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Critique de NicolaK


Un jour, je suis entrée dans une librairie et mes pas m'ont menée tout droit vers ce livre dont je n'avais jamais entendu parler, pas plus que de son auteur du reste.
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Et puis je vois le bandeau, et le mot Arménie me saute aux yeux. Forcément, je regarde la 4e et j'y apprends que l'héroïne n'est autre que la grand-mère de l'auteur, lequel a couché sur le papier le vécu de son aÏeule, à savoir la sinistre déportation de sa communauté organisée par l'État turc en 1915.
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Tout comme Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, je suis d'origine arménienne, et tout comme sa grand-mère, la mienne a vécu les mêmes événements, les mêmes horreurs, et au même âge.
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Ma grand-mère aussi avait une petite soeur, Anna.
La différence entre les destins relatés, c'est que mon arrière-grand-mère n'a pas été tuée et qu'elles ont été déportées ensemble, contrairement à Araxie et Haïganouch, orphelines.
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Leur père était parti à la guerre depuis 8 mois, comme mon arrière-grand-père et aucun d'entre eux n'en est revenu, tous les hommes et jeunes garçons ayant été massacrés, y compris le petit frère de ma grand-mère.
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La déportation a duré des mois, ponctuée de drames, de maltraitances et d'assassinats en masse, chaque journée étant pire que la précédente.
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Survivre aux coups, à la faim, à la soif, aux insultes, aux viols... le tout sous l'inexorable fournaise... contrairement à l'auteur, je n'ai pas les mots.
Comment décrire l'horreur quand elle a existé, pendant que le reste du monde regardait ailleurs.
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On fait aussi la connaissance d'Haïgaz et de son meilleur ami Agop, engagés dès leurs 14 ans chez les fedaï, les milices d'autodéfense arméniennes qui luttaient contre les bourreaux ottomans.
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La diaspora arménienne n'a pas fait couler beaucoup d'encre, le génocide arménien étant resté longtemps méconnu.
Pour exemple, il n'a été officiellement reconnu par la France que le 16 avril 1984 et si la Turquie reconnaît les massacres, elle évoque une guerre civile en Anatolie mais refuse le terme de génocide.
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Le récit se poursuivant jusqu'aux prémices de la Seconde Guerre mondiale, l'auteur, qui nous propose un livre très complet, s'épanche sur les événements politiques dans divers pays et nous croisons certains personnages clés de l'Histoire.
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Pour exemple, nous rencontrons Adolf Hitler... mais je vous laisse découvrir.
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Que puis-je ajouter pour essayer de restituer mon émotion à la lecture de ces témoignages multiples ?
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J'ignorais beaucoup de choses, ma grand-mère ne m'ayant pas raconté grand-chose.
Les Arméniens sont très pudiques et n'évoquent pas toutes ces années d'insupportables souffrances. Et j'avoue ne pas vraiment avoir posé de questions. Je l'ai regretté quand il était trop tard.
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Je conseille fortement la lecture de L'oiseau bleu d'Erzeroum. Bien sûr, ce n'est pas un texte facile à appréhender, les cent premières pages étant glaçantes, mais bon, c'est L Histoire et l'auteur n'a pas fait dans la surenchère. Il a notamment retiré deux passages où il décrivait comment les tueurs égorgeaient à l'arme blanche jusqu'à mille personnes par jour, sous les ponts, à la demande de son éditeur.
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Mais il n'y a pas que de la souffrance, dans ce livre. Il y est aussi question d'amour, d'amitié, de résilience, de courage.
Et au-delà de l'horreur, c'est un véritable page turner que nous avons entre les mains.
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Ô pays que j'aime et quitte à la fois
Dans ma tête un sabre éteint le soleil
L'exil est une mort à nulle autre pareille
Je t'aime dans le noir, et te quitte malgré moi
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Des scarabées dorés sous les eucalyptus
Ne reste qu'un bâton tombé dans la poussière
Maman est morte, dans la cour, sans prière
À leur rage qu'aurions-nous pu donner de plus ?
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De viols en abattoirs, à manger l'immonde
De haines en offenses, sans pitié ni remords
On nous a chassés loin, on nous a voulus morts
Sous le même ciel que le reste du monde.
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Haïganouch
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