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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Toute ma reconnaissance à Babelio et aux éditions Gallimard, qui m'ont communiqué le dernier récit traduit de Hisham Matar, écrivain d'origine libyenne. Ecrivain dont j'ignorais jusqu'au nom, et que je lis , grâce à cet envoi et à l' invitation à une rencontre prochaîne de l'auteur...chez son éditeur.


Une lecture aussi captivante que bouleversante, dérangeante. L'écrivain narre l'histoire violente de son pays, La Libye, ainsi que toutes ses richesses culturelles et humaines en narrant également l'histoire de sa famille sur cette terre si malmenée par la dictature de Kadhafi, où le Père, grande personnalité de l'opposition, sera kidnappé, emprisonné... et dont les
deux fils dont notre écrivain passeront plus de 20 ans à réclamer , sans succès, des nouvelles de leur père. L'auteur frappera à toutes les portes, se déplacera pour rencontrer tous les témoins possibles... avec l'espoir chevillé au corps...

Un hommage des plus vibrants à un Père, exceptionnel, courageux, passionné de football, de littérature et de poésie...père et mari aimants, ami fidèle et résistant authentique.Digne fils lui-même de son père, qui se battit et résista aux Italiens et à Mussolini. Hisham Matar dit aussi son affection et son admiration envers ce grand-père paternel...tout aussi impressionnant...

-" Je souhaiterais être le fils de quelque homme heureux
qui dût vieillir sur ses domaines-
au lieu de cela, sa mort demeure à jamais inconnue...

Et , pour la première fois, ces mots familiers, qui furent mes compagnons fidèles durant ces nombreuses années, changèrent de sens et s'étendirent. A présent ils concernaient aussi bien Ulysse que Télémaque; aussi bien le père que le fils; ils exprimaient autant le voeu du fils d'avoir un père qui pût passer le restant de ses jours dans le confort et la dignité de sa propre maison, que le désir d'un fils de pouvoir enfin laisser son père derrière lui, dans sa maison, pour aller de l'avant et s'aventurer dans le monde. Tant qu'Ulysse est absent, Télémaque ne peut quitter le foyer. (p. 317)"

Un texte qui va au-delà du drame personnel de l'auteur, c'est aussi un formidable hommage à tous les résistants de la dictature de Kadhafi , et de toutes les dictatures...du monde, ainsi qu'une description unique du déchirement lancinant de tous les exilés de la terre....

"Y retourner, après toutes ces années, était une mauvaise idée, pensai-je soudain. Ma famille en était partie en 1979, trente-trois ans plus tôt. Telle était la mesure du gouffre qui me séparait aujourd'hui du garçon huit ans que j'étais alors. (...)Ce genre de voyage était évidemment risqué. Il pourrait me priver d'une aptitude que j'avais acquise au prix d'un long travail: vivre loin des gens et des lieux que j'aime. Joseph Borodsky avait raison. Nabokov et Conrad aussi. Ces artistes n'étaient jamais retournés chez eux. Chacun d'eux, à sa manière, avait tenté de se guérir de son pays. Ce qu'on laisse derrière soi se dissout. Si l'on y retourne, on se confronte forcément à l'absence ou à la défiguration de ce que l'on a chéri. Mais Dimitri Chostakovitch, Boris Pasternak et Naguib Mahfouz avaient raison, eux aussi: ne quittez jamais votre patrie. Si vous la quittez, ce qui vous lie à la source sera brisé. Vous serez comme le tronc d'un arbre mort, dur et creux.
Que fait-on lorsqu'on ne peut ni partir ni revenir ?" (p. 14-15)

Cet ouvrage m'a aussi appris mille choses sur l'histoire de la Libye, de sa culture, de ses traditions, usages, jusqu'à un architecte italien, Guido Ferrazza , qui oeuvra pour la ville de Benghazi, sans oublier la place vitale, nourrissante de la poésie, et de la littérature que partagent ce père "manquant" et le fils.

Un moment très fort dans ce récit: lorsque notre auteur découvre
des nouvelles écrites par son père, alors qu'il était tout jeune étudiant...

