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Critiques de Marie Gloris Bardiaux-Vaïente (186)
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Bobigny 1972

Dernièrement, une loi a inscrit dans la Constitution de 1958 la liberté garantie des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. En effet, Simone de Beauvoir avait prévenu qu'il suffirait d'une crise politique, économique ou religieuse pour que le droit des femmes soient remis en question.



C'est d'ailleurs ce qui s'est passé aux Etats-Unis sous l'impulsion d'un président Trump totalement rétrograde et ayant peu de considération pour les femmes après d'ailleurs les avoir maltraitées dans sa vie privée. La France est ainsi devenu le premier pays à inscrire l'IVG dans sa Constitution afin d'éviter un jour des servantes écarlates...



Cette BD est le point de départ à ce qui allait conduire à la loi Veil promulguée en 1975 après des débats parlementaires vifs, longs et houleux. Il aura également fallu le procès de Bobigny où une jeune fille violée qui a été dénoncée par le violeur s'est retrouvé avec sa mère devant un tribunal composé d'hommes. Rarement, on n'avait vu une pareille injustice dans notre pays !



Dans les deux biographies de Gisèle Halimi, j'avais entendu parler de ce procès mais ce dernier était à peine survolé. Il était intéressant d'avoir une BD qui relate ce qui s'est passé et surtout cette prise de conscience de l'opinion publique que les choses devaient changer pour le bien des femmes.



En effet, auparavant, les femmes enceintes désirant interrompre leur grossesse, devaient se tourner vers des solutions clandestines ou artisanales. Les plus riches allaient à l'étranger. Les plus pauvres risquaient leur vie et se retrouvaient souvent devant un tribunal pour y être condamnée comme une espèce de double peine.



Fort heureusement, il y avait une femme avocate courageuse et déterminée face à un président de Tribunal intelligent. Nous éviterons de parler de la stupidité extrême du Procureur de la République. Il a fallu ce procès médiatique pour conquérir le droit à l'IVG.



Oui, cette BD est instructive pour ne jamais oublié ce que des millions de femmes ont vécu dans le passé. Qu'importe si Gisèle Halimi a instrumentalisé ce procès pour lui offrir une vibrante tribune au droit à l'avortement ! L'essentiel est le résultat obtenu.



On peut également être fier que notre pays soit désormais véritablement à la pointe de ce combat dans un monde où les femmes disposent de peu de droits. Elle envoie un message de solidarité aux groupes de femmes et à tous les défenseurs du droit à l'avortement dans le monde.
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Bobigny 1972

Bobigny 1972 est un roman graphique engagé qui retrace le procès qui a rendu possible la légalisation de l’avortement.

Nous sommes en janvier 1972, une voiture de police course un automobiliste et finit par l’arrêter.

Le conducteur est interpellé et conduit au commissariat. Sont retenus contre lui vol de voiture, délit de fuite et mise en danger de la vie d’autrui. Le jeune appréhendé, Daniel, contre toute attente, propose un bien vilain deal. Il négocie en balançant le nom d’une jeune femme et la machine répressive est enclenchée...

Quelques pages plus loin, ce sont en effet deux femmes que l’on retrouve au commissariat. Elles sont entendues pour des faits qui se seraient déroulés en 1971.

La BD de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel relate l’histoire de Marie-Claire Chevalier, jeune fille de 16 ans, enceinte à la suite d’un viol, dénoncée pour avortement clandestin par son propre agresseur, Daniel P..

L’avortement étant alors encore considéré comme un délit en France, la jeune fille et sa mère qui a tout mis en œuvre pour lui venir en aide et donc accusée de complicité vont devoir répondre de leurs actes devant la justice.

Mais depuis les années 1960, nous sommes dans un contexte de mutation des mentalités en France.

Un million de femmes se faisant avorter chaque année et, en raison notamment des risques médicaux provoqués par la clandestinité dans laquelle l’avortement est pratiqué, 343 Françaises ont pris l’initiative et ont eu le courage de signer une pétition rédigée par Simone de Beauvoir, dans laquelle elles déclarent publiquement avoir eu recours à l'avortement. Il s’agit du manifeste des 343, paru le 5 avril 1971 dans le Nouvel Observateur, appelant à la légalisation de l’avortement en France.

Peu après, en juillet, Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir fondent l’association Choisir la cause des femmes, un mouvement féministe de lutte pour la dépénalisation de l’avortement.

Aussi, cette affaire dramatique qui aurait pu rester un fait divers banal, va devenir l’un des grands procès historiques quand Gisèle Halimi va accepter à la demande de la mère de Marie-Claire de s’occuper de l’affaire, une affaire emblématique de l’injustice et de la répression.

Ce sera le grand procès politique de l’avortement, avec de grands témoins, des prix Nobel, des philosophes, des politiques, procès dans lequel l’avocate passera au-dessus des juges pour interpeller la société tout entière. Seront appelés effectivement à la barre, entre autres, l’actrice Delphine Seyrig, la philosophe Simone de Beauvoir, le prix Nobel Jacques Monod, le Professeur Paul Milliez, l’écrivaine et journaliste Madame Claude Servan- Schreiber ou encore le député Michel Rocard.

La scénariste Marie Bardiaux-Vaïente traite l’histoire avec force et réalisme, avec une écriture forte de révolte qui rend compte sans les gommer aussi bien les propos violents tenus par le procureur lors des audiences que les paroles des témoins de la défense absolument saisissantes de vérité par la mise en évidence du fait que c’est toujours la classe des femmes pauvres vulnérables économiquement et socialement qui est frappée. Elle revient astucieusement sur la vie de Marie-Claire ou les avancées du mouvement féministe, par des flash-back que la dessinatrice et coloriste Carole Maurel a su bien souligner en utilisant un fond de page ocré. Les scènes intimistes tout comme les manifestations et mobilisations de rue sont également particulièrement bien rendues.

