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Critiques de Emily St. John Mandel (565)
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La Mer de la tranquillité

°°° Rentrée littéraire 2023 # 21 °°°



Le roman est vraiment étonnant. Il démarre de façon très classique par le récit de l'exil forcé en 1912 au Canada Edwin, jeune aristocrate anglais qui ne rentre pas dans le rang, donnant peu idée de l'étrangeté à venir. Et puis Emily St. John Mandel change radicalement son braquet temporel avec des chapitres sis en 2020, 2203 et 2401, et surprend en faisant intervenir des personnages de ces précédents romans, Station Eleven et L'Hôtel de verre, sans faire de son roman une suite, plutôt une extension. Et surprend encore avec ses tropes SF ( colonies lunaires avec dômes climatisés et champs robotisés, voyage dans le temps ).



Oui, Emily St. John Mandel s'est bien emparée du genre SF. Mais ici, pas de monde à sauver ou de grosse machinerie de cet ordre. Plutôt que d'encombrer son intrigue d'avancées technologiques et gadgets geek, l'autrice se concentre sur les drames intimes qui secouent ses personnages et l'évolution de leur psyché. Sur un tempo limpide et apaisant, elle croise les différents arcs narratifs temporels en imaginant un superbe meta fil conducteur :



« Il titube péniblement entre les arbres et, quelques instants plus tard, Edwin se retrouve seul à scruter les branches. Il s'avance … et l'obscurité s'abat, comme provoquée par une cécité ou une éclipse. Il a l'impression de se trouver dans un intérieur caverneux, genre garde de chemin de fer ou cathédrale, il entend des accords de violon, il y a des gens autour de lui, puis un son impossible à identifier … »



Cette expérience paranormale est vécue de la même façon par les principaux protagonistes à des siècles d'intervalle, créant ainsi un suspense fragmenté qui se diffuse lentement, puis se déploie pour revisiter ce que l'on savait des personnages, permettant au lecteur de découvrir ce qui leur est arrivé dans les silences interstitiels et ce qui aurait pu leur arriver, jusqu'à ce que toutes les pièces du puzzle se mettent à leur place et donnent sens.



Même si la résolution en elle-même n'a rien de révolutionnaire, on est happé jusqu'à la fin, hypnotisé par l'élégance stylistique d'une écrivaine dentellière , par la beauté élégiaque et poétique qui se dégage d'un texte qui se fait méditation philosophique sur le temps, la solitude, ainsi que le libre-arbitre et les choix d'une vie dont on recherche le sens, inlassablement, douloureusement.



« Je pense que, en tant qu'espèce, nous avons le désir de croire que nous vivons le point culminant de l'histoire humaine. C'est une forme de narcissisme. Nous voulons croire que nous avons une importance unique, que nous vivons le dénouement de l'intrigue, que maintenant, après des millénaires de fausses alertes, arrive enfin le pire qui soit jamais arrivé : nous avons enfin atteint la fin des temps. (…) Et si c'était toujours la fin du monde ? (…) Parce que nous pourrions raisonnablement considérer la fin du monde comme un processus continu et sans fin. »



Un beau roman empreint de mélancolie, très inspiré.
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L'hôtel de verre

Moi, je n’aime pas les puzzles. Surement un traumatisme d’enfance lié à la perte d’une pièce venue ruiner la représentation d’une biche orange ou d’une copie crevassée d’un paysage de montagne digne d’un calendrier d’éboueurs.

Malgré cette allergie aux jeux de patience, je n'ai pas perdu mon temps dans la structure alambiquée de ce roman, casse-tête qui aurait pu casser d’autres parties moins pensantes de mon anatomie si son auteure n’avait pas été Emily St.John Mandel, cette romancière canadienne dont « Station Eleven », chef d’œuvre apocalyptique, a rejoint mon panthéon: l’étagère la plus haute et la moins stable de ma bibliothèque.

Assembler toutes les pièces de ce puzzle, c’est découvrir un ciel gris derrière une baie vitrée. Sur la paroi transparente, une inscription sous forme de graffiti : « Et si vous avaliez du verre brisé ? ». Une sensation de mal à la gorge est autorisée.

Cette vision glaçante est celle de l’hôtel Caiette, palais isolé sur une île au nord de Vancouver. Gîte pour millionnaires fatigués à trop compter leurs pépettes, l’établissement appartient à Jonathan Alkaitis, avatar de Bernard Madoff, le défrayeur des chroniques de 2008, le genre à organiser des diners mondains en pleine pandémie pour continuer à réseauter le VIP.

Le roman va raconter les circonstances de sa chute, de la ruine de tous ceux qui lui ont fait confiance, autant par naïveté que par avidité. Employés, compagnes et victimes vont interroger leur mauvaise conscience et Emily St.John Mandel les décrit ici comme des spectres amorphes que l’économie a extradé du monde réel, apatrides argentés qui trainent la malédiction de la culpabilité comme un boulet de vieux fantôme écossais. Les zombies de Wall Street.

Mais rassurez-vous, l’histoire ne fréquente pas uniquement les pages saumonées du Figaro pour pêcheurs de bons placements. Inutile d’être un crac du Cac 40, un nostalgique de la bourse de Paris avec René Tendron ou de suivre le cours du Dow Jones pendant son jogging à Central Park pour se passionner pour ce récit. Derrière chaque trader, oui, un être humain fragile sommeille et les personnages en orbite de ce scandale financier portent des traumatismes d’enfance, la perte d’être chers et la nostalgie des rêves brisés. Des gens anormaux comme tout le monde.

