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Critiques de Marina Diatchenko (110)
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Migrant

Un splendide graphisme de couverture et un titre qui claque, une quatrième de couverture prometteuse et quelques précisions cordiales du libraire-éditeur de l'Atalante : voilà une affaire qui ne s'engageait pas mal rue des Vieilles-Douves à Nantes ... Un bon livre de SF pour le début de semaine !

L'ouvrage, à peine dans la main, le soin apporté à son édition paraît plus qu'évident.

Il est plaisant et apporte un peu plus encore au désir de lecture.

"Migrant" est un roman écrit à quatre mains par Marina et Sergueï Diatchenko.

L'ouvrage est paru aux éditions nantaises de "L'Atalante" le 18 janvier 2024.

Que s'est-il passé ?

Un instant auparavant, il était dans une rue pluvieuse, l'instant d'après, avant que son cerveau n'ait eu le temps d'en avertir ses sens, Andreï Stroganov déambulait dans un couloir à la lumière bleutée.

C'est que sa demande d'émigration a été acceptée.

Félicitation, Andreï, te voilà engagé dans une galère de 379 pages ...

Mais Krystal n'est plus à sa portée.

Les conditions d'admission ont été durcies.

Reste à choisir entre Limbe ou Raa, entre un monde technocratique pollué et une société humaniste de silence et de verdure.

Que Dieu me savonne et que Space X me pardonne, il pourrait y avoir là une entourloupe !

D'ailleurs Andreï que l'on surnomme "Krokodile", ne paraît pas se souvenir d'avoir fait la moindre demande d'émigration ...

Ce roman est un bon roman de science-fiction, alourdi pourtant par de nombreuses longueurs et d'un manque de rebondissements.

L'excellent premier chapitre semble annoncer un récit rendu addictif par les personnages qu'il présente, les questions qu'il pose et les mondes qu'il peint.

Mais les trois chapitres suivants racontant l'épreuve pour devenir citoyen s'étirent en longueur.

Ce qui avait paru être une bonne idée de départ s'est transformé assez rapidement en un Koh Lanta survitaminé de science-fiction.

C'est long et parfois un peu ridicule.

Cependant le récit finit par rebondir, mais l'intérêt de la lecture n'en sort pas indemne.

D'autant que la deuxième partie du livre m'a parue un peu embrouillée et floue.

Cependant, même s'il n'est pas passionnant, ce roman est agréable et bien écrit.

Les personnages sont attachants.

Ils sont de ceux à qui l'on aime emboîter le pas dans ce monde surprenant, nouveau et étrange de la planète Raa.

Une lecture donc en demi-teinte de ce livre qui ne me paraît pas être le roman si bien vendu en quatrième de couverture, mais qui n'est pourtant pas vraiment non plus une grosse déception ...



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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Cette fin d'année des littératures de l'imaginaire n'en finit pas de réjouir.

Après la fantasy proto-historico-mythologique de Vorrh de Brian Catling et la philosophie-SF à l'audace narrative incroyable de Trop Semblable à l'éclair d'Ada Palmer, c'est un troisième pavé qui vient retourner le lecteur par surprise : Vita Nostra de Marina et Sergueï Diatchenko.

Si les deux auteurs ne sont pas inconnus en France, aucune traduction n'était parue depuis celle du Messager du Feu en 2012.

Avec Vita Nostra, roman écrit en 2007, les éditions L'Atalante entendent bien changer les choses pour redonner quelques lettres de noblesse au genre délaissé de la fantasy russe (ou ukrainienne puisque les deux auteurs sont ukrainiens mais écrivent en russe).



Harry Potter au goulag

Vita Nostra est-il d’ailleurs un roman de fantasy ? Pas vraiment.

Il présente pourtant bien des similitudes avec l’un des canons du genre, le fameux Harry Potter de l’anglaise J.K. Rowling.

Tout commence avec Alexandra Samokhina surnommée Sacha, une jeune fille russe de seize ans qui se réjouit tout particulièrement de ses vacances dans une petite ville balnéaire avec sa mère.

En empruntant la rue « Qui-mène-à-la-mer », Sacha s’aperçoit qu’un homme vêtu de noir et retranché derrière des lunettes toutes aussi noires l’observe avec insistance. Apeurée, elle cherche à l’éviter mais celui-ci s’entête.

Craignant pour sa vie, elle finit par le confronter et celui-ci lui formule une étrange demande : elle devra se rendre tous les jours à quatre heures du matin à la plage, se dévêtir complètement et nager jusqu’à la bouée de signalisation avant de revenir. Perplexe, Sacha refuse d’abord mais Farit Kojennikov s’entête. Si elle ne fait pas ce que lui demande l’inconnu, des conséquences fâcheuses pourraient bien survenir…

De peur, Sacha s’exécute. Lorsqu’elle reprend pied sur le sable, la voilà prise de nausées recrachant plusieurs pièces d’or aux ornements incompréhensibles.

Lorsque le réveil ne sonne pas quelques jours plus tard, un terrible drame menace la famille de Sacha et celle-ci comprend que l’homme en noir ne plaisantait pas. Après d’autres défis tout aussi dénués de sens, Farit Kojennikov explique à Sacha qu’elle doit désormais s’embarquer pour une petite ville reculée du nom de Torpa pour entrer à l’Institut des Technologies spéciales. Et si Sacha n’a rigoureusement aucune envie d’y aller, Farit lui rappelle qu’elle n’a pas le choix…

En arrivant à l’Institut, Sacha s’aperçoit vite que les autres premières années sont aussi là contraints et forcés et que les étudiants de seconde année se comportent d’une façon étrange et inquiétante, comme des automates détraqués et hors du temps. Que se passe-t-il à l’Institut ? Qui est Farit Kojennikov ? Et que deviendra Sacha si elle échoue à l’examen de « spécialité » ?

Voilà, sans trop en dire, les bases de l’intrigue développée par les Diatchenko dans ce premier volume de Vita Nostra. Sacha est une proto-Harry Potter qui n’a jamais voulu entrer dans une école de magie, qui est terrorisée par ce qu’il se passe et qui pressent que des choses terribles se trament à l’orée de sa vision. Bienvenue dans une version angoissante et tendue d’une internat où réussite rime avec souffrance(s).



Hypertension narrative

Si Vita Nostra partage l'environnement scolaire avec Harry Potter et le côté adolescent avec Les Magiciens de Lev Grossman, nul doute que le roman trouve très rapidement une autre voie, plus sombre, plus énigmatique, plus dangereuse. On vous a dit plus haut que Vita Nostra était une histoire fantasy…mais on aurait tout aussi bien pu dire qu'il s'agissait de fantastique ou de réalisme magique ou même d'horreur.

Refusant de se laisser piéger dans une petite case, le roman des Diatchenko est une épreuve dans tous les sens du terme.

Pour ses personnages d'abord, sorte d'élèves-bagnards qui apprennent dans une tension constante et où le danger vient des « professeurs » eux-mêmes et non d'un élément extérieur.

Pour le lecteur ensuite car, soyons honnêtes, il faut s'accrocher à la lecture de Vita Nostra. Nageant dans un épais brouillard narratif, l'intrigue suit les découvertes cryptiques de Sacha quant à l'Institut et se sobjectifs.

Les disciplines sont obscures, les enjeux pas bien nets…bref, où veut en venir Vita Nostra ?

C'est précisément là que se terre le premier aspect remarquable du roman : Vita Nostra parvient à captiver totalement en nous laissant dans un brouillard épais et assumé. La tension qui écrase Sacha se reporte sur le lecteur et le moindre petit accroc dans le parcours de l'étudiante devient un élément savoureux pour nous accrocher toujours davantage. Les auteurs parviennent de façon prodigieuse à maintenir un récit tendu qui force le lecteur à continuer encore et encore afin de rassembler les pièces du puzzle et de se forger sa propre réalité quant à cette histoire entre apprentissage sadique, expérience humaine et sens du sacrifice.



Des ombres sur les murs

Vita nostra brevis est, brevi finietur…

« Notre vie est brève, elle finira bientôt… », c'est la devise de l'établissement de Torpa où les professeurs semblent inhumains (et pas seulement dans le traitement de leurs élèves) et où personne ne semble vouloir dire à quoi l'établissement forme ses jeunes apprentis.

Vita Nostra utilise le concept de la réalité pour y marier une composante Biblique, le tout planqué derrière le concept Platonicien de la Caverne.

Et si vous n'avez pas compris cette dernière phrase, c'est normal puisque, comme Sacha lorsqu'elle débute, vous n'avez pas encore les mots pour comprendre.

L'entreprise de métamorphose(s) à la fois humaine et textuelle de Vita Nostra relève purement et simplement du génie, les Diatchenko utilisant la force du Mot et du Verbe pour transformer une banale histoire d'apprentissage magique en voyage vers l'age adulte à marche forcée. Les multiples épreuves que vont affronter Sacha et ses amis sont autant de puissantes métaphores des obstacles encombrant le chemin de l'adolescent vers l'âge adulte.

La relation entre Sacha et sa mère évoque ce changement brutal dans la vie d'une personne, où la jeune fille devient un monstre quasi-inconnu pour sa propre famille avant de trouver véritablement qui elle est.

