« Un jour tu es un gamin en culottes courtes, le lendemain tu te réveilles adulte et père de famille. Tu te frottes les yeux, et quand tu les rouvres, c’est tes enfants qui ont fait des enfants à leur tour, et tu te retrouves avec un chenapan de petit-fils, et tu sais, Joey fiston, tu n’as rien vu passer, les choses te tombent dessus comme ça, mon petit gars, le temps de faire ouf. »
Entre avril et ce matin de septembre, à l'aéroport, il avait découvert que sous les fondations de la maison que nous appelons la vie, il y a plusieurs niveaux souterrains dont on ne soupçonne pas l'existence, et plus bas, encore plusieurs autres.
Mais j'ai vu la même chose se reproduire trop souvent — le mariage, c'est comme l'alcool, il fait seulement ressortir ce qui était déjà là… alors un beau jour, après tout ce que vous avez tenté, toute l'aide que vous avez essayé d'apporter, vous vous réveillez le matin en sachant que rien n'a changé, que rien ne changera. La situation s'est tellement dégradée que vous avez perdu le loisir de vous interroger sur les responsabilités. Il ne vous reste plus qu'à apprendre à sauver ce qui peut l'être encore — vos enfants et vous-même.
Aux chiottes, la vérité. La vérité est surestimée. (p.183)
Il s'agit de l'histoire d'un homme et d'une femme se retrouvant après plusieurs années de séparation dans une demeure familiale où s'est déroulée il y a deux siècles le drame de la vie de l'arrière arrière arrière grand-mère de la jeune femme. chapitre après chapitre, le puzzle se reconstitue. très bons moments de lecture.
...j'ai appris ceci : on croit parfois qu'on a la grâce avec soi pour toujours, et puis un jour on saute pour marquer un panier, ainsi qu'on l'a déjà fait vingt mille fois, mais on ne retombe pas exactement comme d'habitude, et là, en l'espace d'une fraction de seconde, c'est terminé, la grâce vous est reprise. Vous vous écrasez dans le monde où a toujours vécu le commun des mortels, et quand on a été si longtemps un astronaute, bénéficiant d'un statut particulier, il n'est pas facile de se découvrir un goût pour les vols en classe touriste. Non aucune grâce n'est jamais acquise, et croire que quelqu'un la possède définitivement est une grossière erreur.
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Si tu oublies tout ce que j'ai pu te dire, souviens-toi au moins de ceci : pour aimer quelqu'un, on n'est pas obligé de sombrer avec lui. Non, Joey, tu peux montrer les gilets de sauvetage, attendre jusqu'au dernier moment, te mettre à genoux et supplier s'il le faut, mais quand vient l'instant fatal, s'il continue de chanter et de danser, ou si la fantaisie lui prend de rester à bord, sous le drapeau, ou ce que je sais, saute, fiston, saute, et nage pour sauver ta vie, sans regarder en arrière, parce que, quoi que tu doives à quelqu'un en ce monde, Joey, ce ne peut être ta vie, Joey, jamais, pour personne, pas même à ta famille.
La vie est comme un jouet auquel on s'accroche de toutes ses forces, et un jour on se réveille en ayant oublié qu'on en a besoin. On le lâche et quand on finit par le retrouver dans le coffre à jouets, tout abîmé, souillé et plein de poussière, on se demande pourquoi on l'aimait tellement.
C'est ça, la vie, la forêt où nous sommes perdus mais dont aucun chemin n'est le fruit du hasard et tous mènent à un seul terme, en ligne droite ou après mille détours, vite ou lentement, et ce terme, c'est soi-même.
...encore une chose qu'il était trop jeune pour comprendre : qu'il vaut mieux faire semblant, parfois, parce que c'est encore pire, pour des parents, de savoir que leur tristesse nous rend triste.