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Citations de Bernard Lahire (147)


Montrer qu’au même moment des enfants du même âge sont soumis à des conditions matérielles d’existence, des exigences morales et corporelles ou des sollicitations culturelles très contrastées, c’est donner à comprendre que les chances d’atteindre telle ou telle position, de connaître tel ou tel problème de santé ou de bénéficier de tel ou tel privilège sont très inégalement distribuées.
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Le cas des suricates, mangeurs de scorpions, est particulièrement intéressant. Les adultes apprennent aux petits comment faire avec les dangereux scorpions en les habituant progressivement à les manipuler, à jouer avec eux, tout d'abord en retirant leur dard, dont la piqûre peut être très douloureuse, voire mortelle, puis progressivement en les laissant les tuer en situation réelle. [...] Cela suppose une situation clairement pédagogique, qui s'apparente à un jeu ou à une simulation, puisque la situation d'apprentissage est contrôlée par les adultes et dépourvue au départ de danger. Le fait aussi que l'adulte modifie son comportement en fonction de l'âge de sa progéniture, pour qu'elle puisse apprendre en toute sécurité, est la marque d'une relation pédagogique.
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Paradoxalement, alors qu'elles se vivent comme des entreprises progressistes et libératrices, les sciences humaines et sociales, en séparant l'humanité de toutes les autres espèces animales, renouent avec une vision quasi théologique qui cherche à nier par tous les moyens possibles le principe darwinien de continuité du vivant.
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Si nous avons mis en exergue les premières lignes de l'ouvrage de William Faulkner, Le Bruit et la Fureur, c'est parce qu'il existe une étrange similitude entre l'écriture de l'auteur et les récits oraux des enfants les plus éloignés de la logique de l'univers scolaire. Faulkner produit une écriture aux phrases inachevées, pleine d'implicites (les lieux non indiqués, les personnages désignés par de simples pronoms...), qui livre souvent une suite d'actions sans autre transitions que les "et", "et puis" (classiquement stigmatisés scolairement) et dans un ordre qui n'est pas forcément chronologique ou logique, mais lié à l'association des idées et des souvenirs qui peuvent venir pêle-mêle à l'esprit d'un personnage.
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En tant qu'elles reposent sur des rapports de domination et ont, pour cette raison, été hiérarchisées, les classes sexuelles et les classes d'âge si caractéristiques des sociétés de chasseurs-cueilleurs sans richesses, préfigurent d'une certain façon toutes les autres, et notamment les classes dites « sociales », qui sont fondées, d'abord et avant tout, sur l'exploitation des dominés par les dominants, et engendrent des écarts de richesse (économique et culturelle). Non pas que les sociétés de classe étaient inscrites dans le destin des premières sociétés, mais la domination de classe n'a pas inventé la domination ni la hiérarchie ; elle est une façon de transférer des relations de dépendance-domination préexistantes sur le terrain en expansion de la propriété des bien matériels.
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Produit d'un long processus de division du travail, la sociologie participe de ce mouvement en ne proposant elle-même que des versions partielles et parcellisées de l'acteur et de la société. Pourtant, pour gagner en distanciation et en force explicative, elle devrait prendre pour objet la différenciation sociale des activités et l'ensemble de ses conséquences sociales et psychiques, au lieu de se contenter d'accompagner, et même d'épouser, jusque dans son mode de pensée, le mouvement différenciateur. (...)
À trop vouloir diviser, on ne se donne plus les moyens de comprendre la division (ou la différenciation) sociale des fonctions et ses nombreuses conséquences, tant sur le plan de l'organisation collective qu'en matière de constitution des patrimoines individuels de compétences et de dispositions.
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Se rendre maître du langage, c'est se rendre maître des relations sociales qu'il permet d'établir et donc, d'une certaine façon, se rendre maître de ceux qui ne peuvent adopter la même attitude réflexive ; apprendre "en toute innocence" le code, c'est se mettre objectivement en position de dominer ceux qui ne le possèdent pas.
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Apprendre à être attentif, à développer une écoute patiente, compréhensive et curieuse, à relancer une discussion au bon moment pour qu'elle puisse se poursuivre, voilà un moyen concret d'acquérir certaines valeurs, qui, laissées à l'état de slogans démocratiques, relèvent le plus souvent du simple prêchi-prêcha.
