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Critique de Kirzy


J'ai lu ces douze nouvelles estomaquée par la puissance de ce jeune auteur américain dont c'est la première oeuvre. Avec une facilité incroyable, il convoque toute la palette des genres littéraires ( satire et pamphlet, dystopie et science-fiction, fantastique et horrifique, veines réaliste ou intimiste ) pour raconter l'Amérique contemporaine et en dénoncer les travers, forçant à réfléchir à l'impact du monde extérieur sur les comportements individuels.

Avec un talent fou, Nana Kwame Adjei-Brenyah parvient immédiatement à capter l'attention en créant un micro-univers en seulement quelques phrases. A chaque fois, quelle que soit la tonalité de la nouvelle, il met en scène des protagonistes, souvent masculins, frustrés et piégés par la situation vécue, tous dans un état profond de détresse voire désespoir.

Le recueil s'ouvre sur une nouvelle explosive, une hyperbole portant un regard cru sur la violence raciste et la déraison du système judiciaire américain. Les Cinq de Finkelstein est sans doute celle qui m'a le plus secouée. C'est la plus actuelle, la plus dévastatrice aussi. Un blanc a massacré à la tronçonneuse cinq enfants noirs, il est acquitté selon le principe de la loi Stand your ground qui autorise la légitime défense. Emmanuel, un jeune Afro-américain est obsédé par cet acquittement et bascule, lui qui jusqu'à présent parvenait à contrôler son Degré de noirceur en s'habillant et se comportant pour ne pas paraître dangereux aux yeux des Blancs. Ce qui est formidable, c'est que malgré les outrances de la situation, on en vient à se demander si cette histoire n'est pas vraie tellement l'ambiance semble familière.

J'ai également énormément apprécié Zimmerland qui imagine un parc d'attractions où des clients blancs viennent inlassablement tuer « pour de faux » un noir alors que le principe du module était, officiellement, d'amener le joueur à réfléchir à sa réaction lors de dilemmes du quotidien comme une intrusion menaçante. On n'est pas très loin d'un épisode de Black Mirror, dérangeant, profondément dérangeant.

Et ce regard aiguisé et féroce sait se teinter d'humour satirique lorsqu'il dézingue le consumérisme dans Friday Black, cette journée de soldes tournant au carnage zombiesque pour s'approprier des doudounes. Ou encore lorsqu'il explore dans L'Ère une société dystopique dans laquelle les hommes ont renoncé à l'incertitude et à l'émotion pour basculer dans l'optimisation génétique et s'apaiser à coup de Bien, une drogue légale.

A chaque fois, Nana Kwame Adjei-Brenyah utilise un prémisse futuriste hypothétique pour distiller un doute inconfortable car plausible. Sans complexe, avec une liberté créative très impressionnante et inventive, l'auteur pose un regard percutant et corrosif, sur la déshumanisation qui gangrène nos sociétés, au-delà de l'américaine, révélant leurs faces grotesques ou tragiques, les réalités crues, mais sans jamais se départir d'un regard tendre et humaniste.
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