De même que j’avais été conquise par la BD Une farouche liberté, Gisèle Halimi, la cause des femmes, de Annick Cojean, Sophie couturier, Sandrine Revel et Myriam Lavialle, qui retraçait la vie de combats, de passion et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes de Gisèle Halimi, cette emblématique combattante féministe et anticolonialiste, j’ai été séduite et sidérée par le courage et la volonté de ces personnes à porter le combat pour le droit des femmes à disposer de leur corps.

L’album Bobigny 1972 est un remarquable rappel de l’Histoire, celui d’un procès historique, un procès dans lequel Gisèle Halimi, cette défenseuse passionnée de la cause des femmes, a fait non pas le procès des accusées, mais celui de la loi répressive. Il allait servir de prémices à la loi Veil de 1975 autorisant l'interruption volontaire de grossesse…

N’oublions pas et restons toujours vigilants !

Cette lutte est malheureusement toujours d’actualité dans certains pays où des combats similaires sont menés.

À lire absolument.

Un grand merci à ma petite-fille Emma qui m’a proposée cette lecture inoubliable !


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Bobigny 1972

Club N°56 : BD sélectionnée ❤️

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Indispensable !



Clément

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Très bon album qui reprend le procès de Marie-Claire Chevalier.



Cette BD nous donne un récit très clair et prenant de ce procès historique.



De nombreuses oeuvres sortent actuellement sur le sujet, que l'on peut aisément mettre en regard.



Je vous recommande notamment la lecture du roman "Nos corps jugés" de C. Cuenca.



Les deux oeuvres se complètent de façon intéressante.



Virginie

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Une lecture absolument indispensable, sur le procès de Marie-Claire Chevalier, qui a ouvert la voie à la législation sur l'IVG en France.



Les dessins expressifs de Carole Maurel accompagnent la narration très documentée et soignée de Marie Bardiaux-Vaïente.



Marie-Paule

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Quel souffle pour amener le questionnement sur l'inégalité face à la loi des femmes pauvres...



Et voir Gisèle poser les questions sociétales qui amèneront à la loi sur l'IVG est sans nul doute nécessaire à l'heure actuelle...



Vincent

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On est happé et révolté par le destin de ces femmes.



Plus que nécessaire !



Myriam

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L'enfer est vide, tous les démons sont ici

Le sujet est sérieux puisqu'il s'agit du procès du célèbre nazi Adolf Eichmann qui a été enlevé en Argentine par les agents du MOSSAD pour être jugé devant une cour de justice en Israël sous la direction de David ben Gourion alors premier Ministre. C'était un geste politique fort pour ce jeune état en quête d'unification par rapport à la mémoire commune de l'horreur absolue.



La délicate question qui divise est : fallait-il nécessairement appliquer la peine de mort dans une telle configuration face à un monstre qui joue le fonctionnaire zélé dans le genre « j'ai tué des millions de juifs car c'était mon boulot de fonctionnaire d'obéir aveuglément ». C'est là où on pourrait avoir des envies de meurtres.



En France, en droit pénal, nous avons ce qu'on appelle la théorie des baïonnettes intelligentes qui permet à un fonctionnaire de ne pas appliquer un crime lorsqu'il est gentiment demandé par le hiérarchique. Il y a des moments où il faut savoir dire « non » surtout dans des cas aussi extrême.



Par ailleurs, on apprendra que l'état d'Israël n'a plus jamais appliqué la peine de mort après l'exécution d'Eichmann. L'abolition de la peine de mort est un absolu qui ne souffre d'aucune exception.



Cette BD est d'une rare intelligence sur un sujet qui divise encore la société israélienne. A noter que j'ai beaucoup aimé ce qu'avait écrit Primo Levi à ce moment là. Ce n'est point du pardon mais de l'humanité dans un monde qui en manque cruellement.
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Sirènes et Vikings, tome 3 : La sorcière des me..

BD FANTASY / MYTHOLOGIE. En somme un projet collectif sympathique pour ne pas dire intéressant, où tout le monde semble mettre du sien pour obtenir une réalisation sympathique pour ne pas dire intéressante... Dans ce tome 3 le pauvre Gildwin enfant trouvé et amant maudit est coincé entre une mère qui prétend l’aimer mais qui n’hésiterait pas une seconde à le tuer et une maîtresse qui l’aime vraiment au risque d’inciter sa famille à le tuer… Guerre et Paix sur les mers du nord : To Be Continued, avec d'autres personnages et d'autres auteurs coordonnés par Gihef !
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Dans les couloirs du Conseil constitutionnel

Club N°56 : BD sélectionnée

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Pédagogie pour cette BD qui nous éclaire de façon ludique sur le conseil constitutionnel, ses fondements, comment il fonctionne, sa place dans notre démocratie !



Ce n'est évident d'expliquer clairement nos institutions, et je trouve cette BD très utile.



Sophie

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Du droit constitutionnel en BD, c'est si rare, cela vaut le coup...



Vincent

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Intéressant, bien fait !



Morgane R

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Cléopâtre, la reine fatale, tome 2

Ce tome 2 d'une série qui au final devrait en faire 4 est presque un diptyque :

- dans un 1er temps nous sommes dans le game of thrones égyptien et Cléopâtre vampe César et Marc-Antoine pour se débarrasser sans aucune armée de son frère Ptolémée XIII qui en se débarrassant de Plothin et se mettant à dos Achillas scelle sa propre perte... Ptolémée XIII est mort, vive Ptolémée XIV époux, marionnette et paravent de la divine Cléopâtre !

- dans un 2e temps nous sommes dans le game of throne romain et Cléopâtre regarde impuissante César et Marc-Antoine essayer de dompter le peuple romain manipulé de tous les côtés par tous les mécontents d'autant de changement en aussi peu de temps... Et bien sûrs les prétendus défenseurs de la République regrettent bien trop les temps passé de la ploutocratie mondialisée où les riches étaient faits pour être de plus en plus riches avec tous les privilèges qui vont avec et où les pauvres étaient faits pour être de plus en plus pauvres donc asservis et exploités !