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Alors que l'on est spontanément enclin à réifier en "traits de caractère" ou de "personnalité" les comportements des individus avec lesquels nous interagissons, la sociologie rappelle au contraire que ces "traits" ne sont pas une propriété intrinsèque des individus en question. Ils sont les produits des relations d'interdépendance passée, mais aussi de la forme des relations sociales à travers lesquelles ils s'expriment. (p. 105)
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Les arguments sur le "consentement" sont des arguments juridiquement pratiques, mais qui manquent singulièrement de profondeur historique et de contextualisation. Il faudrait toujours s'interroger sur quel type d'individu donne son consentement, à la suite de quoi et dans quelles conditions. Faute de se demander quelles sont les conditions sociales de production d'un consentement, c'est-à-dire dans quelles conditions, à la suite de quelle série d'expériences, et dans quels contextes biographiques, économiques, politiques ou culturels, on consent, on passe à côté de la réalité objective des rapports sociaux. (p. 74)
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Le monde social, en tant que monde des relations interhumaines, peut se saisir dans ses grandes structures macrosociologiques comme dans certaines de ses singularités individuelles ou microcollectives. En étudiant à l'échelle individuelle des cas atypiques ou minoritaires tels que les réussites scolaires improbables en milieux populaires, les échecs scolaires inattendus chez les enfants de parents diplômés du supérieur, les actes criminels, les cas pathologiques (névroses, psychoses, anorexie, boulimie, etc.), les actes de suicide, etc., on ne passe pas de "facteurs sociologiques" à des "facteurs psychologiques", mais d'une analyse par grandes variables à une analyse plus précise et circonstanciée dans la réalité. (...)
Le temps où les sciences sociales pouvaient exclure l'individu de l'analyse pour se consacrer uniquement à l'étude des "milieux", des "groupes" ou des "institutions" devrait désormais être définitivement résolu.
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Comprendre pourquoi des individus particuliers, anonymes ou célèbres, ou des groupes sociaux, petits ou grands, font ce qu'ils font, pensent ce qu'ils pensent, sentent ce qu'ils sentent, disent ce qu'ils disent, voilà condensé en quelques mots l'ambitieux objectif des sciences humaines et sociales (...). Cet objectif, il me semble que ces sciences l'atteignent d'autant plus précisément et avec d'autant plus de pertinence qu'elles saisissent les pratiques au croisement des propriétés sociales des acteurs et des propriétés sociales des contextes dans lesquels ils inscrivent leurs actions.
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La domination radiophonique et télévisuelle de la culture du divertissement n'était pourtant pas une fatalité inscrite dans la nature des choses. Dans les années 1950 et 1960, télévision et radio publiques jouaient un rôle éducatif et culturel plus grand qu'aujourd'hui où la culture vit retranchée dans des territoires bien délimités (essentiellement France 5 et Arte pour la télévision, France Culture et France Musique pour la radio). On a même oublié qu'au début des années 1930 "la musique classique était majoritaire à la radio" et que c'est seulement "à partir de 1937, (qu') on observe un net renversement de tendance au profit de la variété". Durant les années 1920-1930, les radios d'état vont être de puissants vecteurs de diffusion de la culture la plus légitime : diffusions de musique classique et de spectacles en direct de l'Opéra de Paris (au rythme d'un concert ou une oeuvre lyrique par soir), de pièces de théâtre radiophoniques, de lectures de romans faites par des comédiens, de chroniques sur l'art, la littérature, l'histoire, les sciences, d'informations et même de cours et de conférences prononcés à la Sorbonne ou au Collège de France. C'est à partir des années 1930 que, sous l'effet de la concurrence de radios privées, l'ensemble de l'offre radiophonique commence à se transformer avec la montée en puissance de la chanson populaire, des feuilletons, des jeux et, plus généralement, des divertissements de toute nature. Malgré tout, dans les années 1950 la radio de service public continue à jouer un rôle important dans l'accès aux genre culturels les plus nobles (musique classique, opéra, théâtre, vulgarisation culturelle et scientifique).
La sphère privée est propice aux relâchements contrôlés des émotions, à l'expression des dispositions les moins formalistes et les plus hédonistes (moindre contrôle du regard d'autrui, moindre officialité et moindre formalité de la situation) et, du même coup, propice aux consommations culturelles les plus divertissantes. Plutôt que de surinterpréter l'intensité de la foi et des pratiques dévotes en matière de culture légitime, la saisie des nuanciers culturels individuels permet de se faire une idée de la variété des moments dans lesquels des goûts et inclinations très différents s'expriment.
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Les notions mêmes d'"univers", de "monde", de "sphère" ou de "champ" - sans doute indispensables du point de vue analytique - doivent être utilisées avec précaution si l'on veut éviter de donner l'impression de réalités fermées sur elles-mêmes sans interpénétration ni interaction. La spécificité de chaque domaine de pratique, portée par des spécialistes ou des experts, n'empêche pas les jeux d'interdépendances - de complémentarité, de soutien, de coopération ou de tension, de concurrence, de contradiction ou de domination - constants.
