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Critique de Kirzy


J'aime beaucoup le concept de la collection « True Crime » de 10/18, qui promet une cartographie des crimes aux Etats-Unis en explorant une affaire criminelle par État, ici le Mississippi, soit une histoire vraie racontée avec les techniques du roman. Après la lecture enthousiasmante de Châtiment, j'ai ressenti le besoin d'en savoir plus sur l'affaire Emmett Till qui au centre du scénario de Percival Everett, tragédie emblématique de la violence raciale qui n'a jamais cessé de hanter les Etats-Unis.

En seulement 240 pages, le journaliste Jean-Marie Pottier propose un radioscopie panoramique passionnante, aussi dense que précise, avec une clarté et une lisibilité qui permettent de s'y retrouver dans les très nombreux personnages présentés ( les protagonistes directs et indirects de l'affaire mais aussi d'autres plus célèbres comme Faulkner, Rosa Parks, Martha Luther King, Mohamed Ali ou Obama ) et de ne jamais se perdre dans des rebondissements et ramifications qui courent de 1955 à 2023.

Dans la première partie « Un rideau de coton », il relate précisément les événements de 1966 : le fait initial ( une commerçante blanche Carolyn Bryant prétend qu'Emmett lui aurait fait une allusion salace ) ; trois jours après, l'enlèvement du jeune homme par Roy Bryant ( le mari de Carolyn ) et son beau-frère J.W.Milam puis le torture, le tue d'une balle dans la tête et se débarrasse du corps dans la rivière Tallahatchie ; les funérailles ; et le procès de Bryant et Milam.

La sobriété narrative est pertinemment menée, et permet, derrière sa volonté objective, de laisser affleurer l'émotion grâce à sa focalisation sur certains personnages marquants. Je retiens tout particulièrement la mère, Mamie Till, à la dignité bouleversante et la détermination surprenante. Elle dont l'élégance de bourgeoise de classe moyenne afro-américaine tranche avec l'image que les Blancs du Mississippi se font d'une Noire. Elle qui demande à ce que le cercueil de son fils soit descellé pour montrer aux yeux de tous ce que Bryant et Milam ont fait à son fils au visage affreusement mutilé.

Les deuxième et troisième parties permettent d'appréhender l'affaire Emmett Till sur le temps long, car elle ne s'achève pas avec le scandaleux procès qui acquitte les deux bourreaux, mais rebondit à mesure que le contexte socio-politique évolue, de la ségrégation à la déségrégation, de la lutte pour les droits civiques jusqu'au mouvement Black Lives Matter suite à la mort de George Floyd.

C'est dans ces parties que j'ai le plus appris, avec encore une fois au centre du récit, la détermination d'hommes bien décidés à faire éclater la vérité. Jean-Marie Pottier met particulièrement bien en lumière ce réseau de passeurs qui prennent le relai de la mère pour ne pas oublier Emmett : le reporter William Bradford Huie qui obtient les aveux des tueurs contre un chèque ; le réalisateur Keith Beauchamp dont le documentaire apporte de nouveaux éléments que l'enquête initiale bâclée n'avait pas déniché ; ou encore le procureur général des Etats-Unis R.Alexander Acosta qui réouvre l'enquête sur le meurtre d'Emmett Till, soulevant l'urgence des questions : comment obtenir justice quand on est noir aux Etats-Unis ? Qu'est-ce que la justice quand on est un Afro-américain dans ce pays ?

Des quatre volumes de la collection True Crime que j'ai lus, celui-ci me semble le plus réussi.




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