La structure narrative brillantissime utilisée par Emily St.John Mandel fait écho au montage financier utilisé par Madoff pendant des dizaines d’années : la fameuse pyramide de Ponzi. Pas le gars qui a la classe avec une banane sur la tête et un vieux cuir, sacré Fonzi. Il s’agit ici de Ponzi, un homme d’affaire qui en 1919 inventa cette magouille pour cols blancs pressés de finir millionnaires. Happy days. Si cette fraude consiste à rémunérer les investissements des clients non par des placements miraculeux mais par les apports de nouveaux gogos, l’auteure a très habilement construit de la même façon son récit, l’intrigue s’enrichissant au fur et à mesure de personnages secondaires qui prennent de plus en plus d’importance et portent l’histoire jusqu’à l’effondrement. Un échafaudage de gratte-ciel.

Sauts dans le temps, puis dans le vide, je me suis laissé séduire par cette histoire aride portée par une écriture à la fois distancée et poétique. Cette romancière excelle dans les personnages hors sol et dans les ambiances froides et mélancoliques qui rappellent certains films de Sofia Coppola.

Un peu lent au démarrage mais ensuite les pages se tournent toutes seules, emportées par le souffle glacial d’une bise canadienne. Pas l'haleine de caribou.

Je veux bien miser mon livret A sur la consécration littéraire d’Emily St.John Mandel. Rien que son nom fleure bon la postérité.

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L'hôtel de verre

Avec ce roman à la fois étrange et troublant, Emily St John Mandel plante son étendard là où l'ordinaire et l'étonnant se rencontrent, là où des personnes d'apparence banale s'arrêtent pour se demander comment ils en sont arrivés exactement là. Le roman s'ouvre et se clôt avec la disparition nocturne d'une femme prénommée Vincent, elle dégringole du pont d'un porte-conteneurs près des côtes mauritaniennes.



Vincent, caméléon à l'agilité sociale parfaite, entrée presque par hasard dans le royaume de l'argent, n'est qu'un des personnages qui peuplent le roman. Elle est accompagnée de Léon, cadre dans une compagnie maritime qui bascule dans la marge ; d'Olivia, peintre octogénaire qui a eu son heure de gloire ; de Paul son frère toxicomane et musicien et de bien d'autres. Tous ont gravité autour de Jonathan Alkaitis, financier new-yorkais, double romanesque de l'escroc Bernard Madoff. Tous ont été profondément impactés par les agissements de ce seul homme lorsque la pyramide de Ponzi s'est écroulée et que l'escroquerie a été révélée.



A partir d'un mystérieux oracle inscrit à l'acide sur la paroi de verre de l'hôtel, adressé à Alkaitis ( «  et si vous avaliez du verre brisés ? »Emily St John Mandel a un talent fou pour tisser un récit complexe et imbriqué, tressant magistralement les interconnexions entre ses personnages disparates. Elle alterne des couches temporelles oscillant entre judicieuses analepses et ellipses audacieuses, qui pourraient perdre le lecteur, mais au lieu de cela l'hypnotise, aspiré par ce kaléidoscope de destins ( le parcours de Léon est juste superbe, quel magnifique personnage ! ). Je me suis seulement extraite de l'envoutement durant une cinquantaine de pages, lorsque le récit narre la découverte de l'escroquerie financière autour du choeur des employés serviles qui ont fermé les yeux.



Entre satire, ironie et tragédie, se dessine in fine une réflexion profonde sur la mutabilité de la vie, sur les frontières poreuses entre la culpabilité et la responsabilité, entre le passé et le présent. Tout est flou dans le ressenti des personnages qui doivent se confronter à la réalité de leur vie. Dans ce roman hanté de fantômes, les passages les plus beaux sont sans doute ceux où Alkaitis en prison, assaillis par les fantômes de ceux dont il a détruit la vie, s'inventent une contre-vie afin de s'évader. Les sections oniriques de cette réalité alternative apaisante donnent lieu à des moments de lecture très intenses. Il y a tellement de façon de hanter une personne dans ce roman adulte et profond.





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Station Eleven

“La mort est une dette que chacun ne peut payer qu’une fois ”

Antoine et Cleopâtre .

Lors d’une représentation du roi Lear, Arthur Leander, acteur célèbre s’effondre sur scène. Personne dans la salle ne connaît encore le drame qui est en train de se passer dans le monde.

La grippe de Géorgie.

Dans le roman “ Station Eleven ”d’Emily St John Mandel on suit une troupe de comédiens et musiciens qui de ville en ville rejouent les pièces de Shakespeare et les musiques du grand Beethoven, une façon de faire perdurer les grandes œuvres de l’ancien monde.

J’ai aimé cette histoire où tout est à refaire, sa construction narrative qui nous fait voyager dans deux mondes, celle d’avant la maladie et celle d’après. La rencontre et l’histoire de Kirsten, Jeevan, Miranda ou Clark.

Dans ce roman tout est plausible, il n’y a qu’à regarder les informations sur le corona virus. L’homme se croyant supérieur est loin de tout maîtriser.