"Rien ne semblait pouvoir le[ le Père] réjouir davantage que la présence de la poésie. Un beau vers le réconfortait, remettait le monde en ordre un instant. Il était à la fois ravivé et encouragé par le langage." (p. 84)

Un livre exceptionnel et une lecture dense, bouleversante, remuante... qui resteront longtemps dans ma mémoire...

[N.B. J'éprouve également l'élan de lire et découvrir les deux écrits précédents d'Hisham Matar, dont "Anatomie d'une disparition", qui doit paraître de plus , en format poche, le 19 janvier prochain [ en Folio, si mes souvenirs sont exacts]

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« Être Libyen, c'est vivre avec des questions. »

Qui est ce vieil homme, prisonnier dans le quartier des opposants politiques de Tripoli, qui récite des poèmes ? Se peut-il que ce soit le père de l'auteur, l'oncle et le frère des autres prisonniers qui peinent à reconnaitre sa voix ?

La question restera sans réponse, et peut-être que cela vaut mieux comme ça, car « quand votre père a disparu depuis dix-huit ans, votre désir de le retrouver est égal à la peur que vous avez que cela arrive. Vous êtes le théâtre d'une bataille honteuse et privée. »

Confusion, voilà vraiment le mot qui caractérise la première moitié de ce récit de l'exil et de la séparation. Difficile exil qui nous coupe de la source et fait de nous un arbre au tronc mort et creux, et qui va toujours accompagné par la culpabilité. C'est aussi une quête, celle d'un père, opposant au régime de Kadhafi, emprisonné au secret pendant plusieurs longues années.

Puis on se laisse gagner par l'empathie pour l'auteur amené à côtoyer les hommes du régime détesté et probablement coupable de la mort de son père, hommes qui par ailleurs entretiennent des relations d'affaires avec les politiciens anglais, la realpolitik vous comprenez bien, via les fameux fonds libyens. Empathie aussi envers le peuple libyen qui connut en 2011 une « période comme un interstice précieux lors duquel la justice, la démocratie et la loi semblaient à portée de main. »

Mais c'est aussi pour le lecteur l'occasion de visiter la Libye, ce si beau pays constitué de 94% de terre désertique, bordé par la Méditerranée et inondé de soleil, ce qui lui donne cette lumière si emblématique. La Libye est un pays occupé depuis des millénaires, d'abord par les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Ottomans, et puis enfin par les Italiens, un « pays qui n'est rien d'autre qu'une occasion pour les étrangers d'exorciser leurs démons et d'exercer leurs ambitions », et dont les habitants qui « espéreraient entrevoir quelque chose de ce passé se sentent comme des individus qui s'incrustent dans une fête où ils n'ont pas été conviés. »

La Libye, c'est aussi le lieu d'un des nombreux génocides du XXème siècle, perpétré par les Italiens sur les Bédouins autochtones dans les années 30, qui subirent tortures, humiliation et famine, et dont un journaliste danois (Knud Holmboe, assassiné plus tard par on ne sait qui) en fit un livre, interdit de parution par les Italiens. Génocide dont plus personne ne parle aujourd'hui.

Ce récit est surtout un très bel hommage à la résistance du peuple libyen, à travers le témoignage des anciens prisonniers, comme par exemple, l'oncle Mahmoud qui dit : « Ils m'ont battu, ils m'ont privé de sommeil et de nourriture, ils m'ont attaché, m'ont renversé un seau plein de cafards sur la poitrine. Il n'y a rien qu'ils ne m'aient fait. Rien ne peut plus m'arriver de pire après ce que j'ai vécu. Et toujours je tenais bon. Je gardais un espace dans mon esprit dans lequel j'étais encore capable d'aimer et de pardonner, dit-il, les yeux pleins de douceur et les lèvres souriantes. Ils ne sont jamais parvenus à m'arracher ça.»

