi délirants et pourtant plus réalistes que les pages équivoques de ce roman.

Cela est gonflant parce que on passe son temps non à savourer quoique ce soit mais on le passe à décortiquer le narratif délirant de personnages qui font l'effet d'être en crise dé-compensatoire ,animés de bouffées délirantes débordantes et trop invasives pour être gérables par les personnages eux-mêmes comme par le lecteur.

Ce texte a un problème majeur ,Il n'y dedans ,strictement aucune gestion du réel et donc on y trouve autant de réalisme et de repères et d'ordre ,que dans un poulailler frappé par la panique.

Bref et hélas, un suspens qui ne fonctionne pas car le réel de cet univers est noyé dans une équivoque permanente , un caractère potentiellement anxiogène qui lasse et qui échoue , un réel qui tient plus d'un mirage délirant sans portée pratique et qui semble n'être rien d'autre qu'une folie en action et en roues libres.

Je suis totalement Nébuleux , euh pardon , Nébula ,je veux dire.

Et pi sé tout !

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Annihilation

Les personnages:



Fait assez troublant: elles ne portent pas de noms et seront seulement identifiées selon leurs professions. Il y a donc une psychologue, une linguiste, une géomètre et enfin une biologiste (qui donnera son ressenti de l’expédition sous forme de journal.) L’auteur choisit de les faire très peu interagir, et ne cherche pas à développer une osmose de groupe, plutôt même le contraire, d’ailleurs…Ce qui rend un rendu très détaché et presque dénué d’émotions humaines, même avec la biologiste, il est très difficile de s’attacher à son sort…C’est un pari risqué, mais bien intéressant…



Ce que j’ai ressenti:…Une première approche de la Zone X…



"C’est ainsi que la folie du monde essaie de vous coloniser : de l’extérieur, en vous forçant à vivre dans sa réalité."



Il est quelques fois possible qu’un simple lieu puisse vous saisir par son atmosphère étrange…La zone X est une présence mystérieuse, envoûtante, effrayante qui n’est pas prête de vous livrer ses secrets. Elle vole à elle seule, toute la magie des personnages pour se faire maître des lieux et troubler tous vos sens…Ile perdue, Frontière floue, Faune et Flore luxuriante, elle a les atouts pour camoufler son aura sauvage et dangereuse…C’est à mon avis le gros point fort de ce premier tome de la Trilogie du Rempart Sud, il me tarde vraiment de pouvoir en lire la suite, car à la fin de cette lecture, le mystère reste entier, et les réponses à nos questions ne trouvent pas satisfaction…Mais il n’en reste pas moins qu’il nous reste cette ambiance oppressante, cette montée progressive de peur ancestrale qui te taraude, y compris une fois le livre refermé…



"Connaître aussi intimement la signification des mots pouvait être trop pesant pour n’importe qui, je m’en aperçois, maintenant."



Même si j’admire l’originalité de Annihilation, il semblerait que je n’ai pas toujours été en symbiose avec cette lecture. Je pense que c’est dû à la forme du texte: il manque d’aération dans les chapitres et il y a eu comme de grosses longueurs qui restent encore opaques et des flash-backs qui s’enchaînent au récit sans transition. Ce qui fait que cette lecture n’est pas vraiment fluide, et déjà qu’il faut appréhender un nouveau lieu, un univers bien teinté de SF: j’aurai aimé, pour totalement être sous le charme, une structure plus nette.



"La mort, je commençais à le comprendre, n’était pas la même des deux côtés de la frontière."



Comme je le disais, il n’en reste pas moins que j’ai hâte de retrouver les petits secrets que referment cette zone X avec cet entremêlement de mots et de verdure, d’illuminer les zones d’ombres de la tour, de soulever un peu les roseaux pour découvrir la bête, de creuser un peu du côté du Rempart voir quel genre de violence il pourrait déclencher, et surtout, surtout, lire les autres carnets…Il est annoncé d’ailleurs une prochaine adaptation cinématographique, et à lire la force hypnotique de cette nature, je suis sûre que ça pourrait donner un très beau rendu visuel. Affaire à suivre en 2018!



"La curiosité peut être une puissante distraction ."



Ma note Plaisir de Lecture 7/10


Lien : https://fairystelphique.word..
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Annihilation

J'ai vu le film adapté du roman « Annihilation » et j'avais été emballée au point de me ruer ensuite sur la trilogie.

Je n'ai pas été déçue du tout, même si le film et les livres n'ont finalement pas grand-chose en commun !

Tout commence par une expédition scientifique. Quatre femmes sont envoyées dans la zone X.

Mais qu'est-ce que cette zone, qu'à t'elle de spécial ?

On sait que cette expédition est la douzième et que les précédentes ont été des échecs complets . La plupart des hommes envoyés précédemment dans la zone X se sont suicidés, entre tués ou sont revenus rongés par des cancers.

Les trois tomes nous permettent non seulement de suivre cette expédition-ci, mais aussi de comprendre de l'intérieur ce qu'est l'organisation qui s'occupe de la zone X et d'avoir quelques réponses concernant la genèse de cette zone si mystérieuse.

Le premier tome est un vrai roman d'aventure, le second s'apparente davantage à un roman d'espionnage et le troisième à un roman de science-fiction, le tout formant une trilogie passionnante, aux personnages fouillées, à l'histoire complexe comme des poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres et à l'écriture hypnotique.

Un gros coup de coeur donc pour cette trilogie fantastique que j'ai dévoré en quelques jours.
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La bible steampunk

Commençons par le commencement, à savoir le le titre. Voilà des auteurs qui ne se mouchent pas du pied, en prétendant écrire un livre qui serait une bible sur le mouvement steampunk, à savoir à la fois un ouvrage exhaustif (ce qu'il est loin d'être) et la référence incontournable en la matière (ce qu'il n'est pas davantage). Et ce n'est pas chipoter que de critiquer ce titre on ne peut moins prétentieux, car il résume bien tout le manque d'humilité des auteurs (il faut voir le panégyrique consacré à Jeff Vandermeer en fin d’ouvrage !!!) - ainsi que les limites qui en découlent forcément.





Cet ouvrage est typiquement américain, c'est-à-dire qu'il est un exemple parfait de ce que la culture américaine peut produire de plus détestable. Il est autocentré (américanocentré, devrais-je dire), en cela que les auteurs ont choisi de s'enfoncer des œillères pour tout ce qui concerne le mouvement steampunk hors des États-Unis d'Amérique (deux pages sont consacrées vite fait à la France et au Brésil en fin d'ouvrage, histoire d'avoir l'air ouvert sur le monde). Il fait peur tellement les personnes interrogées et les auteurs font preuve d'un manque de culture flagrant : ainsi, on apprend que les membres du mouvement steampunk connaissent Jules Verne via Disneyworld, mais que ses livres, si jamais ils en ont ouvert un, leur sont tombés des mains... Les auteurs de l'ouvrage, quant à eux, ne voient qu'une seule influence aux romans de Wells et Verne : Edgar Poe.