Dans la catégorie livres catastrophes j’avais aimé “ la route de Cormac Mc Carthy, “ dans la forêt ” de Jean Hegland, “ la constellation du chien ” de Peter Heller ou encore “ le fléau ” de Stephen King. On peut rajouter “ Station Eleven ” d’Emily St John Mandel.

Bonne lecture en attendant la fin de la pandémie.
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Station Eleven

Œuvre de science fiction pour ceux qui n'aiment pas la science fiction (et les autres). Et c'est tellement vraisemblable que c'en est flippant.



Les pandémies constituent un thème récurrent des romans post apocalyptique et ça nous parle : les scénarios imaginés par nos ministères de la santé lors de la menace de grippe aviaire qui nous avait fait regarder d'un œil suspicieux tout cygne sauvage pris à survoler nos poulaillers, faisaient froid dans le dos. Tant qu'il y aura du kérosène , il y aura des migrations intercontinentales qui favoriseront ce risque potentiel de contamination et il suffit d'un virus un peu plus hargneux que la moyenne pour que le drame potentiel devienne réalité .



Nous sommes conviés à une dramatique interprétation du roi Lear (l’acteur qui incarne le roi meurt sur scène) lorsque les premiers cas de grippe foudroyante commencent à faire parler d’eux dans les médias. Tout va alors très vite et l’humanité se réduit rapidement à une poignée d’individus naturellement protégés ou ayant eu la chance de ne pas être exposés.

Les instants de survie les plus primaires régissent les comportements et si l’on attaque pas il faut se défendre. C’est l’occasion de prendre conscience de la fragilité de ce qui fait notre confort : l’éclairage, le chauffage, la conservation de la nourriture disponible en quantité (en ce qui concerne notre monde occidentale) sans parler des innombrables gadgets qu’on nous a vendu comme incontournables.



La Symphonie Itinérante parcourt les décombres de la civilisation décimée en déclamant Shakespeare parce que l’art constitue l’espoir et l’espoir est nécessaire quand on a tout perdu. Rien à voir avec des super héros :



« Et tous ces gens, avec leur collection de petites jalousies, de névroses, de syndromes post-traumatiques non diagnostiqués et de rancœurs brûlantes, vivaient ensemble voyageaient ensemble, répétaient ensemble, jouaient ensemble trois cent soixante-cinq jours par an, compagnie permanente, en tournée permanente »



Le fil rouge du roman, le lien avec le temps d’avant la pandémie dans cette histoire où les prophètes surgissent du terreau de la détresse humaine, tourne autour du manuscrit d’un roman graphique né de l’imagination de la compagne du célèbre acteur disparu à la veille de l’épidémie.



C’est encore un fois très angoissant parce que terriblement plausible. Et Bruce Willis n’est pas là pour empêcher quoi que ce soit. La terrible réalité est là, du jour au lendemain, l’humanité fait une bond en arrière de quelques dizaine de milliers d’année, et le désarroi des survivants est à la mesure d’un paradis perdu dont ils n’avaient pas conscience.



C’est très bien écrit et mon seul regret tient à ce que je m’attendais à y trouver beaucoup plus de Shakespeare, qui n’est là que virtuellement. A peine quelques tirades viennent ponctuer le récit.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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La Mer de la tranquillité

Variation du très exploré voyage dans le temps d'une manière unique, poétique et ludique…



Ce livre est un livre très agréable à lire, et qui happe son lecteur immédiatement. Il démarre en 1912. Edwin, jeune homme de la bourgeoisie anglaise, venu chercher un sens à sa vie aux Etats-Unis, arrive sur l'île de Vancouver. En s'enfonçant dans la forêt de Caiette, il entend tout à coup une musique, des accords de violon très exactement, suivi d'un bruit étrange impossible à identifier tout en ayant la sensation d'être dans une sorte de caverne très sombre. Cela ne dure que quelques secondes, mais le jeune homme en reste pétrifié et profondément bouleversé, ce d'autant plus qu'il fait la rencontre, dans cette même forêt d'un étrange personnage, un homme d'église, comme surgi d'on ne sait où…En 2020, Paul Smith et sa soeur Vincent, que nous avions rencontrés dans le précédent livre de l'auteure, L'hôtel de verre, puis en 2203, Olive Llewellyn, double de l'auteure qui vient de publier un roman post-apocalyptique situé pendant une pandémie et le confinement consécutif, vont vivre ou relater la même chose. En 2401 l'institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l'univers et Zoey, brillante physicienne, s'interrogent sur ces anomalies qui la perturbent, bien trop de personnages ont vécu ce phénomène mystérieux qui semble traverser ainsi le temps et les époques. Que signifient-ils ?



Une théorie a émergé chez les transhumanistes de la Silicon Valley, théorie avec laquelle Emily St. John Mandel va s'amuser : Alors que vous êtes sur Babélio, sur votre ordinateur ou sur votre téléphone, que vous lisez ces lignes, puis que vous comptez aller vous reposer, ou préparer le repas, sortir le chien ou aller travailler, imaginez deux secondes, que vous ne soyez que le simple fruit d'une programmation informatique dans une sorte de vaste simulateur. Oui, et si nous vivions dans une simulation ? Qu'est-ce que l'existence dans ce cas ? Serait-ce si grave de vivre une pseudo vie dans une simulation si nous n'en sommes pas conscient ? « Si nous vivons dans une simulation, comment saurions-nous qu'il s'agit d'une simulation ? » Et comment vivre dans ces conditions si nous en avons l'intuition ?