Que dire après cela ?
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Un livre dense ; un récit exceptionnel ; une radiographie précise d'événements et de sentiments ; une enquête fouillée et méticuleuse ; une méditation personnelle qui plonge dans une réflexion universelle et profonde ; un portrait inédit de la Libye prise dans la violence et les troubles ; une lecture poignante qui marque le lecteur... le livre est tout cela, tour à tour, et on pourrait se suffire de chaque point, mais ensemble ces points créent une unité et une cohérence qui transcende le discours et le rend profondément humain.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Gallimard qui m'ont permis de découvrir l'oeuvre et de rencontrer l'homme, un intellectuel au sens noble du terme.

J'ai été très embarrassé pour écrire cette chronique et j'ai d'ailleurs laissé passer trois semaines depuis la rencontre, avant d'écrire ces quelques mots. le récit d'Hisham Matar est extrêmement personnel. L'auteur nous délivre son histoire et celle de sa famille de manière très intime, très profonde. Dans ces conditions, il était clair pour moi que cette chronique ne pouvait en aucune manière discuter les éléments du récit.

Je peux simplement vous faire part du plaisir et de l'intérêt que j'ai eu à lire ce livre. J'ai appris beaucoup sur la Libye, son histoire, son passé colonial, les exactions de la trop longue période despotique du dictateur Kadhafi. Mais je dois bien admettre que je partais de très loin et j'ai surtout pris conscience de l'étendue de mon ignorance sur ces sujets. C'est une des vertus de la lecture et ce livre ouvre des pistes d'exploration que j'ai ensuite suivies, notamment grâce à Internet.

Pendant la lecture j'ai aussi eu plaisir à avoir recours à Internet en particulier pour avoir sous les yeux des représentations des tableaux que l'auteur décrit dans son récit, comme par exemple « le martyre de saint Laurent » du Titien. Hisham Matar est architecte de formation. Or, cette formation l'a exercé à focaliser son attention pour regarder vraiment les choses, les lieux, les gens. Il décrit d'ailleurs dans le livre sa manière très particulière de visiter les musées. Il ne passe pas, comme nous le faisons tous, d'une oeuvre à l'autre, d'une salle à l'autre. Il ne visite pas un musée, il visite un tableau. Plusieurs heures d'affilée, plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de suite il s'arrête devant le même tableau de manière quasi obsessionnelle. Sa manière de décrire les lieux, les paysages, les villes s'en ressent et il nous propose des pages d'une grande précision.

Je voudrais noter pour finir –ce qui n'est ni un reproche ni un regret– que le fantastique témoignage d'Hisham Matar est immanquablement très marqué d'un point de vue social et culturel. Sa famille était une famille bourgeoise, très à l'aise. Son père, dignitaire du régime précédent, avait fait fortune dans le négoce. Leur fuite en Egypte, au Caire, a été grandement facilitée par leurs moyens financiers. Hisham est envoyé faire des études en Suisse, puis au Royaume-Uni. La famille possède aussi un logement au Kenya, à Nairobi.
Cela ne retire rien à la qualité et à l'humanité du texte. Je pensais seulement que parmi les 1271 victimes du massacre de la prison d'Abou-Salim, où encore parmi les victimes du Printemps arabe libyen, il est fort vraisemblable que peu aient eu ce profil. Il serait bon qu'un jour prochain un témoignage plus populaire puisse aussi voir le jour.
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Ce roman,envoyé par Babelio,a fait une forte impression sur moi.
Je ne connaissais rien de ce pays si ce n'est que ce que j'entendais aux informations me faisait très peur et qu'il en ressortait une vision cauchemardesque.Si cette vision n'a pas disparu de mon esprit,elle s'est enrichie de la "connaissance" de son histoire contemporaine;j'ai découvert l'érudition,la poésie,la luminosité de ce pays,en quelque sorte son aspect "paradisiaque" enfoui très profondément et solidement ancré dans une réalité très sombre.
L'auteur aborde tant de sujets essentiels que je ne pourrai pas les recenser tous.Le fil conducteur de l'histoire est la recherche du père disparu,qu'on espère toujours en vie,le deuil impossible,la difficulté de se construire sans le savoir.Il y a l'amour de la famille,le respect des anciens,la fierté de ses origines et de ses convictions opposés à la soif de pouvoir,la lâcheté,la tyrannie des dirigeants,la perte de repères d'hommes qui vont se transformer en bourreaux.Le thème de l'exil,celui de la prise de position peu glorieuse de certains pays ou d'hommes(souvent dans un but économique),la difficulté de rentrer au pays après une très longue absence....
Je suis impatiente de rencontrer l'auteur qui devrait m'apporter un peu plus encore l'envie de mieux comprendre la Libye et ceux qui se battent pour le rendre vivant,à nouveau.
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Si « le meilleur régime politique est la monarchie absolue tempérée par l'assassinat », comme l'affirme Stendhal, le régime Kadhafi est à notre époque un modèle admiré, envié, encensé par nombre de dirigeants notamment africains dont les archives montrent aujourd'hui qu'ils étaient stipendiés par les profits issus du pétrole libyen. Des occidentaux profitèrent aussi de cette générosité qui assura au tyran un règne aussi long que dévastateur.