Lorsqu’ils s'intéressent vaguement à la France, c'est pour vanter l'originalité des Machines de L'île, à Nantes, patrie de Verne. Comme ils n'ont guère enquêté, ils ne savent pas que ces machines sont une variation des Géants de la compagnie Royal de Luxe, qui marchent tellement bien que la troupe vit sur ces acquis depuis plus de vingt ans et que Les machines de l'île procèdent du même phénomène. Il y a bien longtemps que les fondateurs de Royal de Luxe (et donc des Machines de l'île) ont cessé d'être inventifs, mais ça, Vandermeer ne le sait pas. Tel un touriste lambda, il se laisse avoir à l’esbroufe par tous les projets soi-disant steampunk qui fleurissent ici et là et dont on ne conçoit guère l'intérêt, ou, du moins, l’originalité (il faut voir comme les réponses des créateurs aux questions qu'on leur pose sont creuses). Il ne voit pas, pas plus que les personnes qu'il interroge, que la plupart des projets steampunk évoqués prennent racine dans l'art brut, l'art folk, l'art outsider - l'obsession créatrice en moins. Il ne connaît pas Max Ernst (artiste surréaliste pourtant suffisamment célèbre), donc ne sait pas que celui-ci a concocté des œuvres à base de collages et de gravures autrement plus intéressantes et délirantes que celles qu'on nous donne à voir ici.





Je passe sur le fait que je ne sais quelle personne interrogée prétend que l'intérêt du public pour les dissections est typiquement victorien (ça date du XVIIIème siècle, en fait, et c'est pas du tout originaire d'Angleterre, mais plutôt de France ou d'Italie), ou que tel autre pense que le motif de l'insecte, de l'organique en art est également typique de la société victorienne (c'est typiquement Art Nouveau, et plus belge, allemand, autrichien, français, hongrois ou italien qu’anglais). Enfin, je n'ai absolument pas compris pourquoi on voulait à tout prix fourrer l'artiste Kris Kuksi dans le carcan du steampunk. Bref, l'ouvrage révèle une belle étroitesse d'esprit, une culture des auteurs extrêmement lacunaire et un contenu assez pauvre.





D'autant plus pauvre que Vandermeer ne s'est pas donné la peine de réfléchir vraiment à ce qu'est le steampunk. Aussi n'y voit-il qu'un chouïa d'intérêt pour la science et la technologie associé à une tendance au bricolage et à une esthétique et à un cadre pseudo-victorien (oui, parce qu'à la fin du XIXème siècle, le monde entier se résumait à l'Angleterre victorienne). Je ne m'étendrai pas sur le fait que la littérature steampunk, notamment, ne prend pas forcément racine dans un cadre rétro-futuriste fin XIXème. Qu'en est-il de la référence à la culture populaire, si chère au steampunk, au jeu constant des références littéraires, historiques et autres ? Vandermeer n'en a cure, il n'y a même pas songé. Au moins, l'ouvrage d’Étienne Barillier sur le même sujet, bien qu'écrit dans un style assez lourd, posait, lui, toute une série de questions intéressantes sur le steampunk.





Quelques qualités, cependant. Le style est agréable, ce qui est rare dans un ouvrage de ce type. Les chapitres consacrés à la naissance de la littérature steampunk et à la BD sont corrects (celui sur le cinéma est en revanche ridicule, tellement le manque d'analyse fait défaut). Et il faut bien reconnaître à Vandermeer l'ambition d'embrasser tout le phénomène steampunk et de ne pas se limiter aux domaines habituellement abordés : littérature, cinéma, BD, jeux vidéo. Seulement, voilà, La Bible steampunk confirme ce que je supputais déjà : la communauté steampunk n'est pas plus intéressante qu'une autre. Elle ne l'est sans doute pas moins, mais, malheureusement, ce que Vandermeer fait ressortir ici, c'est l'idée que le steampunk est pour beaucoup de gens un passe-temps comme un autre et que beaucoup de membres de la communauté se contentent de pérorer. Les seules personnes intéressantes (bon, peut-être pas les seules, mais presque), qui ont réellement quelque chose à dire, sont les membres du groupe Humanwine, qui revendique un positionnement politique et dit chercher à lutter contre l'abrutissement de la société. Mais ceux-là ne se revendiquent pour autant pas comme steampunk...
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Beyond the Woods. Fairy Tales retold

Ah, les contes... J'aimerais dire les merveilleux contes de mon enfance, mais je n'ai pas souvenir qu'on m'en ait raconté. J'ai découvert que ça existait bien longtemps après et forcément, quand on est grand, ça doit perdre de son charme. Sauf que ce recueil de contes de fées n'est pas du tout destiné aux enfants. Encore que je parie qu'ils m'auraient plu.

Toujours est-il que rien n'était censé m'attirer vers ce livre, si ce n'est de voir Peter Straub écrit en lettres de feu au beau milieu de tous ces auteurs (comment ça j'en fais trop ?).

Paula Guran a réussir à réunir une magnifique brochette de plumes qui m'ont toutes ravie. Par contre, je vois qu'il est marqué édition audio... faut pas rêver, j'ai une version papier, et il existe aussi en ebook.

Hormis un ou deux des récits qui m'ont un peu moins plu, nous avons affaire à une réinterprétation de contes et de fables plutôt exceptionnelle. La plupart sont très sombres, denses et intenses, mélanges de réel et d'imaginaire. L'humour y a sa place également, ce que j'apprécie en général, surtout l'humour noir et grinçant, et je ne regrette nullement de m'être jetée sur ce bouquin.

Je vous mets la liste des récits ci-dessous :



Introduction: Throwing In – Paula Guran

Tanith Lee – “Red as Blood”

Gene Wolfe – “In the House of Gingerbread”

Angela Slatter – “The Bone Mother”

Elizabeth Bear – “Follow Me Light”

Yoon Ha Lee – “Coin of Hearts Desire”

Nalo Hopkinson – “The Glass Bottle Trick”

Catherynne M. Valente – “The Maiden Tree”

Holly Black – “Coat of Stars”

Caitlín R. Kiernan – “Road of Needles”

Kelly Link – “Travels with the Snow Queen”

Karen Joy Fowler – “Halfway People”

Margo Lanagan – “Catastrophic Disruption of the Head”

Shveta Thakrar – “Lavanya and Deepika”

Theodora Goss – “Princess Lucinda and the Hound of the Moon”

Gardner Dozois – “Fairy Tale”

Peter S. Beagle – “The Queen Who Could Not Walk”

Priya Sharma – “Lebkuchen”

Neil Gaiman – “Diamonds and Pearls: A Fairy Tale”

Richard Bowes – “The Queen and the Cambion”

Octavia Cade – “The Mussel Eater”

Jane Yolen – “Memoirs of a Bottle Djinn”

Steve Duffy – “Bears: A Fairy Tale of 1958”

Charles de Lint –“The Moon Is Drowning While I Sleep”

Veronica Schanoes – “Rats”

Rachel Swirsky – “Beyond the Naked Eye”

Ken Liu – “Good Hunting”

Kirstyn McDermott – “The Moon’s Good Grace”

Peter Straub – “The Juniper Tree”

Jeff VanderMeer – “Greensleeves”

Tanith Lee – “Beauty”
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Annihilation

Le résumé d'Annihilation de Jeff Vandermeer m'avait au départ bien plu, d'où mon achat. Une Zone dénommée X, étrange et mouvante. Onze expéditions envoyées pour la cartographier avec comme résultats suicides, tueries, ... des membres. Une Frontière mystérieuse. Autant d'éléments alléchants à première vue.



Et une douzième expédition, composée de quatre femmes, chacune avec une spécialité scientifique: une psychologue, une géomètre, une anthropologue et une biologiste - la narratrice.

Les descriptions de l'environnement de la Zone X, sa faune, sa flore possèdent, sous-jacente, la sensation qu'il y a quelque chose qui ne va pas bien. La tension est palpable, même entre les quatre collègues qui ne se connaissent pas vraiment (par obligation, de plus, le recours à leur prénom est interdit) et ne se font guère confiance. Les reconnaissances effectuées aux alentours conduisent à une drôle de tour qui semble enterrée mais dont l'accès par escalier est une invitation à descendre explorer.