Un tome mine de rien très riche qui dépasse largement sa fonction de soap nobiliaire antiquisant. La relation entre César le conquérant qui cherche un héritier à qui léguer le monde et Cléopâtre qui cherche un partenaire à qui léguer sa vision du monde est très intéressante, avec moult dommages collatéraux où elle flirte charnellement avec Marc-Antoine et intellectuellement avec Cicéron. le parallèle est saisissant entre les Romains qui se sont construits en s'ouvrant aux autres civilisations et qui ici font preuve d'un racisme et d'une xénophobie qui historiquement causera leur extinction, et les Grecs qui n'ont jamais caché leur racisme et leur xénophobie mais qui ici revendiquent fièrement une culture métissée et cosmopolite qui leur permettra de survire à leurs conquérants pendant près de 1000 ans... Il y a intrinsèquement un dézingage de l'alliance maudite entre élitisme et populisme qui aujourd'hui pourrit tous les pays occidentaux : dans un système-monde, le repli sur soi ne peut être cause de malheurs pour soi et pour autrui, mais ces élites suprématistes qui nous dirigent ne le comprendront jamais donc continueront de nous amener dans les ténèbres pour nous y enchaîner par la peur et l'ignorance... D'un côté nous avons des interludes fantastiques dans lesquels les dieux parlent aux hommes et dans lesquels les hommes parlent aux dieux, et d'un autre côté nous avons un fil directeur centré sur la maxime « vox populi, vox dei » : et si au lieu de subir le fameux « diviser pour régner » si chère aux pervers narcissiques qui nous gouvernent, c'est l'accumulation de petites actions qui permettraient de se débarrasser d'eux pour réaliser de grandes choses ?

Les auteurs font certes du foreshawdowing avec Octave servant de nounou à son cousin Césarion, avec tous ces faux-culs traîtres à celui qui les a laissé en vie qui veulent séparer César et Marc-Antoine pour tuer l'un et manipuler l'autre, mais ce qui m'a frappé c'est les similitudes avec leurs multiples avatars : César le météore et Cléopâtre l'étoile ont laissé un trace indélébile non seulement dans l'Histoire de l'humanité mais également dans l'imaginaire de l'humanité, et c'est ô combien fascinant de voir leurs récits être reconfigurés encore et encore pour exercer toujours la même attraction... Et ici entre les dessins stylés de Joël Mouclier et les dialogues à la Michel Audiard du couple Gloris c'est champagne ! (d'ailleurs ils se payent même le luxe de clins d'oeil à des oeuvres aussi cool que "Deux heures moins le quart avant Jésus Christ" ^^)
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Bobigny 1972

Figurez-vous les amis que grâce à Babelio j’ai découvert une mine d’or !

Inutile de vous armer de pelles et de pioches, cette mine d’or est celle des romans graphiques.

BD, roman graphique quelle différence ?...

La BD pour moi c’étaient mes lectures d’enfance Boule et Bill, les Schtroumpfs, Astérix, Lucky Luke, Léonard, Mafalda, Snoopy, Mickey, … bref, toutes ces petits morceaux de rire et d’évasion que je rapportais régulièrement de la bibliothèque municipale.

Par la suite j’ai complètement abandonné le genre, il me semblait que tout cela était surtout écrit par et pour des hommes avec une bonne dose de machisme intégrée.

Et puis, un certain nombre de billets sur babelio ont fini par me faire découvrir que le monde avait peut-être changé… Que le roman graphique pouvait tout comme les livres apporter une lecture nouvelle, éclairée, attirer sur des sujets vers lesquels je ne me serais pas spontanément tournée pour un livre.

C’est typiquement le cas pour ce formidable Bobigny 1972. Gisèle Halimi, bien sûr, je connaissais son nom, son combat pour les femmes, mais sans beaucoup de détails.

Quelques bons billets ont attiré mon attention sur ce titre, et merci les amis, car c’est une fois de plus une lecture coup de cœur pour un roman graphique.

Sont retracés ici les évènements historiques qui ont amené au procès de Marie-Claire Chevalier et de sa mère. Leur crime ? En 1971, Marie-Claire Chevalier est une jeune adolescente naïve tout juste sortie de l’enfance (elle dort encore avec son doudou). Elle ne se méfie quand Daniel P., un garçon un peu plus âgé de son lycée lui propose de venir chez lui écouter des disques. Dans sa voiture, il la rassure, sa mère sera avec eux. Mais en arrivant chez lui, Marie-Claire comprend trop tard son erreur, Daniel vit seul dans une petite chambre, et se jette sur elle la porte à peine refermée. Marie-Claire se refuse à lui, il la viole, elle tombe enceinte.

Le lecteur est replongé dans une autre époque, les hommes blancs font la loi, jugent les femmes qui se font avorter parfois au péril de leur vie ou au prix de graves séquelles pour leur santé et pour un cout exorbitant entre 3000 et 4000 francs (pas un problème dans un milieu bourgeois, mais un montant parfois insurmontable dans une famille monoparentale).

Gisèle Halimi va prendre gratuitement la défense de Marie-Claire et sa mère en échange de les transformer en porte-étendard pour faire définitivement changer la loi qui condamne les femmes.

