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Citations de Antoine Desjardins (59)


A la fois empli de gratitude et gêné d’assister à un moment aussi fragile, qui aurait dû se dérouler à l’abri de mon regard, je me sentais nostalgique à l’avance, j’avais l’impression de revivre un instant qui ne pouvait être que le souvenir d’un autre, tiré d’une époque lointaine. D’un monde révolu où la nature était encore souveraine, qui ne me semblait pas pouvoir être le mien.
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il a levé les yeux de sa paperasse, en hochant la tête doucement, pis il m'a servi une couple de phrases qui goûtaient le plastique. Les virgules aux bonnes places. Des phrases certifiées par l'ordre des médecins, gonflées de compassion protocolaire. Dignes d'une album greatest hits de consolation pour mourants.
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Mais j'avais l'impression de traverser l'Afghanistan dans une vieille charrette de bois déconcrissée, tirée par un âne boiteux et aveugle. Chaque bosse, chaque craque chaque ostie de nid de poule me résonnait dans la colonne, me serrait l'estomac à m'en faire grincer les dents. A un moment donné un coup pis, j'ai senti une décharge électrique me traverser les couilles. Après les muscles de mes jambes me picotaient comme si mon sang s'était transformé en Pepsi Diète, que les bulles remontaient pis venaient éclater contre l'intérieur de ma peau, sur les os de mes chevilles, de mes genoux, de mes tibias. Dire que je filais comme un tas de marde serait un bel understatement.
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J’avais appris ça dans les films d’action américains. Je savais déjà qu’être un homme, ça voulait dire être fort, courageux, endurant. Être tough. Jamais parler pour rien dire. Jamais chialer, jamais pleurer. Rester de marbre, même avec du sang qui coule. Surtout avec du sang qui coule.

(La Peuplade, p.243)
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Je le sais, qu'il va mourir pareil. Mais qu'est-ce que ça change, hein?! Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaitre.
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Grand, lui, alléguait que la douleur et la tristesse faisaient partie de la vie, au même titre que le bonheur. Que c’étaient ces sentiments qui la rendaient si fragile et si précieuse, qui lui donnaient toute sa valeur.