Le récit étant tenu de façon subjective par la biologiste, on ne dispose que de son point de vue. Aux constatations de la présente expédition se mêlent des souvenirs antérieurs à la mission et qui permettent d'éclairer la personnalité de la jeune femme.



Malgré tout cela, je suis restée hermétique à l'atmosphère délétère de cette fameuse Zone X. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le roman et, en définitive, n'y suis jamais réellement parvenue. Je ne peux pas dire que cela tient à des défauts dans la construction, l'intrigue ou l'écriture.



C'est ainsi, parfois la sauce ne prend pas et la rencontre livre-lecteur est manquée. Je suis néanmoins allée jusqu'au bout du récit... qui n'était pas volumineux heureusement. Mais la Zone X et ses mystères, certainement révélés peu à peu dans les deux tomes suivants, se passeront de moi.
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Borne

Lors d’une sortie en vue de trouver de quoi survivre, Rachel tombe sur un être bizarre, étrange. Elle ne sait pas ce que c’est, ne peut même pas bien dire à quoi cela ressemble. Mais elle s’attache immédiatement à cet être. Elle lui trouve un nom, « Borne ». Puisqu’en quelque sorte, c’est elle qui l’a amené à la vie en le trouvant (« born » signifie « naître » en anglais, pour ceux qui, comme moi, ont un niveau dans cette langue assez limite). Avec lui, avec cet « hybride d’anémone de mer et de calmar », Rachel va ouvrir les yeux sur son monde.



Cet auteur, cela fait un moment que je tourne autour. J’avais regardé sa trilogie du Rempart Sud à la médiathèque. J’ai entamé sa très curieuse Cité des Saints et des Fous. Mais le moment n’était pas adéquat et je l’ai rapidement abandonnée, en me disant que plus tard… Enfin, vous connaissez ça. Et puis j’ai découvert le titre du roman qui paraît en ce mois de septembre : Astronautes morts. Coup de foudre. Mais je me suis rapidement aperçu que ce récit prenait place dans un univers déjà décrit dans une autre œuvre. Or, je déteste débarquer au milieu d’un spectacle déjà commencé (la même mésaventure m’est arrivée cet été pour la lecture de La mer de la tranquillité d’Emily St. John Mandel). Chacun d’entre nous a ses lubies. Donc, j’ai laissé de côté mes astronautes pour aller vers Borne.



Mais je connaissais la réputation de cet auteur. Et le peu que j’en avais lu, associé aux premières lignes de ce roman proposées par Zoé sur son blog que je suis activement, m’inquiétait un peu. Et je n’ai pas été déçu. On parle de weird science, et ce terme convient tout à fait. Comme chez Jeff Noon (serait-ce une affaire de prénom ? Jeff ?), dans Un homme d’ombres par exemple, tout prend des proportions étranges. Même ce qui pourrait être banal, courant, ne l’est pas. Et là, de toute façon, pas de banalité. Car Jeff Vandermeer met en place un monde hors norme, empli de ses visions. La trame peut en sembler assez classique : scène post-apocalyptique, plusieurs clans s’affrontent, les héros sont au milieu de tout cela et tentent de survivre, un ou deux bons gros secrets pimentent le tout et leur révélation apporte un nouveau regard sur l’histoire. Mais la façon dont l’auteur met tout cela en scène et, surtout, les images qu’il y ajoute ! Je ne suis pas certain que j’aimerais pénétrer l’esprit de M. Vandermeer.



Car tout change de forme. Sortir de son refuge est synonyme de mise en danger. Le moindre être vivant semble n’exister que pour faire peur, faire mal, piéger. Même la rivière qui traverse la ville est empoisonnée, repoussoir atroce malgré la soif qui se fait sentir en permanence. En avançant dans les rues, on trouve des « pendus aux lampadaires brisés », des « cadavres mutilés et brûlés ». Car la ville est le terrain d’une guerre. Entre la Compagnie, qui semble avoir créé nombre des horreurs qui tuent encore, malgré sa déchéance, et un groupe dirigé par la Sorcière, dont on ne sait pas grand-chose au début du roman. Et surtout, la ville est sous le pouvoir de Mord, créature créée par cette même Compagnie : un « ours géant » capable, lui, de boire sans dégât dans la rivière empoisonnée ; dont les griffes et les crocs sont capables d’« éviscérer et éliminer en un éclair » n’importe quoi ; qui vole au-dessus de son domaine et tue, sans pitié, sans même s’en apercevoir tout et n’importe quoi. Un monde de folie où survivent, on ne sait comment, plusieurs individus. Dont Rachel.



Rachel, qui forme avec Wick, un couple étrange mais stable. Ce dernier a été lié à la compagnie. On ne sait pas bien comment au début. Juste qu’il semble avoir été un inventeur, un créateur. Et qu’il continue, avec ses faibles moyens. Mais à la Vandermeer. On n’est pas dans un labo design. Non. Wick a une piscine où nagent ses embryons de création. Tout est monstre, de toute façon. Et, la plupart du temps, monstre menaçant de par sa propre nature. Face à cette hostilité permanente, Rachel reste en grande partie humaine. Mais une humaine affûtée, réduite à sa part animale, qui se méfie de tout et est prête à se battre, même contre ses congénères, afin d’obtenir de quoi tenir encore quelques temps. L’arrivée de Borne va tout changer. L’équilibre est rompu : Rachel délaisse un peu Wick, son mentor, son amant, au profit de Borne, son « bébé ». La voilà mère, aux prises avec les affres de l’éducation. Car Borne grandit et veut apprendre. Et cela va tout changer.



Je ne me frotte pas si souvent que cela au genre New Weird, mais j’en sors souvent plutôt satisfait. Et cette plongée, improvisée, dans le monde de Borne ne fait pas exception à la règle. Si je ne sors pas transcendé par cette lecture, j’ai passé un moment très agréable, occupé à mettre des images sur les mots de Jeff Vandermeer, regrettant parfois de l’avoir fait ; à me demander si tout finirait comme je l’avais prévu (en grande partie, malgré quelques surprises qui m’ont étonné) ; à observer l’irruption de ces astronautes morts dont je vais bientôt lire le roman.
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Annihilation

Une équipe de quatre scientifiques sont envoyés dans une zone X sur Terre, abandonnée et coupée du reste de la civilisation par une sorte de frontière dont j'aurais eu, je pense, du mal à visualiser sans l'adaptation cinématographique. J'ai vu le film avant, j'avais été assez impressionnée par certains plans. J'étais curieuse de me plonger dans le roman car les romans souvent plus riches et avec plus de contenances, puisqu'ils ne sont pas limités par un budget de mise en scène, peuvent répondre à des myriades de questions sur l’histoire. C'est effectivement avec cette trilogie que vous obtiendrez bien plus de contenances. Cependant, ma lecture était plus proche de l'expérience que d’une lecture classique, une sorte de roman trance que vous ne lâchez qu’au dernier mot sans lever les yeux au monde réel. J’ai moins bien aimé le tome 2 mais indispensable pour pouvoir accéder au tome 3. Petit bijou de la SF qui se rapproche de mon expérience avec Stalker, Pique-nique au Bord du Chemin des frères Strougatski.
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Borne

Jeff Vandermeer est un génie.

Posons ça là, immédiatement, pour clarifier les choses.

Jeff Vandermeer est aussi l’un des auteurs américains les plus injustement méconnus en France une fois sorti du microcosme de l’imaginaire.