L'auteure, d'une manière facétieuse, propose, pour répondre à cette question, d'éclater le monde en mille morceaux, de déchirer l'espace-temps, de croiser les histoires possibles avec grâce et poésie en une construction brillante mais sans rigueur et questionnement scientifique, d'où quelques facilités par moment qui peuvent faire tiquer le lecteur en quête d'explications plus poussées, je pense notamment aux plus férus de SF…C'est davantage un univers dans lequel nous invite Mandel que dans une quête de sens rationnel, la science-fiction n'est qu'un moyen mais pas une fin en soi. Ainsi voyons-nous des capsules lunaires dans lesquelles le ciel terrestre est reproduit, des forêts sur l'île de Vancouver dans lesquelles de drôles de personnages s'égarent, des périodes de confinement analysés de façon troublante…C'est un livre empreint d'une belle mélancolie et je dois dire que cela apporte beaucoup de charme venant compenser grandement la petite frustration éprouvée par les facilités scénaristiques que j'ai parfois pu ressentir.





Oui, nous sentons que Mandel a mis son propre vécu dans ce livre au travers du personnage d'Olive. Sur une colonie lunaire, en l'an 2203 cette écrivaine est connue pour avoir écrit un roman se déroulant après une pandémie. Elle est en tournée promotionnelle lorsqu'une véritable pandémie se déclenche, menant à des confinements. Troublant lorsque nous savons que Emily St. John Mandel, a écrit un roman post-apocalyptique quelques années avant une véritable pandémie et des confinements…De fait, Olive incarne à la fois la réalité de l'auteure (livre écrit certainement pendant le confinement quelques années après Station Eleven), son autobiographie (de nombreuses questions sur le pourquoi et le comment des romans post-apocalyptique , si nombreux, jalonnent le texte et nous sentons que ce sont des questions qui taraudent Mandel et dans ce livre elle donne des réponses et se confie. Elle fait même dire à Olive que les récits sur les voyages dans le temps est un thème rabattu, comme pour s'excuser d'en faire un nouveau) et la science-fiction qui est le thème de prédilection de l'auteure (l'histoire d'un voyage dans le temps que Mandel nous propose selon sa vision à elle, plus poétique que scientifique, plus ludique que sérieuse) qui se mélangent.



« Je suis convaincue que si nous nous tournons vers la fiction post-apocalyptique, ce n'est pas parce que nous sommes attirés par le désastre en soi, mais parce que nous sommes attirés par ce qui, dans notre esprit, risque fort de se produire. Nous aspirons en secret à un monde moins technologique ».



Lire L'hôtel de verre avant de lire ce livre-là n'est pas une condition nécessaire mais comme il est plaisant de retrouver les personnages de ce précédent livre lorsque nous les connaissons ! C'est un plus indéniable.

Bien sûr, qui dit voyage dans le temps dit modification, ou pas, de l'histoire, éternelle et passionnante question. de nombreuses questions métaphysiques, celles relatives au voyage dans le temps mais d'autres aussi, sont abordées avec pertinence.



« Il y a toujours quelque chose. Je pense que, en tant qu'espèce, nous avons le désir de croire que nous vivons le point culminant de l'histoire humaine. C'est une forme de narcissisme. Nous voulons croire que nous avons une importance unique, que nous vivons le dénouement de l'intrigue, que maintenant, après des millénaires de fausses alertes, arrive enfin le pire qui soit jamais arrivé : nous avons enfin atteint la fin des temps ».





L'auteure renouvelle donc le thème très classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages, jusqu'au vertige. C'est beau, mélancolique, haletant, c'est une façon vraiment singulière d'approcher ce thème récurrent de la Science-Fiction. Si certaines facilités ont quelque peu, par moment, tempéré mon enthousiasme heureusement il a été également bien nourri par le charme réel du livre. Je l'ai lu d'une traite avec grand plaisir et c'est un livre de science-fiction accessible au plus grand nombre qui ne peut laisser indifférent.



« Aucune étoile ne brûle éternellement ».



Un grand merci à Stéphane ( @Lenocherdeslivres ) à qui je dois la lecture des deux livres de cette auteure, j'ai suivi ses conseils, excellents, en lisant d'abord L'hôtel de verre puis La mer de la tranquillité.



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L'hôtel de verre

Assemblée avec la précision d’une montre suisse, cette intrigue promène son lecteur durant 35 ans (1994/2029) sur les océans du globe et les ruisseaux financiers en compagnie de plus de 35 personnages qui découvrent au fil des pages que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, que les rendements financiers extraordinairement réguliers et profitables ne peuvent pas être honnêtes et qu’un destin peut, à tout instant, être brisé.



Roman noir qui évoque l’escroquerie de Bernard Madoff et le principe de la pyramide de Ponzi, révèle les coulisses sulfureuses de la musique techno et les ravages provoqués par les stupéfiants, dévoile les mécanismes industriels et logistiques de la mondialisation avec son cortège de cargos immatriculés dans des états fantômes et ses montagnes de containers bourrés de textiles ou de produits électroniques, et nous plonge dans le monde des hyper riches évoluant entre le Canada, New York et les Emirats, encombrés d’escort girls aussi futiles que dépensières.