J’ai refermé ce livre en colère et songeuse. Alors oui, bien sûr les femmes sont libres aujourd’hui de décider de garder un enfant ou non, l’argent n’est plus un problème. La société a évolué et continue à le faire. Cependant, en incipit la célèbre phrase de Simone de Beauvoir doit en permanence résonner à nos oreilles, le combat est loin d’être fini : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Les comportements sexistes sont encore loin d’avoir disparu. J’ai été écœurée et bouleversée de découvrir que c’était le violeur, Daniel lui-même qui avait vendu (pas d’autre mot) Marie-Claire à la police. À la suite d’un délit de fuite, sous l’emprise de l’alcool, refus d’obtempérer, le gars « négocie » comme un véritable collabo avec la police la dénonciation de la jeune femme qu’il a violé (d’ailleurs l’histoire ne dit pas, et c’est dommage, quelle remise de peine lui avait été accordée pour cet odieux marchandage). À la suite de sa dénonciation d’une « criminelle » dans un inversement des rôles ahurissant, c’est Marie-Claire qui se retrouve devant le tribunal des mineurs de Bobigny pour avoir avorté. Effarement absolu à la lecture de cette double peine, un pauvre type viole une gamine mineure, la dénonce car elle avorte et c’est elle qui est passible d’une peine de prison alors qu’elle a été victime d’une grave hémorragie qui aurait pu lui couter la vie !

Une vraie claque, un roman graphique qui restitue extrêmement bien tous les éléments de cette lutte en mettant en lumière Gisèle Halimi mais également toutes les autres femmes qu’elle a appelées à témoigner à la barre.

À mettre d’urgence entre toutes les mains et à acheter dans tous les CDI !

« L’indécence, Monsieur le Président, ce sont ces femmes sur le banc des prévenues. Pas de raconter la réalité et la vérité sur ce que nous vivons ». Gisèle Halimi





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Ils ont fait l'Histoire, tome 37 : Talleyrand

BD HISTOIRE / XVIIIème & 19ème siècle.

Cet album consacré à Talleyrand ne m’a pas enthousiasmé de prime abord, mais il faut dire que le personnage m’était et m’est toujours plutôt antipathique. Marie Bardiaux-Vaïente a fait le choix de centre le récit sur le Congrès de Vienne, grande fête du retour à l’Ancien Régime qui s’étend de 1814 à 1815, où Talleyrand a joué l’Angleterre et l’Autriche contre la Prusse et la Russie, et les petits pays contre les grandes puissances pour qu’on foute la paix à la France. Il est parfaitement complété par le dossier d’Emmanuel de Waresquiel qui brosse la personnalité et le parcours d’un homme de paradoxes et de convictions à la fois, qui fait figure de « kingmaker » de la période révolutionnaire.
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Cléopâtre, la reine fatale, tome 1

Décidément la série "Reines de sang" ne manque de bons sujets pour faire de bonnes histoires, car après Aliénor la légende noire, Isabelle la louve de France, Frédégonde la sanguinaire, et Tseu Hi la dame dragon nous découvrons Cléopâtre la reine fatale !

Tandis que César et Pompée joue un game of thrones à l'échelle de la Mer Méditerranée, nous suivons un "Dallas" antiquisant que n'aurait pas renié HBO grand spécialiste des séries grimdark : Cléopâtre VII la peste, Ptolémée XIII le sale gosse, Pothin l'eunuque comploteur et Didia l'esclave espionne, le rusé ministre Appolodore et le bouillant général Achillas, Hopi l'ancienne favori nubien et Skall le nouveau favori celte… Ah ça les auteurs font bien sentir bien que Cléopâtre est un garce en privé et une crevarde en public, mais c'est une femme dans un monde gouverné par les hommes donc toutes les armes sont bonnes pour survivre, combattre, et qui sait remporter la victoire… Il faut dire que comme tous les personnages sont dotés d'une profonde amoralité, ses côtés détestables ne suscitent pas l'antipathie pour autant : d'un côté elle dégage autant de charisme qu'une Gina Lollobrigida de la grande époque, et d'un autre côté elle ressemble tellement à ces aristocrates qu'on adore détester, et dont on suit les frasques avec un plaisir coupable à peine dissimulé ^^

Après "Meridia", le très bon et sans doute très mésestimé Thierry Gloris retrouve son vieux compère Joël Mouclier qui lui offre donc nous offre des graphismes aux petits oignons très colorés et très expressifs. Ils s'entendent comme larrons en foire (un peu trop d'ailleurs, il y a pas mal de scène assez crues ^^), du coup ce tome associe très bons dessins et très bons dialogues pour une très bonne histoire sublimée par la touche féminine apportée par Marie Gloris… Que demander de plus ? d'autres tomes du même niveau évidemment ! blink



PS : mention spéciale pour le singe des "Aventuriers de l'arche perdue" ^^
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Isabelle, la Louve de France, tome 1

Voilà une collection, nouvelle de cette année, qui fait un peu parler d’elle : Les Reines de Sang, chez Delcourt ! Après Aliénor, c’est au tour d’Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel, reine d’Angleterre, la Louve de France, de voir sa vie adaptée en bande dessinée.



Saluons tout d’abord la bonne initiative de la part de Delcourt, qui surfe sur une nouvelle vague de féminisme relatif et d’intérêts historiques (pensons à la série débutante Sorcières chez Soleil qui vise un peu les mêmes thématiques que ces Reines de Sang).

Dès le début de cette histoire, on peut rapidement constater la relative facilité des choix scénaristiques, avec du grand classique (les références aux Rois Maudits, aux Templiers, etc. sont légion), toutefois, au moins, ce scénario à quatre mains (œuvre de Thierry Gloris et de sa femme, Marie Gloris) fait son boulot avec un enchaînement connu des événements, mais également quelques scènes-clés, dont notamment une cérémonie d’hommage particulièrement réussie, que je crois pouvoir tout bonnement qualifiée de parfaite en tout point ! Malheureusement, face à ces bons côtés, l’intrigue prend un tournant tragique et s’accélère radicalement sans parvenir à me convaincre à la toute fin. De plus, les deux auteurs abusent, selon moi, de scènes tendancieuses : d’allusions un peu coquines au départ, on passe très rapidement à des situations carrément obscènes dont l’intérêt historique et/ou fictionnel (notamment le chapelet d’Edouard II…) m’échappe complètement. Voyeurisme et racolage habituels ont l’air de s’être sérieusement immiscés dans le scénario.