Plus dérageant encore, Vita Nostra insinue que le succès et le dépassement de soi passent, forcément, par la souffrance et la peur, deux émotions extrêmes qui sont celles qui vont déterminer la course de notre existence.

C'est notre résistance à ces deux phénomènes qui façonne notre être futur.



Un roman russe

Ce qui importe ici aussi, c'est la narration très brute, presque rude, des deux auteurs russes avec ce ton et cette cadence froide des pays slaves.

Les émotions arrivent par paquets, entrecoupant des périodes cliniques où l'on dissèque des idées et des concepts.

Sacha, extraordinaire personnage adolescent, à la fois rebelle et humaine, faillible et héroïque, incontrôlable et entêtée, n'a rien à envier à Harry Potter, bien au contraire. Tout ici est plus crédible, plus froidement réaliste, avec la peine et les larmes que cela implique, avec les complications amoureuses vues par le prisme d'un adulte et pas par les atermoiements faciles d'un adolescent.

Vita Nostra consacre l'effort et le changement, le cycle de la vie en somme qui rencontre la marche du temps.

C'est extrêmement fort et incroyablement prenant.

On en ressort transformé, tout simplement.



Votre vie est brève, lecteur, et Vita Nostra est long.

Hâtez-vous de plonger dans l'histoire de Sacha et de découvrir le génial concept qui se cache derrière le roman de Marina et Sergueï Diatchenko, un roman protéiforme et transfictionnel qui ouvre l'adolescence comme une chrysalide pour en tirer un papillon magnifique et dangereux aux couleurs glacées.
Lien : https://justaword.fr/vita-no..
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Migrant

Andreï Stroganov marche dans une rue sur Terre. Et d’un coup, il se retrouve dans un batiment labyrinthique où on lui annonce que sa demande a été acceptée. Qu’il va pouvoir migrer loin de sa planète. Premier problème : il ne sait absolument pas de quoi on lui parle, n’ayant jamais fait la dite demande. Deuxième problème, Kristal, la planète que son « moi futur » aurait choisi ne peut plus le recevoir. Il se trouve donc envoyé sur Raa, un monde champêtre qu’il va devoir comprendre très vite.



Migrant est le dernier tome d’une trilogie aux fils très lâches (histoires, personnages et thèmes différents), reliés par une parenté avec les Métamorphoses d’Ovide et cette citation latine « Vita nostra brevis est, brevi finietur… » (qui vient d’un chant estudiantin « Gaudeamus igitur » appelant à profiter de la vie). Le premier, Vita nostra, m’avait séduit par son étrangeté et sa maitrise. Le second, Numérique, m’avait un peu déçu, sans doute parce que le thème des ordinateurs évolue trop vite et que l’ensemble datait légèrement. Ce troisième volume se place, dans mon palmarès, entre les deux. Pas aussi fort que Vita nostra, mais quand même efficace et totalement déstabilisant.



Le nom « migrant » possède un sens très fort. D’autant plus dans notre société actuelle qui se déchire à propos du sort réservé à celles et ceux qui quittent leur pays et tentent de trouver refuge dans un autre. La France, par exemple. Par contre, il ne faut pas chercher de lien direct dans ce livre. Ne serait-ce que parce qu’il date, en V.O., de 2010. Mais il possède une portée universelle qui peut entrer en résonance avec l’actualité. Ce n’est cependant pas, à mon avis, sa qualité essentielle.



Ce qui prend le lecteur à la gorge, c’est que les auteurs nous balancent directement, comme Krokodile (le surnom du personnage principal), dans une situation incompréhensible. Pourquoi cette migration ? Même son double du futur ne le lui dit pas. Et qu’est-il arrivé à la Terre pendant ce transfert ? Qu’est-il arrivé à son ex épouse ? À son fils ? Et surtout, comment fonctionne la société qui régit la planète sur laquelle il se retrouve ? Imaginez-vous dans un autre pays dont vous n’avez jamais entendu parler, dont vous ne comprenez rien tant les règles semblent différentes de celles que vous connaissiez. Imaginez que l’on vous demande aussitôt, ou presque, de faire des choix qui vont avoir des conséquences définitives sur votre avenir. Que feriez-vous ? Krokodile, lui, résiste.



On lui parle d’une Épreuve, que passent tous les habitants de Raa (quel nom !) pour devenir, ou non, citoyen responsable. Si on ne la passe pas ou qu’on y échoue, on devient dépendant. Mais cela ne pose pas de problème de survie : le gîte et le couverte sont offerts à toutes et tous. Les migrants ne sont pas rejetés. Ils sont intégrés à la société de Raa. Mais Krokodile ne l’entend pas de cette oreille. Le fait qu’on lui dise qu’aucun migrant n’a réussi cette épreuve (à la différence de leurs enfants qui y parviennent, dans l’ensemble) le motive à essayer.



Et c’est parti pour un Koh-Lanta aux règles étranges, jamais expliquées, aux épreuves difficiles physiquement et moralement, voire dangereuses. Krokodile va devoir essayer de comprendre le fonctionnement de Raa et les attentes qui sont celles de l’instructeur. Et tout cela n’est pas simple. Sans parler du fait que les autres candidats sont jeunes et connaissent l’essentiel des techniques censées être maitrisées. Comme la régénération volontaire et rapide des tissus après une coupure. Peu de Terriens en sont capables. Cela vous donne une idée des difficultés que va rencontrer Krokodile.



Et plus on avance, plus le côté mystérieux s’amplifie. Krokodile est témoin d’évènements à la limite du compréhensible. Mais il va devoir gérer tout cela et tenter de trouver sa place. Il va même se trouver au centre de bouleversements sociétaux très importants. En cela, Migrant nous propose des pistes de réflexion capitales. Sur la façon dont fonctionnent les sociétés, dont les individus en acceptent les règles et s’acceptent les uns les autres. Sur la différence, car outre le migrant qu’est Krokodile, on rencontre un métis, nécessairement observé, voire moqué par le groupe. D’ailleurs, comme dans Vita nostra et Numérique, Marina & Sergueï Diatchenko s’intéresse à la dynamique qui lie et délie les troupes de jeunes. Comment ils collaborent ou, au contraire, se repoussent. Comment certains veulent prendre le pouvoir, être le centre des attentions. Comment la norme n’est pas nécessairement garante de réussite.



Avec Migrant, Marina & Sergueï Diatchenko terminent de belle façon leur trilogie centrée autour des métamorphoses. Pas de divinités pleines de colère comme chez Ovide. Ici, les personnages doivent leurs transformations au monde dans lesquels ils évoluent, aux sociétés qu’ils fréquentent. Mais les changements n’en sont pas moins profonds et durables. Le Krokodile de la fin du roman n’a plus grand-chose à voir avec celui du début, ne serait-ce que l’usage de cette langue implantée en lui, mais qui lui semble jusqu’au bout étrangère. D’où, peut-être, l’amertume des dernières pages. Mais aucune amertume de mon côté après cette lecture aux accents de mystère. Bien au contraire…




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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Si les écrits de Marina et Sergueï Diatchenko sont particulièrement réputés en Europe de l’Est, les deux auteurs originaires d’Ukraine sont, en revanche, presque totalement inconnus en France. Ou du moins était-ce le cas, avant la publication par les éditions L’Atalante du premier tome des « Métamorphoses », une trilogie parue à l’origine en 2007 et dont les deux autres volumes (« Numérique, ou brevis est » et « Migrant, ou brevi finietur ») devraient être édités dans les mois à venir. Le roman met en scène une jeune fille originaire d’Europe de l’Est, Alexandra Samokhina (surnommée Sacha), qui, alors qu’elle est en vacances sur la côte avec sa mère, fait la rencontre d’un homme étrange qui lui prête une attention oppressante. Pour une raison qu’elle ignore, ce dernier la terrifie, et elle fait son possible pour s’en tenir éloigner. Mais l’homme aux lunettes noires ne se laisse pas décourager et finit par réussir à aborder la jeune fille à qui il confie une mission simple mais peu banale. Chaque jour, Sacha devra se lever à quatre heure du matin et aller se baigner, nue, dans la mer avant de rentrer chez elle. Nulle perversion là-dedans, la rassure l’homme, seulement un entraînement à la discipline et la ponctualité. Sans qu’aucune véritable menace ne soit verbalisée, Sacha sait que sa mère courra un grave danger en cas de désobéissance, et c’est donc la mort dans l’âme qu’elle accepte. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il ne s’agit là que de la première d’une longue série d’épreuves qui la conduiront à l’institut des technologies spéciales, une école d’un genre très particulier situé dans une toute petite ville quasiment absente des cartes : Torpa. Adieu les rêves d’indépendance et de grandes écoles : Sacha n’a pas le choix et doit se résigner à rejoindre cet institut peuplé de professeurs plus étranges les uns que les autres et d’élèves qui semblent tous souffrir de malformation ou de désordres mentaux. Voilà, pour résumer, l’intrigue de départ de ce roman aussi déconcertant que passionnant et pour lequel je ne m’attendais pas à avoir un aussi gros coup de cœur.



