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EAN : 9782851819932
120 pages
L'Arche (10/09/2020)
4.24/5   21 notes
Résumé :
L'Autobiographie du rouge est un "roman en vers" d'Anne Carson, inspiré de la figure mythologique de Géryon, présente dans les fragments lyriques du poète grec Stésichore. Traversé par un profond souffle épique, ce "roman en vers" est tout à la fois matière épique, rhapsodie, roman initiatique, journal intime, épopée lyrique et carnet de voyage amoureux. Géryon, jeune garçon et monstre rouge ailé, livre les tourments de son âme dans ce récit autobiographique, qu'il ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La mythologie grecque engendre généralement des ouvrages d'une austère érudition. Écrits par des universitaires perchés sur leur Olympe, leur style alambiqué et désuet exclut d'emblée le lecteur novice et curieux qui passait par là. Ne baillez pas en les lisant, vous risqueriez d'avaler de la poussière. 

Venu du Canada, un vent frais vient pourtant de souffler sur le grec ancien et cette brise printanière et bienfaisante se nomme Anne Carson. Helléniste renommée, on dit qu'Anne se prit de passion pour le grec en lisant les poèmes de Sappho. Voilà sans doute pourquoi chacun de ses ouvrages est empreint d'une telle poésie.

Autobiographie du rouge est un livre inclassable, puisant aux sources de la mythologie mais résolument moderne. Il est inspiré du mythe de Géryon, monstre à trois corps et trois têtes qui fut vaincu par Héraclès et dont le poète grec Stésichore tira un long récit en vers. Malheureusement, de ce récit ne nous sont parvenus que quelques fragments.
Et c'est à partir d'eux qu'Anne Carson va entreprendre, elle aussi, de nous raconter l'histoire de Géryon sous la forme d'un récit en vers. Cela pourrait paraître rébarbatif mais il n'en est rien car, dès les premières lignes, l'auteure a le secret de nous rendre son personnage attachant. On entre alors avec lui dans ce qu'elle nomme une "romance", une histoire simple et bouleversante, dans laquelle on va le regarder grandir, aimer et souffrir.

Car le Géryon d'Anne Carson n'est pas un monstre ou alors c'est un monstre gentil. Venu au monde avec deux ailes rouges dans le dos, on le découvre enfant, protégé et tendrement aimé par sa mère, malmené par son frère, confronté à la dureté du monde extérieur. Sa différence, il devra très tôt apprendre à la cacher. "Ça serait dur pour toi si tu étais faible mais tu n'es pas faible" lui dit sa maman en lui arrangeant ses petites ailes sous son manteau avant de le pousser par la porte en direction de l'école. 

Puis vient l'adolescence. Géryon peu à peu s'éloigne et se découvre une autre différence dont il ne veut pas parler à sa mère. Géryon aime les garçons. Cela, il l'a su au moment où il vit Héraclès pour la première fois. C'était à la gare routière. Héraclès descendait d'un bus une valise à la main et leur rencontre fût "un de ces moments qui sont l'inverse de la cécité". Géryon est heureux. Il aime en grand. Et pour un peu, il en déploierait ses ailes. Mais Héraclès le quitte soudain, le laissant "coincé dans sa pauvre pomme pourrie", plus seul encore qu'avant leur rencontre.

Puis les mois, les années passent et le hasard, un jour, ramène Héraclès devant Géryon. Mais l'amour peut-il encore se vivre alors que l'un et l'autre ont tant changé? Dans la mythologie, Géryon meurt d'une flèche empoisonnée tirée par Héraclès. Ici la flèche n'est pas mortelle, même si elle est tirée en plein coeur. le poison, lui, s'appelle chagrin d'amour.

Les vieux contes mythologiques ne sont pas si éloignés de nous, voilà la leçon d'Anne Carson. Leur sagesse, leur philosophie peuvent encore nous parvenir et nous nourrir. Il suffit, comme elle, de savoir ajouter à l'érudition quelques pincées d'émotion et puis d'habiller le tout de mots simples et beaux qui donnent à l'histoire une incroyable fraîcheur. 

Anne Carson est-elle une formidable conteuse, une poétesse, une philosophe? Elle est mieux que ça, étant tout à la fois. Elle a ce talent d'être unique et de ne pas se laisser enfermer dans une catégorie. Ses ouvrages sont tous irrigués à la source de son intime, passant aisément de la non-fiction à l'autofiction. Son écriture est légère, y compris pour dire le plus pesant et l'on y retrouve avec joie la magie de l'enfance.

