Roman noir d'atmosphère… bordelaise. Pas celle des grands domaines viticoles et de sa riche bourgeoisie, pas plus celle des entreprises de défense et de leurs prospères ingénieurs. Plutôt celle des marges, celles que ne visitent pas les visiteurs et sur lesquelles l'office du tourisme ne distribue aucun dépliant, ne propose aucune visite.
Marti, le héros (façon de parler, bien sûr) fréquente plutôt les bistrots miteux, les garages crasseux de la carambouille, les campings pourris mais bien isolés au fond du Médoc et les entrepôts sinistres où l'on stocke de la marchandise humaine en attente d'exploitation. Il garde le gibier mais, du jour au lendemain, le gibier c'est lui.
Voilà pour le cadre et la faune des personnages. Rien de bien ragoûtant…
A propos de ragoût, on est nettement plus «
Cauchemar en Cuisine* » que « Quatrième Mur* ». Ce court roman nous balade dans toute l'agglomération bordelaise, sur les pas et dans les pensées de Marti qui, il faut le préciser, est un peu du genre malfrat fleur bleue. La cavale risque de mal finir mais elle est agréable à lire. La pirouette finale est joliment amenée, je n'en dis pas plus…
J'ai particulièrement apprécié les nombreuses réflexions désabusées mais finalement assez drôles sur notre époque et certains de nos contemporains comme :
« J'ai demandé un Marlboro light et un briquet Bic. On m'a donné le tout et j'ai tiqué grave. J'avais oublié le coup des paquets neutres, des images choquantes et des avertissements... Là, je tombais sur "Fumer bouche les artères et provoque des crises cardiaques et des attaques cérébrales" avec pour preuve la photo d'une opération à coeur ouvert, bien sanglante. le buraliste, un chauve avec un crâne comique, a capté mon flottement. Il m'a dit:
_ Autrement, j'ai "fumer peut entraîner une mort lente et douloureuse" qui est bien aussi. »
…ou bien :
« Très vite, un casino avait poussé là, mais pas dans les quartiers huppés de la ville, non, à deux pas de la cité des Aubiers... C'était bien vu. Depuis, chaque jour, toute une armée de misérables venait docilement y restituer son RSA. »
*référence à
Philippe Etchebest