« Un Harry Potter pour adulte ». Voilà, en gros, ce qu’on est tenté de penser à la lecture de la quatrième de couverture qui met d’ailleurs volontairement l’accent sur la comparaison avec l’œuvre de J. K. Rowling. Or, si les deux romans traitent bien de la formation « magique » d’un jeune prodige dans une école spécialisée, la ressemblance s’arrête là. L’institut des technologies spéciales de Torpa n’a, en effet, rien à voir avec Poudlard qui passerait plutôt ici pour une sympathique colonie de vacances. Contrairement à celle d’Harry, la formation de Sacha est brutale, les conditions de vie médiocres, et les conditions d’apprentissage proches de celles qu’on trouverait dans un goulag. Ainsi, les élèves ignorent (presque) tout de ce qu’on leur enseigne, leur première année ne consistant qu’en la mémorisation d’un manuel étrange, le module textuel, dont ils ne comprennent pas un traître mot. On serait en droit de considérer cette incompréhension comme un obstacle majeure à l’apprentissage, mais il n’en est rien. Aussi étrange que cela puisse paraître, les professeurs sont toujours en mesure de distinguer les élèves qui ont « travaillé » sur le texte des autres. Déroutant ? Pour le moins, et dites-vous bien qu’il ne s’agit là que d’une des bizarreries de ce roman qui déstabilise complètement le lecteur. N’allez cependant pas croire que l’ouvrage ne reposerait que sur de l’enfumage et serait difficile à décrypter, c’est tout le contraire. Le récit se lit en effet avec une facilité et une fluidité déconcertante tant on est avide d’avoir enfin des réponses à toutes nos interrogations. Qu’étudie exactement Sacha ? Qui sont réellement ses professeurs et quelle est l’étendue de leur pouvoir ? En quoi consiste ces capacités exceptionnelles dont la dotent les enseignants de l’institut et qui l’isolent de ses camarades ? Autant de mystères qui titillent la curiosité du lecteur, quitte à lui faire passer la nuit sur le roman tant le désir de comprendre est impérieux, et l’histoire bien construite (le roman est découpé en trois partie mais il n’y a pas de chapitres, seulement un astérisque pour séparer le texte et indiquer un changement de lieu ou de temps, ce qui encourage à continuer encore et encore la lecture).



A la qualité de l’intrigue et de la plume des auteurs s’ajoute celle des personnages, et notamment de Sacha, une héroïne inoubliable et profondément attachante. Difficile en effet de ne pas se lier d’affection pour cette jeune fille avide d’apprendre et soucieuse de son entourage, qui se retrouve prise malgré elle dans une spirale qui l’entraîne toujours un peu plus loin des siens. La relation qu’elle entretient avec sa mère est particulièrement touchante, et les conflits que son éloignement forcé ne manquent pas de créer nous paraissent d’autant plus douloureux. Les rapports qu’entretient Sacha avec les autres élèves de l’institut se situent également au cœur du récit, et c’est cette importance accordée à l’amitié et aux dépassements de soi qu’elle permet qui contribue à faire à nouveau le lien avec les romans de J. K. Rowling. Les relations sont toutefois beaucoup plus ambiguës et surtout plus adultes, puisqu’on a affaire à des adolescents proches de la majorité et dont davantage concernés par des problématiques comme la sexualité, l’alcool ou la drogue. Le paradoxe est d’ailleurs très étonnant entre des scènes qui relèvent de la banalité de la vie étudiante (fêtes, liaisons amoureuses, disputes entre colocataires…), suivies aussitôt après de passages presque glaçants dans lesquels Sacha se voit rappeler à l’ordre. Ainsi, quand bien même certains élèves ou certaines situations parviennent à nous faire oublier l’espace d’un instant l’endroit dans lequel se trouve l’héroïne, l’angoisse et la peur finissent toujours par refaire surface, et souvent de manière inattendue. Les transformations que subit la jeune femmes sont notamment impressionnantes, tant sur le plan physique que psychologique, a tel point qu’on en vient à éprouver une sorte de fascination morbide pour ces mutations tour à tour merveilleuses ou effrayantes (un sentiment que j’avais également éprouvée à la lecture des « Meurtres de Molly Southbourne »). La métamorphose saisissante de l’héroïne n’empêche toutefois pas le lecteur de rester profondément attaché à elle, même si cette affection se teinte désormais d’une touche d’effroi et d’admiration. Les personnages secondaires sont d’ailleurs nombreux à susciter eux aussi des sentiments contradictoires. C’est le cas évidemment des professeurs, qui adoptent un jour des allures de tortionnaires, et le suivant celles d’un pédagogue bienveillant, mais aussi des élèves pour lesquels on alterne là encore entre sympathie, pitié, rancœur ou dégoût.



Avec « Vita nostra » Marina et Sergueï Diatchenko signent un roman étrange et déroutant mais aussi remarquable, tant par sa construction que par sa manière de se réapproprier des thématiques éculées en fantasy (l’enfant prodige, l’école de magie…). Si le contexte russe n’est évidemment pas étranger à la perte de repères éprouvé par le lecteur, celle-ci tient aussi et surtout à l’habilité avec laquelle les auteurs parviennent à entretenir le mystère concernant la nature de l’enseignement dispensé à cette jeune héroïne touchante et courageuse, tout en prenant garde à préserver la fluidité du récit. Un gros coup de coeur.
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Que des avis très élogieux sur ce roman et je comprends pourquoi. Pourtant, moi ce brouillard et ce manque de compréhension m'a empêchée de l'apprécier pleinement...parce que jusqu'à la fin j'ai eu du mal à comprendre ce qu'elle était devenue. Par contre c'est vrai que j'ai apprécié ma lecture, c'est un page turner, très original et avec une ambiance sombre, qui met un peu mal à l'aise . La jeune Alexandra est forcée d'intégrer une université dans un coin perdu où elle rencontre d'étranges étudiants et une matière incompréhensible. Toutes les étudiants de première année sont perdus et doivent travailler dur sans vraiment savoir pourquoi. C'est le début d'une métamorphose pour la jeune fille qui va passer des caps , dans son travail comme dans sa vie personnelle. J'ai particulièrement apprécié les relations avec sa mère et Kostia. Mais elles sont toutes intéressantes, évolutives. C'est un roman à découvrir même si moi je suis restée dubitative sur le but de ses études, ça a plu aux autres lecteurs donc c'est peut-être moi qui n'est pas tout compris.

Challenge Mauvais genres 2021
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Numérique

Livre évènement de l'année 2019, Vita Nostra marquait à la fois le grand retour de Marina et Sergueï Diatchenko en France mais également celui d'un imaginaire redoutablement intelligent et exigeant.

Succès critique colossal couronné par le Grand Prix de l'Imaginaire, Vita Nostra n'était que la première pierre de la trilogie des Métamorphoses, une trilogie thématique à l'instar de celle de K.W Jeter avec son Jeune homme qui vient en ville (et où l'on retrouve Dr Adder, le Marteau de Verre et Instruments de mort).

Ce qui signifie que vous pouvez oublier Sacha et le mystérieux Institut des Technologies Spéciales.

Numérique n'a à la fois rien à voir avec son prédécesseur….et tout à voir !



Player One, Ready

Quelque part en Russie, Arsène a quatorze ans.

Et comme tous les garçons de son âge, Arsène va à l'école tous les jours, doit composer avec les humeurs tumultueuses de ses camarades et se dépêtrer d'histoire d'amours adolescentes aussi intenses que futiles.

> Faux

|| Error system-//

Pardon, mauvaise version.

Arsène, quatorze ans, est un hardcore gamer. Il sèche les cours depuis des semaines sans que ses parents ne le sachent pour s'immerger dans un jeu online type RPG-Stratégie appelé « Bal Royal ».

Arsène n'a qu'une très vague idée des autres filles et du concept d'amour et n'a rien à faire de camarades de classe qu'il n'a jamais vraiment rencontré.

Arsène vit à travers l'internet, partageant son temps entre son personnage de Ministre et l'élevage de chiots virtuels qu'il revend à prix d'or à d'autres amateurs en quête d'un compagnon fidèle (et immortel).

> Vrai

Alors que l'on menace sa position dominante dans le jeu et qu'il risque gros en manipulant ses adversaires politiques, le jeune homme doit se résoudre à jouer depuis un cybercafé suite à une crise parentale qui lui coûte son ordinateur et son accès internet.

C'est dans ce cybercafé qu'il rencontre un étrange garçon habillé d'un blouson jaune qui le met en garde contre la duperie du gérant qui tente de lui voler ses mot de passe et son compte en ligne. Son nom : Maxime.

Maxime est une sorte de justicier, un défenseur de l'humanité qui opère en secret.

> Faux

Bientôt menacé dans la vie réelle par ses ennemis de « Bal Royal », Arsène accepte l'offre du mystérieux Maxime pour devenir testeur de jeux-vidéo dans une entreprise appelée « Les Nouveaux Jouets ».

À ses côtés, Tolik et Anya, deux autres prodiges qui vont devoir tout donner pour passer les étranges (et inquiétants) jeux imaginés par Maxime et ses développeurs. Seulement voilà, lorsqu'Arsène comprend que les jeux qu'il teste vont bien plus loin que la simple satisfaction de vaincre l'adversaire, les choses prennent une tournure plus lugubre.