« La terre qui les sépare » est l'émouvant récit de cette quête et contextualise cette enquête en l'inscrivant dans l'histoire de ce territoire tout au long du XX siècle : invasion italienne, dictature mussolinienne, seconde guerre mondiale, décolonisation, royauté, coup d'état, dictature, printemps arabe, guerre civile … En 3 générations la famille de Hisham a vécu, avec héroïsme cette épopée, et nous vivons les exploits du grand père, du père et des oncles , puis l'incarcération d'une grande partie de la famille MATAR dans les bagnes de Kadhafi.

Avec pudeur, mais aussi beaucoup d'émotions, et notamment quand il décrit les exploits de sa mère, Hisham nous fait vivre cette tragédie et la grave dans le patrimoine de la civilisation car cet écrivain qui apprit à lire en se plongeant dans la poésie jusqu'à l'âge de 20 ans, inscrit sa tragédie familiale dans le prolongement de l'Odyssée et y trouve matière à réflexion ce qui hisse ce livre au niveau de l'archipel du Goulag et des récits sur la Shoah.

Chef d'oeuvre, lu d'une traite, cet ouvrage admirablement traduit par Agnès Desarthe, ne laissera pas le lecteur indemne et le plongera dans l'actualité en l'entrainant dans les ruines de Benghazi et les combats dans Tripoli.

Merci à Babelio de m'avoir adressé en avant première ce roman magnifique. Puisse l'éditeur, avant la mise en vente de ces pages, corriger page 198 la conjugaison « j'y allait exprès » … car si Gallimard oublie l'orthographe où allons nous ?
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Un véritable coup de coeur pour ce roman où l'auteur, Hisham Matar, revient sur les évènements qui ont poussé sa famille à fuir la Libye pour le Caire, puis sur ses longues années d'exil, l'emprisonnement de son père, opposant politique à Kadhafi et son premier retour en Libye en 2012.

On y découvre une famille cultivant un amour inextinguible pour la littérature et la démocratie, et dont le patriotisme se noue paradoxalement à une vie d'exil entre Nairobi, le Caire, Paris et Rome pour tenter de se soustraire aux services secrets à la botte de Kadhafi.

Roman de l'exil par excellence, La terre qui les sépare est tout autant une quête de la vérité pour découvrir si et comment le père du narrateur a disparu dans les geôles du régime, qu'un prétexte pour se souvenir de cette figure emblématique qu'est Jaballa Matar, dont on croit percevoir l'esprit tour à tour chez son fils et chez la multitude d'oncles, cousins et amis qui le fréquentèrent. On y découvre le portrait d'un père ayant sacrifié sa famille à l'idéal de la démocratie, et celui d'un fils dont les repères se troublent face à l'absence et au silence qui entoure la disparition de son père.

Tout au long de cette quête éperdue et des pistes qu'Hisham Matar explore se dessine un monde où la littérature et la poésie sont les clés de voûte d'une société avide de changements suite à la dictature de Kadhafi ; amour littéraire qui contraste d'ailleurs avec, comme le dit l'auteur, le faible nombre d'écrits sur l'histoire moderne de la Libye : on en apprécie que plus La terre qui les sépare qui fournit aussi de précieuses informations sur l'histoire libyenne, des trois provinces de la Cyrénaïque, de la Tripolitaine et du Fezzan à l'invasion italienne dont la violence fut tue et amoindrie jusqu'à être éclipsée par la barbarie de la Seconde Guerre mondiale. Cette page secrète de l'histoire italienne m'a d'ailleurs rappelé le roman de Mazaa Mengiste le roi fantôme, qui traite de l'invasion italienne en Ethiopie.

