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Martine Aubert (Traducteur)
EAN : 9782226478375
624 pages
Albin Michel (31/01/2024)
4.3/5   223 notes
Résumé :
Né à même le sol d'un mobil-home au fin fond des Appalaches d'une jeune toxicomane et d'un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d'un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d'accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l'addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l'égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (62) Voir plus Ajouter une critique
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Pour son nouveau roman, Barbara Kingsolver a pris le parti de transposer David Copperfield, le roman d'apprentissage de Charles Dickens en Amérique d'aujourd'hui, dans les Appalaches, chez chez les Hillbillies, ces blancs pauvres décrits avec de nombreux stéréotypes comme de frustes pèquenauds.

David Copperfield fournit le casting et l'intrigue. Avec une mémoire plus fraiche de ce roman, je pense que j'aurais pris encore plus de plaisir à la lecture, à comparer avec le matériel source, à dénicher les variations et les inspirations. Mais même sans cela, la réussite du roman de Kingsolver s'impose haut la main.

« Déjà, je me suis mis au monde tout seul ». C'est la première phrase qui nous place d'emblée dans la vie de Damon Field, surnommé Demon Copperhead du fait de ses cheveux roux, dès sa naissance dans la caravane de sa très jeune mère, junkie, « hors du coup » qui s'est équipée de gin, amphétamine et de vicodine pour accoucher complètement défoncée.

Le roman repose entièrement sur la verve de la voix du narrateur, immédiatement attachante. Damon déroule rétrospectivement sa vie entre innocence intacte, ironie blasée et magnétisme espiègle. Et l'élan narratif que parvient à créer l'autrice est remarquable, galopant le lecteur à travers moultes péripéties, l'emportant dans une ruée de mots pleine de détails à la granularité vive et concrète. Cet infatigable flot d'action tient en intensité maximale sur 600 pages, un tour de force, évoluant toujours à hauteur d'enfant, puis d'adolescent et de jeune homme, en conversation permanente avec le lecteur qui a l'impression de vivre littéralement aux côtés de Damon, pendant chaque minute de sa vie.

Barbara Kingolver utilise le feu de l'esprit de Damon pour éclairer les recoins sombres des Etats-Unis. de la même façon que Dickens proposait une peinture sombre de la condition enfantine dans l'Angleterre, elle fait un examen féroce de la pauvreté contemporaine, avec en toile de fond la crise des opioïdes, et de ses effets néfastes sur l'enfance. On sent à quel point l'autrice est animée d'idéalisme et de souci de justice sociale, de colère aussi, face à un triste constat toujours d'actualité dans le pays le plus riche de la planète

« Pauvres mômes. On est censés dire, regardez-les, ils ont fait de mauvais choix qui les a conduits à une vie de misère. Mais des vies se vivent là, en cet instant précis, se glissant entre les brossez-vous-les-dents, les bonne-nuit-les-petits et les chariots de supermarché remplis à ras bord, où ces mots n'ont pas cours. Des enfants, des choix. Ils étaient déjà pourris, les matériaux avec lesquels on devait construire notre vie. Notre seul repère, c'était un garçon plus âgé qui n'avait lui-même jamais connu la stabilité et qui essayait de nous rassurer. On avait la lune à la fenêtre pour nous sourire un instant et nous dire que le monde nous appartenait. Parce que nos parents s'étaient tirés quelque part et avaient tout laissé entre nos mains. »

Les épreuves que doit affronter Damon sont terribles ( misère endémique, dépendance à l'Oxycontin de Purdue Pharma, défaillances des institutions de santé et de protection à l'enfance, entre autres, multiples deuils ). Et pourtant, alors que l'aspect mélodramatique est très chargé, parfois redondant, parfois peu subtil, il n'est jamais sinistre ou englué dans un misérabilisme pathos car Damon poursuit sa quête d'expression de soi avec une énergie résiliente et une dignité qui le font avancer vers un équilibre émotionnel à conquérir, difficilement mais à portée tout de même. J'ai trouvé la fin très belle, équilibrée et suffisamment ouverte pour laisser l'imagination du lecteur s'envoler.