Qui est Maxime ? Que veut-il ? Et surtout… pourquoi ces tests ?

Marina et Sergueï Diatchenko semblent donc faire table rase de leur précédent ouvrage (qui fait même un caméo en début d'histoire) pour construire une toute nouvelle histoire. Et si Numérique donne la sensation d'un renouvellement complet, il laisse vite apparaître des similitudes thématiques troublantes avec son illustre aîné.



Dépendance

La question centrale de Numérique, c'est notre rapport à la technologie et, plus spécifiquement, notre addiction à la technologie…et à l'information en général !

Arsène n'est rien de plus à la base qu'un drogué d'une autre sorte, un drogué du jeu vidéo, un drogué du virtuel. Sa mère, elle, ne jure que par les blogs et les Live Journal où elle scrute et dissèque la vie d'amis qu'elle n'a jamais rencontré. Son père ne décolle jamais du téléviseur ou presque, rivé devant un flux d'informations constant où le drame impersonnel devient une composante intime.

Le jeu vidéo sert à illustrer une variante ultra-impliquante, celle où l'information devient quasiment un mode de vie à part entière, et risque à tout moment de prendre le pas sur le réel.

Dans un sens plus large, Numérique parle du virtuel et des nombreux moyens d'accès dont nous jouissons à l'heure actuelle pour en profiter, du réseau social au jeu en ligne en passant par la télévision.

Le virtuel permet à Arsène d'être une autre personne, une personne puissante, retorse, immorale. Une personne qu'il ne pourrait pas (ou n'oserait pas) être dans la vraie vie. C'est là le premier pas vers une chute inéluctable.

Dès lors, ce second opus va accumuler les ressemblances avec Vita Nostra : Arsène a un don, il rencontre un individu étrange pour qui la morale semble une chose tout à fait fluctuante et pour laquelle la fin justifie les moyens, il s'embarque dans une formation où les objectifs sont peu clairs et dont la finalité reste obscure. Au fur et à mesure des tests, Arsène souffre et se fait plus mature, il comprend de mieux en mieux les choses et perçoit, petit à petit, que tous ces concours et ces défis vont bien plus loin que le simple jeu.

En parsemant le récit d'autres évènements/drames issus du réel sans expliquer totalement le lien entretenu avec ce qu'il se passe au premier plan, les auteurs nous tiennent en haleine tout du long. Moins cryptique que Vita Nostra mais certainement plus abouti sur le plan de la réflexion philosophique et sociale, Numérique cherche dans les creux, déterre les réflexes primaires, décrypte le code pour nous offrir la clé.

« Pour manipuler quelqu'un, il faut soit l'accrocher émotionnellement, soit saisir le moment où il est émotionnellement instable. Les diseuses de bonne aventure, les charlatans, les politiciens… surtout les politiciens. »

L'art de la manipulation

D'une façon plus évidente que dans Vita Nostra, Numérique manipule son lecteur et son personnage principal. Ici, la manipulation se taille la part du lion, grâce justement au jeu vidéo et à ses mécanismes, aux moyens de communications modernes et aux réseaux sociaux.

Maxime, fabuleux personnage qui terrifie autant qu'il fascine, se fait le chantre de cette art immoral, celui de manipuler l'autre pour en faire autre chose : un outil, un accessoire, un trophée, un partenaire, une victime.

En explorant les possibilités offertes par les technologies modernes, les Diatchenko lèvent le voile sur notre humanité faible et malléable.

En expliquant les principes sociologiques qui sous-tendent les réactions humains à travers le jeu vidéo, Numérique fait mouche et secoue durablement le lecteur. Dans le prolongement de Vita Nostra, Maxime manipule Arsène par le Verbe pour qu'il manipule les autres à son tour par le numérique et le virtuel.

En réécrivant l'existence comme un programme informatique, en repensant l'être humain comme un ordinateur ou un logiciel, le roman offre des trouvailles formidables qui rappellent autant les plasmides de Bioshock que les upgrades/applis de nos smartphones actuels.

Pourtant, ici, rien n'est gratuit, tout a un sens et une sinistre finalité. En se tournant vers le virtuel, en vivant en dehors des autres et du monde, Arsène se déconnecte de son propre monde, en oublie les codes, commet des actes égoïstes et écoeurants ou au contraire d'une bonté qui confine à la candeur absolue.

Le propos de Numérique démonte pierre par pierre ce que l'on croit savoir et transforme encore et encore son personnage principal comme son lecteur.



Jusqu'au bout

Ce qui laisse pantois dans Numérique, c'est la capacité surnaturelle de Marina et Serguëi Diatchenko à développer des thématiques complexes et à filer la métaphore jusqu'au bout du bout, ne reculant devant aucun défi pour montrer que l'homme, le monde, l'humanité sont une matrice pour l'information. Rien n'est laissé au hasard et la complexité du raisonnement passe comme une lettre à la poste parce que les auteurs sont capables de vulgariser leur pensée avec une facilité déconcertante.

Les implications morales des pouvoirs que va acquérir Arsène s'avèrent bien plus importantes encore que ce que découvre Sacha dans Vita Nostra. Mais la comparaison s'arrête là car Sacha et Arsène sont deux personnages très dissemblables.

Arsène est un jeune adolescent égoïste et trop intelligent pour son propre bien, incapable ou presque de placer son empathie avant son ambition. En niveaux de gris, le personnage d'Arsène va tour à tour émouvoir, choquer, dégoûter, attrister. C'est aussi l'une des méthodes des deux auteurs pour nous manipuler nous, lecteurs pris dans la toile de leur histoire machiavélique.

Au fond, c'est la (très) lente prise de conscience du mal qu'il fait autour de lui qui va humaniser Arsène, un être faillible et qui suit un parcours initiatique atypique. Pas de position sociale privilégiée ou de quête grandiose à l'arrivée, mais une transformation totale et fondamentale…une métamorphose !

Gare cependant à la chute, car ce récit, finalement très noir derrière ses inventions éblouissantes, dit des choses très désagréables sur l'humanité et verse souvent dans un nihilisme quasi-total. Il dit la solitude de l'être humain, sa tristesse et son besoin d'aimer même un chiot qui n'existe pas, son besoin de groupe et de bases simples et rationnelles, il dit l'étiolement des relations à l'ère du binaire, il dit le clivage et l'extrémisme.

Numérique ne vous veut pas du bien.



Le Verbe vous manipule, l'Information vous fragmente, le Jeu vous égare mais Numérique reste. le roman de Marina et Sergueï Diatchenko accumule les prouesses, fait montre d'une imagination et d'une intelligence qui forcent le respect, construit des personnages redoutables et vous jette au milieu du Bal avant de vous transformer en chiots perdus dans les ténèbres.

Un chef d'oeuvre, un grand chef d'oeuvre, un immense chef d'oeuvre de 0 et de 1, de chiffre et de viande, d'humanité et de cruauté !
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Vita nostra de Marina & Sergueï Diatchenko



Tome 1 de la trilogie: Les métamorphoses.

Intrigant, étranges, addictif, étranges, jouissif, étrange, captivant... ce roman fut une belle découverte et je n'ai qu'une hâte, découvrir le tome 2.

Oppressant par son ambiance, ses personnages aussi bien froid, qu'étrange, M'ont laissé parfois perplexe sur la suite des chapitres. Ce qui me donnai encore plus envie de lire la suite.

On suis une jeune étudiante Sacha durant son parcours universitaire, plus que spécial, dans une université, « étrange ». le livres est découpé en 3 parties ce qui permet de distinguer les différentes années d'études. Roman fantastique qui nous laisse sans voix. J ai eu parfois l'impression d'une transposition des changements adolescents, ou pour rester dans le fantastique, d'une histoire à la Harry Potter russe , en un peu plus Dark.

Une fin qui laisse dubitatif et nous amène à nous poser des questions.



Depuis quelques jours Sacha n'a qu'une hâte quitter son lieu de vacances. Depuis quelques jours, celle-ci se sent espionné par un homme vêtu de noir, de lunettes noires et d' un chapeau noir. Tous les jours elle a l'impression que celui-ci L'observe, que chaque jour se ressemblent. Lorsque celui-ci se décide à l'aborder, il donne une mission à Sacha. « nager nus jusqu'à la bouée avant 4h du matin ». Celui-ci promet des représailles très grave si la jeune fille ne s'exécute pas. Par peur, la jeune fille ne manque pas à l'appel. Chaque fois, après avoir fait sa longueur, celle-ci vomit des pièces d'or. Ensuite, l'homme en noir lui donne une autre mission dans le même genre. « Mais jamais rien impossible ». Et comme dans les missions précédente, Sacha vomit encore.

Quelques temps après, l'étranger vient réclamer les pièces, et la félicite pour son admission à l'institut de technologie spéciale. de la l'étudiante ne s'imagine pas la porte qui lui a été ouverte. Celle ci retissante n'aura d'autre choix que d'entrer à l'institut de Torpa, afin de préserver sa famille des griffes de son tuteur. Un monde nouveau s'offre à elle et Ouvre de nouvelle porte bien difficile à fermer. Une nouvelle soif d'apprendre rapprochera Sacha de bien des dangers. de nouveau changement sont à venir.