L’auteur du monumental La Cité des Saints et des Fous a pourtant connu une seconde chance dans l’Hexagone avec sa Trilogie du Rempart Sud publiée chez Au Diable Vauvert à l’occasion de son adaptation filmique par Alex Garland sous le titre d’Annihilation.

Mais de nombreuses œuvres de l’américain restent encore indisponibles à ce jour dans la langue de Molière, cela malgré une popularité croissante Outre-Atlantique et un engouement critique qui ne se dément pas avec les années.

Si l’on attend toujours de façon désespérée la traduction de son Veniss Underground, c’est avec l’un de ses ouvrages les plus récents que revient Jeff Vandermeer sous nos latitudes : Borne.

Une occasion forcément immanquable pour le lecteur français de plonger dans l’univers weird et curieusement émouvant de cet auteur unique en son genre.



It’s a strange world, after all

Tout commence par une découverte, celle faites par notre narratrice, Rachel, sur la fourrure de Mord, un ours géant qui vole.

Cette découverte ? Borne, un être bizarre, étrange, impossible à cataloguer, tantôt en forme de vase inversé tantôt tentaculaire et végétal.

Intriguée par cette chose, Rachel lui accorde le droit de vivre au sein des Falaises à Balcons où elle vit avec Wick, un scientifique sur le déclin.

Bien vite, Borne se met à bouger, à manger, à changer…à parler !

Mais… attendez une minute… un ours géant qui vole ?

Borne prend place dans une immense cité en ruines, sans nom, abandonnée, effrayante, dangereuse. Tout droit sortie d’un cauchemar Volodinien, la cité n’a pas vraiment de passé clairement défini. Les souvenirs dans Borne sont flous, pour les êtres vivants comme pour la pierre et les rivières toxiques. Jadis, l’univers de Rachel a connu des guerres, des massacres, des accalmies, une lente décrépitude… que s’est-il passé exactement ?

La seule chose que l’on sait avec certitude dans le monde inventé par Jeff Vandermeer, c’est que la cité a vu une mystérieuse Compagnie s’installer en son sein. Un édifice tentaculaire qui l’a drainé de sa substance vitale et l’a inondé de choses recréées, difformes, dangereuses, étranges.

C’est d’une des expériences de la Compagnie qu’est né Mord, un ours plus grand qu’un immeuble et qui a la faculté pour le moins inattendue… de voler !

Depuis, la situation a empiré. Mord fait régner la terreur, ses intermédiaires (de plus petits ours génétiquement modifiés et venimeux à souhait) surveillent son territoire et La Magicienne, une des survivantes de la Compagnie, transforme les enfants abandonnés de la cité pour en faire de parfaits petits soldats à ses ordres.

De loin, Wick et Rachel survivent dans un édifice en ruines, peut-être jadis un immeuble majestueux, aujourd’hui un labyrinthe parsemé de pièges où la biotech de Wick peut saisir l’intrus à n’importe quel tournant. Cette cohabitation fragile bien que profitable pour les deux partis, est mise en péril par l’arrivée de Borne, un nouveau rouage dans la machinerie qui risque de tout déstabiliser. Et si Wick ne lui fait pas confiance, Rachel, elle, se prend à aimer son nouveau compagnon comme une mère…



Weird, Weird…et Weird

Borne n’est pas un roman de Jeff Vandermeer pour rien. Comme toujours, on y retrouve un bestiaire aux confins d’une fantasy malsaine et d’une science-fiction organique en diable, avec des ours géants et des renards intelligents, des enfants-guêpe et des poissons à tête humain. Comme toujours aussi, des leitmotivs, des éléments entêtants qui viennent et reviennent au gré des pages et dans la tête du lecteur, si les ours remplacent les champignons d’Ambregris et si les suricates de Veniss laissent la place aux renards, le principe reste le même : créer un surréalisme horrifique par la répétition, l’omniprésence.

La ville, elle, n’est qu’un terrain apocalyptique de plus de prime abord mais trouve, petit à petit, un caractère propre. Comme le monde imaginaire de Peter Pan redessiné par un scientifique fou, avec des enfants perdus chirurgicalement défigurés et un Peter Pan qui rentre à la maison en bestiole biotech à la fois émouvante et dévastatrice.

Dans l’univers de Jeff Vandermeer, rien n’est ce qu’il semble être, tout cache un vilain secret. Entre les cendres d’une ville détruite et les dépouilles sinistres d’astronautes morts qui n’en sont pas vraiment, Rachel et Borne vont apprendre à s’apprivoiser, à se connaître et à s’aimer.

Mais surtout, à se redécouvrir.



Élever un enfant…différent

Ce grand roman weird, c’est avant tout un roman d’apprentissage, celui d’une créature aussi peu humaine qu’émouvante du nom de Borne. Rachel, pour une raison qui n’appartient qu’à elle (et que l’on comprendra à la toute fin de son récit), s’attache à cet enfant qu’elle a trouvé, un petit être qui ne sait ni parler ni marcher et qui, petit à petit, va grandir, apprendre, changer.

Jeff Vandermeer imagine l’éducation d’une créature non-humaine à l’aune de critères, de sentiments et de jugements humains. Forcément, Borne attendrit le lecteur, maladroit et comique, toujours bienveillant envers sa mère adoptive…mais Borne reste Borne, une créature différente avec une nature profonde qui diffère de l’humain, qui remonte à la surface de façon inévitable. Métaphore de l’adolescence, du passage à l’âge adulte, de l’amour que peut porter une mère à son enfant alors que celui-ci n’en est plus un depuis longtemps, Borne théorise le nouvel adulte sous le signe de l’étrange et de l’absurde, pousse le sentiment de changement à l’extrême, physiquement et psychiquement.

Tout ça pour arriver à une question essentielle : qu’est-ce qu’une personne… qu’est-ce qu’être une personne ? Notre capacité à se mentir ? À se penser personne ? Humain ? À connaître la mort ? Le bien et le mal ?

Jeff Vandermeer, sous le soleil post-apocalyptique et le passage régulier d’un ours volant géant dans l’intervalle, brise les rêves imaginaires et confronte ses étranges personnages au réel.



Âmes brisées en quête de souvenirs

Un réel brisé, en miettes, détruit. Un monde cassé qu’il faudrait réparé, mais comment ? Chaque personnage ici incarne l’une des facettes de ce monde en morceaux.

Rachel, la récupératrice au passé couturé de cicatrices, aux recoins obscurs, en besoin d’amour, en besoin d’aimer.

Wick, le scientifique en perdition, rongé par le remord, méfiant de tout, de tous, perdu dans ses créations absurdes.

Borne, l’animal-chose qui voudrait être un « vrai p’tit garçon » , être gentil, être entier pour exister, tiraillé entre ses pulsions meurtrières et son amour étrangement humain.

Même La Magicienne, ennemie errante dont on ne sait rien ou presque, qui rêve de mettre à bas Mord, expérience ratée ou terreur ultime.

Dans le monde créé par Jeff Vandermeer, la vie semble cruelle mais pourtant délicieuse, intense, surprenante. La capacité de l’américain à changer les formes, à transformer de vieux équipements NBC en combinaisons d’astronautes morts, à imaginer des médicaments sous forme de pillules-nautiles, à dessiner des vers-diagnostics et des scarabées de combats, tout ça mène à une sorte de ré-enchantement glauque d’un réel en perdition, d’un réel qui, pourtant, recèle toujours une part de beauté et d’espoir.

L’espoir d’être un jour une personne, de savoir qui l’on est, d’accomplir quelque chose.

