Fred Dewilde est resté coincé deux heures dans la fosse du Bataclan le 13 novembre. Ce jour-là, il a fait le mort mais na pas été blessé. Depuis, il est atteint de stress post-traumatique et tente de se reconstruire en dessinant.
Il ne faut pas se tromper d'ennemi: celui-ci n'a pas de couleur, pas de confession. L'ennemi, c'est le fanatisme, c'est la peur, c'est la folie qui conduit à la guerre. L'ennemi c'est le chaos que Daesch cherche à créer en tuant à travers le monde, toutes confessions confondues, ceux qui ne sont pas lui, afin de monter les communautés les unes contre les autres. L'ennemi, c'est celui qui cède à son tour, qui répond à la haine par la haine.
Il y a l'humour noir goudron, mais il y a aussi les élans de solidarité qui nous entourent. Ces commerçants qui n'ont pas hésité à nous accueillir. Cet homme qui nous a réconfortés. Cette dame qui nous a ouvert sa porte, cette autre qui a distribué thé et chocolat. Putain, c'est beau l'humanité quand l'homme se décide à prendre l'autre en compte.
Je me méfie malgré moi d'un individu typé. Je me fais honte. Je me dis qu'ils ont réussi, qu'ils ont eu ma peur. Mais non, je le refuse. Je n'ai pas craqué dans la boucherie, je tiendrai encore le coup. Je prends une grande inspiration et roule tambour ! je pars en guerre contre moi-même. Je fais refluer ces sentiments d'un autre âge.
La peur vient quand on réalise combien on est passé près de la fin. Ce truc qui nous semble toujours si loin, immatériel, et qui là a été si proche. La peur, c'est quand on imagine qu'on aurait pu ne pas sortir, ne plus vivre. Mais de fait, vivre fait peur.
Je suis en vie, mais suis-je vivant ? J'ai laissé tant de choses au Bataclan...
Toute vérité n'est que le puzzle de plusieurs réalités.
Ce qui suit n'est qu'une pièce de ce tout.
Ceci est mon Bataclan.
« J’ai vu assez de cadavres ce soir du 13 novembre, j’ai vu assez de sang, assez de corps mutilés, brisés, déchirés, explosés, assez de larmes, d’angoisse pour plusieurs vies. J’ai vu ce qu’amenait la haine, alors pour une fois, soyons moins cons … pour une fois, choisissons la vie. »
A nos réserves, à nos critiques, cet islam répond par la fatwa, les lynchages, le déferlement de foules hurlantes, les attentats, le fer et le feu. A notre liberté répond sa contrainte, à notre droit sa force.
La culpabilité.
C'est en voyant des gens courir vers la sortie, marchant sur d'autres, que j'ai vu Élisa. Je me suis dit que non, ça, ça ne se faisait pas. Cette courte hésitation m'a été fatale, un truc m'a coincé le pied, j'ai perdu l'équilibre et je me suis retrouvé à genou à côté d'elle. J'ai voulu l'aider mais elle ne pouvait pas bouger. Trop tard pour moi. Tenter d'atteindre la porte, c'est m'exposer aux balles. Je me laisse tomber dans le sang, conscient que cette marge rouge m'offrira une apparence de mort crédible.
C'est sûrement parce que le sort d’Élisa m'a retenu dans cette fosse que je suis sorti sans culpabilité. Je n'ai rien fait que je puisse regretter. Rien qui puisse me faire honte. Je sais très bien que ceux qui en ont piétiné d'autres s'en veulent, mais non, les gars, cessez de vous tourmenter. Si ça se trouve, la prochaine fois, vous ne le ferez pas et moi si. Je sais ce que c'est et on ne peut pas juger ça.
Sauver sa peau des balles, ça n'appelle pas de réflexion. C'est de l'instinct.
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Il y a l'humour noir goudron, mais il y a aussi les élans de solidarité qui nous entourent. Ces commerçants qui n'ont pas hésité à nous accueillir. Cet homme qui nous a réconfortés. Cette dame qui nous a ouvert sa porte, cette autre qui a distribué thé et chocolat. Putain, c'est beau l'humanité quand l'homme se décide à prendre l'autre en compte.