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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses



Décidément, le peuple slave ne peut que se transformer dans la souffrance, les larmes et la peur. Même dans un monde imaginaire, ce sont elles qui dominent.

Vita Nostra brevis est... notre vie est brève. Sacha, notre héroïne, est contrainte d'intégrer cette notion à la fin de son adolescence, ce moment charnière où l'adulte en devenir commence à se construire. Contre son gré, la voilà propulsée dans une école mystérieuse, dans un bled russe, où l'on ne sait pas, des professeurs ou des étudiants, lesquels sont les plus étranges. L'apprentissage est rude, dur, violent, sadique parfois et l'objectif est inconnu, pour Sacha, comme pour le lecteur.



Ce fut, je pense, la lecture la plus étrange que j'aie pu expérimenter jusqu'à présent. Et j'écris bien expérimenter car je pense avoir vécu une réelle expérience, littéraire sans doute, mais aussi intellectuelle. Il a fallu, comme Sacha, que je m'accroche dans un premier temps tant le sens manquait aux propos et puis, passé un cap, je me suis sentie presque envoûtée par cette histoire. Et un peu à l'image de cet enseignement, je ne parviens pas à trouver les mots pour décrire comment j'ai vécu cette lecture. Ce fut presque hypnotisant. Esprits cartésiens, fuyez tant qu'il est encore temps.



L'écriture des deux auteurs apporte bien entendu une dimension supplémentaire au récit. Elle s'appuie principalement sur un phrasé sec, très factuel, sans fioriture pour tout à coup basculer dans un état proche de l'onirisme et de la poésie. Ils sont parvenus à rendre un monde imaginaire sous la forme d'un concept.



Bref, une lecture qui m'a subjuguée, surtout dans la seconde moitié.

Par contre, je pense qu'on y entre ou qu'on n'y entre pas et certains pourraient vraiment ne pas aimer ce roman. Dans tous les cas, ceux qui croient y retrouver les ingrédients habituels de la fantasy et qui se fient aux quelques comparatifs avec Harry Potter risquent vraiment d'être déçus. Mais si vous êtes curieux et pouvez entrer dans un bouquin sans a priori et prêts à remettre le genre en question, n'hésitez pas !
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Migrant

Migrant, troisième volet des Métamorphoses du couple ukrainien Diatchenko :

Le 1er, Vita Nostra, m'avait ébloui, sidéré, stupéfait.

Le 2ème, Numérique, ne m'avait pas vraiment enthousiasmé.

Le 3ème, Migrant, revient à la veine première. Et c'est encore une fois une réussite, pas aussi forte que la claque reçue du premier, mais presque.

Il s'agit ici encore de surpassements, de réalité transformée, de monde étrange, de relations, de pouvoirs, de questionnements...

Le héros est Krokodile (surnom de Andréï Stroganov) qui se retrouve "transporté/transposé" sur une planète inconnue : Raa.

Pourquoi ? Comment ? Que fait-il là ?

L'officier du bureau officiel de migration lui apprend qu'il n'a aucun avenir sur Terre...

Raa semble accueillante malgré la curieuse société des gens qui y vivent et l'aspect de sa nature on ne peut plus bizarre, voire incompréhensible. Mais il veut s'y intégrer.

Pour être citoyen responsable de plein droit, et non dépendant, il doit passer une série d'épreuves toutes aussi loufoques, difficiles et dangereuses pour y arriver.

On pense bien sûr à Sacha, l'étudiante de Vita Nostra, qui elle aussi devait faire face à beaucoup de difficultés et de situations incongrues (le mot est faible)

Ici en tant que migrant, on ne l'encourage pas, on lui dit même qu'il n'a aucune chance. le groupe qui passe les épreuves avec lui n'est composé que de jeunes et d'un instructeur assez spécial...

Il affronte ces pénibles épreuves, il affronte les jeunes qui se moquent, il affronte l'instructeur et ses règles.

C'est physique et mental. On souffre avec lui. Il doit se transcender dans tous les sens du terme. On est à la limite de la compréhension à chaque fois. Il résiste au maximum de son être. Il vit de drôles d'expériences, nous aussi !

La réalité bascule. On pense à Philip K. Dick de temps en temps.

Les personnages se métamorphosent au fur et à mesure.

Va-t-il y arriver, et surtout après qu'est-ce qui va se passer ? Car la situation sur Raa devient tout à coup impraticable...

La fin est surprenante et paradoxale.

Encore une fois c'est une expérience de lecture inédite.

" Vita nostra brevis est, brevi finietur."

Oui, notre vie finira, il faut donc en profiter. Et personne n'a dit que c'était facile.

Bravo aux Diatchenko pour cette trilogie.


Lien : https://laniakea-sf.fr/
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

J'ai mis le temps avant de faire cette chronique et très honnêtement je la fais juste pour ajouter ma voix au concert qui enjoint les lecteurs à se procurer cet ouvrage. Plus nous seront nombreux plus nous serons sûr d'avoir les deux autres livres de cette trilogie.

Parce que oui j'ai adoré ce bouquin, mais j'ai un mal fou à mettre des mots sur mes sentiments et mon ressenti. Pendant une grande partie du livre, et pour tout dire presque jusqu'à la fin, je suis resté dans un flou artistique quand aux enjeux et à la direction du récit. Je me laissais porté par l'ambiance, les mots, les mystères, enveloppé dans une sorte de brume mais tournant les pages avec un vrai plaisir addictif.

Suivre Sacha pendant ses vacances avec sa mère, sa rencontre avec Farit, les premières épreuves endurées, jusqu'à son entrée à l'Institut des technologies spéciales de Torpa cela nous met dans l'ambiance mais est assez clair bien que mystérieux. Mais tout ce qui suit (je n'en dirais rien car la découverte fait vraiment partie du plaisir) est incroyablement dépaysant, surprenant et tout ça dans un cadre presque banal, une petite ville de province et une école. Tout est magique dans ce récit, même si je me suis retrouvé parfois avec un sentiment d'angoisse ou de gêne, les personnages, les événements, l'atmosphère.

Je pense ne jamais avoir autant aimé un livre dans lequel je ne suis pas certain d'avoir tout compris et ça pour moi c'est un vrai tour de force des Diatchenko.

Alors si vous n'avez pas peur d'avancer à tâtons dans un épais brouillard foncez c'est une expérience unique.
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Vita Nostra me laisse une impression mitigée.

Je suis entrée facilement dans l'histoire, je n'ai pas éprouvé d'ennui au cours de 500 et quelques pages de ce livre. C'est un roman "parcours initiatique", celui de Sacha jeune femme à l'orée de l'âge adulte.

Le fantastique apparait dans le récit par petites touches et tisse peu à peu une atmosphère spéciale, étrange, énigmatique, plein de questionnement et qui n'est pas exempte de peur.



En vacances avec sa mère au bord de l'océan, le chemin de Sacha croise celui d'un homme mystérieux, effrayant et menaçant par certains aspects.

Cette rencontre induit un grand changement dans sa vie et la perte de son libre-arbitre car le choix de ses études secondaires lui est imposé.

Ce sera l'institut des technologies spéciales où on enseigne... Et bien, on ne le sait pas vraiment.



Pour résumer les points positifs : une atmosphère maîtrisée et une accroche qui pour moi a fonctionné car j'ai eu envie de savoir de quoi il retournait.



Les voiles du mystère se lèvent à la fin de l'ouvrage. les explications sont là et mèlent métaphore et métaphysique dans un ensemble qui n'est pas dénué de charme.

Au moment où je me demandais comment les auteurs allaient s'en sortir avec l'intrigue et le devenir des personnages, on tombe sur une fin très abrupte.

J'ai pensé dans un premier temps que c'était pour mieux inciter le lecteur à poursuivre (Vita Nostra étant le 1er volume d'un triptyque) et là deuxième déception...

Triptyque il y a bien sur le thème des métamorphoses mais les tomes sont indépendants tant au niveau de l'univers, des personnages que des contextes qui sont différents.

