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Critique de michfred


Une écriture superbe, puissante, ample, pleine de trouvailles formelles et d'images destinées à frapper notre imagination fragile.

Pascal est un thaumaturge et ...un grand manipulateur.
Voyons plutôt.

Le ciron, infiniment petit, et l'espace, infiniment grand, si distants l'un de l'autre et pourtant si semblables dans leur constitution qu'on ne peut que rendre les armes devant leur Créateur, si ingénieux.

L'homme perdu dans ses divertissements - la chasse,le jeu, les femmes- qui s'en étourdit pour oublier qu'il ne peut, sans malaise existentiel, demeurer seul dans une chambre..

Pauvre homme, incapable de vivre le présent, qui est le seul temps qui soit à sa portée, le passé échappant à sa prise, et le futur étant entre les mains de Dieu, son créateur..

Car c'est pour ses amis athées et libertins que Pascal, joueur et libertin lui-même, mais frappé en une nuit par la fulgurance de la grâce et converti au jansénisme des graves Messieurs de Port-Royal, écrivit ces Pensées..

Pour les convaincre, certes: c'étaient tous des scientifiques, des fortes têtes, mais des têtes bien faites.

Il s'adresse donc à leur raison, à leur sens mathématique -est-il rien qui se rapproche plus des lois de la probabilité que le cynique texte sur le pari?-

Mais pas que.

Il fallait aussi frapper leur imagination, les atteindre au cœur, les mettre à genoux: les persuader .

Et c'est là que Pascal est à la fois magnifique et, à mon sens, machiavélique.

J'ai lu et j'ai frémi, moi l'athée.

J'ai aimé voir les fragments de ces Pensées, les bribes du livre en train de se constituer- Pascal est mort si jeune qu'il n'a pu mettre en forme ni mener à son terme ce projet ambitieux, dont nous avons le dessein, les grandes lignes, les principaux arguments, sous la forme de ces "liasses" attachées ensemble, par thème, par destination à telle ou telle partie du grand œuvre...

Mais je n'ai pas été séduite, encore moins convaincue.

D'abord parce que la forme même du fragment éparpille la force du propos. Il faut du liant dans un livre aussi ouvertement argumentatif.

Ensuite parce que je subodore quelque mauvaise foi à parler de la foi dans un tel déploiement tous azimuts de l'argumentaire...

Je préfère dix fois, vingt fois, cent fois, à celle de Pascal la compagnie de Montaigne, modeste et familier, qui sait vous convaincre en douceur, sans effet de manches, avec une solide argumentation tirée de sa culture et de sa logique, mais aussi de sa fréquentation des hommes, à commencer par ...la sienne propre qu'il ne craint pas de mettre sur la sellette.

Pascal c'est le grand avocat d'assise, qui vous étourdit du haut de sa chaire, avec le vol de corbeau de ses manches noires et l'éclair de son jabot d'hermine, le temps d'une audience et d'une condamnation à mort...

Montaigne c'est la conversation au long cours avec un vieil ami retrouvé de loin en loin, toujours proche, toujours sincère -une conversation reprise, amendée, corrigée, tout au long d'une vie, avec ses errements et ses doutes, ses atermoiements et ses certitudes, ses peurs et ses joies, et qui vous laisse toujours libre d'acquiescer ou de débattre.

Pour moi, Pascal est brillant, Montaigne est convaincant.
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