En 1997 la rétrocession de Hong Kong à la Chine mettait fin au bail de 99 ans établi entre l'Empire britannique et l'Empire Chinois sous la dynastie Qing après la défaite de ce dernier dans la guerre sino-japonaise (1894-1895). Dans une déclaration commune sino-britannique, signée en 1984, la République populaire de Chine s'engageait à maintenir les systèmes économique, législatif et social, ainsi que le mode de vie hongkongais pendant une période de 50 ans après la rétrocession ; selon une formule énoncée par Deng Xiaoping en 1997 : « un pays, deux systèmes ». En 2019, un projet d'amendement de la loi hongkongaise d'extradition prévoyant le déplacement arbitraire de Hongkongais vers la Chine populaire constitue, sans doute possible, une tentative de mettre la population au pas, et brise de fait cet engagement. Une manoeuvre qui va déclencher une vague de manifestations, réprimées de façon extrêmement brutale par le gouvernement de l'île pro-chinois. de plus en plus choqué par cette violence le jeune artiste Kwong-Shing Lau décide de s'engager dans la lutte aux côtés des manifestants. Hongkong cité déchue est le récit de ce combat contre une autocratie prête à tout pour éliminer ses opposants. Entre réalité et fiction, traduisant toute l'angoisse d'un peuple face un avenir privé de liberté, un album essentiel qui nous fait nous interroger sur la grande fragilité des démocraties au regard des menaces totalitaires.
Merci à Babelio et aux Éditions Rue de l'échiquier
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Cette bande dessinée est politiquement très engagée. Elle dénonce les violences policières durant le mouvement anti-extraditions, les actions de la Chine vis à vis de Hongkong (ou plutôt Xianggang), la désillusion des ciroyens sur le principe d'"un pays, deux systèmes" qui n'est plus mis en place, mais aussi les difficultés rencontrées par les soignants durant l'épidémie de Covid qui a d'ailleurs stoppée le mouvement anti-extraditions.
Kwong-Shing Lau nous montre également un futur possible dans la partie "Hongkong 2019-2028", futur très négatif mais aux accents réalistes dans lequel il serait interdit de parler cantonais, où le portrait du président serait dans toutes les maisons, les citoyens forcés de s'auto-censurés à cause de la surveillance de leurs téléphones et des communications, la mise en place des vidéos-surveillances et du crédit social (déjà présents sur le continent), la propagande serait omni-présente, et les hongkongais auraient des difficultés à avoir des rendez-vous médicaux etc.
L'auteur va très loin puisqu'il a une planche appelée "Mein Führer", je ne vous dis bien évidemment pas à qui elle est associée ici, vous le devinerez aisément.
Les traits de crayon du dessinateur sont intéressants et les couleurs utilisées (noir, gris et blanc) donnent une certaine intensité au sujet traité.
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L'ouvrage d'un jeune artiste engagé, témoignage du cœur bouillant des hongkongais dans la tourmente !
En lisant "Hongkong, cité déchue", on aimerait se dire qu'on se lance dans une énième dystopie, que ça va être parfois dur à lire mais aussi exaltant. Pourtant, les planches et les illustrations qui défilent sont bien réelles. Elles représentent la vérité de ce que les hongkongais ont vécu et vivent encore dans leur lutte pour leur droit et pour leur liberté.
L'auteur, Kwong-Shing Lau, est un artiste né à Hongkong emmené jeune vivre au Japon par ses parents. A 8 ans, sa famille doit finalement rentrer en Chine et le jeune garçon connaît alors des brimades et des moqueries de la part de ses camarades comme de ses professeurs. Les stigmates de la guerre du Pacifique sont encore bien présents et les « bâtards de jap' » sont encore pris à parti. Ce qui le sauve et le tient hors de l'eau, c'est le dessin dont il a fait son métier
en grandissant et qu'il utilise à présent comme médium pour s'engager politiquement et pour témoigner. Nous avons beau nous croire loin de toutes ces violences, physiques et morales qui ont commencé finalement bien avant les manifestations de 2019 à Hongkong, nous devons nous rendre compte de la fragilité de notre monde libre. Au fil des pages, on ressent évidemment l'amertume et la douleur de l'auteur d'avoir observé directement ses concitoyens souffrir, se battre contre une police violente, sans scrupule et un gouvernement décidé à tout leur enlever, y compris leur vie. L'injustice bouillonne à l'intérieur, décrite dans le trait précis de l'auteur qui forme ses personnages et qui les remplit de traits griffonnés rappelant une colère à peine contenue.