Du coup, cette fin me laisse vraiment sur ma faim, je me sens même un peu flouée !
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Numérique

Deuxième volet de la trilogie « Métamorphoses » écrite par Marina et Sergueï Diatchenko, « Brevis est » (ou « Numérique ») peut néanmoins se lire de façon indépendante puisque rien ne fait ici référence à l’intrigue ou aux personnages de « Vita Nostra ». Ce dernier ayant reçu un accueil enthousiaste de la part du public,il va s’en dire que la suite était particulièrement attendue, d’autant plus que sa sortie a été repoussée en raison de la pandémie. Alors, ce nouvel opus est-il à la hauteur du précédent, qui avait placé la barre relativement haut ? Pas tout à fait, en ce qui me concerne, même si on a tout de même affaire à un très bon roman, tant sur le fond que sur la forme. Après s’être amusés à mêler fantasy et fantastique, les auteurs s’intéressent cette fois à un mélange SF/fantastique, et le résultat est remarquable. Un roman écrit il y a plus de dix ans et consacré aux jeux vidéos aurait pourtant pu très vite paraître dépassé (la sortie en VO date de 2009). Or le propos et les innovations mises en scène n’ont rien de démodé et la réflexion de fond demeure tout à fait pertinente. Le roman met en scène un adolescent slave de quatorze ans, Arsène, grand amateur de jeux vidéo et notamment de « Bal royal », un jeu de stratégie politique en ligne dans lequel il est parvenu à acquérir une position dominante que beaucoup d’autres joueurs lui envient. L’addiction du garçon est toutefois de plus en plus manifeste, au point d’inquiéter ses parents et de mettre en péril sa scolarité. Le salut va venir d’un certain Maxime, un homme a priori tout à fait banal mais qui va proposer à notre héros de concourir pour accéder à un poste dans son entreprise. Le travail en question ? Testeur de jeux vidéo d’une toute nouvelle catégorie. Une aubaine pour Arsène qui va toutefois se retrouver confronté à des concurrents bien plus âgés et chevronnés, ainsi qu’à des dilemmes moraux qui vont peu à peu transformer sa vision du monde, réel comme numérique.



Comme dans « Vita Nostra », la première impression qui frappe à la lecture du roman est celle d’être entraîné dans une véritable spirale dont on oscille au fil des pages entre tentation de se laisser porter ou envie de lutter pour en sortir. La construction est, une fois encore, très habile, puisqu’on ne sait pas vraiment où nous entraînent les auteurs sans que cette incertitude ne soit à aucun moment source de désagrément. On se laisse au contraire facilement porter par le souffle du récit tout en étant sans cesse surpris par des rebondissements inattendus. Car l’intrigue est loin de se limiter à une classique compétition du genre « il n’en restera qu’un » et s’écarte au contraire rapidement des sentiers battus. Le roman se partage entre les sensations et expériences d’Arsène dans les différents jeux vidéos qu’on va lui proposer de tester et le récit de sa vie réelle qui s’effiloche de plus en plus au fil des pages. Les interactions sociales du héros sont assez limitées en dehors de son mentor et de ses concurrents (ses parents, une camarade de classe...) mais c’est malgré tout suffisant pour cerner la psychologie du personnage. Cela permet également de créer un contraste intéressant entre la toute-puissance qu’il parvient à acquérir dans les jeux dans lesquels il fait preuve d’un véritable talent pour la manipulation, et la vulnérabilité qu’il laisse transparaître lorsqu’il ne redevient qu’Arsène, un adolescent de quatorze ans en pleine construction et qui peine à démêler ses sentiments. Le thème de la métamorphose est bien présent tout au long du roman mais prend vraiment tout son sens dans le dernier tiers (exactement comme dans « Vita Nostra ») à mesure qu’Arsène se voit altéré par les « utilitaires » qui l’éloignent peu à peu de l’humanité. Les jeux vidéos proposés sont pour leur part intéressants et reposent sur des dynamiques classiques (combat, opposition entre clans, survie en territoire hostile…) qui pourraient aujourd’hui les faire paraître obsolètes si la réflexion des auteurs sur la manipulation (ce qu’on appelle aujourd’hui le « neuro-marketing ») n’étaient pas aussi actuelle.



Les personnages sont pour leur part très réussis, à commencer par Arsène qui possède évidemment des côtés agaçants liés à la fois à son âge et à son addiction (hypersensibilité, irritabilité, arrogance parfois) mais dont la vulnérabilité émeut. Les choix moralement condamnables qu’il est amené à prendre durant sa métamorphose permettent de complexifier davantage le protagoniste qui garde malgré tout tout du long une certaine candeur. La réprobation qu’on peut parfois ressentir à l’égard d’Arsène est d’ailleurs souvent contrebalancée par un événement qui vient cruellement rappeler au personnage comme au lecteur que le héros est encore à peine plus qu’un enfant, noyé dans un monde d’adultes dont il ne possède pas encore tous les codes. Maxime, son mentor, dégage pour sa part la même aura de fascination et de répulsion que les professeurs de Sacha dans « Vita Nostra ». Malgré son aspect débonnaire, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain malaise face au personnage que l’on devine instinctivement bien plus dangereux qu’il n’y paraît. Les collègues d’Arsène sont quant à eux très ambigus et difficiles à cerner, ce qui ne les rend là aussi que plus inquiétants. Même les personnages « ordinaires » qui entourent Arsène finissent par susciter le malaise du lecteur, que ce soit à cause de révélations sur leur comportement ou de la prise de conscience de la nocivité de leurs propres passions. La conclusion proposée est pour sa part brutale mais satisfaisante puisqu’elle reflète à merveille la complexité du roman tout en provoquant des réactions ambivalentes chez le lecteur, mélange d’effroi et d’admiration.



« Brevis est » est un bon roman qui, s’il ne se hisse pas tout à fait à la hauteur de « Vita Nostra » n’en demeure pas moins passionnant. Bien construit et plein de surprises, l’ouvrage de Marina et Sergueï Diatchenko nous entraîne dans un monde où la frontière entre le jeu et la manipulation a disparu et nous pousse à nous interroger sur notre rapport au numérique. A lire !
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Numérique

Après Vista Nostra, le duo d'auteurs nous surprend encore une fois avec son nouveau roman, Brevis est, publié sous le titre de numérique. 



Marina et Sergueï Diatchenko, nous plonge dans un univers numérique, semi vituel, ou le jeu à une grand place. Manipulation, cynisme et sombre, l'univers et les personnages sont quelques peut déstabilisant. 



 Dans la même ligné que le 1er tome de la trilogie des Métamorphose, aussi plaisant que dérangeant à la lecture, mais un cran en dessous. 





Arsène, jeune geek, passe son temps sur Bal Royal,  jeu en ligne de type Rpg. Il évolue, à une bonne situation , jusqu'au jour où il rencontre Maxime. Un homme mystérieux, manipuleur travaillant dans le milieu des jeux vidéo. 



La vie du jeune homme changera, mais pas que. Des défauts plus marqués, des capacités grandissante..... une vie de plus en plus virtuelle, de  plus en plus dépendante.





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Migrant

Après Vita Nostra en 2019 et Numérique en 2021, voici que les éditions L’Atalante concluent la traduction de la trilogie thématique des Diatchenko dans l’Hexagone… et cela, évidemment, toujours sous la houlette de l’excellent Denis E. Savine.

Intitulé Migrant, ce dernier volet quitte le fantastique et le thriller technologique pour nous emporter très loin de notre planète Terre en compagnie de Krokodile, un homme qui ne s’attendait certainement pas aux déboires que lui réserve l’univers…



Vers l’infini…

Si l’on ne peut pas reprocher une chose aux Diatchenko avec Migrant, c’est de prendre son temps pour démarrer. Dès les premières pages, Krokodile, de son vrai nom Andreï Stroganov, est brutalement soustrait de son quotidien pour être envoyé à la fois dans l’espace et le temps vers une toute nouvelle planète. Une demande qu’il aurait lui-même formulé deux ans plus tard à un mystérieux Bureau intergalactique qui a décidé d’accéder à sa demande… à un détail près. Au lieu de l’envoyer sur Kristal qui vient tout juste de changer de législation en matière d’immigration, le voici sur Raa, une magnifique planète à la végétation luxuriante où vit paisiblement une communauté humanoïde. Autre surprise, ce voyage à l’autre bout de la Galaxie se fait aussi à rebrousse-temps, plaçant le malheureux Krokodile des millions d’années avant sa propre époque.

À peine arrivé sur Raa, les autorités locales lui proposent un choix : être Dépendant ou devenir Citoyen. La principale différence étant que seul le Citoyen a le droit de s’impliquer dans les décisions politiques qui auront une influence sur Raa et sa population.

Pour être Citoyen, une seule solution : passer l’Épreuve !

Mais de celle-ci, Krokodile ne sait quasiment rien si ce n’est qu’elle semble d’une extrême difficulté et qu’aucun Migrant ne l’a jamais réussi.

C’est cette fameuse Épreuve qui occupe la première moitié de ce nouveau roman qui plonge sans vergogne dans la science-fiction la plus frontale.

Marina et Sergueï Diatchenko reprennent l’idée commune aux deux précédents volets, à savoir un challenge pour le personnage principal qui va le transformer profondément. Pas d’Institut des Technologies Spéciales ou de tests de jeux-vidéos mais une sorte de Koh-Lanta de l’extrême où il faut marcher sur des braises, s’orienter dans le noir complet ou encore faire cicatriser ses propres plaies. Toujours remarquables dans leur maîtrise du suspense, les Diatchenko restent assez évasifs sur les tenants et aboutissants de l’Épreuve afin de garder le lecteur en haleine.

Mais on comprend vite que le divertissement n’en est pas vraiment un et que tout ça finit par impliquer bien davantage de choses qu’un simple rite de passage à l’âge adulte. C’est un authentique test autour de l’individualité et à propos de la volonté de groupe que passent Krokodile et les jeunes aspirants qui l’accompagnent, dont l’énigmatique Timor-Alk, un métis qui semble lui aussi mis à l’écart par les autres.