Ajoutons à cela, à la volée, des situations franchement caricaturales pour une royauté qui ne peut vivre sa vie quotidienne sans se sentir obligé de jouer des scènes dignes d’une tragédie grecque (la scène où le futur Edouard III joue devant son grand-père était une très bonne idée, mais vite gâchée par la caricature de personnalité attribué à Philippe IV le Bel), ainsi qu’une façon de parler, un langage, attribué au roi Philippe IV le Bel et à sa fille Isabelle notamment, qui correspond bien plus à la cour de Louis XIV ou à la bourgeoisie du XIXe siècle qu’à la monarchie du XIVe, surtout quand ces personnages sont en privé : le décalage est franchement bizarre, mais j’imagine que ça passe mieux et que ça parle davantage au lecteur dit « standard » ; et enfin, certains personnages, justement, apparaissent assez souvent, mais ne sont que très peu développés et sont, du même coup, bloqués dans un schéma de personnalité très strict : Philippe le Bel et sa belle-fille Blanche de Bourgogne en sont deux parfaits exemples.

On peut toutefois s’enorgueillir de bons graphismes en général, mais parfois discutables ; je crois même pouvoir distinguer au moins trois styles juxtaposés au gré des scènes, et pourtant nous avons là affaire à un seul et même dessinateur ! En effet, le style de couverture, un peu grossier, mais plutôt agréable, revient assez souvent ; le style de la page de titre, très gracieux et qui met en valeur la féminité d’Isabelle, apparaît pour quelques rares scènes où il s’agit bien de mettre en lumière les traits de la Louve de France ; enfin, ces deux aspects sont, de temps en temps, gâchés par l’apparition d’un style nettement moins racoleur, celui qui illustre la quatrième de couverture, c'est-à-dire un dessin aux traits franchement grossiers, rondouillards et péjoratifs au possible. De là à dire que le dessinateur a tout simplement voulu retranscrire, de manière particulièrement nette, des directives strictes sur comment présenter la reine Isabelle et que cela donne un aspect vraiment subjectif à l’affaire, il n’y a qu’un pas…

Pour finir, on peut regretter – et surtout ceux, néophytes, qui ne connaissent ou ne connaissaient pas l’histoire d’Isabelle de France et la découvrent avec cet album – de voir l’intrigue du deuxième tome dévoilée dès le quatrième de couverture du présent tome un…



Au terme de cette critique très revendicatrice, j’ai bien conscience de cracher un peu dans la soupe devant cette jolie bande dessinée, mais finalement, peut-être suis-je trop blasé de voir ce genre d’histoires dans l’Histoire, de voir toujours les mêmes thèmes repris inlassablement sans choquer personne, de voir ces "filons" historiques exploités jusqu'à la moelle sans franchement innover, de voir toujours des scènes racoleuses sans aucun intérêt direct pour l’intrigue… peut-être est-ce moi qui ne comprend rien à rien. Ça doit être ça, oui.



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Isabelle, la Louve de France, tome 2

Un peu plus proche de la réalité historique que le tome I, avec des planches très esthétiques, notamment sur le corps d'Isabelle dans les bras du "gentil" Mortimer.



Des batailles au trait évocateur, mais encore trop peu de détail sur la réalité du comportement d'isabelle à l'égard d'Edouard II qu'elle a continué d'aimer malgré ses amours avec Mortimer. La figuration d'Edouard III sous les traits d'un enfant plutôt mal élevé ne correspond certainement pas aux réalités de l'époque.



Il faut accepter les entorses à l'histoire dans ce genre de BD à laquelle il m'est impossible d'accorder plus de deux étoiles du fait de la présentation trop souvent inexacte de la personne et des actions d'isabelle de France.



Je poursuivrai quand même cette série sur "Les reines de sang" avec Aliénor d'Aquitaine, autre grande dame du Moyen Age.
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L'abolition : Le combat de Robert Badinter

Courage et détermination de Robert Badinter pour abolir la peine de mort en France. Quelques pages sur les derniers exécutés et l’élection de François Mitterrand. Des dessins sombres où il n’est pas toujours évident de reconnaître les personnages. Une bonne dose de rappel.
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L'abolition : Le combat de Robert Badinter

Dans les années 1970, la France était coupée en deux.

L'abolition de la peine de mort représentait un sujet explosif qui divisait l'opinion publique.

J'étais d'ailleurs au lycée. En cours de français nous avons dû soumettre notre opinion: le débat était houleux.

Mais le 30 septembre 1981, notre pays a tranché. L'abolition de la peine de mort est adopté. L'avocat et garde des sceaux

Robert Badinter sort vainqueur de cette lutte de trente six ans. Combat acharné pour cet homme qui possède la conviction inébranlable que les exécutions sont des actes barbares. Tout avocat doit défendre son client et trouver une part d'humanité dans le monstre.

Ce sont les divers procès menés par Badinter qui permettront une avancée notable dans les consciences. Fini les têtes coupées sous la guillotine, la réclusion à perpétuité devient la sentence la plus sévère.

La voie s'ouvrira avec la présidence de François Mitterrand favorable à l'abolition.

Mais une terrible épreuve personnelle risque d'ébranler les convictions de Badinter. En tant qu'homme au cœur noble, Badinter ne plie pas durant le procès Barbie "le boucher de Lyon". Aucune dérogation même pour ce monstre. Maître Vergès doit défendre son client, c'est son devoir d'avocat. Badinter ne vacille pas d'un pouce; son "vœu incandescent " doit triompher.



On assiste dans cette bd à de vrais feuilletons qui m'ont happés. J'ai retrouvé cette crise que traversait la France où la société demandait la loi du talion pour les monstres.