Une première nouvelle raconte son propre parcours puis un ensemble de planches, appelées « Hongkong 2019-2028 » proposent une réalité spéculée étrangement proche de notre réalité. Kwong-Shing Law passe ensuite à des planches exprimant la "pause" du mouvement de protestation pendant le covid. Il nous rappelle les douleurs du personnel soignant, à bout de souffle réclamant désespérément un confinement de la ville. Enfin, une nouvelle intitulée "Flashback génération perdue" écrite en 2014 revient sur la jeunesse déjà bafouée qu'on privait d'espoir et de possibilité de s'imaginer devenir quelqu'un.
Ce jeune artiste fait preuve de beaucoup de courage en dessinant ces planches. Critiquer le gouvernement de Hongkong et aussi et surtout le PCC est aujourd'hui presque impossible. Or il est indispensable de se souvenir de la chute de Hongkong, de ce cri qu'a poussé toute une ville pour tenter de respirer, de conserver les libertés qu'elle possédait, malgré les coups, malgré la mort.
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Deuxième petit « patayo » pour moi, un éditeur découvert lors d’un festival du livre.
Ce petit format réserve décidément bien des surprise! Cette fois le dessin est noir et blanc, comme les touches d’un piano, celui là même qui égrène la musique de cette partition d’un instant. Car la trouvaille, c’est justement cela : ici, pas de texte ou de bulle, l’image est simplement accompagnée de notes de musique en bas de page. Plusieurs niveaux de lecture sont donc possibles, imaginaire, dansant, ludique, car on peut même écouter la partition en flashant le code en début d’ouvrage. L’image est sobre, mais en même temps très cinématographique, avec des travellings sur les personnages. On est parfois tenté de passer le doigt sur la page, tant les traits de crayons semblent frais sortis de leur mine.
C’est une histoire simple, mais cette simplicité est émouvante, tranquille, comme un hymne à la vie de chaque jour et de ses petits bonheurs. Un délice!
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Un grand merci aux éditions Patayo et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la Masse Critique Graphique d'avril 2024.
"C'est un jour tranquille, un homme et une femme se sont donné rendez-vous quelque part."
C'est l'histoire de cette bd muette en noir et blanc, où chaque page est une image, une scène, un décor, qui évolue en fonction de l'avancée d'abord de l'homme, puis de la femme, pour aboutir à leurs retrouvailles finales.
J'ai savouré ce petit livre tout en écoutant la musique dédiée, une musique douce, harmonieuse et parfaitement adaptée à l'histoire.
Mêler les deux arts est une excellente idée.
Cette BD m'a fait passer un beau moment de poésie, dans un état d'esprit de plénitude et de bien-être.
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Merci à la masse critique et petit patayo pour cette belle et douce découverte.
Fantaisie ordinaire nous conte, nous montre l histoire simple d'un rendez-vous entre un homme et une femme. L'originalité qui désarçonne est le manque de parole. Juste des dessins et une portée en bas de page. Un QR code qui nous emmène vers une musique de Victor Butzelaar qui mets en exergue le trait de crayon précis et poétique de Kwong shing Lau.
Un joli moment.
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C'est un tout petit livre plutôt sympa.
On est plus dans un storyboard que dans une bande dessinée, l'ambiance filmique est renforcé par plusieurs caractéristiques :
- Une page = une image
- Le découpage est pensé de manière cinématographique avec des raccords lors des changements de plan
- Une petite bande son est proposée à l'écoute lors de la lecture
Le tout se lit en moins de cinq minutes. C'est du papier mais ça s'aborde tout comme un clip ou un très court métrage.
La chute m'a fait penser à l'excellent court métrage "C'était un rendez-vous" de Claude Lelouch.
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« Hong Kong, cité déchue » est une compilation de dessins de presse et de planches de l’artiste ayant pour thème le pays aux deux systèmes, les violences policières en lien avec les manifestations pro-démocrates et les conséquences de l’arrivée du Covid. À la fois pour comprendre ce qui est en train de se passer là-bas d’un point de vue politique que dans les rêves des habitant·e·s, cet ouvrage est très riche et didactique. Certaines planches ont très réussies (notamment celles qui parlent de la crise sanitaire). Après il ne faut pas s’attendre à une BD de fiction majeure avec des personnages forts, des punchlines époustouflantes et des dessins hyper travaillés, il s’agit avant tout d’un témoignage d’un artiste citoyen retraçant une époque ; ceci afin que cette histoire ne tombe jamais dans l’oubli…Merci à Babelio et aux éditions Rue de l’échiquier pour l’envoi de cette oeuvre salutaire.
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