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Julien Lapeyre de Cabanes (Traducteur)
EAN : 9782072960307
432 pages
Gallimard (09/11/2023)
4.23/5   31 notes
Résumé :
Maître marbrier, aujourd’hui gardien de cimetière, Avdo a vécu mille vies avant de s’installer à Istanbul. Il espérait y trouver la paix, mais était loin d’imaginer que son passé viendrait lui rendre visite.
Par une nuit enneigée, il aperçoit la maigre silhouette d’une jeune femme qui émerge d’entre les stèles. La police est à ses trousses, elle a désespérément besoin d’un endroit où se cacher. Mais qui est vraiment cette mystérieuse Reyhan ? Ses pas l’ont-i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Arrêté et torturé pour ses activités d'avocat spécialisé en Droits de l'homme à Istanbul, le Kurde turc Burhan Sönmez a connu dix ans d'exil en Grande-Bretagne avant de pouvoir revenir en Turquie. Désormais professeur de littérature à l'université d'Ankara, auteur d'articles pour des journaux indépendants et de romans primés et traduits dans de nombreux pays, il a été élu en 2021 président de l'association d'écrivains PEN International, qui défend « les valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Son dernier roman La pierre et l'ombre raconte l'histoire sociale de la Turquie moderne au travers d'Avdo, un sculpteur de pierres tombales amené à croiser des personnes représentatives de toutes les facettes culturelles du pays.


L'histoire commence dans les années 1980, peu après le coup d'État militaire. Avdo, la cinquantaine solitaire, vit en marge du monde, sur les bords du cimetière d'Istanbul dont il est assure le gardiennage entre ses confections de pierres tombales. Mais voilà que le passé vient déranger le présent sous la forme d'une pauvre silhouette titubante, pourchassée par la police jusqu'au coeur du cimetière. C'est une toute jeune fille, elle s'appelle Reyhan et n'est pas arrivée jusqu'à la porte d'Avdo par hasard. Qui est-elle ? Pourquoi veut-on l'emprisonner ? Quel lien a-t-elle avec le paisible veilleur du cimetière ? Et puis, aussi, comment en vient-on, comme Avdo, à préférer vivre parmi les morts plutôt que les vivants ?


Oscillant constamment entre passé et futur, le récit nous ramène dans les années 1930, quand un Assyrien prend l'orphelin Avdo sous son aile et l'initie à la sculpture des pierres tombales. Quelque vingt années plus tard, le jeune homme devenu maître marbrier itinérant rencontre l'unique amour de sa vie, Elif, dans un village d'Anatolie qui n'a pas pour habitude de marier ses filles à des étrangers. le drame est inévitable, qui brisera les rêves d'Avdo mais ne cessera jusqu'à la fin de ses jours de retentir sur son destin. Un destin qu'il nous sera donné de reconstituer peu à peu, à mesure que les fragments du récit, s'échelonnant dans le désordre de l'époque ottomane jusqu'à nos jours en visitant différents lieux du Moyen-Orient, en laisseront progressivement percevoir le motif global, dessiné sur la toile de fond d'une mosaïque culturelle aussi riche que déchirée. Chrétiens, sunnites, alaouites, Turcs, Kurdes et Arméniens : n'y a-t-il donc que la sagesse d'un gardien de cimetière pour constater que « tous les morts sont bons pour l'éternité » ?


Suspendu à ses rebondissements dramatiques autant qu'attaché à la belle humanité de ses personnages, séduit par sa plume soigneusement travaillée, l'on reste impressionné par ce récit dense, doucement mélancolique, dont les cassures temporelles savent si bien refléter le bris des rêves de son principal protagoniste et, à travers lui, les traumas silencieusement accumulés depuis un siècle par les diverses populations de la Turquie. Une lecture à plusieurs niveaux qui inscrit définitivement l'auteur parmi les écrivains majeurs de langue turque.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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1984, Istanbul. Avdo est marbrier. Il s'occupe de la construction des stèles et habite une demeure très modeste collée au cimetière. Un soir, Reyhan, une jeune fille complètement angoissée, va venir lui demander de l'aide. Elle est poursuivie par la police. Avdo accepte de la cacher, sans se douter un instant que cette jeune fille va le ramener à son passé.