La terreur elle, guette toujours, Vandermeer ne déroge pas à ses passions premières. Dans les profondeurs du bâtiment de la Compagnie, sur un toit entouré d’ours venimeux, dans une chambre torturé par des enfants-mutants… la terreur reste mais l’amour aussi, jusqu’à la fin, au-delà du miroir, au-delà du sacrifice.



Roman du pardon et de l’amour, de la mémoire et du malaise, de l’être et du non-être, Borne trouve la beauté absolue au cœur de l’horreur organique et surréaliste dont raffole son auteur. Singulier jusqu’au bout de ses griffes et de ses tentacules, Borne réaffirme encore et encore que l’univers de Jeff Vandermeer reste l’un des plus originaux, des plus forts et des plus beaux de l’univers.
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Acceptation

J’ai récemment vu le film adapté du roman « Annihilation » et j’avais été emballée au point de me ruer ensuite sur la trilogie.

Je n’ai pas été déçue du tout, même si le film et les livres n’ont finalement pas grand-chose en commun !



Tout commence par une expédition scientifique. Quatre femmes sont envoyées dans la zone X.

Mais qu’est-ce que cette zone, qu’à t’elle de spécial ?

On sait que cette expédition est la douzième et que les précédentes ont été des échecs complets . La plupart des hommes envoyés précédemment dans la zone X se sont suicidés, entre tués ou sont revenus rongés par des cancers.



Les trois tomes nous permettent non seulement de suivre cette expédition-ci, mais aussi de comprendre de l’intérieur ce qu’est l’organisation qui s’occupe de la zone X et d’avoir quelques réponses concernant la genèse de cette zone si mystérieuse.

Le premier tome est un vrai roman d’aventure, le second s’apparente davantage à un roman d’espionnage et le troisième à un roman de science-fiction, le tout formant une trilogie passionnante, aux personnages fouillées, à l’histoire complexe comme des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres et à l’écriture hypnotique.

Un gros coup de cœur donc pour cette trilogie fantastique que j'ai dévoré en quelques jours.

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Chansons de la Terre mourante, tome 1

Dirigées par Gardner Dozois et Georges R. R. Martin, ces « Chansons de la Terre mourante » récemment débarquées aux éditions ActuSF se veulent un hommage à ce maître de la fantasy et de la science-fiction qu'est Jack Vance et à son univers de la Terre mourante. Que vous connaissiez sur le bout des doigts l'intégralité de l'œuvre de l'auteur ou que, comme moi, vous n'aillez pas encore sauté le pas, voilà un ouvrage qui vous donnera en tous les cas envie de vous (re)plonger dans les romans de Jack Vance, à l'origine de cette brillante idée qui consiste à écrire de la science-fiction qui se déroulerait dans un futur tellement lointain qu'on pourrait la lire comme de la fantasy. La Terre mourante c'est donc un monde merveilleux où la magie a remplacé la technologie et par conséquent peuplé de sorciers, créatures surnaturelles plus improbables les unes que les autres, objets enchantés..., mais aussi un monde sur le déclin, avançant lentement mais inexorablement vers sa fin. Ne vous étonnez donc pas d'y croiser des sorciers astucieux mais d'une affligeante nullité ou encore des poètes et nécromants mélancoliques ou dépressifs, le tout parsemé de compétitions de sorts, de quêtes insolites, de combats de magie...



Chaque auteur possède bien évidemment un style et une façon de faire qui lui est propre, mais l'ensemble se lit avec une grande fluidité sans que jamais l'ennui ou la répétition ne s'installe. Trois auteurs tirent cela dit, à mon sens, leur épingle du jeu dans ce premier volume : Byron Tetrick, qui met en scène dans « L'université de maugie » un jeune homme en quête de son père, un personnage qui parlera aux familiers de l'univers de Jack Vance ; G. R. R. Martin, qui nous offre comme à son habitude avec « Une Nuit au Chalet du Lac » une nouvelle pleine de surprises et habilement construite ; et enfin Jeff VanderMeer, qui nous embarque avec « La Dernière Quête du mage Sarnod » dans les terrifiants royaumes de l'En Dessous aux côtés de personnages attachants et tourmentés Tour à tour drôles, touchants, surprenants ou envoûtants, chacun des textes présents au sommaire ne manqueront en tout cas pas de séduire les amoureux de fantasy. Outre la qualité des nouvelles, on peut également saluer la présence au sein de l'ouvrage de postfaces à la fin de chaque texte dans lesquelles les auteurs reviennent tous sur leur première découverte des œuvres de Jack Vance et sur l'influence que cela a pu avoir dans leurs écrits. Instructif.



Qu'il s'agisse de rendre hommage à ce grand écrivain qu'est Jack Vance ou tout simplement d'amener de nouveaux lecteurs à découvrir l'univers de la Terre mourante, dans les deux cas le pari est parfaitement réussi. C'est avec impatience que j'attends de découvrir les anthologies suivantes (avec en tête d'affiche Neil Gaiman, Dan Simmons, Tanith Lee ou encore Tad Williams) qui devraient arriver dans nos librairies en automne pour la seconde et début 2014 pour la troisième. Une anthologie qui vaut le détour et qui se révèle malheureusement d'actualité puisque Jack Vance nous a quitté à l'âge de 96 ans dimanche dernier.
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Annihilation

Imaginez une immense réserve naturelle apparue sans que l'on sache comment. Imaginez ensuite que cet espace soit matérialisé par d'étranges frontières et qu'il contienne des espèces nouvelles au comportement jamais observé. Imaginez enfin que les rares hommes et femmes a y avoir été envoyés n'en soient jamais revenus ou alors complètement transformés. Voilà, vous avez maintenant une petite idée de ce qu'est la Zone X, non seulement décor mais aussi protagoniste d'« Annihilation », premier tome de la trilogie « Rempart sud » dont le deuxième opus vient tout juste de paraître. Le pitch était assez prometteur, mais je dois avouer que c'est surtout la nouvelle d'une adaptation cinématographique avec Nathalie Portman dans le rôle titre qui a fini par titiller ma curiosité. Jeff Vandermeer met ici en scène l'une de ces fameuses expéditions envoyées dans la Zone X, la douzième, dont l'effectif a été drastiquement réduit puisqu'elle ne comporte plus que quatre membres : une psychologue, une géomètre, une anthropologue, et une biologiste. Quatre femmes qui, en dépit de leur préparation et du visionnage ou de la lecture des comptes rendus de ceux qui les ont précédés, ne savent absolument pas à quoi s'attendre. Or, les choses dégénèrent presque aussitôt après le passage de la frontière. Il y a d'abord cette tour souterraine non répertoriée creusée à proximité du camp de base dans laquelle elles découvrent une étrange série d'écritures dont elles ignorent et le sens et, plus perturbant encore, l'auteur. Il y a aussi ce phare qui émet d'étranges lueurs au loin et qui porte les stigmates d'un drame sanglant. Et puis surtout il y a cette tension qui monte entre les quatre femmes, et ce en dépit de leur conditionnement par l'hypnose modéré par la psychologue et auquel notre héroïne se retrouve curieusement immunisée.