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C'est l'idée même de démocratisation de la culture qui rebute Fumaroli. Il pense en effet que l'ordre naturel des choses (des talents, des goûts, des envies, des passions) étant caractérisé par la diversité, il est vain (et méprisant pour la diversité naturelle) de vouloir imposer le même programme culturel à tous. Naturalisant des différences sociales, Fumaroli pense qu'il faut respecter ces différences et ne pas perturber l'ordre naturel des choses en laissant à chaque art (savant ou populaire) ou chaque loisir (studieux ou sans prétention) la possibilité, dans son ordre propre, d'apporter sa contribution. Il se distingue ainsi de ceux qui "souhaitent généreusement que cette propriété (du clergé intellectuel) soit partagée" : "leur générosité n'est pas douteuse. Mais son point d'application est très contestable." Car "la racine de cette "culture" (...), sa chance d'accroissement et de renouvellement, c'est la nature, c'est la lumière naturelle impartie plus ou moins à tous les hommes, et dont peut-être les voyageurs du P.L.M regardés avec commisération par Saint-Exupéry et Guéhenno, ou la femme de ménage citée par Danièle Sallenave sont pourvus en abondance, plus que leurs doctes observateurs. Cette lumière naturelle trouve en chacun de nous une expression différente, et parfois méconnaissable pour des esprits pourvus du luxe patenté de la "culture" ". Il faut accepter le fait que la Bibliothèque nationale, les musées, les théâtres, les opéras, les salles de concert, les archives ou les sites archéologiques soient destinés à une "élite" ou à une "minorité". Marc Fumaroli ne trouve pas cela plus choquant que le fait qu'une minorité de personne puissent se retrouver entre elles dans des stades ou sur des pistes de danse sans être gênées par des non-sportifs ou des non-danseurs. Pourquoi contraindrait-on les minorités cultivées "à se fondre dans la foule indistincte des badauds" comme cherche à le faire l'État culturel?
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L'irréductible diversité des points de vue de connaissance ne signifie pas l'impossibilité d'un accord quant à la scientificité des travaux (...).
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Plus on apprend à connaître la vie d’un rêveur, plus on a de chances de saisir les correspondances, les analogies entre personnages de rêves et personnes réelles, lieux ou objets rêvés et lieux ou objets réels, et, in fine, entre situations et intrigues rêvées et situations ou intrigues réelles. En procédant à des entretiens biographiques, partiels (sur des dimensions particulières de l’expérience ou pour saisir la sociogenèse de tel problème particulier ou de telle disposition spécifique), le sociologue se donne les moyens de montrer que les rêves, qui n’apparaissent qu’à partir du moment où le rêveur a acquis le langage, sont structurés par les schèmes ou dispositions socialement constitués du rêveur, ainsi que par les éléments de sa problématique existentielle. (…) Mieux on connaît la vie d’un rêveur, mieux on aperçoit les correspondances et les déformations entre la situation réelle et la situation rêvée.
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Débarrasser la psychanalyse de certaines erreurs et de certaines généralisations, mais préserver ce qu’elle nous a appris, voilà l’esprit avec lequel je me suis efforcé de lire Freud ou d’autres psychanalystes et ai élaboré un modèle sociologique d’interprétation du rêve.
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Quelques décennies plus tard, en 1964, les psychanalystes états-uniens Thomas Morton French et Erika Fromm mus par de solides intentions scientifiques ont, par exemple, œuvré pour faire de l’interprétation un pratique plus contrôlée qu’elle ne l’est ordinairement. Les auteurs partent déjà du constat que les concepts de la psychanalyse sont trop souvent stéréotypés (érotisme oral, érotisme anal, érotisme phallique, complexe d’Oedipe, culpabilité, etc.) et que le matériau recueilli tombe, du même coup, un peu trop rapidement dans les mailles d’une grille d’interprétation préconçue, en présupposition notamment d’expériences (enfantines ou plus récentes) insuffisamment connues. Il faut donc éviter le forçage théorique qui plaque des schèmes d’interprétation sur un matériau empirique défaillant ou malmené. Par ailleurs, cet usage stéréotypé des concepts freudiens ou postfreudiens s’accompagne souvent d’une interprétation intuitive, spontanée qui ne prend pas le temps de recueillir suffisamment des données ou qui ne s’appuie que sur une partie des données à disposition.
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Aujourd'hui la sociologie n'est enseignée qu'à partir de la classe de seconde. Or l'enseignement pédagogiquement adapté de certains acquis de la sociologie et de l'anthropologie, dès l'école primaire, jouerait à mon sens un rôle crucial pour la formation de l'esprit scientifique des élèves.
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