Inutile de tergiverser très longtemps, ce roman a été un coup de coeur monumental. de ceux que l'on découvre avec enchantement à chaque page tournée, de ceux qui enrichissent le lecteur, et de ceux que je ne suis pas prête d'oublier.

Dès le début, l'auteur a su m'embarquer dans un roman aux multiples ramifications. J'ai eu droit à plusieurs histoires dans l'histoire. le tout s'imbrique avec perfection et une grande sensibilité.

Il faudra rester bien concentré pour ne pas se perdre. Après un tout petit temps d'adaptation, les pages se tournent ensuite très facilement, et quelle histoire. J'en ressors touchée, émue, et j'ai absolument tout apprécié dans ce récit.

Il n'y a pas une page en trop. Chacune d'entre elles contient une surprise et l'histoire d'Avdo est dévoilée par petites touches. Une multitude d'autres personnages constituent cette intrigue, et nous les découvrons peu à peu.

Les personnages sont très bien dépeints. L'auteur nous offre une galerie de caractères très bien esquissés, et jamais statiques. Chacun va évoluer, changer, et se remettre en question.

Mais ce roman, c'est aussi une promenade littéraire en Turquie tout au fil de son Histoire. C'est tout simplement passionnant, et très enrichissant.

La plume de l'auteur est somptueuse. Avec une grande poésie et une délicatesse incroyable, il déroule son histoire. Les émotions sont très bien dépeintes. le roman oscille d'une ville à l'autre, d'une année à l'autre. Rassurez-vous, vous ne vous y perdrez pas, l'auteur ayant bien veillé à insérer à chaque début de chapitre une indication spatio-temporelle.