Roman social qui analyse les conséquences de la chute dans le vide quand l’épargne d’une vie disparait dans une escroquerie, quand les études financées à crédit débouchent sur un job mal payé et rendent illusoire le remboursement des emprunts, quand la précarité et la pauvreté obscurcissent le décor quotidien.



Roman moral lorsque, arrivés à la case prison, les escrocs sont hantés par les fantômes de ceux qu’ils ont exploité, ruiné ou tué, et que ces apparitions génèrent le remords et alimentent une interrogation sur les fins dernières … dans les pas d’un Dostoïevski, d’un Volkoff ou d’un Morris West.



Coupantes comme le verre, ces 400 pages demandent une attention soutenue, cachent quelques pièges (comment imaginer Vincent être un prénom féminin ?), dissèquent les ambitions, les illusions et les passions et laissent le lecteur abasourdi et émerveillé au terme de ce qui me semble l’un des meilleurs romans de l’année confirmant Emily St. John Mandel révélée par Station Eleven.



La quatrième de couverture claironne « L’hotel de verre figure sur la liste des 17 livres préférés de Barak Obama en 2020 », je précise qu’il fait partie de la liste de mes 17 livres préférés en 2021 ;-)))
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L'hôtel de verre

Une femme, Vincent, tombe de nuit d’un porte-conteneurs malmené par la tempête. Treize ans plus tôt, elle travaillait avec son frère Paul à l’hôtel Caiette, un luxueux établissement isolé sur l’île de Vancouver. Son destin basculait le soir où, juste quand le milliardaire new yorkais Jonathan Alkaitis pénétrait dans l’hôtel, un mystérieux et inquiétant tag apparaissait sur la façade vitrée : « Et si vous avaliez du verre brisé »…





Le récit commence là où il finira, dans un plongeon à pic et un tumulte d’images ultimes. Happé par la frénésie de l’incipit, le lecteur apprendra bientôt ce qui s’est enclenché un quart de siècle plus tôt, préparant Vincent à se laisser emporter par une illusion qui la perdra, en même temps que presque tous les personnages. Ce mirage a un nom et un visage : Jonathan Alkaitis, alter ego romanesque de Bernard Madoff, organisateur d’une gigantesque escroquerie construite sur le principe de la pyramide de Ponzi.





Comment une arnaque aussi massive, que d’aucuns avaient pourtant publiquement percée à jour, a-t-elle pu prendre autant d’ampleur et durer si longtemps ? Emily St John Mandel met en évidence les mécanismes humains qui ont conduit les protagonistes à se laisser enfermer, plus ou moins consciemment, dans une vulnérable mais séduisante bulle d’irréalité, à l’image de cet hôtel de verre, cocon douillet et exclusif à l’écart du monde, dont on en vient à oublier qu’il pourrait voler en éclats comme du cristal. Choisissant de ne voir que ce qu’il veut bien, selon l’opportuniste principe qu"'il est possible de savoir quelque chose et en même temps de ne pas le savoir", chacun s’aveugle en jouant du flou entre réel et virtuel, entre mensonge et apparences, pour apprendre à s’arranger avec ses craintes et ses scrupules, dans un complexe jeu de dupes où l’illusion finit par prendre corps.





Cette exploration psychologique construit peu à peu une galerie de portraits nuancés, souvent ambivalents, d’une grande humanité. Il s’en dégage une mélancolie de plus en plus prégnante, au fur et à mesure que s’estompe l’effet hypnotique du mirage qui maintenaient les personnages dans leurs illusions et leurs faux-semblants. Bientôt ne subsistent plus que la réalité crue du malheur et de la déchéance pour les uns, l’insupportable hantise de la culpabilité pour les autres, dans une évocation où affleurent émotion et poésie.





Savamment enchevêtrés, les éléments narratifs de cette histoire s’assemblent en un tableau désenchanté d’une société tellement obsédée par l’argent, qu’elle en arrive collectivement à se convaincre de la réalité de fantasmes insensés. Une lecture troublante sur la plasticité de nos représentations mentales, lorsque l’intérêt parvient à ce point à distordre notre perception du réel.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La Mer de la tranquillité

Je lis les chroniques de tout le monde qui glorifie ce roman, et je me demande pourquoi, moi je ne ressens pas la même chose.

Pourtant, à la lecture de ce récit, je pensais à deux films que j’adore énormément : La Jetée de Chris Marker et l’Armée des 12 singes de Terry Gilliam, notamment avec tous ses passages où Gaspery apparaît dans la vie de certains à différents moments de leur existence (les fillettes, le pont, un meurtre). Parce qu’il y a des fuites dans le passé pour ne pas revenir, parce qu’on peut se faire arrêter si on ne respecte pas la ligne du temps, parce qu’il y a des histoires du virus… Alors, j’aurais dû apprécier ce roman.