Jeff Vandermeer installe au fil des pages une atmosphère de plus en plus anxiogène, faisant progressivement basculer son récit dans l'horreur et le rapprochant ainsi davantage du fantastique que de la science-fiction. En dépit de la beauté des paysages et de l'étrangeté de la faune et la flore rencontrées, le lecteur comme la narratrice ne peuvent ainsi dès les premières lignes se défaire de l'impression que quelque chose ne va pas du tout. Cette ambiance très particulière, qui fait sans cesse osciller le lecteur entre malaise et émerveillement, est sans aucun doute la plus grande réussite de ce premier tome qui se fait tour à tour intriguant ou perturbant. Seulement si les questionnements soulevés par l'auteur sont effectivement passionnants, les réponses, elles, ne sont pas toujours au rendez-vous. Difficile en effet au terme de ces quelques deux cents pages de se défaire de l'impression de n'avoir presque rien appris et très peu compris à la Zone X tant les rares éléments rassemblés par la narratrice sont difficiles à appréhender. Cette opacité qui entoure l'origine et la nature de la zone elle-même pousse peu à peu le lecteur à reporter son attention sur d'autres mystères, à commencer par celui entourant le sort des précédentes expéditions. Suicides collectifs, massacres, cancers, pertes de mémoire et d'identité : les précédents scientifiques s'étant aventurés au-delà de la frontière ne sont, d'une manière ou d'une autre, jamais vraiment revenus. Un drame qui concerne notre héroïne au plus près, puisque son mari était lui-même membre de la dernière expédition en date. Si les révélations concernant la Zone X se font attendre, l'auteur tempère ainsi la frustration de son lecteur en l'appâtant avec quelques débuts de réponses sur le sort de ce personnage qui reste malgré tout lui aussi assez flou.



En dépit de toutes les étrangetés rencontrées au fil du récit, celle à laquelle j'ai finalement eu le plus de mal à me faire concerne la narratrice. Le roman prend la forme d'un journal de bord tenu par l'un des membres de l'expédition, la biologiste, qui nous décrit l'avancée de sa mission au fil des jours tout en revenant sur son parcours et les choix qui l'ont conduit à accepter de faire partie de cette aventure. La première surprise à laquelle le lecteur doit faire face en ouvrant le roman concerne la façon de désigner les personnages : aucun n'est appelé par son nom. Même la biologiste, dont il s'agit pourtant du compte rendu, ne nous donne jamais le sien. Les quatre membres de l'expédition ne sont ainsi désignées que par leur fonction (biologiste, anthropologue, géomètre, psychologue), fonction qu'elles n'ont d'ailleurs presque aucune occasion d'exercer. Le procédé aurait pu être sans conséquence si la narratrice s'était révélé attachante, malheureusement ce n'est pas vraiment le cas. Le compte rendu de la biologiste souffre en effet de la froideur avec laquelle elle nous raconte son histoire, au point que celle-ci paraît davantage spectatrice qu'actrice. Le personnage n'a ainsi que très peu de réactions émotionnelles fortes, que ce soit lorsqu'elle revient sur sa relation avec son mari, ou lors des situations effrayantes à laquelle elle se retrouve exposée dans la Zone X. Alors que le lecteur se laisse peu à peu contaminer par l'angoisse, la narratrice y semble pour sa part totalement immunisée, ce qui ne facilite pas l'identification. Cette distance qui s'installe entre le lecteur et la biologiste ne la rend pas pour autant antipathique, loin de là, et j'ai pour ma part particulièrement été sensible à sa passion pour la nature qui occupe une place véritablement essentielle dans tous les aspects du récit.



Jeff Vandermeer signe un premier tome déroutant qui séduit par son atmosphère mais déstabilise par sa narration ainsi que par son absence de réponses aux principales questions soulevées par cette Zone X. Difficile de savoir quelle direction prendra la suite de la trilogie, mais je suis pour ma part assez curieuse de savoir ce que nous réserve le deuxième tome ainsi que l'adaptation prévue au cinéma (dont une bande annonce a déjà été relâchée).
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Le manuel Steampunk

Contrairement à la bible steampunk (de Vandermeer aussi), qui ne parle quasiment que de littérature, on a ici un guide destiné aux bricolos et autres artistes de tout poil !

Avec témoignages de créateurs, idées, petits guides pour faire des "premières créations", aussi bien en vêtements qu'en collages, machines imaginaires, etc...



Bien entendu il y a un chapitre consacré à la "créativité" dans le domaine de l'écriture, vraiment très intéressant. J'ai acheté à l'origine ce manuel pour ma fillotte qui adore cet univers, mais j'avoue que je le feuillette et lis (par petits bouts en fonction de mon intérêt du moment : je ne savais pas par exemple qu'il existait des groupes de musique "steampunk", lol !) avec grand plaisir.



L'étoile en moins, c'est à cause du prix pour la taille du bouquin : excessif, comme souvent dans les grands formats Bragelonne.
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Annihilation

Une biologiste, une anthropologue, une géomètre et une psychologue constituent la douzième expédition envoyée dans la Zone X. « Notre mission était simple : poursuivre l’enquête gouvernementale sur les mystères de la Zone X en progressant lentement à partir du camp de base. » (p. 6) Que s’est-il passé ici ? Un cataclysme ? Une contamination ? Tout semble familier, mais le danger est partout et la Zone X influence ceux qui s’y trouvent en modifiant leur comportement, parfois jusqu’à la folie, souvent jusqu’à la mort. « Voir de la beauté dans la désolation change quelque chose en vous. La désolation tente de vous coloniser. » (p. 7) Les membres des précédentes expéditions ont tous disparu dans des circonstances troubles. Les quatre femmes trouvent une tour qui s’enfonce sur la terre, étrange bâtiment qui n’est indiqué sur aucune carte. Sur les murs, il y a des mots vivants et, dans les escaliers, une étrange créature s’enfonce dans les profondeurs. « C’est ainsi que la folie du monde essaie de vous coloniser : de l’extérieur, en vous forçant à vivre dans sa réalité. » (p. 82)



Le récit est porté par la biologiste qui devient rapidement insensible aux manœuvres d’hypnose de la psychologue. Quelque chose ne va pas dans cette expédition : les consignes ne sont pas identiques pour tout le monde et bien des choses se révèlent et viennent troubler les certitudes des protagonistes. Chaque découverte est un nouveau mystère qui prouve les mensonges du gouvernement. « C’était une mise à l’épreuve d’une confiance fragile. De notre curiosité et de notre fascination qui allaient bord à bord avec notre peur. Un test pour savoir si nous préférions l’ignorance ou le danger. » (p. 46) La biologiste rédige un journal, mais pour qui ? À s’adresse ses révélations et ses analyses ? L’identité des personnages est réduite à leur métier au sein de l’expédition. « Les sacrifices n’avaient pas besoin de nom. Les gens remplissaient une fonction n’avaient pas besoin d’être nommés. » (p. 100) Mission après mission, tous disparaissent et le mystère de la Zone X reste entier.