Je regrette seulement le manque de ressemblance des portraits surtout pour les lecteurs qui ne connaissent pas les hommes politiques de cette époque.

Les choix de couleurs froides apportent cette atmosphère rigoureuse qui sied à la justice.



Ce récit éclairant donne la parole à un homme admirable, intègre et tenace. Dans la lignée de Gisèle Halimi et de Simone Veil.

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Bobigny 1972

Bobigny 1972 retrace les évènements et le procès pour avortement contre Marie-Claire Chevalier et sa mère, et défendu par Gisèle Halimi. C'est le procès contre une fille violée, dénoncée par son violeur, que Gisèle Halimi retournera contre la loi anti-avortement, un procès historique pour l'avancée des droits de la femme.



Le graphisme est classique, la colorisation joue sur les tons rétros qui cadrent bien avec le début des années 70. le dessin est au service du récit. La narration bénéficie d'une structure efficace, comme un montage de cinéma, ménageant le suspense, mettant en exergue les moments forts, et jouant adroitement entre l'angoisse de Marie-Claire, et la volonté sans faille de Gisèle Halimi. C'est bien construit, cela permet d'ajouter de l'émotion à ce récit, de tenir le lecteur en haleine et de magnifier ces évènements.



Cette lecture m'a bouleversé, entre joie et effarement, joie pour l'issue, pour l'admiration que j'ai pour Gisèle Halimi, effarement pour l'horreur face à l'ordre établi, sexiste dans les lois et les mentalités.



Alors cette lecture est vraiment enthousiasmante, parce qu'elle révèle un élan formidable, il faut propager cette histoire, la faire connaître, et cette bande dessinée est un moyen très efficace par sa simplicité, par l'émotion qu'elle provoque, par le débat nécessaire qu'elle met en scène. À mettre dans tous les CDI du monde !
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Bobigny 1972

C'est votre loi qui est coupable.

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Ce tome contient un récit complet indépendant de tout autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable sur le procès de Bobigny, contre l'avortement, en octobre et novembre 1972 à Bobigny. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et Carole Maurel pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatre-vingt-cinq pages de bande dessinée. Il se termine avec une page de remerciements et une page de bibliographie, ainsi que les coordonnées de l’association Choisir.



Dans les rues de Bobigny, une nuit de janvier 1972, une voiture rouge fonce à toute allure, poursuivie par une voiture de police, sirène hurlante. Coincé dans une impasse, le conducteur doit sortir les mains levées, sous la menace de l’arme de service d’un policier. Il est emmené au commissariat et accusé de vol de voiture, refus d’obtempérer, délit de fuite, mise en danger de la vie d’autrui : Daniel P. va prendre cher. Conscient de ce qu’il risque, le jeune homme déclare vouloir négocier, ce qui fait rire de bon cœur les deux policiers. Quelques jours plus tard, un matin à six heures, une voiture de police se stationne en bas d’un petit immeuble, trois policiers dont un en uniforme montent dans les étages et sonnent à la porte de Mme Chevalier. La voisine ouvre sa porte, mais les policiers lui intiment de rentrer dans son appartement. Michèle Chevalier ouvre sa porte, les policiers entrent et ils procèdent à une perquisition de son appartement. Leur entrée a réveillé les trois filles, dont Marie-Claire adolescente. Les policiers dérangent tous les placards, les armoires, la commode, les matelas et finissent par trouver un objet suspect. Ils embarquent Michèle Chevalier et ses trois filles au commissariat. La voisine Nicole ressort sur le palier avec son nourrisson, et elle prend en charge les deux plus jeunes filles.



Au commissariat, la mère et la fille sont interrogées séparément. L’adolescente reconnait qu’elle a avorté, et sa mère reconnaît l’avoir aidée. Les policiers leur posent la même question : Sont-elles conscientes qu’il s’agit d’un crime, relevant de l’article 317 du Code Pénal ? Ils en font la lecture : Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procédé ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans, et d’une amende de mille huit cents francs à cent mille francs. Elles sortent du commissariat sous le coup de cette accusation. En juin 1971, plusieurs amies sont réunies : Gisèle Halimi, Christiane Rochefort, Simone Veil, Delphine Seyrig. Elles évoquent l’appel des trois cent quarante-trois femmes, publié dans l’hebdomadaire Le nouvel observateur. Certaines des signataires ont été convoquées par leur employeur. Elles décident de créer une association : Choisir la cause des femmes.



Il est possible que le lecteur parte avec un a priori : une bande dessinée retraçant un fait historique et un événement social majeur, ça risque d’être pesant en informations. Il éprouve la surprise de découvrir que la bande dessinée commence par une rapide course-poursuite nocturne en voiture, puis par une effrayante arrestation avec une perquisition sans ménagement. Même s’il connaît le déroulement des faits dans les grandes lignes, ainsi que l’importance du procès de Bobigny menant à la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, le lecteur est pris dans la tension des enjeux de ce procès, par la terrible pression qui pèse sur l’adolescente et sur sa mère, par la conviction inébranlable de l’avocate, par l’implication de nombreuses célébrités, par le calme et la patience du juge, et par-dessus tout par chaque injustice, les unes après les autres. Les scènes de prétoire sont bien présentes, mais pas majoritaires : les autrices mettent en scène plusieurs femmes, et elles racontent leur histoire personnelle : le viol et l’avortement de Marie-Claire, aussi éprouvants l’un que l’autre, d’autres avortements, le quotidien modeste de la famille monoparentale Chevalier, la relation mère-fille, l’entraide de la voisine, quelques éléments de médiatisation. Il apparaît également que ce procès devient le point de rencontre de sphères sociales généralement dissociées : une employée du métropolitain, un juge, un procureur, une avocate renommée, une femme politique à l’envergure nationale, une actrice féministe, un médecin, pour finir à l’Assemblée nationale.



