Je viens de passer six semaines à découvrir mon pays. J'ai traversé le massif central en plein hiver. J'ai survécu à la peur du noir. Je me sens bien, seule, dans la nature. Je ne veux pas que ça s'arrête. Téhéran... C'est une excuse. Je veux être en chemin, vagabonder. Tant pis si je tourne en rond. La seule valeur sûre, c'est les jours de solitude dans la montagne. Là-haut, tout est décuplé. Là-haut, je ressens des émotions.
Pourquoi toute cette route ? Je voulais ressentir des choses. J'ai eu froid, faim, chaud et soif. J'ai dormi contre le sol, la neige et le sable. J'ai respiré l'air de la nuit. Je croyais que je voulais être une meilleure personne. Mais non, je voulais juste errer, me cacher dans le temps du trajet. Je veux continuer. Toujours un peu plus loin. Je n'ai pas eu assez de route pour arriver. Comment vais-je pouvoir rentrer ?
Des fois, je pense à des parties de mon corps, mes mains aux jointures blanches... Mes orteils surtout, qui nagent dans mes chaussures, pleines d'eau... La pluie crépite. Ça fait drôlement longtemps que je ne me suis pas demandé ce que je fous là. J'essore mes vêtements sous la pluie, voilà ce que je fous là.
C'est trop pour moi. Le soleil est brûlant, le temps se dilate. Je ne sais plus où, je ne sais plus quand je suis. Mes mains sont noires, de bronzage et de terre. Qui disait ici : « et bien, es-tu toujours le même ? »
Le vélo est un brin bancal. Il freine mal. Il a une petite musique bizarre en roue libre. Je m'en fiche. Tout est fin prêt pour partir.
Quand j'arriverai au bout de la route, je saurai qui je suis et ce que je veux.