(La Peuplade, p.313)
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Ça ne sert à rien d'essayer de sauver la planète, les océans, la forêt amazonienne ou les koalas. Ce qu'il faut sauver...ce qu'il faut rétablir, soigner , rapiécer, c'est notre relation au monde dans lequel on vit trop souvent en surface, sans y être vraiment. Sauver notre relation à la nature, au vivant, parce que tout le reste en dépend ."
p 195 extrait de Feu doux
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Une fois mon frère installé en résidence et ses études subventionnées par l’université McGill, mes parents ont enfin pu souffler un peu. Toutes ces années de dur labeur, de surtemps, de dévouement, de sacrifices, n'avaient pas été vaines. Ils irradiaient de fierté. Leurs quatre enfants, des universitaires. Leur petit dernier, un génie en devenir. Chacun avait trouvé sa voie. Chaque chose avait trouvé sa place. p. 175
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- Cet arbre-là, y a juste moi qui s'en occupe ! Si j'arrête d'en prendre soin, il va crever drette-là, tout de suite, comme tous les autres. J'peux pas lui faire ça, J'peux juste pas, faut que tu me comprennes.
- Grand... je suis désolé d'avoir à te dire ça, mais il va finir par mourir quand même, ton arbre. Si c'est pas de tes maudits champignons, ça va être de vieillesse.
- Je le sais, qu'il va mourir pareil. Mais qu'est-ce que ça change, hein ?! Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître.
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Cet incident venait confirmer les soupçons de ma tante: son voisin pactisait avec l’ennemi, appartenait au camp des insignifiants, des irresponsables et des insensibles, de ceux qui s’efforcent à transformer le monde en immonde.
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S'accrocher à la vie. Parle-moi d'un beau cliché. Parle-moi d'une belle calice de niaiserie. Comment dire ? On s'accroche pas à la vie ? On la laisserait aller, si on avait le choix, mais c'est pas comme ça que ça marche. C'est elle qui s'accroche, avec ses ongles de dix pouces de long ben plantés dans nos corps cancéreux sans défense. C'est elle, la tête de cochon. T'as beau lui crier de décrisser, la supplier de te foutre la paix, l'envoyer chier, la tirer par l'oreille ou par les cheveux, lui mordre les doigts au sang, la kicker dans la fourche, lui cracher dans la face, la pousser en bas des marches, ça changera rien. Elle bouge pas d'un pouce.
(...)
La vie non plus, elle comprend rien à la mort.
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Ça fait deux jours que je fouille ma mémoire, mais y a rien à faire ; je me souviens plus de ce que ça goûte, le vent. Faut que je sorte. Au plus crisse. Ici dedans, vivre, c'est pareil comme mourir, mais en plus souffrant. No way que la mort c'est aussi suffocant.
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Ça ne se peut pas, ça a pas d'allure, aucun sens. Être submergé, jour après jour, par des nouvelles catastrophes anticipées, de nouvelles prophéties à glacer le sang, toutes plus violentes les unes que les autres. (...) Se faire expliquer par des sommités internationales, par les gens les plus intelligents que tu peux imaginer, les élus des élus parmi la crème des bollés des écoles de bollés, que la moitié des animaux ont disparu depuis les années 1950, qu'on va bientôt manquer d'arbres, de plantes, d'abeilles, d'oxygène, de terres cultivables, de bouffe pis d'eau potable. Les écouter exposer méthodiquement que la planète fragile qui nous empêche d'être aspirés dans un vide intersidéral est sur le bord de péter comme une vieille piscine hors-terre, de tomber en miettes comme un biscuit soda trempé trop longtemps dans la soupe ; les entendre démontrer, en se basant sur des calculs rigoureusement exacts, que si on continue comme ça, la Terre s'enligne pour ressembler à Mars d'ici deux-cents ans gros max, pis qu'au point où on en est, il est pas mal déjà trop tard pour y changer quoi que ce soit. C'est comme pour les sinistrés des inondations : on peut encore sauver les meubles, mais on peut plus rien faire pour le sous-sol.
A ce point-là, les dominos se sont finalement recoupés, pis ils ont foncé tous ensemble en ligne droite, encore plus loin, vers les confins de l'absurde, quand j'ai pensé que même à ça, malgré une existence qui a aucun, mais aucun calice de bon sens, à part peut-être faire de la figuration dans l'un des deux-cents scénarios d'apocalypses possibles ; malgré tout ça, mettre son cadran.
Mettre. Son. Fucking. Cadran.
Chaque matin, se lever. Se lever pareil (...).
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Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître.
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Mais personne en a rien à foutre de ce que je veux. Ça fait un bout de temps que j'ai compris ça. Ma mort m'appartient pas vraiment. Tout le monde veut en faire sa chose. Son jouet, sa bébelle. Avoir son mot à dire, son moment spécial, son souvenir impérissable. Tout le monde en veut un morceau. Mais crisse que je suis écoeuré de partager. Je veux juste qu'on me sacre patience de temps en temps, pis qu'on sorte de ma bulle, pis qu'on me laisse crever en paix.Quand Francine met tout le monde dehors, on dirait qu'on m'enlève un piano à queue en marbre du chest. Mes côtes de décoincent, se décrispent. Mes poumons se déplient. Je respire, ça fait de l'air.
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Au rythme où défilait mon existence, sanglée fermement au tapis du convoyeur de la vie adulte, l'espace-temps privilégié que je partageais depuis toujours avec Louis s'est retrouvé irrémédiablement altéré.
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Dehors. Je veux dehors.
Les nuages, la neige, le soleil. La lumière, la vraie lumière sur ma peau. Le givre dans mes cils. Le son de la glace écorchée quand on brake sec en patins. Le froid qui me tire les muscles des sourcils. La chaleur pesante d'une canicule. Le vert tendre des plantes au printemps. Les fleurs de toutes les couleurs. le bruit des feuilles mortes qui raclent l'asphalte en automne. Les branches des saules qui ressemblent à des mains tordues. L'odeur de bouette un peu salée du jardin après un orage. Les oiseaux. N'importe lesquels, même les pigeons déplumés, jouqués sur les fils électriques. Les courses de rollerblade au bord de la rivière. Les bateaux sur le fleuve. Les lacs miroirs. Les concours de ricochets. Le camping. La forêt. Les sous-bois pleins de champignons. L'odeur des cèdres qu'on vient de tailler. C'est weird, , mais je suis tellement à bout que même la rumeur des chars pis des dix-huit roues qui passent sur l'autoroute me manque.
Ça fait deux jours que je fouille ma mémoire, mais y a rien à faire ; je me souviens plus de ce que ça goûte, le vent. Faut que je sorte. Au plus crisse. Ici dedans, vivre, c'est pareil comme mourir, mais en plus souffrant. No way que la mort c'est aussi suffocant.
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Le silence de ma mère a rien à voir avec celui de Francine. C'est une tombe creusée pour les phrases impossibles, les cris étouffés, les larmes qu'elle enfouit en pensant que je les entends pas tomber au fond du trou. Mes mots les plus importants, ceux que je devrais dire pour la consoler, pour la rassurer, pour la faire sourire une ou deux fois avant que je meure- ces mots-là, ils ne veulent pas sortir. Ils restent coincés en chemin ou ben ils trébuchent dans la fosse à tristesse, eux autres avec. Nos rires, nos souvenirs, notre amour: tout ça est enterré à la même place que les phrases qu'on ravale pis qui nous sortiront jamais du corps. Tout ce qu'il nous reste, c'est le vertige, quand nos regards se croisent pis que dans nos yeux on voit plus ni la mère détruite ni le fils déjà mort. Juste le vide de nos pupilles. Le trou noir qui dévore ma mère en silence, pis qui va bientôt prendre ma place dans son ventre.
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Le silence de Francine a quelque chose de profondément réconfortant. [...]C'est une grosse couverte, un sleeping bag doux comme une pyramide de chatons. Il m'enveloppe et me réchauffe. De la tête aux pieds.
Dans son silence, je peux enfin disparaître tranquille. Ne plus avoir à être quoi que ce soit. Un enfant. Un fils. Un ami. Un malade. Ne plus avoir à être tout court. Son silence me rassure, me bourre la tête de rien. D'un rien qui me serre fort dans ses bras, me berce, me console et prend la place de mes idées de fin du monde."p 26
"Le silence de ma mère n'a rien a voir avec celui de Francine. C'est une tombe creusée pour les phrases impossibles, les cris étouffés, les larmes qu'elle enfouit en pensant que je les entend pas tomber au fond du trou. Mes mots les plus importants, ceux que devrais dire pour la consoler, pour la rassurer, pour la faire sourire une ou deux fois avant que je meure-ces mots-là, ils veulent pas sortir. Ils restent coincés en chemin ou ben ils trébuchent dans la fosse à tristesse, eux autres avec.
p 45 -Extrait de A boire debout
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Vers l'âge de seize ans, mon petit frère était déjà une sorte de sage. Un moine tibétain réincarné dans un corps d'adolescent.
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