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Critique de HundredDreams


« Avancer dans la vie, c'est faire cet effort ingrat de mettre au jour des blessures qu'on n'avait pas vues venir et qui, par leur discrétion même, traumatisent l'être tout au fond de son abîme. »

Lorsque l'on aime l'art comme moi, il n'est pas compliqué de comprendre les raisons qui m'ont poussée à lire ce roman.
J'ai été attirée par le regard de la jeune fille à la perle qui fixe le lecteur et l'invite à une sorte d'intimité, d'intériorité avec les oeuvres. Par ce choix, j'avais aussi envie de partir à la rencontre des oeuvres d'art tout autant que de Mona.

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Ce roman raconte l'histoire d'une petite fille de dix ans, Mona, qui a des problèmes de vue et risque de devenir aveugle. Au lieu de l'accompagner chez un pédopsychiatre comme convenu, son grand-père, un vieil homme érudit et passionné de peinture, va décider de la conduire, en secret, tous les mercredis après-midi, dans un grand musée parisien.
En effet, ce grand-père protecteur et sensible trouve essentiel que la mémoire de sa petite-fille s'imprègne de la beauté du monde si jamais ses yeux s'éteignaient. Il va l'emmener d'abord au palais du Louvre, ensuite à Orsay, et enfin au Centre Pompidou.

Pendant un an, au rythme d'une oeuvre par semaine, Mona et son « Dadé » vont découvrir ensemble, un tableau, une sculpture, une fresque, un dessin, une photographie ou une installation, et bien sûr un artiste et son époque.

« Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j'espère qu'il sera dans ma tête. »

J'ai aimé l'approche et la sensibilité du vieil homme qui laisse le temps à l'enfant d'observer l'oeuvre pour en décrypter le sens caché. Ainsi, Mona apprend à regarder les matières et les couleurs, les jeux d'ombre et de lumière, les formes et les volumes, la composition et les techniques picturales. Ensuite, il lui apprend à analyser, juger, faire des liens entre les oeuvres. de manière concise, didactique et accessible, le grand-père l'initie aux principaux courants artistiques et lui délivre des clés de compréhension. Il la guide avec bienveillance et douceur dans ses pensées et ses réflexions jusqu'à ce qu'une leçon d'art et de vie en émerge, leçon que l'enfant s'approprie.
En voici quelques-unes que je fais mienne :

« Connais-toi toi-même. »
« Ce qui ne tue pas rend plus fort. »
« Oublie le négatif ; garde sans cesse la lumière en toi. »

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L'auteur nous propose un superbe parcours initiatique de la Renaissance italienne à l'une des dernières grandes figures de l'art moderne, Pierre Soulages. Thomas Schlesser nous amène à examiner les 52 chefs-d'oeuvre pour un résultat particulièrement éclectique. Pour plus de praticité, l'éditeur a eu l'excellente idée de glisser dans le livre une jaquette contenant la reproduction de chacune des oeuvres citées.

C'est un voyage fascinant et incroyablement érudit dans l'histoire de l'art occidental, mais pas uniquement : l'auteur aborde également un vaste éventail de sujets, comme la vie des artistes, L Histoire, la religion, la philosophie, …
Si la plupart des artistes sont connus, j'ai trouvé le choix des oeuvres original et pertinent, Thomas Schlesser ne cherchant pas forcément des oeuvres connues du grand public. Chacune d'entre elles s'inscrit dans une époque, un style, une intention, ce qui permet d'avoir une vue d'ensemble des principaux mouvements artistiques, comme le classicisme, le romantisme, l'impressionnisme, le surréalisme, le cubisme, …
En les ordonnant chronologiquement, elles semblent reliées les unes aux autres par un fil invisible mais très fort comme si les mouvements artistiques s'influençaient et se répondaient.

Au cours de ces 52 semaines, je suis devenue une petite souris, m'approchant au plus près de ces oeuvres majeures, faisant abstraction du bruit ambiant des visiteurs, prenant le temps de m'imprégner des oeuvres et d'aiguiser mon regard, d'écouter les échanges entre l'enfant et le vieil homme.
Et si j'ai tout de même un regret, c'est celui de ne pas avoir pu les découvrir comme Mona, me rendant moi-même dans ces trois magnifiques musées, le roman à la main, pour ne découvrir qu'une seule oeuvre d'art à chacune de mes visites.

« Ces gens autour de nous aimeraient tout avaler d'un coup, et ils se perdent sans savoir comment ménager leurs envies. »

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« Les yeux de Mona » est une tranche de vie profondément ancrée dans l'art, mais le roman ne parle pas uniquement de cela. La fiction s'invite, permettant de découvrir le quotidien de Mona, rythmée par les visites médicales, l'école, les heures passées dans la brocante de son père, lieu de toutes les découvertes.
Ce qui m'a plu dans cette histoire familiale qui se superpose à l'art et lie l'ensemble, c'est la relation entre la petite-fille et « ce grand-père sémaphore, ce monument, ce silex adoré ». J'ai aimé cette petite fille vive, intelligente, curieuse, mâture et ce grand-père pédagogue, attentionné.

« Des grands-parents aux petits-enfants, des petits-enfants aux grands-parents, se crée parfois un lien miraculeux, qui tient au fait que, par une sorte de courbe existentielle, les aînés reviennent, du haut de leur vieil âge, aux sentiments de leur prime jeunesse et saisissent, mieux que quiconque, le printemps de la vie. »

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Entre essai, roman d'initiation à l'art et fiction, « Les yeux de Mona » est une « invitation au voyage, une lucarne pour le rêve. »
A découvrir pour apprendre, comprendre, aimer, rêver.
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