Un roman magnifique qui se clôt sur les tentatives désespérées du narrateur auprès des autorités britanniques, dont il dénonce le rapprochement avec la Libye sous Tony Blair, mais aussi sur l'espoir vite douché qu'a suscité les manifestations des pays voisins tunisien et égyptien, avant qu'elles ne gagnent la Libye.
Quelle tristesse de voir le chaos dans lequel le pays s'est replongé, avec des élections reportées une énième fois.
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Quoi de plus terrible que de ne pas savoir.
Est-il vivant ? Où est-il ? Comment se porte-t-il ?
Est-il mort ? Où ? Quand ? Comment ? Qu'est devenu son corps ?
Où est son père Jaballa Matar ?
C'est la question que se pose Hisham Matar l'auteur de ce livre depuis ce funeste jour de 1990 lorsque son père opposant au régime de Kadhafi et réfugié en Egypte a été enlevé au Caire par les sbires de Kadhafi avec l'aide des autorités égyptiennes.
Hisham Matar exilé à Londres n'aura de cesse de frapper à toutes les portes, que ce soit celles des ONG, des hommes politiques de tous bords et de tous pays, des personnalités en vue, de la presse pour enfin savoir ce qu'il est advenu à son père.
Mais il n'oublie pas non plus ses 2 oncles et ses 2 cousins qui eux aussi croupissent dans les cellules de Kadhafi et qu'il réussira à faire libérer avec l'aide de l'un des fils de Kadhafi qui veut essayer de se faire passer pour un démocrate aux yeux des pays occidentaux.
Qu'est-il advenu de son père ?
Cette question qui ne cesse de le hanter, Hisham Matar espère enfin pouvoir y répondre lors de la chute de Kadhafi.
Mais malheureusement, aucune trace de lui ne pourra être retrouvée, si ce n'est que les membres de sa famille ont pu lui dire qu'il est resté quelques années avec eux dans le plus terribles complexe pénitentiaire du pays, mais que depuis plus de 15 ans, ils n'ont plus jamais pu obtenir un signe de vie.
Superbe livre, cri d'amour d'un fils pour son père, cri de désespoir d'un homme qui comme des milliers d'autres n'a pu sauver l'un des siens de l'horreur du système Kadhafi.
Livre qui nous rappelle aussi que la Lybie a vécu des heures terribles sous la coupe de Mussolini qui voulait le pays mais qui a tout fait pour en supprimer ses habitants.
Livre qui nous fait vivre avec l'auteur qui est retourné en Lybie avec sa mère et son épouse après la chute de Kadhafi lors ces mois qu'on a appelé printemps arabe au cours duquel tous les espoirs de liberté et de démocratie ont fleuri, mais qui au final ont vu la Lybie dont les bandes armées ont pris le pouvoir s'enfoncer plus encore dans l'horreur.
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Le roman commence en mars 2012 dans le hall de l'aéroport international du Caire. le narrateur, sa mère, sa femme Diana attendent un vol en direction de Benghazi en Libye. le personnage principal retourne pour la première fois dans son pays après la prise de pouvoir de Khadafi. Son père était l'une des figures les plus importantes de l'opposition à la dictature. Il a été détenu dans la prison d'Abou Salim. Les changements en Libye égrènent les pages, l'auteur nous fait vagabonder au gré de ses souvenirs entre Londres, le Caire, New York. Je me suis senti à la fois dans l'ici et l'ailleurs : toujours en mouvement, mais avec la Libye et le père comme centre de gravité. Il y a des livres qui, quand je les pose, me suivent partout tant que je ne les ai pas fini : c'est ce cas pour celui-ci. Intimiste, touchant, c'est un livre dont je ne suis pas ressortie indemne. Un indispensable à lire.
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Un roman, non un récit sur l'exil sur les exilés, sur l'amour de la terre natale, le besoin de savoir, la 'impérieuse nécessité d'y revenir pour tarir les blessures de l'âme ... 

