Pas plus de cinq secondes m’ont été nécessaires pour comprendre que c’était la chance du siècle, celle qui ne se présente qu’une seule fois dans votre vie. Communiquer avec le passé et toutes les implications qui en découlent, qu’elles soient politiques ou économiques, il ne fallait surtout pas la laisser passer. Bien gérer cette découverte, ne pas l’abandonner entre n’importe quelles mains, me permettrait de devenir extrêmement puissant, peut-être même plus, pourvoir caresser mon ambition suprême. Je lève la tête et laisse mon esprit vagabonder, mon regard se pose alors sur la boule de cristal qui orne le lustre dont la lumière inonde mon bureau, dans son reflet je peux voir mon avenir radieux.
Une histoire à dormir debout, le rêve de Marcus, c’est comme ça qu’il me l’a présenté, une téléphonie quantique. En gros, cela signifie téléporter les ondes téléphoniques.
— Tu te poses trop de questions Sarah. Tu dois juste comprendre que j’ai besoin de 15 TeV avant que les lasers entrent en action.
D’accord, bosses et ne réfléchis pas, ça, c’est du Marcus tout craché. Son histoire de téléportation c’est de la poudre aux yeux, du cinoche. Aujourd’hui, tous les opérateurs téléphoniques rajoutent des antennes un peu partout, abracadabra, lui, par magie veut tout virer.
Ce soir, j’appellerai Séb et lui poserai la question, je ne suis pas sûre qu’il en sache plus que moi, mais comme je l’ai déjà dit, il est de très bon conseil et en plus je n’ai pas du tout apprécié le ton méprisant de Marcus. Les salades, je les adore, mais seulement pendant les repas.
L’endroit où nous posons le pied ressemble à Uranus, une géante de glace composée d’hydrogène et d’hélium. Tout est blanc, recouvert d’une couche de givre, comme dans un congélateur.
Avez-vous déjà bricolé, en plein hiver, déguisé en Bibendum, un aquarium sur la tête et des gants de ski ? Non, alors ne faites jamais cette bêtise. Même si certains considèrent l’erreur comme une étape normale de l’apprentissage, à ceux-là, je leur souhaite bon courage.
Nous évitons de travailler trop près les uns des autres, la moindre déchirure nous plongerait dans l’antichambre de l’immortalité, figés dans la glace pour l’éternité.
Un éclair nous accueille en quittant le tunnel, suivi immédiatement par le grondement du tonnerre. Sans pitié, les bourrasques accompagnent maintenant l’eau qui nous rince, déstabilisant la Harley, parfois à la limite de la chute.
La sagesse voudrait que je m’arrête dans un hôtel pour y passer la nuit et reprendre notre « Road Movie » au petit matin quand l’orage se sera calmé, mais si j’étais sensé, serais-je là avec Jasmine ?
Je nage en plein chaos, tout se déchaîne autour de moi, ça part dans tous les sens et risque de mal finir. Mais, est-ce mon côté optimiste, je me souviens d’un écrit de Lorenz : Si le battement d’ailes d’un papillon peut déclencher une tornade, il peut aussi l’empêcher.
J’ai reconnu la voie du capitaine, il ne tirera jamais sur un membre de son équipe, j’en suis persuadé, j’accélère.
Erreur, une détonation déchire la nuit. Une balle siffle au-dessus de ma tête. Je n’y crois pas, il tire sur moi. Une première sommation, le capitaine est trop adroit avec un flingue pour m’avoir loupé ou alors c’est mon jour de chance.
C’est fait, nous voilà enfin au sommet de l’Everest quantique. Mais, car il y a toujours un mais, pas de trou noir à l’horizon.
Dans un passage transversal apparaît un homme à la démarche traînante, vêtu d’un grand manteau sombre qui lui arrive jusqu’aux chevilles. C’est ce que j’ai remarqué en premier, le manteau, je me suis dit qu’il devait lui tenir chaud et je me suis promis d’en chiner un, dès le lendemain. Son visage est masqué par la nuit, il passe tout près de moi, me fait signe de m’arrêter. Je pose l’un de mes écouteurs, il s’excuse et me demande du feu en me présentant sa cigarette.
Pendant que je pars à la recherche de mon briquet perdu au fin fond de la poche avant de mon jean, le mouvement d’ombres cachées derrière une porte cochère ne me semble pas suspect.
J’essaye de me redresser mais c’est impossible, mes mains sont sanglées. Tel un maître bushi japonais, je concentre toute l’énergie en moi, puis la libère dans une explosion de violence, accompagnée d’un cri venu du plus profond de mon âme. Je me débats dans tous les sens pour faire sauter les attaches. Au bout de quelques secondes, j’arrête épuisé, rien n’y fait.