Christophe Drénou

Si votre vie court un danger, votre premier réflexe sera la fuite. Si vous êtes physiquement blessé, votre corps mettra tout en œuvre pour cicatriser les plaies.
Mais il existe des circonstances sans possibilité de fuite telles l’emprisonnement, la maladie ; et certaines blessures d’ordre psychologique ne se referment jamais. Aussi étrange que cela puisse paraître, vous vous retrouvez alors dans un état proche de celui des arbres. Fixé au sol par les racines, incapable de vous déplacer, vous devez faire face aux agressions extérieures : pollutions aérienne et souterraine, sécheresse, vents, insectes…

Dans la masse d’un arbre, quel est le pourcentage de tissus vivants ? Les cellules vivantes sont infiniment plus légères que celle du bois dont les parois sont recouvertes de dépôts ligneux. Dans la comptabilisation de la masse vivante, on peut donc écarter le tronc, les branches, et les grosses racines. Restent les feuilles et les radicelles non lignifiées. […] un pin de 48 ans pesant 413 kg ne comprend que 19 kg de tissus vivants.

La pensée paresseuse est rassurante parce qu’elle nous donne une vision claire du monde sous forme de certitudes.

Vieillesse n’est donc pas synonyme de maladie, et jeunesse ne rime pas toujours avec longévité.

Avez-vous jamais contemplé quelque arbre pour lui-même, pour son incrustation dans le ciel, pour son âge, pour la qualité de son bois ? Aviez-vous jamais imaginé la lenteur démesurée de sa vie ? Ou éprouvé tout ce qu'il faut de volonté sourde, réfléchie, obstinée, pour se cercler d'écorce et, sans nerfs et sans cerveau, diriger pendant trois cents ans le jaillissement de sa sève ?
Victor Segalen

Les arbres sont une école de modestie. Combien de questions soulevées par leur biologie restent-elles encore aujourd'hui sans réponse ? Ne croyez pas que ce livre explique tout. Ne vous enfermez pas dans la classification et le vocabulaire proposés. Apprenez à contester ce que vous lisez sur les arbres et à faire vos propres observations, expériences et photographies. La pensée paresseuse est rassurante parce qu'elle nous donne une vision claire du monde sous forme de certitudes. C'est ainsi que nous raisonnons lorsque nous voulons tout expliquer par une seule théorie qui contiendrait la vérité entière. Ce livre n'a pas été conçu de cette façon. Sa seule ambition est de vous aider à observer et à respecter les arbres.

« La pensée paresseuse est rassurante parce qu’elle nous donne une vision claire du monde sous forme de certitudes. »

Les tailles sévères, par exemple, provoquent une telle diminution des réservent qu’elles mettent la vie de l’arbre en danger. De larges feuilles sont donc immédiatement produites en grande quantité grâce à l’émergence de nombreux suppléants. Ceux-ci se répartissent de façon localisée dans le houppier, souvent à proximité des blessures, ou de manière diffuse tout le long des branches et du tronc. Les platanes de nos villes sont à ce titre très démonstratifs. Ils réagissent d’ailleurs tellement bien aux tailles que celles-ci, souvent abusives et répétées, les condamnent à un état d’urgence permanent ! Extérieurement, tout semble aller pour le mieux, mais ces arbres s’épuisent et s’affaiblissent, ce qui les rend très sensibles aux agressions supplémentaires (sécheresse, maladies…)

Le contrat passé entre le champignon et l’arbre se résume simplement par « passe-moi le sucre, je te donne le sel. (…) L’arbre reverse en effet aux champignons 30% environ des sucres produits par la photosynthèse. En échange, les champignons servent aux racines une solution riche en phosphose, potassium, calcium, magnésium, azote et autres sels minéraux. En milieu stérile, donc sans champignon, un jeune plant peut survivre, mais il est nécessaire de lui apporter 100 à 1000 fois plus de nutriments solubles qu’en milieu naturel !