De plein droit

Migrant devient beaucoup plus intéressant dans sa second moitié, dès qu’il quitte l’île de l’Épreuve et qu’il s’attarde sur la planète Raa.

Celle-ci apparaît comme une sorte d’utopie où personne ne manque de rien, où l’on peut se nourrir à volonté et exercer n’importe quel métier pourvu que l’on s’en donne les moyens. En gros, les ressources sont communes, les actions se font dans l’intérêt général et tout le monde a un bout de quelque chose pour vivre décemment.

Mais cette proto-utopie communiste n’est pas non plus dénuée d’une certaine hiérarchie puisqu’on peut certes vivre par la dépendance de l’État, mais cela implique une absence de prise de décisions en retour.

En d’autres mots : si vous voulez peser dans le game, il va falloir passer l’Épreuve, prouver votre valeur et devenir Citoyen de plein droit.

Même ainsi pourtant, les choses ne sont pas parfaitement égales car chaque Citoyen se retrouve avec une côte qui montre son poids/importance/implication dans la vie politique de Raa.

Plus la côte est élevée, plus la voix du Citoyen va avoir de l’importance.

C’est une sorte de démocratie proportionnelle à l’engagement civique et à la pertinence décisionnelle. Une idée particulièrement intéressante mais qui comporte bien sûr d’énormes risques tant certains pourraient arriver en position de force et exercer un monopole du pouvoir.

Toute la question de Migrant va tourner autour de la responsabilité individuelle et de la transformation nécessaire pour que l’individu devienne conscient qu’il n’est rien sans la communauté. Le cheminement de Krokodile n’est pas tant d’accepter son sort et d’habiter paisiblement sur Raa que de comprendre l’importance d’agir de façon judicieuse et réfléchie pour faire bouger les choses autour de soi.

L’exemple ambiguë de Makhaïrod, consul de Raa aux pouvoirs exceptionnels, illustre à merveille le paradoxe politique du récit.

Faut-il agir ou non ? Voilà l’interrogation centrale de Migrant.



Changer le monde

Autre originalité qui rejoint très exactement la démarche des volets précédents, Migrant imagine un monde où le mythe de la Création — et donc le Créateur lui-même — n’est en rien une abstraction mais une réalité scientifique. Raa a été créé, continuant même à être stabilisé par le même Bureau qui gère l’émigration intergalactique.

Ce qui donne au monde lui-même un caractère instable, malléable.

Où il revient pourtant à Makhaïrod, Krokodile et Timor-Alk de décider s’il faut laisser ce monde évoluer, avec tous les risques que cela peut comporter, ou s’il faut le garder figer.

Migrant parle de la tentation du conservatisme au détriment du reste, il parle de ce que l’individualisme peut apporter à une communauté embourbée dans ses propres habitudes, mais il n’ignore pas pour autant les dangers d’une telle démarche. Comme toujours, peu importe que la Métamorphose soit littérale ou numérique, elle coute toujours quelque chose à celui ou celle qui l’entreprend.

Le seul regret finalement c’est que Krokodile n’est pas un personnage à la hauteur des deux précédents. Son passé reste trop élusif, son regard trop hautain et il n’est en même temps jamais le véritable centre de l’Histoire puisqu’il ne sert que de révélateur/catalyseur à l’évolution d’un monde/d’une société. Migrant trouve de bien plus beaux personnages en Timor-Alk ou en Makhaïrod qui ont chacun traversé des épreuves qui les rendent uniques et passionnants.

Enfin, il est assez drôle de voir que pour un roman portant ce titre, le sujet de la migration soit aussi marginal dans le récit, les Diatchenko se contentant tout au plus de relever l’hypocrisie d’une société censée accueillir l’autre à bras ouverts mais qui le renvoie sans cesse à sa condition première d’étranger. Encore une fois, le sujet n’est simplement pas celui-là, ne vous y trompez pas.



Même s’il est le plus faible de la trilogie, Migrant reste une excellente aventure science-fictif qui sait réfléchir sur la notion de responsabilité et d’évolution. Certainement plus politique que ses prédécesseurs, le roman des Diatchenko se dévore toujours avec plaisir et devrait logiquement ravir ceux qui aiment découvrir d’autres mondes et d’autres modes de pensée.
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Notre vie est brève, elle finira bientôt.

Plus qu'un roman, une expérience de lecture !



Sacha, une jeune russe, intègre l'Institut des Technologies Spéciales, une école post bac dont les enseignements sont au moins aussi obscurs que le nom de l'établissement. Qu'apprend-on vraiment dans cette école ? Pourquoi les étudiants de 2ème et 3ème année semblent tous atteints de malformations ou de troubles mentaux ? Qui est l'homme aux lunette noires qui donne à Sacha des défis plus absurdes les uns que les autres ?



Le récit dépeint Sacha dans son avancée au sein d'études à la finalité incompréhensible. L'atmosphère oscille entre l'angoissante pression mise sur les élèves et les moments de fêtes alcoolisées et d'expériences sexuelles propres à la vie étudiante.

C'est parfois un contraste assez saisissant.

Je me suis sentie mal à l'aise plus d'une fois pendant ma lecture.

L'ambiance générale est assez oppressante.

Les changements qui s'opèrent sur Sacha nous interrogent sur la métamorphose de la jeune fille et j'ai trouvé la fin particulièrement réussie.



Il ne faut pas s'attendre à un récit fantastique ou fantasy classique, selon les différentes interprétations que le lecteur sera tenté de faire. Pour ma part, j'ai trouvé que c'était une métaphore intéressante sur le passage à l'âge adulte et sur l'absurdité manifeste de nos méthodes d'apprentissage.



C'est un roman dont on a beaucoup parlé dans la booksphère de l'imaginaire et j'ai passé un bon moment de lecture.
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Migrant

En 2019 paraissait « Vita Nostra », premier tome d’une trilogie inspirée des métamorphoses d’Ovide mais replacées dans un cadre contemporain et écrite par Marina et Sergeï Diatchenko (ce dernier est décédé il y a peu). Récompensé par de nombreux prix, le roman fut une très belle surprise mais le risque était grand de voir l’intérêt décliner dès le deuxième volume dans la mesure où chaque tome est totalement indépendant du précédent, et que le contexte est même radicalement différent. Bien que ne suscitant pas autant d’enthousiasme, « Numérique » proposait une réflexion intéressante (quoiqu’un peu datée parfois) sur notre rapport aux nouvelles technologies. Le troisième et dernier opus, « Migrant », ne m’a, en revanche, pas vraiment convaincue. Tout commence avec un homme, Krokodile, qui se retrouve soudainement soustrait à notre planète par un mystérieux Bureau des migrations qui lui annonce que son moi futur a opté pour le transfert vers une autre planète. Problème : non seulement Andreï (son vrai nom) ne se souvient pas de cette décision (puisqu’elle a été prise dans le futur), mais en plus il n’est même pas envoyé à la destination prévue (cette dernière ayant fait évoluer ses critères en terme de politique migratoire). Au lieu du monde choisi le voilà donc sur Raa, une planète où la nature a gardé tous ses droits mais qui dispose tout de même d’un degré de technologie élevé (en terme de transport et de communication, notamment). L’accueil réservé aux migrants galactiques n’a toutefois rien à voir avec celui dont nous gratifions ceux qui arrivent actuellement en France : on lui témoigne une grande bienveillance, on subvient à ses besoins, on répond à ses questions, et on lui accorde la liberté de faire ce qu’il souhaite de sa vie. Notre héros se voit cependant confronté à un choix de taille : accepter le statut de dépendant (ce qui lui assurerait confort et liberté, mais sans possibilité de participer à aucune prise de décision), ou réclamer celui de citoyen de plein droit, obtenu uniquement après la réussite d’une mystérieuse épreuve, sorte de rite initiatique que les locaux passent d’ordinaire à l’adolescence. Aucun migrant n’a jamais réussi ce test, mais Andreï, lui, est bien décidé à obtenir la citoyenneté. Ce qui ne l’empêche pas, en parallèle, de tenter par tous les moyens de découvrir ce qui est arrivé à son fils, mais aussi la nature de l’événement qui l’a incité à quitter la Terre.