Un ouvrage emprunté à la médiathèque pour ma mauvaise raison habituelle : cocher un nouveau pays dans mon challenge Globe trotter, mais un livre qui m'a captivée d'un bout à l'autre par la qualité et la poésie de l'écriture, les méandres des souvenirs et ce récit plein d'amour de ce fils qui veut obtenir la preuve de la mort de son père afin de pouvoir, enfin, en faire le deuil.

Ce récit qui court sur plusieurs souvenirs évoque la vie de l'auteur, et de son père, Jaballa Matar, qui, après avoir fui en Egypte avec toute sa famille a été enlevé, enfin remis par la police égyptienne aux services libyens. Jaballa Matar, opposant dès le début au régime de Khadafi, avait rapidement quitté son pays natal à l'avènement du régime et s'était caché, en Europe puis en Egypte. Ses fils furent inscrits dans des écoles suisses et britanniques sous de faux noms, mais firent l'objet de tentatives d'enlèvement ... 

Après l'emprisonnement du père, sa famille reçut des lettres, envoyées secrètement et passées de mains dissidentes en mains amies ... et puis, en 1990 : plus rien.

Vingt ans plus tard, Hisham Matar va reprendre l'enquête, sollicitant ONG et gouvernements, retournant en Lybie, rencontrant des dignitaires du régime qui font traîner leurs réponses en longueur ...

Un récit que j'ai trouvé terriblement émouvant sur la construction de l'Homme qu'est devenu l'auteur, sur son enfance, sur l'amour qui l'a toujours lié à ses parents, malgré l'absence et l'amour de la terre familiale, de la famille élargie, des liens persistants entre ceux qui sont restés et ceux qui ont fui.

Un récit très bien servi par une traduction certainement à la hauteur du texte original. Un texte qui mérite amplement le Prix Pulitzer de la biographie reçu en 2017.
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Un père, son fils et leur pays.

2012, Hisham Matar, sa mère et sa femme Diane sont à l'aéroport international du Caire.
Ils attendent pour embarquer dans le vol à destination de la Libye.
Hisham appréhende ce retour aux sources. Trente ans qu'il n'y a mis les pieds !
Mais la curiosité et l'envie d'en savoir d'avantage sur la disparition de son père est plus forte.

En 1990, son père va être enlevé dans leur appartement au Caire et livrer au régime de Kadhafi. Fervent opposant du nouveau régime mis en place, il est considéré comme dangereux et indésirable.
Mais en 2011, lorsque Tripoli tomba, les révolutionnaires prirent le contrôle d'Abou Salim et peu à peu ouvrirent toutes les portes de prisons où étaient enfermés les prisonniers du régime.
Seul le père de Hisham reste introuvable. Que lui est-il arrivé ? Est-il toujours vivant ?
Son fils va mener l'enquête pendant des années ralliant à sa cause toutes les personnes intéressées, tel que les ONG et les ambassades.

A travers le récit d'Hisham Matar le lecteur découvre ou redécouvre, la Lybie pendant une période difficile. Une époque où la répression, le contrôle et les interdictions gouvernaient le Pays. Mais aussi l'espoir, l'engagement et la volonté de toute une nation d'avoir un état futur indépendant.

Utilisant sa belle écriture, l'auteur parle de son père, un homme fière qui combat, peu importe les conséquences, ses idées. C'est un esprit libre, indépendant.
Les relations entre père et fils, l'amour d'un enfant pour son père ainsi que sa perte y sont décrit avec amour. L'auteur arrive à transmettre au lecteur ce qu'il éprouve et ce sans tabou ni gêne.

La terre qui les sépare, laissent une sensation au lecteur qui est celle d'un homme qui se libère d'un poids lui pesant depuis des années.

Fabuleux récit, très enrichissant, dont le plume ne saurait vous ennuyer du début à la fin !!
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