Je ne suis pas passée loin du coup de coeur. La prose technicolor de Kingsolver est très vivante, éclairée parfois par des phrases à l'évidence fulgurante.Peut-être aurais-je aimé plus de pépites comme celle-ci, qui me sont allées droit au coeur avec leur poésie mélancolique :

« Jaime bien penser à l'océan, et à tout ce qui vit dedans. C'est un peu mon désinfectant à cerveau, ça me calme. »

« On s'est rallongés tous les deux et elle m'a regardé dans les yeux, et on a été tristes ensemble un petit moment. J'oublierai jamais comment c'était. Comme ne pas avoir faim. »

« Je nous imaginais nous tenant la main, peut-être avec un chien à nous. On serait devenus des adultes. C'est tellement plus sûr que d'être un enfant. »

Ce que je retiens en tout cas, c'est que, lorsqu'on naît avec si peu d'étoiles au-dessus de la tête et si peu de choix, être un héros, c'est parfois simplement survivre contre toute attente.
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De David Copperfield à Demon Copperhead… C'est après avoir visité la maison de Charles Dickens que Barbara Kingsolver s'est décidée à écrire sur ce sujet qui la hante : la pauvreté endémique qui, combinée aux ravages des opioïdes, décime la population rurale de sa région des Appalaches, laissant sur le carreau, comme le garçon au coeur de ce roman, des ribambelles d'orphelins promis à l'enfer sur terre.


« Tout le monde vous le dira, les enfants de ce monde sont marqués dès la sortie, tu gagnes ou tu perds. » Pour Demon Copperhead, le jeune narrateur contraint « de se mettre au monde tout seul » par une mère junkie gisant inconsciente sur le sol de son mobil-home, la naissance devait en effet s'avérer la prémonition de toute une vie à se battre seul contre le sort d'un monde méprisé et incompris : celui des « rednecks » ou culs-terreux, ces Américains pauvres et blancs des zones rurales, en particulier du Sud et des Appalaches, caricaturés par l'Amérique des métropoles en dégénérés ignares, alcooliques et violemment intolérants, dans les faits abandonnés par les pouvoirs publics à l'existence invisible de laissés-pour-compte de l'Histoire.


« Tout ce qui pouvait être pris a disparu. Les montagnes avec leurs sommets explosés, les rivières qui coulent noires. » Depuis que l'exploitation forestière, la culture du tabac et l'industrie du charbon ont entamé leur déclin, laissant derrière elles chômage, absence de perspectives et pauvreté, la région des Appalaches est exsangue. « Il n'y a plus de sang à donner ici, juste des blessures de guerre. La folie. Un monde de douleur, qui attend qu'on l'achève. » Alors, au marasme socio-économique est venu s'ajouter une catastrophe sanitaire. Attirés comme des vautours par la vulnérabilité d'une population, marquée dans sa chair par des emplois souvent usants et accidentogènes, mais sans guère d'accès aux soins médicaux, les fabricants d'opioïdes ont inondé la région d'« inoffensifs » anti-douleur, usant, comme les procès récents ont commencé à le révéler, de tous les stratagèmes pour promouvoir des produits éminemment addictifs, portes d'entrée aux drogues dures. Aujourd'hui, la Virginie occidentale bat le record des morts par overdose aux Etats-Unis. Environ un enfant sur quatre doit y grandir sans ses parents détruits par les stupéfiants.


Ces gens qui sont ses voisins, Barbara Kingsolver nous fait pénétrer dans leur tête et dans leur peau. Crédible et réaliste jusque dans la langue gouailleuse oscillant entre la naïveté et la trop grande lucidité d'un jeune garçon privé d'enfance, la narration de son parcours par Demon Copperhead nous confronte de l'intérieur au rouleau compresseur de l'injustice, de la souffrance et du désespoir. Laissé orphelin par la violence et la drogue, il va devoir se battre pour tenter de se construire malgré les défaillances du système de placement familial et les pièges de l'addiction. Heureusement, entre ses mauvaises rencontres et fréquentations d'une part, ses propres béances intérieures d'autre part, il trouvera aussi sur son chemin suffisamment de personnages magnifiques de force et de générosité pour contrer les préjugés et changer le regard sur ceux que l'on présente habituellement en bloc comme un affreux ramassis d'indécrottables arriérés.