Avant tout, il s’agit de l’histoire d’une adolescente, violée. Le lecteur assiste à la scène : le jeune homme Daniel P. qui emmène la jeune fille dans sa chambre, en voiture, expliquant d’abord qu’il y aura ses copains, puis qu’ils ne peuvent pas venir mais qu’il y aura sa mère, les dessins mêlent une dimension descriptive pour les décors, et une approche émotionnelle pour les personnages. Le lecteur peut reconnaître la voiture (une DS), regarder la façade des immeubles de banlieue, faire le tour de ce qui se trouve dans l’appartement du violeur (le lit, le désordre, la petite table ronde, les plaques de cuisson, une ou deux bouteilles, etc.), puis la mise en couleur passe d’un mode naturaliste à un mode en noir & blanc avec des nuances de gris, des plans serrés rendant compte des impressions, des sensations, jusqu’à une illustration en double page, sans un mot, Daniel allongé sur sa victime, en vue de dessus ce qui ajoute encore à la force du placage, à l’abjection de cet acte où la victime n’est plus qu’un objet, et le criminel un individu sans empathie aucune. Suit une séquence toute aussi accablante alors que Marie-Claire revient chez elle, toujours dans des tons noir & blanc et gris, montrant le retour au monde quotidien qui n’a plus rien de normal après la sidération du traumatisme. Trente pages plus loin, l’aveu sort de la bouche de la fille face à sa mère, une simple phrase, un constat accablant : Il m’a forcée ! Il n’y a aucun sensationnalisme, aucun voyeurisme : l’adolescente doit vivre avec la double peine de l’inculpation et du traumatisme. Elle doit également faire face au procès, aux questions posées par des hommes, aux interventions de son avocate dont la portée et le contexte sont à l’échelle nationale et s’inscrivent dans une démarche avec un historique et un enjeu sans commune mesure.



Dans le même temps, d’autres femmes évoquent leur cas personnel. Le lecteur voit Gisèle en Tunisie en 1938, tenir tête à sa mère, en lui disant que ses frères peuvent faire leurs lits tout seuls et aider à mettre la table, rejetant l’ordre établi que lui énonce sa mère, que les garçons ça ne compte pas pareil, que le rôle d’une fille est de servir les hommes. Il voit une jeune fille s’exprimer avec la fougue de son âge, dans un environnement tunisien, avec les couleurs chaudes du soleil. La séquence se termine par l’avocate en robe, et son credo : elle a décidé que ses mots, cette arme absolue pour défendre, expliquer, convaincre, se prononceraient toujours dans la plus absolue des libertés, et dans l’irrespect de toute institution. Le témoignage de Micheline Bambuck, la faiseuse d’anges, décrit les conditions de son intervention pour Marie-Claire, dans le petit appartement des Chevalier, son déchirement entre ses actes et ses convictions religieuses. La narration visuelle reste très prosaïque, sans pathos ni effet dramatique : la réalité du petit appartement, les instruments, l’adolescente allongée sur le canapé, rien de misérable ou de glauque, mais aucun encadrement médical, des mesures d’hygiène artisanales sans comparaison possible avec l’environnement d’une clinique ou d’un hôpital. D’un côté, le constat d’une sororité dans la prise de risques ; de l’autre côté, une situation insupportable et inique engendrée par une loi qui est coupable, comme le formule Michèle Chevalier pendant les audiences. Lors de son audition, l’actrice Delphine Seyrig (1932-1990) explique qu’elle est complice d’avortements, quotidiennement. S’en suit une autre séquence d’avortement, pratiquée par un médecin, toujours dans un appartement.



En pleine empathie avec la victime, sa mère, l’avocate, le lecteur découvre le déroulement du procès : la prise de contact de Michèle Chevalier auprès de l’association Choisir, la demande d’approbation de l’avocate auprès de Marie-Claire dont l’affaire va être médiatisée à l’échelle nationale, plusieurs audiences et plaidoiries. Sans effets de manche, avec quelques expressions de visage légèrement appuyées, l’avocate prend la parole, la victime raconte son histoire, la mère explique comment elle a aidé sa fille, la faiseuse d’anges évoque ses pratiques et leurs conditions d’exercice, le juge écoute, le procureur et plusieurs personnalités se succèdent à la barre. De manière très organique, les enjeux du procès gagnent en ampleur, en contexte, en finalité. En fonction de sa familiarité avec ces années-là, avec l’histoire de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, avec les mouvements féministes de l’époque, le lecteur identifie et situe ces différents intervenants : Gisèle Halimi, Simone Veil, Christiane Rochefort (1917-1998), Jean Rostand (1894-1977), Jacques Monod (1910-1976), c’est-à-dire les cinq fondateurs de l’association Choisir la cause des femmes, Delphine Seyrig (1932-1990), Simone Veil (1927-2017), Claude Servan-Schreiber (1937-). Il peut également relever le livre de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi consacré à Djamila Boupacha (1938-). Il est frappé de stupeur par l’injustice de l’article 317 du Code Pénal, par l’évidence pointée par l’avocate que ce sont des femmes jugées par des hommes, par l’absence de connaissances biologiques du procureur, par l’aplomb de Delphine Seyrig sur la réalité de la pratique de l’avortement en France, par l’intervention de Simone Veil contextualisant la place de la femme dans la société française de l’époque. Les autrices prennent soin également de rendre compte de la question de classe sociale, la différence de traitement entre les Chevalier et les femmes connues.



