Il est des livres, comme celui-ci que l'on a du mal à refermer, pour continuer à voyager avec l'auteure, ici, ce serait plutôt l'héroïne…
J'ai choisi ce livre témoignage car deux femmes ont vraiment compté, dans ma vie, m'ont servi d'exemple à suivre, dans mon quotidien et mes combats de femme : il s'agit de
Simone Veil qui était une véritable mère de substitution pour moi, du moins de mère idéale, (désolée, Maman, mais je sais que cela ne te surprend pas ! tu connais mon admiration pour Elle et tu l'aimais bien aussi !et en plus vous aviez à peu près le même âge) et
Gisèle Halimi, pour ses combats acharnés pour les droits des femmes.
Il s'agit d'un livre d'entretien avec
Annick Cojean où
Gisèle Halimi revient sur son enfance en Tunisie, avec une mère peu aimante (doux euphémismes) qui n'avait d'yeux que pour son fils aîné adoré. Gisèle était obligée d'être la bonne de ses frères, les servir à table, nettoyer leurs chambres, leur linge… ils étaient quatre enfants, deux garçons et deux filles !
Jusqu'au jour où elle a décidé d'entamer une grève de la faim pour protester.
Elle obtiendra en quelque sorte gain de cause et n'aura plus qu'une idée : faire des études ce qui pour une fille à l'époque était déjà un combat. Pour un garçon, on veut bien payer même si ses résultats scolaires sont nettement en dessous, mais pour une fille, seule compte mariage et dot… une injustice qui conditionnera tout son combat futur.
Elle travaille d'arrache-pied pour obtenir une bourse et ne rien coûter à ses parents et pourra imposer son choix de faire des études supérieures et devenir avocate avec un E majuscule tant elle tient à la féminisation du titre. Lorsque, plus tard le Général de Gaulle lui demandera s'il doit l'appeler Mademoiselle ou Madame, elle répondra : Maître !
Ce livre revient sur ses combats : la manière dont elle a défendu les personnes torturées pendant la guerre d'Algérie, alors qu'elle se faisait insulter, traiter de « pute à bicot » par les partisans de l'Algérie Française entre autres et recevait des cercueils pour tenter de la faire taire, ce qu'elle n'a jamais fait.
Gisèle Halimi revient sur le dossier de
Djamila Boupacha, jeune militante indépendantiste, torturée :
"La première fois que je l'ai vue dans la prison de Barberousse à Alger, elle boitait, elle avait les côtes cassées, les seins et la cuisse brûlés par des cigarettes. On l'avait atrocement torturée pendant trente-trois jours, on l'avait violée en utilisant une bouteille, en lui faisant perdre sa virginité à laquelle cette musulmane de 22 ans, très pratiquante, tenait plus qu'à sa vie."
Elle s'est battue pour obtenir des grâces présidentielles, dans son combat contre la peine de mort. Elle a pris position sur le viol, pour le faire reconnaître comme un crime, sur l'avortement pour modifier la législation en cours, dans une assemblée composée d'hommes évidemment. Les femmes ne peuvent pas décider de faire ce qu'elles veulent de leur corps, c'est aux hommes de décider pour elles ! vive la démocratie au pays
De Voltaire et
Hugo quand on sait que le droit de vote pour les femmes remonte seulement à 1945 soit un retard important par rapport à d'autres pays.
Le procès d'Aix-en Provence, en 1978 (deux jeunes touristes belges qui campaient ont été agressées en 1974 par trois hommes ont dû prouver qu'elles avaient été agressées pendant des heures, et qu'elles n'étaient pas consentantes, ce fameux consentement qui fait encore couler beaucoup d'encre aujourd'hui, qui a permis de faire avancer
la cause des femmes a été spectaculaire à sa manière, le juge ne voulant pas en faire le procès du viol.
Gisèle Halimi a compris, très vite, qu'il fallait faire fi du serment d'avocate qui lui hérissait le poil, et médiatiser les affaires, tel le procès d'une jeune femme violée à seize ans et contre laquelle son violeur a porté plainte car elle avait décidé de se faire avorter, on marche sur la tête, mais c'était la justice à l'époque…
Elle s'est battue d'arrache-pied pour la loi sur l'avortement défendue par
Simone Veil, et elle raconte avec beaucoup de tendresse ses rencontres avec cette grande Dame qui s'est fait traitée de nazie par les députés de droite, ne l'oublions pas !
Gisèle Halimi se confie sur sa famille, son second mari qui l'a beaucoup soutenue, ses enfants qu'elle voyait trop peu avec de la culpabilité parfois, il est si difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale, surtout vie de mère. Et revient sur ses amitiés de Jean-Paul Sartre à Simone de Beauvoir dont la froideur la perturbe souvent, en passant par Louis Aragon et Elsa Triolet et son frère de coeur Guy Bedos…
"Certains parlent « d'affinités électives ». J'affectionne l'idée de « la famille choisie »"
Elle revient aussi sur son engagement politique (je connais bien cette partie de son cursus car elle a été députée dans mon département, l'Isère et à l'époque, j'avais aussi des velléités de changer les choses, mais vite compris que ce n'était pas par la politique qu'on y arriverait. Comme elle refusait de se soumettre, Pierre Joxe a fini par avoir sa peau…
Mais, elle faisait un travail beaucoup plus utile avec son métier d'avocate, son association Choisir pour aider les femmes les plus démunies (quand on avait de l'argent, on pouvait aller se faire avorter sans risque en Angleterre ou en Suisse !)
Elle est sans concession avec François Mitterrand qui défendait soi-disant les femmes mais uniquement par ce que cela pouvait lui rapporter quelque chose, pas de féminisme là-dedans…
Je me suis rendu compte en lisant ce roman, comme pour lui rendre hommage car elle va laisser un grand vide, que l'on pouvait lire les procès tel celui de Djamila Boupacha par exemple…
Certains détails laissent rêveurs : le directeur adjoint du Monde qui refuse d'écrire « vagin » dans son journal à propos de la bouteille avec laquelle elle a été violée ! Il a fallu remplacé par le terme « ventre »
J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a permis de revenir sur tous ses combats, et de me rendre compte que je connaissais bien certaines périodes de sa vie et combats alors que ce qui tournait autour de la guerre d'Algérie m'était peu familier.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions
Grasset qui m'ont permis de découvrir ce livre et de passer du temps avec deux auteures de talent. Quand on a l'impression, je parle pour moi bien sûr, de bien connaître une personnalité telle que
Gisèle Halimi on a tendance à ne retenir que ses combats, ses apparitions dans les médias sans se donner la peine de lire ses livres et cela finit par laisser des regrets. Mais, on ne peut pas tout lire, il faudrait vivre jusqu'à mille ans comme les Patriarches et ce serait probablement sinistre surtout pour l'entourage !
Mes hommages, Madame, pour ce que vous avez accompli pour
la cause des femmes, et je suis plutôt d'accord, hélas, avec vos conclusions. (
Petit aperçu dans les extraits ci-dessous).
#unefaroucheliberté #NetGalleyFrance
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