Le mystère qui entoure cette rupture du temps à Caiette sous l’érable avec la berceuse au violon et le son de l’aéronef, poésie auditive transmis par l’écrit, aurait également dû me plaire, me fasciner…

Parce que ses histoires de la vie sur La Lune sous les dômes, avec ses lumières éteintes et sans ses sons de la Terre, étaient le reflet d’une vie terrifiante pour ceux qui connaissent le chant des oiseaux et les belles lumières que l’on peut voir sur Terre par exemple, lorsque les nuages sont rose et orange au levée du Soleil…

Parce que j’adore les romans qui parlent de Voyage dans le temps. Mes préférés étant Le Grand Livre de Connie Willis, Terminus de Sweterlitsch, Destination Fin du monde de Silverberg, Flashforward de Robert J.Sawyer, La Brèche de Lambert…

Tout était présent pour apprécier ce roman. J’adore son écriture, j’ai adoré Station Eleven et L’Hôtel de Verre… Et toutes ses belles citations qu’elle nous transmet, ses belles réflexions qu’elle nous évoque…



Mais alors,

Alors pourquoi me suis-je tant ennuyée pendant ma lecture ? La fatigue ? Suis-je devenue blasée par des lectures similaires ? J’espère bien que non. Ce serait plus que triste. Alors, je souhaite que ce ne soit que la fatigue et que dans quelques années, je me projette à penser, à un voyage dans le temps vers le futur, dans lequel j’ouvrirais de nouveaux les pages de La Mer de la Tranquillité, pour mieux l’apprécier cette fois-ci.

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La Mer de la tranquillité

De la friture sur l’horloge.

Avec toutes ces histoires de machines à voyager dans le temps, de fantasmes uchroniques et d’altérations inopinées du passé, on peut se demander ce qu’attend la science pour se mettre au diapason de la littérature depuis le roman d’H.G Wells en 1895. Chercheurs, arrêtez de chercher, garez la DeLorean en double file et essayez de trouver de temps en temps, nom de Zeus ! Il suffirait de transformer nos rêves en équation.

Comme la logistique a donc du mal à suivre, Emilie St John Mandel science-frictionne à son tour sur ce marronnier de campeurs de la Lune, sans se focaliser sur le mode d’emploi des treks temporels. Lors d’une croisière, on ne visite pas la salle des machines. Elle s’intéresse aux émotions de ses personnages et aux passions qui tatouent la mémoire. Les personnages ont des brèches dans lesquelles le temps se faufilent.

En 1912, un jeune anglais oisif qui se cherche s’exile sur l’île de Vancouver et il est témoin d’un phénomène étrange dans une forêt : écran noir, notes de violon et vrombissement d’une machine inconnue. Encore plus bizarre que de tomber sur quelques illuminés qui font des câlins aux arbres avec leur Sylvothérapeute à polaire parce qu’ils n’ont personne pour leur gratter le dos à la maison. Bégaiement du coucou ? Interférences entre l’heure d’hiver et l’heure d’été ? Overdose de cèpes ?

En 2020, Mirella, veuve depuis « l’Hôtel de Verre », ce personnage secondaire du précédent roman d’Emilie StJohn Mandel, dont je vous conseille la lecture, assiste à la projection d’une vidéo lors d’un concert expérimental mettant en scène une amie disparue qui témoigne du même phénomène. L’hallucination ne peut pas être collective et ce n’est pas non plus une intoxication avec le jus de cèleri et l’émulsion de fèves du tonka servis pendant l’entracte pour la faune culturelle citadine. J’extrapole.

Cet arrêt sur image fait l’objet également d’une description dans le roman d’une certaine Olive Llewellyn, écrivaine d’une colonie lunaire venue promouvoir son livre sur terre en 2203, en pleine pandémie. Nouvelle référence à un précédent ouvrage de l’auteure : le magistral « Station Eleven ».

Un personnage mystérieux, Gaspery Roberts, vacataire du futur à l’Institut du temps, enquête sur cette anomalie et s’invite dans les trois époques incognito pour comprendre l’origine du bug.

La manie de vouloir réécrire l’histoire ne date pas de nos petits déboulonneurs de statues mais ce récit est bien plus intéressant que ces moralisateurs du passé car il interroge la réalité du monde et l’incapacité à être heureux dans le moment présent.

Pour les cinéphiles, l’atmosphère du roman est plus proche de « l’année dernière à Marienbad » d’Alain Resnais que de Matrix. Emilie St John Mandel (on dirait un nom de personnage de la série policière en charentaise « Barnaby ») nous épargne les effets spéciaux de manche mais elle structure son roman comme une succession d’illusions pour des personnages qui ne recherchent plus le temps perdu, étouffés par des madeleines au goût amer. Perso, je préfère les Figolus.

J’ai apprécié la construction du récit et le dénouement donne presque envie de reprendre les premiers chapitres pour revisiter l’histoire avec toutes les clés de compréhension.

Je trouve aussi que la science-fiction sied (ODP, tu m’as scié, arrêtes de lire des classiques, tu écris comme un mort) plutôt bien au style évanescent et froid d’Emily St.John Mandel.

Je ne savais pas que la mer de la tranquillité est une mer lunaire située sur la face de la lune qui montre ses fesses à la Terre. Pensez à mettre vos tongs la prochaine fois que vous serez dans la lune.

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L'hôtel de verre

Un roman d'époque, celle de la première décennie du nouveau millénaire, entrelaçant de manière fragmentée et acérée, les excès scandaleux de la finance aux questionnements sur nos choix de vie : ceux que nous aurions pu faire lorsqu'il était encore temps, questionnements particulièrement douloureux, les vies parallèles possibles qui s'en suivent, ainsi que tous les fantômes qui nous habitent du fait de nos choix.