Un grand, riche et très long roman, couronné du prix Pulitzer, qui fait comprendre l'humiliation de cette Amérique-là, emmurée dans ses difficultés au point de voir en sa peau blanche le seul dernier vestige de sa fierté et, en un certain Trump, l'espoir d'être enfin compris.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« - Waouh j'ai fait. J'étais pas au top niveau inspiration ».
Moi aussi j'ai dû en lâcher quelques-uns de Waouh et pas seulement à la fin, au moins autant de fois que j'ai fait une pause en m'abreuvant de ce que je venais de lire, ou en refermant le pavé pour reprendre mes esprits. C'est à dire un nombre insensé de fois.
« On m'appelle Demon Copperhead », c'est la petite musique intarissable d'un récit de jeunesse qui vous lancine le cerveau, un ton obsédant de tendresse à la mélancolie noire qui vous susurre d'y retourner voir ce qui va bien pouvoir lui arriver à ce gamin de Demon, Damon ou Diamant, c'est la voix magistrale d'un gosse sans famille mais bien câblé, plutôt très bien même, aux vérités insolentes et lucides, pleines de bon sens et de gouaillerie. La voix d'un personnage inoubliable, digne d'un Holden lu d'ailleurs par Demon, dont il découvre à la fin de son livre « que ce qu'il voulait vraiment au fond de de lui, c'était se planter au bord d'un champ et rattraper les petits garçons avant qu'ils se jettent de la falaise comme il l'avait fait ».
Même si Demon, lui, rêve plutôt d'aller voir l'océan, et même s'il a de qui tenir par ailleurs niveau culturel. Barbara Kingsolver s'est inspirée du David Copperfield de Dickens, l'idée lui étant venue à la visite de la maison dans laquelle il l'a écrit. Plus qu'un exercice littéraire, elle écrit un roman miroir à distance spatio-temporelle sûrement parsemé de références (notamment avec les personnages : les McCobb, Tommy, Mr Dick, Dori et son chien Jip, ….), mais elle écrit surtout un roman faste en visite guidée d'une Amérique de la misère et des inégalités sociales, via les services sociaux empêtrés dans la perfidie des familles d'accueil, mais aussi la violence ordinaire ou la crise des opioïdes.... de l'Angleterre victorienne à l'Amérique des Appalaches plus d'un siècle après le saut ne paraît pas si grand, qui fera dire à Demon au sujet de Dickens qu'il a lu aussi, que « putain, il les connaissait les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T'aurais cru qu'il était d'ici »
On fait connaissance avec Damon et sa junkie de mère dans leur mobil-home du comté De Lee, avec pour voisins les Peggot et leurs cousins à l'infini. C'est déjà le temps de la misère pour lui, et pourtant c'est aussi un temps de l'enfance qu'il regrettera par moments, copain avec Maggot, aimé des Peggot. Un temps d'avant la violence d'un beau-père pervers, un temps d'avant les balbutiements des services sociaux et les ballotages en familles d'accueil pourries. Les premiers temps de ce récit sont rythmés par un festival de vacheries pour les démunis et les orphelins, mais la résilience pointera le bout du nez pour Demon, doué pour le dessin et le sport. Un récit noir avant l'espoir mais égrené aussi de rires, dont la lecture s'apparente au flux infatigable d'une histoire addictive à épingler de bons mots gouailleurs, habitée de personnages saisissants : Maggot et ses cils à rendre jalouses les cousines Peg, Fast-Forward, Emmy et tante June, Mr Dick sur son fauteuil roulant avec son cerf-volant imprimés de mots, Coach et sa fille Angus avec qui il passait des soirées complices, « allongés sur des poufs à se balancer des pop-corns de pénalité pour avoir pété hors-jeu »
« On m'appelle Demon Copperhead » a obtenu le Pulitzer 2023 (avec Trust d'Hernan Diaz). Sa noirceur et sa longueur seront peut-être des motifs de rejet pour certains, quand les amoureux d'une littérature fougueuse devraient ne pas être effrayés par le pavé, mettre de côté le bandeau, respirer un bon coup et se laisser emporter par la verve de cette voix magistrale. Une top lecture en ce qui me concerne.
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Grosse claque encore une fois avec ce nouveau roman de Barbara Kingsolver, doté du prestigieux prix Pulitzer !

On est d'emblée happé par la logorrhée de ce gamin, qui n'est pas né sous une bonne étoile. Sa mère l'élève seule, comme elle peut, aidée par les généreux voisins qui lui prêtent un mobil home. Près de son ami Maggot, il grandit comme une herbe folle, connaissant les affres des familles d'accueil accompagné d'un petit nuage noir au dessus de la tête. Tout aurait pu s'arrêter au collège, s'il n'avait pas été repéré pour ses dispositions pour le foot …Mais là encore, la mauvaise fée veille et bouleverse les projets précaires que l'on avait élaboré pour lui.

L'amitié puis l'amour le guident sur ce parcours d'obstacles, qu'il franchit avec plus ou moins de bonheur. D'autant que rodent les démons des paradis artificiels, pourvoyeurs de revenus et d'extase, mais si dangereux…

C'est somptueux, par la forme et par le fonds. Les confidences incessantes de Demon nous accrochent à lui comme une bernique à un rocher. Par question de lâcher ce petit gars avant de connaître le dénouement. Et puis Barbara Kingsover dénonce les méfaits des prescriptions d'opioïdes de synthèse qui ont provoqués la mort de 300 000 personnes en vingt ans. le discours écologique, récurrent dans'oeuvre de l'autrice, n'est pas absent de cet état des lieux.

