Jarl Carlson a fait son trou confortable, trop confortable, dans l'armée, et il s'y ennuie, devenu secrétaire d'un général dans une base militaire. Il parvient, avec toute sa bonne volonté, à se faire remercier, va enchaîner les petits boulots – dans un hôpital psychiatrique, quelques premières armes dans le journalisme –, en même temps que des études universitaires, qui ne se termineront pas pour le mieux, avant de s'arrêter, enfin, plus longtemps, à Chicago. Il y rencontrera ce qui ressemble le plus à de l'amour pour lui en Caroline, médecin qui travaille dans l'hôpital où il est lui-même aide-soignant, et trouvera enfin sa vocation, après avoir perduré dans le journalisme, avec la littérature. La bougeotte, et l'instabilité émotionnelle, professionnelle, revenant, l'apprenti écrivain aura bien, encore, du mal à trouver sa place dans un monde qui ne lui a que rarement fait de cadeaux.
Dernier roman de l'apaisement, somme toute relatif, dans tous les cas de la maturité, tant pour le protagoniste que pour le romancier,
Comprendre sa douleur est beaucoup plus doux et posé que les deux précédents, bien que les doutes, les envies de fuite qui ont toujours étreint Carlson, perdurent, pour le meilleur comme pour le pire. du fait de son enfance chaotique, de son adolescence et de son début de la vie d'adulte sous des drapeaux pas les plus adaptés, il reste dans l'incapacité de se contenter de ce qu'il a, ayant toujours le besoin de saborder, à un moment ou un autre, ce qui lui arrive de bien, jusqu'à ce que la littérature devienne, envers et contre tout, sa planche de salut, son point de stabilité existentielle.
Une conclusion que j'attendais avec impatience, que j'ai appréciée autant que les deux tomes précédents, mais pas pour les mêmes raisons : l'on entre en effet dans un roman peut-être plus académique, moins brut de décoffrage – l'existence d'
Earl Thompson lui-même, et de son personnage alter-ego, étant elle-même plus moralement convenable –, mais qui n'en reste pas moins écrit avec les tripes et la sincérité habituelles, qui ne peuvent qu'être, encore et toujours, foncièrement touchantes. L'on sent à la lecture ce qu'a demandé comme introspection, comme abnégation, comme questionnement sur soi et sur la création littéraire, l'écriture de cette trilogie en partie autobiographique, et l'on se le prend, vraiment, en pleine poire.
Lecture débutée il y a trois ans avec
Un jardin de sable, je garderai longtemps le souvenir de cette trilogie, du petit Jacky qui, en s'émancipant de la misère familiale et des déterminismes sociaux qui en incombent, par pugnacité, malgré les coups du sort, subis ou provoqués , deviendra un brillant écrivain, qui ne prend pas de gants pour raconter l'irracontable.