Un roman de toute beauté, qui m'a tout simplement enchantée. C'est un véritable bijou littéraire empli de poésie et d'émotions à ne surtout pas manquer. À découvrir sans hésitation.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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Burhan Sönmez est un écrivain kurde écrivant en turc. Il a joué un rôle important dans la défense de l'écrivaine Asli Erdoğan, exilée de son pays pour cause de dissidence et de censure. Il a été également président de Pen International, association en charge de défense des droits des écrivains à l'échelle internationale. Son roman : « Maudit soit l'espoir » explorait les aspectes sombres de l'âme humaine, et l'avait révélé au public en Occident.
Le point de départ du roman La pierre et l'ombre est la description de la vie d'un certain Avdo. Il est marbrier, fabrique des pierres tombales, habite sur le site du cimetière où il officie. Il aime son métier et n'est nullement effrayé par la nature de son activité : « Son métier de marbrier de pierres tombales n'a rien de morbide, au contraire. »
Par une nuit glacée, Avdo recueille une petite fille apeurée, elle se nomme Rehan, elle est apparemment en fuite. Pour quelles raisons ?
Au fil du roman Avdo découvre les liens véritables qui le lient à cette jeune fille : elle est ainsi la nièce d'Elif, une femme qui a été l'amour de la vie d'Avdo. Mais bien au-delà de ce cimetière et de la description du sort de ces personnages, c'est toute l'histoire de la Turquie moderne et ancienne qui défile sous les yeux du lecteur. Ainsi, l'auteur Burhan Sönmez évoque-t-il les changements nombreux intervenus dans l'histoire de la toponymie des noms des localités du territoire turc : « Lorsque le sultan Mehmed le Conquérant s'empara de la ville, il transforma l'église en mosquée, comme il l'avait fait avec Sainte-Sophie à Istanbul. Avdo donna ensuite d'autres exemples de villes où il avait vu des marbres chrétiens incorporés à l'architecture de sanctuaires musulmans. »
D'autres observations sont énoncées par ce marbrier extraordinaire, à propos de la guerre ou de la juste croyance : « Maintenant ,imagine que quelqu'un déboule au coin de la rue et qu'il tire sue la foule, eh bien ce n'est pas ça , et s'il va plus loin et tue d'autres gens dans d'autres rues, ce n'est toujours pas ça , mais s'il massacre toute la ville et qu'il entre dans les maisons des morts pour voler leur or et leurs filles et qu'il y trouve du plaisir, alors, c'est ce qu'on appelle la guerre . »
On trouve dans le roman de nombreuses allusions au passé de la Turquie, à ses attitudes vis-à-vis de ses courants spirituels, tels que les Alévis, des mentions biographiques d'un leader étudiant, au coeur du mai 68 turc. Écrit sous la forme d'un conte à épisodes et à lieux distincts, ce roman ne laisse pas de nous enchanter et de faire revisiter le passé et le présent d'un pays, la Turque, aux multiples visages et aux interrogations reformulées sur le vif.
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Fresque romanesque doublée d'une évocation de l'histoire mouvementée de la Turquie du 20ème siècle, la Pierre et l'Ombre a été un véritable coup de coeur pour ma première plongée dans la littérature turque.
On suit le parcours d'Avdo, un maître marbrier qui sculpte des stèles funéraires dans un cimetière d'Istanbul et qui, par une nuit glaciale de 1984, recueille une jeune fille apeurée, qui fuit des policiers lancés à ses trousses.
Elle s'appelle Reyhan, et son histoire fera resurgir les fantômes du passé d'Avdo.
Ce dernier est orphelin et se dit apatride.
Pour paraphraser le romancier Andreï Makine, "il n'a d'autre biographie que l'itinéraire de ses errances", de Mardin à Istanbul.
Enfant des rues, il est recueilli par Maître Joseph, un vieux marbrier syriaque qui lui apprend le métier en même temps qu'il lui transmet des valeurs humanistes.
Avdo sillonne ensuite un pays aux multiples nuances ethniques, confessionelles et linguistiques, et va rencontrer l'amour dans un village reculé d'Anatolie.
La construction en chapitres se déroulant à des époques différentes et sans ordre chronologique peut dérouter un peu.
Mais lentement les pièces du puzzle se mettent en place et on se laisse emporter par ce roman qui est à l'image du pays qu'il dépeint : fascinant et complexe.
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C'est un très bon livre. La note ne le reflète pas car j'ai eu du mal à suivre : les aller-retour dans le passé m'ont perdue. D'autant plus lorsqu'on ne connaît pas l'histoire de la Turquie. Les présentations historiques étant dans l'ordre du livre et non pas de l'Histoire, c'est assez difficile pour un néophyte de s'y retrouver.
En revanche, le héros est attachant, sympathique et le rythme agréable. Je pense que je le relirai lorsque je serai plus familiarisée avec ce pays.
Une belle découverte que je n'ai pas su apprécier à sa juste valeur !
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critiques presse (1)
LeFigaro
07 décembre 2023
"La Pierre et l’Ombre" met en scène avec un art du récit époustouflant des personnages dont les destinées épousent la tumultueuse histoire de la Turquie au XXe siècle.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