L'hôtel de verre est un édifice qui, lorsque nous le regardons bien, réserve plein de lectures possibles, plein de pièces cachées. Un casse-tête, un puzzle en trois dimensions inséré dans un récit non linéaire, dans lequel l'auteure saute d'une époque, d'un personnage, d'un continent à l'autre, d'un point de vue à l'autre, sans effort, avec une étonnante souplesse, permettant à la forme d'épouser le fond.



Oui, un roman d'époque, Emily St.John Mandel braquant son projecteur sur le monde d'avant, pendant et immédiatement après la crise de 2008. Lumière est faite sur les excès de Wall Street, sur les montages éhontés du monde de la finance, sur la façon dont des personnes pourtant intelligentes les ont soutenus, jusqu'à son éclatement. La métaphore du verre prend alors tous son sens. L'auteure s'appuie pour cela sur le scandale Bernard Madoff, à l'origine d'une vaste arnaque, arrêté en décembre 2008 ainsi que quelques-uns de ses employés, tous complices d'avoir perpétré un crime massif. Il a créé en effet une vaste pyramide de Ponzi, arnaque consistant à récupérer des capitaux auprès d'investisseurs, parfois des personnes qui mettent là toutes leurs économies, celles pour leur future retraite, et de les rémunérer avec un rendement inouïe, attirant par là même d'autres investisseurs, le miel attirant les abeilles, rémunération fictive en réalité fruit du vol des personnes qui viennent d'arriver. Une arnaque en chaîne…Forcément la pyramide s'écroule un jour, notamment lorsque de nombreux investisseurs veulent retirer leur argent tous en même temps.

Intéressant de traiter de la pyramide de Ponzi, édifice particulièrement opaque et malsain, pour soutenir cet hôtel de verre, ce monde épuré où l'argent et l'aisance, l'insouciance qu'il permet, offre une vie calme, dénouée de turbulences, semble-t-il. L'hôtel de verre transparent posé sur le sommet de la sombre et machiavélique pyramide de Ponzi, vous percevez l'image surréaliste que cela dessine dans votre imaginaire ? C'est cela ce livre…et lorsque l'édifice de verre explose, pour les protagonistes, c'est comme avaler du verre brisé tant l'impact est bouleversant…prison fédérales, terrains de camping, clubs marginaux et interlopes, l'auteure braque le projecteur sur ces lieux vers lesquels les coulisses bien propres de Wall Street peuvent mener.



« Léon n'avais pas compris et il avait néanmoins confié à Alkaitis son épargne-retraite. Il n'avait pas réclamé des explications détailles. L'un des défauts caractéristiques de notre espèce : tout plutôt qu'avoir l'air stupide. La stratégie d'Alkaitis lui avait semblé obéir à une certaine logique, même si la mécanique précise –options d'achat, ventes à découvert, buy and hold, conversions – échappait à son entendement ».



L'hôtel de verre est la métaphore du monde de la finance, bel édifice épuré en apparence. Une métaphore également, nous l'aurons compris, du monde des puissants, des riches. L'hôtel de verre est aussi ce que nous abritons en nous en termes de facettes, de pièces, nos choix, nos regrets, nos obsessions. Qui peuvent nous faire exploser, fragilité humaine intrinsèque qu'un rien peut faire éclater. Si j'ai trouvé le traitement de la pyramide de Ponzi intéressant, j'ai trouvé cette facette du livre totalement passionnante, me retrouvant avec émotion dans les questions soulevées. Les différents protagonistes tentent d'imaginer leurs vies si certaines décisions avaient été prises dans le passé, vies parallèles possibles dans lesquelles ils se perdent parfois, des « contrevies ». Une vie suppose nécessaire une « contrevie » que nous n'avons pas vécu. Sur cet aspect, le livre m'a fait penser au monumental 4,3, 2, 1 de Paul Auster. Ce roman qui s'écoule telle une rivière qui se séparerait en bras. Au lieu de prendre un chemin et de nous raconter une histoire, l'auteur américain se veut omniscient et décide de prendre tous les bras de la rivière, en parallèle, pour voir ce que cela donne. Une expérience de littérature. Quatre histoires, quatre destinées pour un même personnage. Nous sommes bien entendu loin de ce monument, mais ici Emily St.John Mandel touche du doigt cet aspect, avec délicatesse et poésie, si c'est beaucoup moins impressionnant, ça n'en reste pas moins troublant et renvoie à nos propres choix. Surtout, j'y ai retrouvé la même mélancolie, ces destinés fruit du hasard et de choix qu'un rien aurait pu changer…



« Ce qui la retenait dans le royaume, c'était le fait – précédemment inconcevable – de ne pas avoir à penser à l'argent, car c'est bien cela que l'argent vous procure : la liberté de cesser d'y penser. Si vous n'en avez jamais été privé, vous ne pouvez pas comprendre la profondeur de cette donnée, à quel point cela change radicalement votre vie ».



Le livre est également rempli de fantômes, de « vrais » fantômes, non là pour donner un accent gothique ou fantastique au livre, l'auteure y voit plutôt des projections de nos culpabilités, des spectres qui nous hantent. Nous avons tous en nous quelques spectres, non ? Il nous arrive tous d'imaginer notre vie si nous n'avions pas pris telle ou telle décision…Nous reconnaissons tous des décisions prises parfois sous le coup de la facilité. C'est pourquoi ce livre vibre, il tinte comme lorsque nous effleurons du doigt un verre de cristal, il « chante » avec mélancolie. Fantômes de la culpabilité donc mais aussi fantômes des deuils qui hantent la vie des protagonistes, notamment la jeune Vincent qui ne parvient pas vraiment à s'en libérer.



