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Critique de JacobBenayoune


"Le vieil homme et la mer" est l’un de ces courts romans à l’effet durable comme "L’étranger" de Camus où "La faim" de Hamsun ; ce genre de livre qu’aimait lire Kafka. D’ailleurs, il est un livre populaire de grand mérite littéraire qui constitue une œuvre de maturité pour Hemingway et qui englobe la somme expérimentale de l’homme et de l’écrivain. Le roman est rédigé en 1951, et par conséquent sa dernière œuvre majeure, celle qui a convaincu le comité Nobel à lui décerner le prix de l’année 1954. Il s’agit d’un roman sublime, une œuvre achevée et profonde écrite avec une simplicité surprenante dans un style sobre sans artifice qui peut se lire d’un seul trait (il faut avouer qu’il est captivant et passionnant) et qui respecte le concept d’économie en vogue à cette époque littéraire.

Dans ce roman, on poursuit l’aventure d’un pêcheur, qui plus est un vieillard, qui part à la pêche plein d’espoir et d’enthousiasme après une longue série de malchance. (Deux éléments qui pourraient rebuter beaucoup de lecteurs : la pêche, le personnage du vieillard). Le métier de pêcheur a marqué le corps et l’esprit du vieillard. Ce dernier affiche un stoïcisme exemplaire (" Si tu peux, fais que ton âme arrive,/A force de rester studieuse et pensive,/Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté/(…)/Gémir, pleurer, prier est également lâche./Fais énergiquement ta longue et lourde tâche/Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,/Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler." La Mort du loup, Vigny) vis-à-vis l’indifférence de la nature et des hommes (sauf le petit garçon magnanime) et une vision optimiste de la vie (au contraire de son auteur qui, trop pessimiste, a choisi de mettre fin à sa vieillesse malheureuse). Malgré son indigence et les difficultés d’un métier trop épuisant pour son âge, le vieillard cabochard continue avec persévérance son combat tout seul, avec fierté, contre la malchance et les requins opportunistes avec un héroïsme viril impressionnant qui nous rappelle le héros de Montherlant dans "Les Bestiaires", un héroïsme à la Joe Dimaggio (son modèle dans le roman) qui joue en dépit de sa blessure. Le vieil homme a su meubler sa solitude par ses monologues à haute voix. Et chose curieuse, on ne s’ennuie pas le moins du monde en suivant le pêcheur qui parle à lui-même, qui parle aux poissons aussi comme s’ils étaient de véritables personnes. Il admire ce poisson courageux qui combat pour sa vie ; il mérite tout respect au contraire de ces requins.

"Le vieil homme et la mer" est un très beau texte sur la solitude, la vieillesse, l’espoir, la résistance de l’homme et sa relation avec Dieu. Hemingway a traité tous ces thèmes avec économie et simplicité (il se permet même de commencer son roman par la phrase « il était une fois » ; peu importe quand, l’homme est plus important). On considère souvent cette œuvre comme un livre ouvert à plusieurs interprétations comme l’est d’une manière automatique "La ferme des animaux" d’Orwell, ce genre de livres qui sont des allégories politiques. En ce qui me concerne, je n’aimerai pas souiller une œuvre aussi belle, aussi profonde par des interprétations politiques pour la simple raison de donner une profondeur factice au roman sous prétexte qu’il est terre-à-terre ou ennuyeux sans notre recours. L’histoire de ce roman est simple, certes, un vieillard qui veut pêcher un gros poisson, c’est tout, (et qu’est-ce que l’histoire d’Anna Karénine ? une femme mariée qui s’ennuie, qui aime un autre et qui se donne la mort). L’essentiel n’est pas là. C’est le comment, la manière de raconter qui prime. Comment captiver un lecteur avec cette histoire ordinaire si ce n’est avec la force de la narration, le réalisme des répliques du vieillard et son esprit simple et la portée universelle qu’Hemingway lui apporte. Hemingway confirme son statut de grand romancier « pour le style puissant et nouveau par lequel il maîtrise l'art de la narration moderne » (le comité Nobel). Ce roman est un aphorisme.
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