Dans la veine post apocalyptique, ce roman tire honorablement son épingle du jeu. En se concentrant sur un seul personnage et en observant les effets de la Zone X sur son comportement et ses pensées, l’auteur invite le lecteur à partager l’expérience du protagoniste, entre angoisse et émerveillement. Il n’en faut pas beaucoup plus pour créer une atmosphère unique, viscérale et qui colle à la peau. Annihilation est une courte dystopie de très bonne facture.
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La Cité des Saints et des Fous

Dans la métropole d'Ambregris se croisent le meilleur et le pire de l'humanité. Le missionnaire Dradin, encore souffrant des fièvres de la jungle, s'éprend éperdument d'une femme dont il a simplement aperçu l'image à la fenêtre. « Désormais, il était en vérité un missionnaire, qui se convertissait lui-même à la cause de l'amour, et il ne pouvait pas s'arrêter. » (p. 44) On découvre l'histoire de Jean Mazikert, fondateur d'Ambregris, de ses descendants et des mystères légendaires de la cité. « Comment réagir, à notre époque moderne, lorsqu'on nous affirme que 25 000 personnes ont tout simplement disparu, sans laisser la moindre trace de lutte ? Arrive-t-on simplement à le croire ? » (p. 156) Découvrez Martin Lac, peintre estropié, dont l'œuvre la plus connue traduit son obsession pour la décapitation à laquelle il a assisté. « Parfois, Martin, une personne fortunée a une vilaine petite idée dans un vilain petit coin de sa tête... Une vilaine petite idée qui consiste à faire réaliser par un peintre une œuvre pornographique à son goût. » (p. 201) Enfin, vous ferez la connaissance de X, patient d'un hôpital psychiatrique de Chicago, interrogé sur sa curieuse névrose. Et là, c'est l'activité même d'imagination qui devient une maladie, une infirmité, presque une déviance mentale. « Je crois maintenant fermement qu'Ambregris, et tout ce qui lui est associé, est un produit de mon imagination. Je ne crois plus qu'Ambregris existe. » (p. 256)



Suit un nombre impressionnant d'annexes, d'archives inventées, de ressources créées de toutes pièces pour donner vie au monde étrange d'Ambregris. Cela va du rapport médical à une monographie sur le calmar royal en passant par des publicités et un récit biographique de la famille Hoegbotton. Chaque texte a des liens avec les autres et tous composent une carte géographique et temporelle d'Ambregris, cité de sinistre réputation. Certains textes m'ont rappelé les contes d'Hoffmann et évidemment les histoires d'Edgar Allan Poe, le tout richement illustré de gravures épatantes ! Ce qui est vraiment stupéfiant dans ce recueil, c'est que Jeff Vandermeer se fait personnage de son œuvre, qu'il se transforme en matière créative de son propre livre, allant jusqu'à donner son patronyme à un personnage. D'autres avant lui l'ont fait, mais Jeff Vandermeer apporte un je-ne-sais-quoi plus frappant, plus efficace. Et en fin d'ouvrage, il fantasme sa biographie d'écrivain. Ce n'est certainement pas de l'autofiction, mais plutôt une métafiction si j'ose inventer le terme. Sous la plume de l'auteur, tout devient sujet à la création et à la transformation en fiction.



Du même auteur, je vous recommande évidemment La trilogie du rempart Sud : Annihilation, Autorité et Acceptation, et Borne.
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Autorité

J'ai vu le film adapté du roman « Annihilation » et j'avais été emballée au point de me ruer ensuite sur la trilogie.

Je n'ai pas été déçue du tout, même si le film et les livres n'ont finalement pas grand-chose en commun !

Tout commence par une expédition scientifique. Quatre femmes sont envoyées dans la zone X.

Mais qu'est-ce que cette zone, qu'à t'elle de spécial ?

On sait que cette expédition est la douzième et que les précédentes ont été des échecs complets . La plupart des hommes envoyés précédemment dans la zone X se sont suicidés, entre-tués ou sont revenus rongés par des cancers.

Les trois tomes nous permettent non seulement de suivre cette expédition-ci, mais aussi de comprendre de l'intérieur ce qu'est l'organisation qui s'occupe de la zone X et d'avoir quelques réponses concernant la genèse de cette zone si mystérieuse.

Le premier tome est un vrai roman d'aventure, le second s'apparente davantage à un roman d'espionnage et le troisième à un roman de science-fiction, le tout formant une trilogie passionnante, aux personnages fouillés, à l'histoire complexe comme des poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres et à l'écriture hypnotique.

Un gros coup de cœur donc pour cette trilogie fantastique que j'ai dévoré en quelques jours.
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Astronautes morts

Continuant à creuser, Jeff VanderMeer s’enfonce toujours plus loin dans les profondeurs de la Weird Fiction avec son dernier né : Astronautes Morts.

Petit retour en arrière pour bien commencer.

Dans Borne, son précédent roman, l’américain imaginait une Ville en forme de cauchemar post-bio-apocalyptique parcouru par des créatures chimériques dont le fameux Mord, un Ours géant qui vole.

Dominé par le bâtiment de l’énigmatique Compagnie, la cité n’en finit pas d’agoniser et se retrouve en première ligne d’une guerre sanglante entre organismes génétiquement modifiés et ce qu’il reste du consortium.

Alors qu’elle parcourent la zone, Rachel, l’héroïne de Borne, croisait le chemin de trois cadavres d’astronautes. Une scène surréaliste qui aurait pu rester parmi les nombreuses images rémanentes laissées aux lecteurs après la lecture de Borne.

Mais Jeff VanderMeer a d’autres plans.

Grâce à Gilles Goullet (et sa traduction complètement folle) ainsi qu’Au Diable Vauvert (qui s’acharne à défendre l’œuvre unique de l’américain en France), vous voici transporter à travers le temps et l’espace en compagnie de trois astronautes pas comme les autres…



Vous serez accueilli dans Astronautes morts par un trio de personnages complètement fou : Grayson, Chen et Mousse. Trois astronautes qui voyagent à travers le temps et l’espace, qui visitent d’infinis versions de la Ville et combattent encore et encore (et encore) la Compagnie pour la faire tomber. Grayson peut voir l’avenir par son œil aveugle, Chen perçoit le monde qui l’entoure par le biais d’équations quand il n’utilise pas l’une de ses mains comme un projectile explosif, et Mousse peut se diviser et fusionner avec d’autres versions d’elle-même. Autant dire que si vous sentez le sol se dérober sous vos pieds d’emblée, c’est tout à fait normal.

Astronautes Morts incarne le contre-pied narratif de Borne.

Complètement éclaté, remonté et reconstruit, le récit se rapproche davantage d’une expérimentation à La Cité des Saints et des Fous qu’à une histoire linéaire plus traditionnelle (si tant est que Jeff VanderMeer ait déjà produit quelque chose de traditionnel un jour).

C’est donc un voyage abrupt qui vous est offert, sorte de livre-compagnon de Borne qui expand l’univers par le travers, qui laisse le lecteur ramasser le puzzle au sol pour comprendre l’ensemble. Il faut dès lors accepter de se laisser porter et entraîner dans une sorte de multivers où des versions différentes de Chen tentent de s’entretuer, où Mousse fusionne encore et encore et où Grayson revient sur la Terre pour rencontrer Mousse pour la première fois. Ou la Treizième. Qui sait ?

Jeff VanderMeer illustre la lutte perpétuelle, le fond avec le temps et l’espace, imbrique les dimensions et fait volontiers se perdre le lecteur.

Comme on aime à se perdre dans un labyrinthe de maïs sauf que cette fois, des créatures étranges vous guettent à chaque tournant.



Ceux qui sont familiers de l’œuvre de VanderMeer le savent, il n’est pas un roman de l’auteur sans animaux totems en son sein. Des champignons aux suricates en passant par les ours, l’américain a l’art de transformer le banal en quelque chose d’étranger, d’inquiétant et, souvent, d’obsédant.

Astronautes Morts ne fait pas exception puisque l’on croise un Léviathan à la mémoire déstabilisante, un canard à l’aile brisé et, bien sûr, un renard bleu qui glisse entre les dimensions. Rien que ça.

Poussant les curseurs, Jeff VanderMeer entreprend de nous faire pénétrer l’esprit torturé de ces créatures issus des laboratoires de la Compagnie et des expérimentations malsaines d’un certain Charlie X.

On y retrouve le même goût pour brouiller les pistes mais aussi pour créer des psychés complètement différentes de la nôtre, déviant la perception du monde et des autres pour en faire une expérience déroutante.

Les monstruosités deviennent tour à tour des proies et des prédateurs, des victimes et des bourreaux. Insaisissables, émouvantes même.

