Heure bleue, un lilas abandonné parfume le quartier.
Il n'y avait plus de lien. Et ils ne lâchaient plus leurs portables à la recherche de liens permanents pourtant, de pouces levés et baissés. Sucer les pouces. Même les très jeunes enfants avaient le leur. C'était leur seconde mère et même parfois la première en présence. Les mères n'avaient pas le temps, pas l'envie d'écouter les enfants, de leur raconter des histoires. Une sorte de nouvelle déshumanisation semblait en route au nom de l'échange. Des visions d'une violence extrême parfois, dès tout petit. Toutes ces images accumulées dans leurs yeux... La mort comme un jeu. Des intelligences artificielles qui fabriquaient des enfants robots et des vrais robots aussi.
Des épidémies commencent à sévir sur l'île et s'étendent avec la même brutalité implacable que le soleil. La fatigue et la maladie nous gagnent. Après les vols, le vandalisme, les crimes, du début du chaos, l'apathie étend son manteau sur nous. Une certaine solidarité apparaît entre tous, puis très vite le chacun pour soi enfle avec la propagation des germes. Je suis réquisitionné pour aller prodiguer mes soins. (...) Nous n'avons aucune idée de thérapeutique car les germes qui circulent nous sont inconnus. Des quarantaines sont organisées qui finissent par s'étendre à l'île entière. Les moyens de transport sont tous bloqués.
Que connais-tu de la violence faite à l'autre ? Peut-on parler d'un ton léger de la réduction de l'autre à l'état de chose ?
L'indifférence est meurtrière, un poison qui rajoute du meurtre au meurtre, qui tue après les armes. Le déni rend fou, de silence.