Double moderne de David Copperfieds, que l'on aurait presque envie de relire, un héros que l'on ne peut oublier

Un grand cru de cette autrice que je vénère.

624 pages Albin Michel 31 janvier 2024
Traduction (Anglais) Martine Aubert
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Demon Copperhead rêve de voir la mer depuis tout petit.
Normal pour un enfant de 9 ans. Mais le petit Damon (son véritable prénom) n'est pas né dans la bonne maison (d'ailleurs il ne vit pas dans une maison mais dans un mobil home), ni avec les bons parents (difficile puisque son père est mort et sa mère une junkie défoncée qui ne va pas tarder à faire une bonne overdose).
Alors, une fois sa mère morte, Damon, qui en avait déjà bien bavé, va se rendre compte qu'il n'avait fait jusque-là qu'effleurer la misère du monde, et que maintenant il va y être plongé jusqu'au cou.
L'océan qui l'attend c'est celui des malheurs. Seule bonne nouvelle, il ne périra pas noyé sous la vague, puisque que c'est lui qui nous raconte son histoire à la première personne d'un ton gouailleur, lucide et désabusé. Et puis Mrs Peggot, la vieille femme qui élève son petit-fils Maggot, le meilleur copain de Damon, lui a prédit qu'il était impossible qu'il se noie car il est né coiffé. D'ailleurs, son père étant mort noyé en sautant d'une falaise de la baignoire du Diable, Demon s'est fait la promesse de ne pas prendre de bains ni de périr sous les flots.
Ce dernier point nous apporte un petit motif de réconfort, car rien ne va être épargné au petit Damon balloté de pseudos familles d'accueil en combines foireuses.
Heureusement, de bonnes personnes vont venir parfois baliser son chemin, le rattraper par le col avant qu'il ne sombre complètement ou qu'il pense à se jeter du haut de la falaise.
Un roman-fleuve bien noir qui vous enfonce la tête dans cette misère crasse dans laquelle tous se débattent en tirant le diable par la queue, en se forgeant leur propre morale et repères pour survivre. Il suffit de tendre la joue droite pour s'en prendre une bonne sur la joue gauche, et puis on recommence.
Barbara Kingsolver signe un roman social extrêmement riche, dense, avec peu de temps morts. Si vous ne savez pas ce qu'est un redneck, alors lisez ce livre, vous n'aurez pas de meilleure définition de cette population blanche et pauvre de laissés-pour-compte de l'Amérique, prompte à voter et revoter Trump. J'ai été également édifiée par les ravages des différentes drogues (euh … médicaments) comme l'oxycodine qui se transforme en juteux business pour des groupes pharmaceutiques puissants et des médecins véreux.
Ce livre décrit minutieusement l'histoire de la Virginie Occidentale, sa population comme ses anciennes usines de charbon et cultures de tabac en faillite. J'ai également découvert le terme de melungeon, qui désigne une ancienne communauté métissée avec des origines européennes, africaines et indiennes, dont descend le père de Damon.
La galerie de personnages est foisonnante, pourtant on ne s'y perd jamais. Ce roman est également une immense et intense fresque de tous les sentiments humains.
Le lecteur ressort de ces 605 pages rincé, abattu. Pourtant, tout au bout, il y aura peut-être un espoir, et, qui sait, l'océan, je vous laisse découvrir par vous-même…
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critiques presse (4)
LeSoir
19 avril 2024
Barbara Kingsolver transpose le roman de Dickens, et c'est une réussite.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Bibliobs
11 mars 2024
A l’époque, les majors pharmaceutiques inondent le marché d’un anti-douleur très addictif. [...] L’écrivaine cherchait comment tirer un roman de cette tragédie, peu connue du grand public même aux Etats-Unis. Et c’est donc Dickens qui lui a suggéré, dit-elle, de raconter l’histoire du point de vue de l’enfant victime.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesEchos
20 février 2024
La grande romancière américaine Barbara Kingsolver a obtenu le prix Pulitzer pour « On m'appelle Demon Copperhead », transposition du chef-d'oeuvre de Dickens dans l'Amérique rurale contemporaine. Drogues, pauvreté, violence des hommes et résilience des femmes : une remarquable mise en abîme des injustices de notre temps.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaLibreBelgique
16 février 2024
