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Critique de Merik


Merik
21 février 2023
Les faits divers les plus étonnants sont souvent ceux qui percutent de plein fouet notre capacité à les croire possibles, ils se basent sur des choses que la fiction n'ose pas. Imaginez un roman où un violeur sévirait sur une zone de 27 kilomètres le long d'un fleuve, durant 30 ans, quasiment le même mode opératoire, un nombre sidérant de victimes, sans être jamais arrêté ni même soupçonné. Dur dur pour la fiction, ce type de scénario, trop abrupt pour la crédibilité. Ça tombe bien, ce livre est une enquête, basée sur des faits. Ils concernent l'affaire du violeur de la Sambre, comment il procédait, quelles femmes ont été ses victimes pour former « un kaléidoscope de vies brisées », comment la société l'a raté pendant 30 ans. Et c'est juste incroyable.
C'est peut-être un mot, juste un mot qui a plongé la journaliste Alice Géraud dans ce travail: immanent. Ce fait divers l'est-il, qui aurait dès lors « une existence autonome, une dimension exceptionnelle et une causalité incertaine » ?
On commencera vite à se douter que non, il n'y aura qu'à se concentrer dans un premier temps sur l'accueil des policiers envers les victimes dans ces années 80. le soupçon se retourne trop souvent vers les victimes, et toutes les raisons semblent bonnes : l'adolescente qui cacherait une grossesse, quelle idée de se balader dans cette tenue avec des talons hauts, la jeune fille qui ne voulait pas aller travailler ce matin. Et puis il y a aussi à l'époque le fameux attentat à la pudeur de l'ancien code pénal....
Alice Géraud a choisi d'entrer dans cette vaste enquête par les victimes, autant dire que les répétitions de scènes seront légion. le violeur de la Sambre opère quasiment à l'identique, au petit matin, par surprise et strangulation. le récit est parcouru de ses éléments biographiques en début de certains chapitres, parfois même de ses paroles récoltées après arrestation, qui donnent la mesure, le rythme et l'ampleur du raté de la société. Comment la police et la justice ont-elles pu passer à côté de la sérialité autant de temps ?
Il suffira d'une cinquantaine de pages pour comprendre la transcendance de cette affaire de la Sambre, qui « déborde de son propre cours, elle vient cogner le système et l'éprouver ».

Une enquête de 400 pages lues de deux ou trois traites en ce qui me concerne, en apnée sidérée.
Une enquête passionnante, qui revisite aussi l'histoire récente et l'évolution (lente) de la société face aux atteintes à la personne, et aux violences sexuelles.
Une enquête élaborée avec brio par une journaliste au ton imparable, celui qui fait avancer avec clarté vers la vérité, l'indignation en sourdine.
Une grande enquête à ranger à côté d'autres, comme « Les fossoyeurs » récemment.

« Quinze ans plus tard, à la barre de la cour d'Assises de Douai, Franck Martins tiendra à reparler de la manière dont Charlène a été traitée ce jour de janvier 2008. Il dira que ce qui s'est passé ce jour-là est « une honte ». J'entendrai pour la première fois sa voix ronde trembler un peu. Il tiendra à présenter ses excuses à Charlène, « au nom de la police ».

Merci à Babélio et les Éditions JC Lattès pour l'envoi de ce livre passionnant dans le cadre de masse critique.
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