La prison est inaugurée, et tandis que quelques prisonniers sont envoyés aux champs, on exécute un premier condamné à mort. Atif Hodja, prédicateur originaire d’Iskilip, ne s’attendait pas à être cet homme-là. Il avait bien prononcé et publié quelques sermons contre l’armée d’Atatürk lors de la guerre turco-grecque, mais c’est son opposition à la révolution vestimentaire qui lui vaut un procès. L’avenir de la jeune république dépendait de sa capacité à rattraper la civilisation occidentale, en imposant à la société un rythme de progrès extrêmement soutenu. La Loi du Chapeau était un jalon essentiel sur ce chemin qui menait à l’abolition du califat à la reconnaissance du droit de vote féminin. Le fez, le turban et autres couvre-chefs traditionnels étaient désormais interdits, et le port du chapeau à l’européenne recommandé pour tous les hommes. Dans un livre publié avant la loi, Atif Hodja d’Iskilip s’était appliqué à montrer que le vêtement occidental était contraire à la religion. Si les musulmans avaient toutes les raisons d’adopter la technique et les inventions de l’Occident infidèle, en revanche ils devaient rejeter fermement l’alcool, la danse, le théâtre et autres moeurs culturelles dont le vêtement faisait partie. La position d’Atif Hodja illustrait la fracture qui divisait profondément la société turque depuis un siècle. Dans toutes ses prises de parole depuis qu’il était officier dans l’armée ottomane, Atatürk avait insisté sur la nécessité de réformer entièrement la société, ajoutant que ces réformes, il faudrait les mener non pas lentement, mais à toute allure. Une fois au pouvoir, il n’avait pas hésité à mettre ses idées de jeunesse en application.
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Nous croyons que personne ne peut retrouver le passé, mais les vieux, avec leur esprit vacillant, leurs jeux cérébraux, ils y arrivent. Vers la fin de leur vie, les vieillards, arrivant aux frontières de l’avenir, trouvent un moyen de faire revenir leur passé. Brisant le verre de cette horloge mentale qu’on appelle le temps, ils font se rencontrer le passé et l’avenir dans le moment présent.
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L’autre jour, un ami m’a raconté qu’un vieil homme détenu dans la prison de Diyarbakir, à force d’être torturé, avait fini par perdre complètement le sens de la réalité. Il disait à ses camarades de cellule qu’ils étaient tous déjà morts et vivaient en enfer. Cette prison est l’enfer, nous sommes les morts, les gardiens sont les cerbères qui nous surveillent, il disait. Alors les jeunes prisonniers essaient de le persuader qu’il se trompe. Bien, mais dans ce cas qui sont nos parents qui viennent nous voir les jours de visite ? lui demandent-ils. Eux, dit le vieil homme, ce sont ceux qui viennent pleurer sur notre tombe, et nous croyons qu’ils parlent avec nous comme si nous étions encore vivants. Quelque temps plus tard, le vieil homme apprend qu’il va être remis en liberté. Il n’y croit pas. Où peut-on bien aller après l’enfer ? Il a peur. Le jour de sa libération, il a un arrêt cardiaque et meurt. Cette histoire me hante depuis des jours… Puis j’ai pensé que ce que disait le vieil homme valait aussi pour nous. Ce pays est un enfer, l’enfer où nous, les morts, payons pour nos péchés. En sortir est impossible. Et moi non plus, comme ce vieil homme, je n’en sortirai pas, je ne réussirai pas quitter le pays. Le jour du départ, mon coeur s’arrêtera de battre.
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La nuit, dans le silence du cimetière déserté par les hommes, au milieu des brumes qui enveloppaient Istanbul, Avdo ouvrit la lettre : " Avdo, je te confie ma tombe, j'ai épousé tant de religions, revêtu tant de noms.À la fin il ne m'en reste aucune, et je n'ai plus de nom, Avdo, mais quel était le mien à l'époque, aucune idée. Tu le retrouveras peut-être pour moi.L'an dernier, un hasard m'a fait apprendre que tu vivais ici, dans ce cimetière. J'ai su ce qu'on t'avait fait subir.Et pourtant je ne suis pas venu te voir, c'était déjà trop de morts.Mais on m'a dit que tu fabriquais des tombes à la mesure des âmes. Fais-en une pour moi.Qu'elle s'adresse ainsi à l'univers: le seul défaut de Dieu est de ne pas pas exister. Inspire- toi de ça pour ma tombe.
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Le silence et le brouillard recouvraient la ville, la rumeur des voitures sur la route avait disparu ; on entendra bientôt le hibou, songea Avdo. Il prit la théière sur le brasero et remplit son verre. Il remonta la couverture sur ses épaules, appuya son dos au coussin du divan. Il versa trois cuillerées de sucre dans son thé, remua, puis tendit l’oreille à l’obscurité blanche. La nuit, nul silence : des sons distillés. Le jour, ils se mélangent en un bruit indistinct ; mais la nuit, chacun retrouvait sa pure clarté. Chansons d’enfance, soupirs des morts, hululement du hibou. Tous inaudibles dans le vacarme du jour. Comme les peines, les regrets. La douleur nue surgissait dans le face-à-face de l’homme seul avec la nuit. Le murmure de la fontaine au pied de l’arbre de Judée était chargé de vieilles élégies, un coeur s’emplissait de la mélancolie d’un amour perdu. Le jour, ces charges-là étaient douces à porter : il fallait la nuit pour croire réellement à la solitude.
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