Le conte stimule l'imaginaire de l'enfant, nourrit les représentations. Il soutient également la symbolisation. Amour filial, fraternel/sororal, amour romantique, mais aussi de la grande question du consentement, "les contes sont une matière vivante dont on ne parvient jamais à épuiser le sens", comme l'écrit Jennifer Tamas, agrégée de lettres modernes.
À travers de nombreux exemples, Louise Tourret et ses invités Jennifer Tamas et Pierre-Emmanuel Moog, nous proposent de redécouvrir les contes et de continuer à en tirer des leçons.
#education #enfance #litteraturejeunesse
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Vous comprenez pourquoi La Belle et la Bête de Madame de Villeneuve offre des réflexions d'une étonnante actualité ? Consentement sexuel, viol conjugal, fluidité de genre, opacité de son propre désir, inceste, nécessité d'une conversation transparente, apprentissage du refus, liberté d'aimer, origines et mariages arrangés, rien de tout cela ne peut laisser indifférent ni autrefois ni aujourd'hui. (20)
Combien de cadets parmi vous soulagent-ils leur famille ou épargnent de l'argent pour prodiguer à leurs proches soins et biens matériels ? En dépit de leur petitesse apparente, certains enfants sont bénéfiques au point de devenir les parents de leurs parents. C'est ce qui explique peut-être qu'ensuite ils ne veulent pas d'enfants eux-mêmes. (23)
Depuis bien longtemps, notre culture classique nous est transmise par des lectures masculines pétries de fantasmes. Il est temps de s'en affranchir! Les hommes préfèrent imaginer des refus mais ignorer ceux qui se disent clairement. Pour galvaniser un esprit guerrier, rien de plus excitant que de croire à la fiction du non. Mais quand il faut parvenir à ses fins, mieux vaut faire la sourde oreille qu'écouter celle qui se refuse.
La rivalité féminine n'est que l'un des effets de la domination masculine.
Des générations de lycéens qui n’ont eu qu’un accès partiel au texte. Savent-ils qu’Andromaque finit par remporter la couronne et anéantir ses agresseurs ? Elle sort victorieuse d’une lutte de plus d’un an qu’elle a menée selon une stratégie dont le public peut mesurer toute l’efficacité : la résistance passive. En répondant ni « oui » ni « non » au chantage de Pyrrhus, Andromaque ne se soumet pas. Elle résiste à l’ultimatum (épouser Pyrrhus, donc renoncer à honorer la mémoire d’Hector et sauver son fils). Elle l’invalide même.
Le travail des intellectuels au XIXème siècle a fait émerger une certaine littérature classique. En canonisant un héritage culturel masculin ainsi que l’œuvre de quelques rares femmes comme Madame de Sévigné ils ont effacé beaucoup d’œuvres des femmes d’autrefois. Ces érudits appartiennent à une société patriarcale que Napoléon a consolidée sur le plan des lois comme sur celui des idées. L’héritage de Rousseau est aussi lourd de conséquence puisqu’il nourrit une vision romantique du monde […] la femme est alors mise sur un piédestal, éthérée si bien qu’elle souffre d’une forme de déréalisation que le libertinage du siècle précédent ne permettait pas d’envisager
Les contes recèlent un secret : leur sens ne s'épuise jamais et évolue en fonction des âges de la vie. Ils sont comme des couvertures magiques qui nous enrobent et grandissent avec nous. Mais surtout, ils nous aident, tout simplement, à vivre ensemble.
Pour chacune des ces femmes, l’identité dérive d’un attribut physique : Cendrillon est aussi connue sous le nom de « Cul Cendron » (le derrière dans les cendres). Blanche-neige tire son nom de la pureté de son teint (et peut-être de son âme), tandis que la Belle au bois dormant évoque la beauté ensommeillée que vient déchirer l’irruption du soleil : au sens propre, l’astre qui met fin à la nuit, et au sens figuré le prince solaire qui viendra la sauver.
La plupart ont pris la plume une fois devenues veuves : elles jouissent alors d’une plus grande liberté pour s’exprimer.
« Belle est une héroïne du non, mais elle a sur la bête un pouvoir de vie et de mort. La Bête est même le personnage vulnérable, celui qui manque de mourir faute d’avoir su dire non et qui est sauvé in extremis par Belle qui s’arroge le droit de le couvrir de baisers pour le réveiller. Dans ce conte d’autrefois, la jeune fille propose et dispose du corps de l’autre. Sujet désirant, Belle fait des rêves érotiques que Madame de Villeneuve se plaît à décrire pour nous faire comprendre la domestication du désir.