Ils sont seulement pauvres, pauvres à un point que nul ne peut imaginer car leur misère n'est pas le fruit d'un cataclysme, d'une chute, mais leur condition profonde et probablement éternelle. Ils sont nés pauvres comme d'autres êtres naissent renard ou cheval. La misère n'est pas leur état mais leur espèce. A leur manière, ils s'y adaptent.
Dans la serre de l'humiliation, nul n'était plus habile qu'elle à faire pousser, fleurir , fructifier la plante salvatrice du rêve.
L'anglais de la femme ressemblait à une cabane d'alpage : un empilement de rondins à peine équarris sans clous ni vis .
A quatre heures du matin , la nuit brésilienne s'égoutte et se décante .Le bleu sombre du ciel ne pâlit pas encore, mais un vent coulis s'insinue par les fenêtres ouvertes et la touffeur de l'air fait place à une fraîcheur inattendue qui rappelle soudain ,ailleurs , d'autres climats .
La pièce était peinte en blanc et une moquette de sisal lui conférait un vague côté confortable. En dehors d'un grand lit et d'une table de chevet, elle contenait tout ce que les Anglais considèrent comme indispensable, c'est-à-dire rien sauf une bouilloire et du thé.
Wroclaw est une ville mal placée : elle s'en rend compte à chaque guerre. La dernière a bien failli la faire disparaître. On ne sait d'ailleurs ce que les Soviétiques ont fait de pire : la raser ou la reconstruire.
Le professeur forma sur son visage une moue offensée de chameau dérangé pendant sa sieste.
Il avait ce teint particulier aux vrais Parisiens qui s'accorde à la couleur de leurs pavés, et peut varier au gré des émotions qu'ils expriment , du blanc des façades en pierre au gris plombé des toitures de zinc .
Le choléra est la face cachée de l'aventure humaine. À mesure que nous nous sommes répandus sur le globe, que nous avons conquis notre place dans le monde, domestiqué les éléments, le choléra est venu nous rappeler les limites de notre force et de notre courage. À ceux qui peuvent se croire quittes avec le progrès, il vient sans cesse en encaisser le prix. Il règne sur les laissés-pour-compte de la misère, sur les sacrifiés de nos batailles, sur toutes les victimes de notre audace conquérante.
Une image m'est venue: celle de deux fils ingrats qui dépouillent leur pauvre mère, la ruinent par leurs caprices. C'est un peu nous avec notre mère-nature,n'est-ce pas? Mais voilà, j'ai imaginé que l'un d'eux se servait de ce qu'il tirait de sa mère pour se rendre autonome, devenir indépendant et riche. L'autre restait brouillon, parasite et misérable. Eh bien, lequel fait le moins de mal à sa mère selon vous? Le riche. Au moins lui s'en va un jour et peut aider sa mère en retour. Le pauvre sera toujours à charge.
Kerry ne savait pas de quoi elle était excédée: de piétiner les crottes des oies qui jonchaient le sol ou d'entendre ces paraboles écologiques.
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