J'ai trouvé en ces pages des phrases qui semblent avoir été écrites spontanément, sans le moindre effort, et qui sont d'une incroyable beauté. Anne Carson ne s'affirme pas poète et c'est sans doute cette humilité qui garde à son écriture le naturel qui en fait tout l'éclat. C'est la poésie sans le dire, la plus belle, celle de la vie. 

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Très belle surprise que la découverte et la lecture de l'Autobiographie du rouge d'Anne Carson, un ouvrage publié aux éditions de l'Arche.

Inspirée par la Géryonide de Stésichore (poète grec, originaire de la Sicile qui vécut de 630 à 555 avant J.C.), Autobiographie du rouge met en scène Géryon, personnage mythologique dont l'histoire est ici transposée dans notre époque contemporaine.

Le livre débute par une série d'annexes qui sont comme autant d'introductions indépendantes qui ouvrent l'accès au poème principal d'Anne Carson.

Géryon est un jeune adolescent, un être hybride, à l'aspect surnaturel et humain. Doté de grandes ailes rouges qu'il cherche constamment à dissimuler, Géryon est un garçon introverti, secret. Il fait un jour la rencontre du jeune Héraclès, garçon qui deviendra rapidement son amant, avec qui il partira en voyage. Un temps qui confrontera Geyrion à lui-même.


« Ces jours-ci Géryon éprouvait une douleur qu'il n'avait pas ressentie depuis l'enfance.
____________________

Ses ailes faisaient les difficiles. Elles s'écorchaient l'une l'autre sur ses épaules,
petits animaux rouges écervelés qu'elles étaient.
Avec un morceau de planche trouvé dans le sous-sol Géryon se fit une attelle
et se ligota fermement les ailes.
Puis il remit sa veste. T'as l'air de mauvaise humeur aujourd'hui Géryon ça va pas? dit Héraclès en voyant Géryon
remonter du sous-sol.
Il y avait quelque chose de crispé dans sa voix. Il aimait voir
Géryon heureux.
Géryon sentit ses ailes se resserrer, se resserrer, se resserrer.
Non tout va bien. Géryon se força à sourire d'une moitié de visage »


La première originalité du livre d'Anne Carson tient à la forme de l'écriture. Dans ce Roman en vers (tel est le sous-titre de l'ouvrage), très souvent l'auteure fait se confondre les récits directs et indirects, se mêler la narration aux dialogues des personnages, sans aucun recours à la typographie et à la ponctuation pour les distinguer les uns des autres. Un parti pris original chez la poétesse qui n'altère en rien la lecture mais la rend plus saisissante.


Avec ce procédé d'écriture, la force du livre se manifeste aussi dans la combinaison des moyens employés par Anne Carson : travail de traduction, de réécriture du récit mythologique, travail sur la psychologie des personnages, sur les symboles (souvent évoqué, le volcan, avec son pouvoir d'attraction et de fascination, du vide qu'il porte en lui) et sur le style (entre onirisme et surréalisme).


Plongé dans les méandres de sa conscience, dans sa confrontation aux autres, dans les lieux étranges qu'il traverse, Geyrion fait l'expérience du manque qu'il lui faut sans cesse combler. C'est pour lui une manière sensuelle de refermer sur et en lui-même le gouffre de l'existence qui l'entoure. La couleur rouge, les ailes sont ce qui définit Geyrion mais aussi le singularise, le marginalise. le tout d'un personnage de tragédie.

J'ai refermé Autobiographie du rouge presque à regret, tant la lecture en était saisissante et belle. Mystérieux et édifiant, comme peut l'être un récit mythologique, ce roman en vers est une réflexion sur l'altérité, sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes, sur nos différences, source de plénitude et de manque.


.
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Ce que j'ai ressenti:

➖C'est le moment du volcan➖

Soit je mentirai, soit sinon non.

C'était un monstre rouge avec des ailes

Mais peut-être pas, peut-être qu'il

Était là. À se frotter les ailes.

À se calciner sous nos yeux.

♦️L'aube. le rêve.Le monde♦️

Il s'appellerait Geryon. Il y avait

De la tragédie grecque et un peu

De Troie. Pas d'Helène mais des

Patiences rouges, des aveuglements

Et des désirs encombrants.

♦️Les gouttes. Les auvents. Les brises♦️

Soit Elle était là, soit elle ne l'était

Pas. Mais il nous faut une réaction

Puisque il est parti et qu'il est

Revenu. Peut-être qu'il n'existe pas

Vraiment. le rouge.

♦️L'assaut. L'intervalle. L'espace♦️

Une réaction en rouge. Rouge Rubis

Rouge-Rouge-rouge dans la nuit

Que ça bouge dans le coeur

Que ça bouge dans les rimes

Que ça s'enflamme au bord des lignes

➖C'est le moment volcan➖

Soit je mentirai, soit sinon non.

