Cela fait fort longtemps que j'envisageais de lire ce livre. Plus ou moins depuis que je sais que le film de Truffaut est tiré d'un livre. Tout ado, en effet, je suis tombé par hasard sur l'adaptation cinématographique du classique de
William Irish. C'est dire si, à chaque page, j'avais bien du mal à me défaire de l'image de
Jeanne Moreau en Julie, veuve déterminée...
Souvent, en fermant les yeux, une sarabande unissant Humphrey Bogart et
Jeanne Moreau s'envolait sous mes paupières closes. Oui, j'associe classique du roman noir à Humphrey Bogart... Je le voyais bien dans ce Wanger, flic opiniâtre, un brin désabusé, qui finit par éprouver une sorte de compassion, teintée de colère pour l'inutilité de la vengeance de Julie. Un flic intègre et humain. Ce n'est pas incompatible.
Le roman est construit de manière simple, chaque chapitre présentant de la même manière un crime perpétré par Julie. Seul le dernier chapitre diffère un peu, avec l'arrestation de la meurtrière, et la morale qui lui est faite par Wanger. Une morale comme en ferait un grand frère bienveillant mais juste, intransigeant.
Irish va à l'essentiel, à chaque fois. Deux ans et demi passent dans le roman sans que l'on s'y attarde. Parce que pour Irish, l'essentiel est dans le récit, pas dans le temps qui passe. Et Irish évacue cette dimension, très soucieux de cohérence. Tout est expliqué dans le dialogue sous forme d'aveux qui se déroule entre Julie et Wanger.
Tout se révèle à la fin, ce qui veut dire que le lecteur ne reçoit les clés qu'au terme du roman. Il est laissé dans l'incertitude, simple spectateur des crimes et de l'enquête, du désarroi de Wanger, de la dure détermination de Julie.
Bref, un très bon moment. Trop court. Mais c'est aussi la force d'Irish: ne pas trop en faire, ne pas diluer, ne pas allonger une sauce qui ne doit pas l'être. Là où un Adler-Ohlsen ou un
Carrisi feraient 700 pages, Irish se contente de 130. Avec la même réussite (au moins).