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Critique de mh17


Ce roman tchèque inachevé (1921-23) est extraordinaire et diabolique ! Une allure de bon vieux feuilleton populaire avec une suite rocambolesque de (més)aventures invraisemblables et puis en même temps un roman d'une subversion féroce. J'ai ri tout du long, que dis-je, je me suis gondolée comme jamais en lisant pourtant, un livre terrible sur la Grande Guerre, cette vaste boucherie. Et je n'ai lu que le premier tome qui se déroule à Prague en 1914. La Tchéquie est alors sous la botte de l'Empire austro-hongrois. Chvéïk a été déclaré « complètement idiot » par la commission médicale, il a renoncé au service militaire et vit tranquillement en vendant d'horribles chiens bâtards pour lesquels il fabrique des pédigrées et puis il fréquente assidûment la taverne « le Calice ». Il souffre de rhumatismes et il est justement en train de frictionner ses genoux au baume d'opodeldoch quand sa logeuse , l'interpelle :
"— Quoi donc ? fit-il.
— Eh ! bien, notre Ferdinand… il n'y en a plus !
— De quel Ferdinand parlez-vous, M'ame Muller ? questionna Chvéïk tout en continuant sa friction. J'en connais deux, moi. Il y a d'abord Ferdinand qui est garçon chez le droguiste Proucha et qui lui a bu une fois, par erreur, une bouteille de lotion pour les cheveux. Après, il y a Ferdinand Kokochka, celui qui ramasse les crottes de chiens. Si c'est l'un de ces deux-là, ce n'est pas grand dommage ni pour l'un, ni pour l'autre.
— Mais, M'sieur le patron, c'est l'archiduc Ferdinand, celui de Konopiste, le gros calotin, vous savez bien ? ".

La guerre est déclarée et Joseph Chveik va au Calice, picoler. le cruel et zélé agent de police Bretschneider l'entraîne à dire, sous l'effet de l'alcool, ce qu'il pense de L'Empereur. Il n'en dit que du bien. Ce qui pourrait passer pour une insolence. Chveik est arrêté de même que le cabaretier qui avait ôté le portrait de l'Empereur parce que les mouches chiaient dessus. Chveik est emprisonné mais passe de commissions en commissions toutes chargées de statuer sur son état mental.

En effet Joseph Chvéïk est unique en son genre, tantôt idiot, tantôt plein de bon sens. Il désarçonne les représentants de l'autorité les plus terribles par sa candeur et son optimisme à toute épreuve. Et le grand tour de force de Jaroslav Hasek, c'est qu'on ne saura jamais s'il est un imbécile heureux ou un grand simulateur, un fou ou un sage. le lecteur n'est d'ailleurs pas plus fortiche que ses sombres inquisiteurs. C'est que le brave Chveik surjoue l'obéissance moutonnière en toutes circonstances avec un grand sourire béat. Il se conforme à ce qu'on attend de lui, avoue ce qu'on lui demande d'avouer sans protester, pleure quand on veut qu'il pleure, prie quand on veut qu'il prie. Mais hop aussitôt que l'autorité a le dos tourné, il transgresse et il mord. Autre caractéristique hilarante, Chveik est doté d' une gouaille phénoménale. Il palabre, déboise, digresse, dérive dans des récits complètement à côté de la plaque de manière tellement grandiose que ses interlocuteurs sont déstabilisés, paralysés, désarmés. Et vous vous vous tordez de rire. Son comportement grotesque et décalé, sa tchatche infatigable et son optimisme candide révèlent en miroir la stupidité, l'incompétence, l'hypocrisie et la cruauté de ceux qui composent la machine à broyer austro-hongroise : les policiers , les juges, les gardiens de prison, les médecins légistes, les aumôniers, les bonnes dames charitables et j'en passe.

Vivement le deuxième livre !
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