AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de HundredDreams


Je suis tombée sous le charme de cette auteure québécoise d'origine japonaise avec sa première pentalogie « le poids des secrets ». J'ai lu les tomes, bien sagement, dans l'ordre, même si les romans d'Aki Shimazaki ont la particularité de se lire indépendamment les uns des autres et donc dans le désordre, au gré des envies du lecteur.

Pour ce quatrième cycle romanesque, j'ai donc décidé d'être plus dissipée et de les lire dans le désordre et de commencer par « Semi », le deuxième tome.
Pourquoi avoir commencé par celui-ci ? Tout simplement parce que j'ai été attirée par la douceur qui imprègne sa couverture et par le chant des cigales, annonciatrices de l'été tant attendu.
*
"Semi" désigne en japonais la cigale. Les insectes ont une place importante dans la culture japonaise. Apparentées à l'été, les cigales symbolisent la vanité et le caractère éphémère de la vie.

« Sémi, sémi, sémi, où te caches-tu ?
Après tant d'années sous terre
Tu n'as que quelques semaines à l'air
As-tu de la nostalgie pour ton long passé
Dans le noir ? »

Le grillon nous accompagne tout au long de ce court et magnifique récit, bruissant de ses ailes dans les arbres de la résidence.
*
C'est une histoire très touchante que nous raconte Aki Shimazaki, celle d'un vieil homme qui assiste, impuissant, au déclin de sa femme qui perd progressivement la mémoire.
Après cinquante ans de vie commune, Tetsuo et Fujiko vivent désormais dans une maison de retraite spécialisée car Fujiko, atteinte de la maladie d'Alzheimer, nécessite un accompagnement particulier.
Toutes ces années de mariage se délient progressivement mais inexorablement, comme si rien n'avait existé.
« L'été approche de sa fin, la saison des cigales aussi. »

Et puis, un jour, Fujiko ne reconnaît plus Tetsuo.
Elle n'a plus aucun souvenir de sa vie conjugale.
Commence alors une autre relation et un nouveau départ dans la vie.
« Vivre, qu'est-ce que c'est pour vous ? … Pour moi, c'est aimer et être aimé. »
*
Ce qui est étonnant, c'est la sélectivité de sa mémoire.
Elle a oublié les moments les plus importants de sa vie, mais elle garde en mémoire certaines choses apprises durant son enfance. Ainsi, elle reconnaît les animaux à leur chant. Elle peut également parler des cigales.
« Je songe à ce qu'elle m'a appris à propos des abura-zémi. Ces cigales vivent sous terre cinq ou six ans, puis un mois à l'air si elles ont de la chance. Un mois, c'est bien court, mais cela équivaut peut-être à quatre-vingts ans pour un humain. »
*
J'ai aimé le regard bienveillant et affectueux que porte cet homme à sa femme, son amour, sa détresse, ses peurs.

La plume délicate, poétique et toute en nuance de l'auteure fait merveille pour traduire les émotions et les sentiments. Avec beaucoup de sensibilité et d'empathie, Aki Shimazaki apporte une vision positive de la maladie et de la fin de vie. Il se dégage beaucoup de douceur et de sérénité par son écriture simple, délicate, subtile, épurée.
*
Les thèmes que l'auteure aborde dans ce récit intimiste font écho à ceux du premier cycle.
Aki Shimazaki excelle à nous parler de ces parcours de vie, de ces drames intimes. Elle aime construire des personnages complexes qui laissent entrapercevoir leurs failles et leurs secrets. Les silences, les non-dits et les mensonges ressurgissent malgré tout. Mais il est parfois préférable de garder secrètes certaines vérités.

C'est également l'occasion de percevoir quelques aspects de la culture japonaise, très codifiée et très respectueuse des convenances.

« Une scène me revient à l'esprit. Nous avions la cinquantaine. Un après-midi, nous nous promenions sur la plage, quand Fujiko m'a pris le bras. Surpris, j'ai regardé les gens autour de nous. J'ai chuchoté : “C'est gênant, en public.” »
*
Pour conclure, j'ai été touchée par cette histoire, par ce vieux couple. Je referme ce second tome, séduite par cette nouvelle série.

« le chant des cigales ne laisse rien transparaître de leur mort prochaine. »
Matsuo Basho
Commenter  J’apprécie          6514



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}