Dans "On m'appelle Demon Copperhead", Barbara Kingsolver imagine un David Copperfield d'aujourd'hui, au cœur des Appalaches.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Et voilà que débarque Stoner. Une femme clean, il respecte ça. On dirait Mr Propre en personne, même tête en boule de billard, gros biceps, écarteurs à la place de boucles d’oreille. Maman disait que des cheveux il pouvait en avoir, mais qu’il aimait se raser le crâne. Selon elle un type chauve bien musclé avec une veste en jean et rien en dessous, c’était le top de la virilité. Si vous êtes surpris qu’une mère discute du sex-appeal de ses mecs avec un gamin qui a toujours pas compris qu’il faut pas se curer le nez, vous n’avez pas touché le fond de la solitude. Maman m’allumait une cigarette, des menthols bien sûr, et on avait nos petites conversations qui, dans son esprit, étaient l’option kid-friendly. Je pensais que fumer avec elle en discutant des divers attributs de ce bel étalon était un signe de profond respect. C’est comme ça que j’ai fini par savoir ce genre de chose : une tête entière rasée de la veille, c’est sexy à mort.
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Pour les enfants qui tous les jours se réveillent la faim au ventre, à qui la pauvreté et les antidouleurs ont volé leur famille, dont les assistantes sociales perdent sans cesse les dossiers, qui se sentent invisibles, ou aimeraient l’être : ce livre est pour vous.
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D'accord, je sais que "joli" est un de ces mots qu'un mec doit prendre comme si c'était la chtouille et gare à ses couilles.
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Crickson était un grand type rondouillard avec un visage rougeaud et les cheveux gras rabattus sur le crâne, t'aurais dit une main tenant un ballon de basket. Petits yeux profondément enfoncés dans la tête, nez pointu, une gueule de chien, quoi. Mais d'une race plus mauvaise que les deux vieux molosses allongés sous le poêle à bois éteint. On aurait dit que dès que les gelées arriveraient, ils seraient prêts à partir.
Sa voix sortait dans un murmure à la Freddy Krueger, comme si ça lui faisait mal de parler, alors vous aviez intérêt à écouter. Oui, j'avais vu Les griffes de la nuit. Au drive-in, depuis le siège arrière, même si maman et Stoner pensaient que je dormais. L'éducation d'un paquet de gamins dans le comté de Lee. Le type craignos dit asseyez-vous, on s'est assis.
Pendant ce temps, Miss Barks procédait aux contrôles, nerveuse au possible. Est-ce que je dormirais dans la même pièce que ses autres pensionnaires, avait-elle été inspectée, avait-il été informé de mon arrivée par téléphone ce matin ? Il était en mode Abrège, ma petite dame. Les autres garçons étaient partis à l'école et il devait sortir s’occuper du bétail. Miss Barks n'avait rien à redire à tout ça. Je bougeais pas, je jetais un œil à l'intérieur de Amityville : méchant lino gondolé, éclaboussures de graisse jaunâtre sur le mur au-dessus du poêle, pots de beurre de cacahuète restés ouverts et du bordel sur le plan de travail. Une couche de crasse à peu près partout. Je me suis rappelé qu'elle avait dit que la femme de cet homme était morte. Je me suis demandé si son corps traînait encore quelque part, parce qu'à mon avis y avait eu zéro rangement dans cette maison depuis qu'elle avait clamsé. Miss Barks a terminé et lui a tendu une grande enveloppe jaune. Il a demandé si son chèque était à l'intérieur. Elle a répondu qu'il le trouverait dans son courrier comme toujours. J'arrivais pas à croire qu'elle allait me laisser avec Freddy Krueger, mais elle m'a fait ces yeux que j'avais vu chez maman un million de fois : Désolée. Et elle est partie dans ses petites bottes, tac, tac. Je me suis demandé si aux services sociaux ils font comme chez les Alcooliques anonymes et genre à la fin tu dois présenter tes excuses à tous les enfants que t'as entubé.
(p.74-75)
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Tommy m’a montré la photo de Big Tom. Ok, pas terrible. J’ai essayé de lui expliquer que c’était humain, qu’on avait tous besoin de s’en prendre à quelqu’un. Le beau-père qui file des claques à la mère, elle qui crie après le gamin, lui qui se venge sur le chien. (Non pas qu’on en avait un. Mais j’avais collé une trempe à mes Transformers.) C’était nous le chien de l’Amérique. Chaques catégorie de personnes a son nom propre, sauf nous, va savoir pourquoi. Beaufs, ploucs, péquenauds, pas de majuscules.
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« On m'appelle Demon Copperhead » de Barbara Kingsolver lu par Benjamin Jungers
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