On retrouve dans ce roman des similitudes avec les deux précédents, notamment dans sa volonté d’explorer les dynamiques et les rapports de groupe, mais aussi dans la mise en scène d’une relation de mentorat entre un individu isolé qui se retrouve plongé dans un milieu dont il ignore les règles, et une figure d’autorité qui va la guider (parfois cruellement) pour l’amener à se révéler à lui-même. La relation entre Andreï et son instructeur pour l’épreuve est de cet ordre, et il s’agit sans aucun doute de l’une des plus grandes réussites de l’œuvre. Cette réutilisation de certains schémas narratifs n’empêche pas les auteurs ukrainiens de varier les thématiques, chaque toile de fonds servant de prétexte à la mise en lumière de sujets bien spécifiques. Le titre relativement éloquent de ce troisième tome donne d’une certaine manière le ton, puisque les auteurs s’intéressent ici à la place accordée aux étrangers dans une société civilisée et aux questions que leur statut pose en terme de participation à la vie publique. Le récit porte ainsi un message profondément humaniste, mais ne cherche pas à occulter les difficultés que peuvent rencontrer celles et ceux qui se retrouvent confrontés à cette situation. S’il bénéficie de tout le confort disponible, Andreï souffre par exemple de la disparition de sa langue maternelle ou encore de l’incertitude concernant le sort de sa planète d’origine qu’il sait désormais inaccessible. L’épreuve est quant à elle l’occasion de mettre en lumière la discrimination à laquelle il peut être confronté, phénomène qui ne se limite d’ailleurs pas aux étrangers puisque un personnage métis est lui aussi victime d’un certain ostracisme. La question de la paternité est aussi centrale dans le roman duquel les femmes sont d’ailleurs quasiment absentes, ce qui donne l’impression curieuse de ne découvrir qu’une toute petite facette de l’univers de Raa. Je suis également assez sceptique en ce qui concerne l’intrigue elle-même qui se révèle très inégale. Le premier et le dernier tiers du roman comportent en effet de nombreux temps morts qui peinent à maintenir le lecteur en haleine, seul le long passage consacré à l’Épreuve parvenant finalement à susciter une véritable curiosité. Les abondantes réflexions philosophiques des auteurs concernant la nature de Raa m’ont quant à elles laissée de marbre et ont même participé à me faire décrocher à plusieurs reprises.



Avec leur trilogie « Métamorphoses », Marina et Sergueï Diatchenko s’inspirent (très librement) des métaphores d’Ovide dans des romans très différents les uns des autres, le premier mettant en scène une école de magie tandis que le second s’intéressait au monde numérique et que le troisième aborde, entre autre, la question de la migration. Si le premier tome a été un véritable coup de cœur, les suivants se sont avérés moins enthousiasmants, notamment « Migrant » dont l’intrigue pâtit de nombreux creux et qui perd parfois le lecteur par une accumulation de réflexions philosophiques pas toujours captivantes.
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Une très bonne découverte que ce roman fantastique : quelque fois déroutant, on entre dans le récit et l’univers en même temps que le personnage principal, Sacha, une adolescente de 16 ans. Elle est abordée par un homme étrange aux lunettes noires alors qu’elle est en vacances au bord de la mer avec sa mère. Il lui propose (ou impose …) une mission : nager tous les matins à 4h jusqu’à la bouée, nue, et rentrer chez elle. Cet individu arrive à créer une telle anxiété chez Sacha qu’elle s’exécute et c’est le premier pas vers l’institut !

Sacha réussit les différents tests et est admise à l’institut des technologies spéciales de Torpa … Que va-t-elle y apprendre ? Pourquoi cette discipline de fer et cette absence de réponses à ses questions ? Et pourquoi a-t-elle si peur pour sa mère ?

On pense au premier abord à Harry Potter bien sûr mais on en est bien loin : un contexte plus adulte, plus torturé et torturant, des dilemmes aussi.

J’attends maintenant le deuxième tome prévu pour mai avec impatience !

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Migrant

Sans doute le plus abordable des livres du cycle des Métamorphoses.

Pour autant, ce n'est pas celui qui m'aura procuré le plus de plaisir à la lecture.

Comme d'habitude, on a un protagoniste assez quelconque qui se voit arraché à ses repères habituels de manière brutale.

Et comme dans les autres livres, il lui faudra apprendre, faire des choix, poser des questions sans attendre de réponse, se remettre en cause, remettre en cause sa vision de la réalité et du monde matériel dans lequel il vit.

Au départ ballotté, subissant les évènements, il devient de plus en plus maître de lui-même et de son destin, à moins que ce ne soit une nouvelle fois qu'une illusion.

Se lit rapidement et facilement. Beaucoup moins étrange et dérangeant que le premier tome qui était exceptionnel, je le trouve un peu inachevé, peut-être trop simple, malgré quelques bonnes idées.



A lire, ne serait-ce que pour terminer la trilogie des Diatchenko qui ont su nous déstabiliser plus d'une fois.



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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

Je redoutais un truc incompréhensible à la Nolan, qui me laisse sur le bord de la route.

Scoop : Vita Nostra un texte cryptique. Mais étrangement, ça ne m’a pas gênée tant que ça car le texte est d’une fluidité rare. Les choses étranges arrivent presque naturellement. Et peu à peu, nous voilà plongés dans l’incompréhension la plus globale. Mais on parvient à saisir les grandes lignes et on est véritablement scotché même. Superbe tour de magie, qui vient aussi du fait que notre expérience de lecture est en tous points le reflet de l’expérience de Sacha. On suit un parcours similaire et cela crée un attachement incroyable.



Vita nostra est un roman d’apprentissage décalé, malaisant. Et un roman de métamorphoses aussi. Se lit ici le passage à l’âge adulte, le passage dans un autre monde, l’accession à la Vérité, à la manière de la caverne de Platon.

La Vérité, mais laquelle ? Le langage, les mots, ce sont des concepts centraux dans Vita nostra. Et plus que les mots, c’est leur fonction (verbe, pronom etc.) dans la phrase qui importe.

J’ai aimé ce propos sur le langage comme moyen de façonner le monde. Inspirations bibliques et linguistiques proposent une autre lecture de la réalité.



On se pose beaucoup de questions pendant la lecture. Si réponses il y a, elles restent vraiment floues. Pas mal de choses sont laissées en plan, tant côté intrigue que personnages.

J’ai fini par trouver des pistes de réponses à droite à gauche. Mais finalement, rien d’autre ne me vient que « tout ça pour ça ». Et puis surtout, j'aurais aimé pouvoir les trouver seule pendant ma lecture. Si perches il y a, elles ne sont pas aisées à saisir ni à exploiter. Pour ma part, j'ai vraiment peiné à trouver le sens du message des auteurs et à comprendre l'intérêt du texte. Ca ne m’a pas vraiment décoiffée, en fait. Certes, c’est bien exécuté, mais ça reste très formel.



Alors oui, c’était une expérience de lecture intéressante et inédite, malgré tout j’ai eu la sensation que cette expérience se soldait par une déception assez amère. Et je finis sur la frustration suprême de ne pas avoir réussi à comprendre où les auteurs voulaient en venir.

A voir si les tomes suivants, bien que dans des registres différents, parviendront à répondre aux nombreuses questions laissées sans réponse ici.


Lien : https://zoeprendlaplume.fr/m..
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Vita Nostra, tome 1 : Les Métamorphoses

C'était, euh... bizarre ? Mais dans le bon sens du terme.



C'est vraiment ça, au départ, qui m'a engagée dans la lecture. Au tout début, Sacha, notre héroïne, est la cible d'un homme étrange qui lui demande de faire des choses d'autant plus étranges, qui lui font vomir des pièces d'or et d'argent. Ne pas obéir a de terribles conséquences. Donc ça y est, la curiosité m'a emportée : mais qui est cet homme ? pourquoi est-elle obligée de faire ça ? que sont ces pièces ? La bizarrerie est partout, et les révélations entraînent généralement plus de questions qu'elles n'en ferment.



Pour résumé, c'est vraiment cette tension, cette question primaire, qui m'a fait garder le cap sur toute ma lecture : pourquoi ?



Mais en fait, plutôt que bizarre, c'est surtout que c'est une lecture très différente, même si elle tourne autour de sujets familiers. Par exemple, je ne sais pas si c'est dû au fait que l'histoire est basée sur un canevas slave, donc différent des archétypes occidentaux, ou bien si c'est juste que c'est un très bon livre, mais j'ai aimé découvrir des relations entre personnages différentes de ce que j'ai pris l'habitude de lire. Aucun personnage que j'adore, aucun que je déteste, ils ont tous leur côté adorables et insupportables en même temps. Pleins de contradictions mais réussies, qui les rendent réels et non pas inconsistants.



Et Kostia... oh Kostia !



Un point négatif tout de même, qui m'a un peu déçue, c'est que tous ces personnages secondaires qui m'intriguaient ou du moins dans lesquels je me suis sentie investie... n'ont pas tous un arc terminé à la fin du roman. Il y a donc un sentiment de manque, et j'aurais aimé en savoir plus sur ce qui arrivait à certains personnages.



Un autre regret, mais de mon fait cette fois... c'est que j'ai lu trop vite la seconde partie, dévorée en deux heures (je voulais vraiment terminer le livre et savoir ce qui allait se passer), et j'ai donc l'impression d'avoir raté le cheminement émotionnel de Sacha parfois. Alors que dans la première partie, que j'ai lu sur plusieurs jours, j'ai vraiment subi en même temps qu'elle toutes ses épreuves, ses échecs et ses réussites.



Je crois donc que c'est un livre qui, sans devoir se lire lentement, s'apprécie dans un temps de lecture normal. Ça ne se dévore pas. D'autant plus que le côté ésotérique/fantastique se complexifie vraiment au fur et à mesure.



D'ailleurs... je n'ai pas compris la fin. Je ne sais pas si c'est justement car j'ai lu trop vite (et j'ai lu Vita Nostra en français, donc ce n'est pas à cause de la langue), mais juste... Ma grande question du début demeure : pourquoi ? Et finalement, ce n'est pas forcément un mal.

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