Un procès de plus pour avortement, un procès unique de part sa médiatisation et sa place symbolique vers la dépénalisation de l’avortement. Un moment symbolique dans l’histoire des droits des femmes. Les autrices reconstituent le cheminement de Marie-Claire Chevalier et de sa mère, ainsi que de la faiseuse d’anges, à hauteur humaine, l’histoire malheureusement banale d’une adolescente violée, et la médiatisation de son procès. La narration visuelle transcrit parfaitement la banalité du quotidien, la force de faire face de ces femmes, l’aide apportée par l’association Choisir et par l’avocate Gisèle Halimi à l’échelle humaine et individuelle, dans un récit poignant. Elles se montrent tout aussi habiles à faire apparaître les injustices systémiques, que ce soit l’iniquité de la loi, ou le décalage entre les classes privilégiées et le prolétariat. Irrésistible d’humanité et d’humanisme.
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Isabelle, la Louve de France, tome 1

Ayant lu récemment l'excellente biographie d'Isabelle de France par Sophie Brouquet, j'ai souhaité prolonger ce temps avec la belle Isabelle par ces deux bandes dessinées qui lui sont consacrées sous la collection "Les reines de sang". Je savais bien sûr que cela n'aurait rien à voir avec un texte historique richement documenté.



Il reste donc la qualité du dessin avec de très belles planches, mais le contenu est bien éloigné de l'Histoire, ne serait-ce que par le titre "La louve de France" qui ne correspond pas à la réelle personnalité d'Isabelle.



L'épisode de l'exécution des templiers n'était pas nécessaire car sans rapport direct avec l'héroïne. En revanche, point de Gaveston qui fut le premier favori d'Edouard II avec lequel sa relation reste surtout sentimentale sans preuve encore d'homosexualité.



D'ailleurs, Isabelle a aimé Edouard, l'a protégé, et lui-même a été très généreux envers elle en la dotant richement de terres, châteaux, bijoux. Par la suite, leur relation a certes évolué, avec l'arrivée des Despenser traitée dans le tome II de cette bande dessinée.



La dénonciation par 'Isabelle des frères d'Aulnay reste une coïncidence car ils ont exhibé à leurs ceintures les aumônières offertes par la reine à ses belles-soeurs.



Donc, une très belle Isabelle dessinée avec talent, mais un scénario bien trop éloigné de la réalité historique avec des dialogues assez pauvres.
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Bobigny 1972

Bobigny 1972, le procès de femmes ordinaires exposées, traitées en criminelles pour avoir fait le choix d’une vie celle de Marie-Claire. Nous leur devons aujourd’hui l’extraordinaire…



On a beau connaître les grandes lignes et les grandes figures du combat pour la liberté des femmes, c’est avec les histoires individuelles qu’on prend pleine conscience de la violence d’une loi et d’un système qui réprimaient les avortées et rejetaient les fille-mères, « parquées » dans des centres à l’abri du regard des bien-pensants. Derrière cette affaire retentissante, c’est le drame intime d’un viol puis d’une grossesse non désirée devenu drame familial car Marie-Claire a toujours été soutenue par sa mère, une femme exceptionnelle. C’est donc avec beaucoup d’émotions que j’ai vécu leurs douleurs communes et leurs moments d’intimité magnifiquement retranscrits par des dessins tantôt angoissants tantôt réconfortants. Une œuvre qui par ses couleurs et son graphisme nous transporte avec vigueur dans les années 70, au service de l’histoire d’une noble cause.



Soutenues par Gisèle Halimi et l’association « Choisir », Marie-Claire et sa mère ont parlé au nom de toutes. Alors, tout simplement, merci!
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Fille d'Oedipe

Une très belle couverture, un titre intrigant, une évocation de la mythologie grecque : obligée que j’étais d’ouvrir cet album.

La couverture vous donne une indication du type d’illustration : un dessin assez classique (qui manque d’émotion à mes yeux), du noir et blanc... à l’exception d’un peu de rouge qui apparaît au milieu de l’histoire et qui donne du sens.

La fille d’Œdipe c’est Antigone. (Son nom est connu, c’est un peu dommage de ne la définir que comme "la fille de", non?)

L’histoire commence lorsqu’elle part accompagner son père Œdipe qui s’est aveuglé, après avoir découvert le tragique de sa destinée.

Même si c’est bien elle, Antigone, qui est l’héroïne, l’album décrit aussi la lutte de pouvoir entre ses frères, entre elle et le tyran Créon, opposant sa féminité créatrice à leur masculinité toxique : une histoire d’émancipation (mot beaucoup plus joli que "empouvoirement", vous ne trouvez pas ?)

L’autrice est historienne, et les références sont nombreuses et pertinentes.

Toutefois j’aurais aimé voir approfondi le personnage d’Antigone, qui n’apparaît ici défini que dans son opposition aux hommes.



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Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"
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Bobigny 1972

Une claque, une vraie, belle claque.

Quelle lecture...je suis encore émue au moment où j'écris ces mots.

Nous sommes en 1972, la loi ne permet pas encore aux femmes d'avorter, de faire le choix de garder ou non un enfant dont on ne veut pas, dont on ne peut pas s'occuper, qui parfois est le fruit d'un viol. La loi des hommes, faite par des hommes pour les femmes. Des hommes qui ont le droit de partir, de laisser la femme seule face à cette grossesse.

Comme Robert Badinter qui avait décidé de défendre n'importe quel homme qui risquerait sa tête, Gisèle Halimi défend les femmes qui se sont mises hors-la-loi en avortant.

Cette BD nous met face à l'inégalité de la femme, de par sa position sociale, face à la justice.

Cette BD retrace les circonstances qui ont conduit Marie-Claire Chevalier et sa mère, Michèle, devant le tribunal de Bobigny et nous rend les minutes du procès, les plaidoyers des avocats mais aussi des célébrités, des médecins.

Cette BD nous raconte ce verdict historique et les conséquences sur la législation française.

C'était en 1972. C'est si prêt finalement. Et quand on pense que l'avortement n'a été légal en Belgique qu'en 1991...ça laisse songeur.

Le dessin de Maurel est parfait (j'ai envie de dire : comme toujours), tant dans son traitement que dans son adéquation avec le sujet qu'il sublime.

Une lecture poignante et nécessaire. Un chef d'oeuvre
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