Des romances de ce genre, c'est

Follement exaltant. Même si les

Crépuscules se fanent et que

Le temps laisse des interrogations

Il y aura toujours des poèmes

LOVESLAVE

Pour te rappeler que les rêves sont

Flammes -Rouge Lave- immortels.

♦️La poussière. La marque. L'odeur♦️

Soit je serai excoriée dans ma peau

Soit je serai au rebord de ce que je peux

Aimer.

Soit j'aurai le sang qui boue

Et si je te disais ce que ça fait d'être

Une femme qui écoute dans le noir

Soit je te parlerai de mes ailes qui se

Resserrent, resserrent, resserrent

Soit je te dirai que j'ai des brûlures

Mais ne t'inquiète pas

« -C'est juste des brûlures de souvenirs! »

Puisse-tu découvrir l'intensité de

L'autobiographie du rouge

Puisse-tu découvrir l'homme de lave

Puisse-tu découvrir ton coeur brûler

Avec lui.

Soit j'aime ce monstre ailé aux fêlures

Profondément humaines et Rouge.

Soit j'ai la fureur d'aimer l'audace

D'Anne Carson

Soit sinon oui,

J'ai eu un coup de coeur. Rouge.

Avec les éruptions et la lave

Qui coulent dans mes veines.

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Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Ce qu'il y a de bien avec un challenge de lecture c'est qu'il t'amène à te sortir de ta zone de confort.
.
Entre en scène Autobiographie du Rouge qui est un roman en vers. On peut prendre chaque chapitre comme des poèmes mais le tout forme une histoire complète.
.
Histoire qui réinvente et réécrit le mythe de Geryon et Hercule.
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J'ai vécu une expérience vraiment particulière à la lecture de ce livre, comme si le temps était suspendu. J'ai tourné la dernière page en me disanr que je n'avais pas embrassé tout ce que ce roman avait essayé de me transmettre.  Pourtant j'ai apprécié le voyage surtout la première partie.
.
C'est doux et mélancolique. Ce roman est à  la fois un récit de voyage, un récit initiatique, une histoire d'amour et de séparation.
.
Le côté vers apporte un aspect presque fantastique.
.
C'est un petit ovni mais qui mérite d'être lu.
.
"L'esprit commande en secret seul le corps n'arrive à rien".
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Une lecture qui ma fasciné·e.
Je n'ai pas tout compris, mais j'ai été emporté·e par le flot et la virtuosité. de la langue, du propos, de la réécriture.

Une lecture que je reprendrai en temps voulu. Et j'ai très envie de continuer à découvrir l'univers de Carson.
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critiques presse (1)
Liberation
16 septembre 2020
La poétesse canadienne née en 1950 a écrit un «roman en vers» en reprenant sur quelques pages les fragments de Stésichore, poète grec du VIe siècle avant Jésus-Christ, et quelques «Appendix» apportant diverses précisions et imprécisions, de sorte que le texte commence ainsi : «Géryon était un monstre chez lui tout était rouge.»
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il pleuvait sur son visage. Un moment il oublia qu'il avait le cœur brisé et puis il s'en souvint. Embardée nauséeuse aux tréfonds de Géryon coincé dans sa pauvre pomme pourrie. Chaque matin le choc de revenir à l'âme incisée.

Il se traîna jusqu'au rebord du lit et fixa l'amplitude sourde de la pluie.

L'eau balancée par seaux entiers du ciel sur les toits les gouttières les rebords de fenêtre. Il la regardait tomber sur ses pieds et former des flaques au sol.

Il entendait des bribes de voix humaine couler dans les canalisations - "Je crois en la gentillesse" –

Il referma d'un coup la fenêtre.
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Les noms nomment le monde. Les verbes activent les noms. Les adjectifs viennent d'ailleurs.

Ces petits mécanismes importés ont pour fonction d'attacher toute chose dans le monde à sa place. Ils sont les verrous de l'être.
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Et vous aussi vous êtes athée ? dit Géryon.

Je suis sceptique. Vous doutez de l'existence de
Dieu ? Pour être plus précis je fais

crédit à Dieu

d'avoir le bon sens de douter de mon existence.

Qu'est-ce que la mortalité après tout sinon le soudain éblouissement du doute divin?

Pendant un instant

Dieu suspend son assentiment et POUF! nous disparaissons.
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L'esprit commande en secret seul le corps n'arrive à rien
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 A l'intérieur de lui des flammes léchaient le plancher.
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