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Critique de Lenocherdeslivres


L'avenir est dans l'espace. Et l'avenir proche. 2173. Pas si loin, tout ça. Mais avant l'exploration intensive de l'espace qui nous entoure, Pierre Raufast imagine à la Terre un avenir bien noir, hélas trop réaliste pour être laissé de côté : la Grande migration climatique. Elle a eu lieu et avec elle, des décès en cascades et une remise en cause de nos sociétés. Quant à la science, elle plafonne : le célèbre théorème de Tao a bloqué l'humanité sur sa planète. Tous les espoirs d'un réel progrès reposent sur la découverte de gisements d'antimatière. Et encore ! Mais pour cela, il faut sillonner l'espace et espérer un coup de chance.

L'espace est au centre du roman. On y passe la majorité des chapitres, avec deux équipages d'Orca, ces vaisseaux spatiaux sphériques destinés au minage de trous de ver. On y apprend progressivement quoique parfois de façon un peu longuette le contexte scientifique imaginé par Pierre Raufast. Mais cela reste très clair, puisque j'ai tout compris. Pour résumer, on peut dorénavant voyager à travers l'espace grâce à une technique qui permet de créer de petits trous noirs et, ainsi, un passage quelque part ailleurs. Je dis quelque part ailleurs car on ne découvre sa destination qu'une fois arrivé de l'autre côté de la fontaine blanche. Il faut alors refermer le passage afin que le trou noir d'origine ne grandisse pas trop et n'avale pas la Terre. Et on peut alors fouiller ce nouveau coin de l'univers à la recherche de quelque chose de différent. Mais surtout, d'antimatière. Cependant, malgré les années de fouille, rien. Toujours rien. Et ce travail, qui paraît si merveilleux aux jeunes qui le débutent, se transforme vite en routine et en vaste déception pour la plupart des futurs retraités.

Mais l'histoire va évidemment déraper avec un accident. Accident sans doute dû en grande partie aux économies de bout de chandelle effectuées par l'administration spatiale qui doit gérer avec un budget toujours insuffisant. Mais aussi aux hasards malheureux qui ponctuent l'existence. En attendant, le résultat peut être catastrophique. Car un trou noir n'est pas refermé. Et, donc, comme de bien entendu, il grandit. Pas d'un coup, ni uniformément. Mais par à-coups. Dans tous les cas, si on ne le réduit pas, il s'occupera définitivement du système solaire.

Hard-science, vaisseaux spatiaux, trous noirs. Des mots qui évoquent le grandiose, les scènes épiques, les explosions fantastiques. D'où, peut-être, une certaine surprise à la lecture de la tragédie de l'Orque. Car, dans ce roman, on est dans la SF intimiste. de nombreux chapitres se déroulent dans des Orcas. Or, leurs équipages sont composés de deux hommes ou deux femmes. On est donc dans un petit cocon, isolé dans l'espace noir et silencieux. Cela m'a d'ailleurs fait un peu penser au film Gravity (2013) d'Alfonso Cuaron. D'autres chapitres nous conduisent dans la famille de l'une des occupantes d'un Orca. Là encore, cocon. Familial, cette fois, mais l'impression est la même : petit comité, préoccupations essentiellement personnelles. Et quand on se retrouve dans les centres de décision, les protagonistes sont rarement nombreux. J'ai d'ailleurs plutôt imaginé des scènes dans de petits bureaux que dans de grands centres de commande.

Autrement dit, j'ai été surpris par les choix opérés, par le ton employé par Pierre Raufast. J'ai écrit « surpris ». Pas « déçu ». Mais je me suis longtemps demandé ce qui me titillait dans un coin de mon esprit durant ma lecture. C'est sans doute cette différence entre ce que j'avais imaginé et ce que je lisais. Mais en aucune façon je n'ai été déçu. Car la lecture de ce roman a été rapide et agréable. Peut-être trop rapide : j'attends déjà la suite avec impatience et reste vraiment sur ma fin. D'autant que l'auteur nous laisse dans l'expectative, avec plusieurs pistes ouvertes.

Pour en terminer, reprenons rapidement les thèmes de SF abordés par ce roman. On a tout d'abord l'exploration spatiale. La recherche d'une planète habitable. Mais aussi l'exploitation des ressources situées en dehors de notre planète. Et la rivalité entre agences spatiales, amenant à des aberrations. On peut ajouter un point non négligeable et bien dans l'air du temps : les I.A. Car chacun possède sa propre I.A. qui le suit et l'aide. le guide. Trop ? Cela reste à voir. En tout cas, Pierre Raufast, pour nous donner différents points de vue, met en présence des membres de plusieurs générations. Celle qui a toujours connu cette « prothèse » et celle, plus vieille, qui en a vu le développement, mais a vécu une part de son existence sans cette aide. D'un côté, on a les tenants de cette technologie, qui conseille en permanence, de façon apparemment impartiale. Elle remplace en quelque sorte les adultes quand ceux-ci font défaut ou qu'on veut aborder des sujets trop intimes. Mais, de l'autre côté, on remarque qu'elle s'est immiscée partout et que pas une décision dans la journée n'est prise sans consulter cette I.A. personnelle. du pour et du contre. Je serais bien en peine de choisir. Mais une ombre se profile à l'horizon, car ces I.A. ne sont pas encore totalement indépendantes. Régulièrement, elles doivent vérifier des éléments, poser des questions à des humains, quand elles ne comprennent pas un comportement, par exemple. Pour cela, il existe des spécialistes : une sorte de centre d'appels réservé aux I.A. Amusant retournement de situation.

De Pierre Raufast, j'avais adoré Habemus piratam, La Fractale des raviolis et La Baleine thébaïde pour leur ton enlevé et leur travail sur la structure des récits. La tragédie de l'Orque a un autre but : nous proposer un avenir possible et structuré. Ce premier volume d'une trilogie dont les dates de parution sont déjà arrêtées (et ça, c'est bien) et assez proches (et ça, c'est très, très bien), est une lecture agréable, peut-être un peu trop « facile » cependant quand on est un habitué de SF. Mais sa construction est sans faille et le plaisir que j'ai pris au fil des pages a été total. J'attends donc le système de la tortue en octobre 2023 et le dôme de la méduse en mai 2024. Histoire de confirmer les paris que j'ai pris avec moi-même sur la suite de cette histoire qui décidera sans doute de l'avenir de l'humanité.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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