L’américain capte l’horreur capitaliste que représente la Compagnie pour montrer la destruction sans fin de notre monde et de notre humanité, il plonge dans l’expérience sur la chair comme il l’avait si magistralement fait avec son Veniss Underground pour créer un mur de globes où des choses recombinées souffrent et attendent la libération.

Tout culmine dans l’horreur de manipulations digne d’un roman de body-horror pour finalement prendre une voie complètement différente et construire le récit poétique en diable d’un renard bleu qui nous dit sa peine, ses espoirs et ses luttes. Un renard qui vit même dans la mort, et qui croise nos astronautes dans l’infinité des possibles.

C’est complètement fou, certainement extrêmement clivant par la même occasion mais carrément génial à l’arrivée.



Astronautes morts est une expérience post-moderne et expérimentale totale, qui emploie l’écriture comme un laboratoire de papier.

On assiste par exemple à la répétition de phrases sur des pages entières, les mots devenant une sorte de papier-peint où l’indicible se planque pour en faire ressentir les infimes épitaphes de ceux qui veulent se libérer entre parenthèses. VanderMeer envisage la fiction comme une immersion, comme une fusion des perceptions de son lecteur.

Un engagement total qui épuise et agace parfois. Souvent.

Pourtant, les visées politiques et écologiques du texte sont bel et bien là. Avec cette métaphore du capitalisme et de la science qui dévorent l’homme et surtout la Nature. Une Nature transfigurée par l’action d’individus fous et destructeurs qui copie et dénature, mais ne comprennent jamais que toujours l’espoir subsiste tant que la vie elle-même résiste.

Avec ce texte en constante mutation, Jeff VanderMeer nous explique la beauté d’animaux entrés en résistance, la folie de choses-humaines chimériques qui peuvent devenir une pluie de salamandres ou d’êtres vivants las qui trouvent la mort sur un rivage en attendant demain.



Astronautes Morts est un sommet de la weird-fiction, un objet littéraire radical qui obsède et laisse des traces. Jeff VanderMeer n’est pas pour tout le monde, certes, mais le monde, lui, est bel et bien à Jeff VanderMeer. Complètement fou et incomparable jusqu’à son dernier renard.
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Borne

Rachel est récupératrice. Dans les décombres d'une ville ravagée, secouée d'une violence de chaque instant et surplombée par les ruines de la Compagnie, elle cherche tout ce qui se mange, tout ce qui peut être utile. « La ville gisait grande ouverte telle un trésor pour psychopathes. Des gens disparaissaient tout le temps. Des gens mouraient assez fréquemment. » (p. 292) C'est en accomplissant une tournée banale de récupération que Rachel trouve Borne, accroché à la fourrure nauséabonde de Mord, ours haut de trois étages et qui vole. Borne est-il une plante ? Un crustacé ? Ou un assemblage inédit de biotech doué de pensée ? « Rachel, Rachel... qu'est-ce que je suis ? » (p. 130) Être mouvant dont les capacités grandissent chaque jour, Borne est loin d'être inoffensif. Et sans tenir compte de l'amour qu'elle lui porte, Rachel devra accepter la véritable nature de son ami. « Borne m'apprenait continuellement comment le « lire », mais que voulait dire cette forme, à part que j'étais censée accepter l'impossible ? » (p. 137)



Vous qui ouvrez ce roman, ne cherchez pas à tout comprendre ou à comparer avec d'autres textes. Une fois encore, après Annihilation, Autorité et Acceptation, Jeff Vandermeer propose une science-fiction qui bouscule tous les codes et refuse toutes les facilités. Tout est étrangement beau dans son monde cruel, et même poétiquement dégoûtant. Il faut sans aucun doute saluer le travail de traduction de Gilles Goulet, car la lecture est fluide en dépit des curieux concepts développés par l'auteur. Magie ou ultra-technologie, à vous de voir par quoi est animé Borne. Moi, j'ai plongé avec délectation dans le récit a posteriori du désastre personnel de Rachel. Jeff Vandermeer excelle dans la construction d'univers où rien n'est certain, où tout est ouvert à l'interprétation. Ainsi, il offre à ses lecteurs la chance d'exercer leur imagination, et c'est un don aussi beau que le texte lui-même.
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Autorité

- Note Confidentielle-Défense N°0117.3 -

L’interrogatoire du babéliote Kickou n’a rien donné, il prétend n’avoir rien compris à cette histoire, mais nous pensons qu’il ment. Il dit n’avoir pas lu le 1er tome de la trilogie, ceci est sans doute vrai. Cependant nous avons récupéré à son insu un carnet noir comprenant ses notes manuscrites (pleines de fautes d’orthographe), l’écriture assez altérée a été retranscrite par notre expert graphologue. Concernant notre « sujet » en voici l’intégralité :

Autorité de J. VanDermeer (U.S.), Tome 2 d’une trilogie.

- Personnages 1/John Rodriguez alias Control : Nouveau responsable de l’agence gouvernementale « Rempart Sud » chargé de surveiller « La zone X », il était dans l’anti-terrorisme avant. 2/Grace : sous-directrice du « Rempart » mais plus ancienne ; Animosité entre ces 2 personnes.

- Qu’ont-ils vu, vécu dans la Zone X ?

P72 épisode vidéo des lapins qui disparaissent !!?

- Autres personnages : Whitby (scientifique) ; L’ancienne Directrice qui a disparu dans la Zone X lors de la 12ème expédition (Tome 1), Control reprend son bureau ( !) ; La Biologiste ; La Voix pour les comptes-rendus (tel.) de Control ; La mère de Control est (était ?) aussi dans les services secrets !

P98 citation x ; P106 Qu’a-t-il vu ? Ok.

- Interrogatoires Control vs La Biologiste.

- La Linguiste a un autre point de vue.

P134 citation ok

- Des Scientifiques « Spécialistes », chacun avec un seul angle de compréhension.

- Terreur = terroir (comme un corps vivant ?). Comment dit-on « terroir » en anglais ?

P169 « une pensée paranoïaque » : Un moustique à l’intérieur de sa voiture (le mot paranoïaque arrive très tard dans l’histoire !).

- PERCEPTION ; Ecrire l’Indicible.

- Ce livre est un bel objet : Couverture gaufrée (texture), maquette travaillée, originale. Dommage qu’il y ait quelques coquilles (problème de traduction ?)

- Lowry, le seul survivant de la 1ère expédition, « travaille » à Central (l’organisation de tutelle du Rempart). Est-il la Voix ? Qui a l’autorité (du titre) ? Schizophrénie !

- Est-ce de la S.F. ? Epoque, géographie !

- Control lit les rapports de l’ex-directrice - Je lis ce bouquin = Perspective.

P319 : W. dans son cagibi (?!) ! pariétale, rupestre ?

P334 : « Control avait perdu la notion du temps, ou le temps avait perdu la notion de Control » & P343 : « un mot comme Frontière avait été une erreur, un piège. Un lent effilochage de termes dont on ne s’apercevait pas à temps. »

P344 « des messages pas tout à fait cohérents » = Euphémisme.

- Dernier chapitre : Il s’échappe (iD : comme dans Le Prisonnier (le n°6)), La Biologiste s’est sauvée aussi, il veut la retrouver (trouver la « Vérité ») - Il a emmené le manuscrit de W., l’a-t-il lu ?

- En pleine Nature ... Rock Bay ; Côte Ouest, Oregon ? Regarder dans Google Earth. /.

La dernière page manuscrite du carnet noir concernant notre « sujet » est déchirée dans son angle droit.

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