Et puis l'hôtel de verre, au-delà d'être une métaphore au sens multiple, est réellement un hôtel, l'hôtel Caiette, établissement dressé au milieu d'une nature sauvage, sur une petite île de Vancouver. Une nuit un étrange message est gravé à l'acide sur un des murs de verre du hall : « et si vous avaliez du verre brisé ? ». Vincent, prénom rarement employé pour une femme, est serveuse dans cet hôtel et ce message la perturbe grandement. Elle sait que c'est son demi-frère, le taciturne Paul, qui travaille comme agent d'entretien, qui l'a écrit. Au même moment, elle fait la rencontre de Jonathan Alkaitis, milliardaire, propriétaire de l'hôtel, qui lui offre de jouer le rôle de sa femme en échange d'une vie luxueuse, à l'abri des soucis financiers. Or l'immense richesse de cet homme repose précisément sur une immense pyramide de Ponzi.



« Nos clients, à Caiette, ont envie de voir la nature sauvage, mais il ne veulent pas être dedans. Ils veulent juste la regarder, idéalement par la fenêtre d'un hôtel de luxe. Ils veulent être à proximité de la nature sauvage ».





En résumé, ce livre est un livre non linéaire composé d'une multitude de points de vue permettant d'offrir plusieurs perspectives à différents moments du temps, comme le ferait un édifice en verre, mettant en exergue des histoires intimes de fantômes et de choix de vie, maillées à un thriller financier basé sur le mécanisme de la pyramide de Ponzi. Une façon d'illuminer l'humanité trop souvent oubliée dans les dédales de la crise financière, de parler aussi, à côté des pertes financières, de la culpabilité, de l'hypocrisie, de la honte, du courage…Un livre sur la perte de confiance dans le genre humain aussi. J'ai lu ce livre en apnée. Plongeant, comme l'héroïne, dans l'eau glacée des méandres de nos interrogations existentielles actuelles. Il me tarde de retrouver les personnages principaux de ce livre dans le tout dernier livre de l'auteure canadienne de cette rentrée 2023, raison pour laquelle, tout comme l'a conseillé Stéphane (@Lenocherdeslivres) à qui je dois cette lecture (merci à toi), j'ai décidé de lire l'hôtel de verre avant La mer de la tranquillité…titre énigmatique en fan de Fernando Pessoa que je suis…



« Donnez-moi du calme, donnez-moi des forêts, l'océan et pas de routes. Donnez-moi les promenades à pied à travers bois jusqu'au village en été, donnez-moi la brume se levant sur l'eau, donnez-moi la vue sur les branches feuillues, le matin, de ma baignoire. Donnez-moi un endroit où il n'y ait personne, parce que jamais plus je ne ferai totalement confiance à quelqu'un ».





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Station Eleven

En ces derniers jours avant l'apocalypse, Arthur Leander, ancienne star de cinéma, incarne le Roi Lear dans un petit théâtre de Toronto, et meurt sur scène d'une crise cardiaque foudroyante. Une mort qui passe inaperçue, puisque bientôt une pandémie mondiale de grippe se répand et ne laisse que quelques poignées de survivants dispersés sur la planète. le monde connu a disparu, dépeuplé, plus d'électricité, d'eau courante, d'internet, de pétrole, d'argent, de nourriture. L'humanité est revenue à la préhistoire, les souvenirs et la nostalgie de l'ancien monde en prime. Dans cette nouvelle ère, les survivants se rassemblent en petites communautés, apprennent à chasser pour se nourrir, à tuer pour ne pas l'être. Parce que si beaucoup de choses ont disparu, le Mal et la soif de pouvoir subsistent, incarnés par des brigands de grand chemin ou des prophètes de malheur qui rêvent d'emprise sur les biens matériels mais surtout sur les âmes, et les corps des femmes.

Dans ce nouveau monde étriqué, on suit, vingt ans après l'effondrement, la Symphonie Itinérante, à la fois orchestre et troupe de théâtre, qui se déplace d'une communauté à l'autre dans la région des Grands Lacs pour y jouer Shakespeare et Beethoven. Parce que l'art, vestige de l'ancien temps, a lui aussi survécu, et qu'il faut le préserver, comme les souvenirs, dans l'espoir qu'un jour l'humanité se relèvera...

Station Eleven est un roman à la narration éclatée, passant d'une époque à l'autre, d'un personnage à l'autre, et assemblant peu à peu les pièces du puzzle. Quelques-uns de ces personnages en sont le fil rouge, Arthur Leander, l'acteur mort sur scène, Kirsten, une jeune comédienne orpheline recueillie par la Symphonie Itinérante, et Miranda, la première épouse d'Arthur et l'auteure d'un roman graphique visionnaire et mystérieux, intitulé Station Eleven.

J'ai beaucoup aimé cette histoire, ses personnages attachants, sa construction parfaitement maîtrisée, son écriture douce et apaisée malgré les drames qui se succèdent, sa mélancolie, sa foi en l'art, la pureté de certains moments. Des moments poignants, remuants mais sans pathos, quelques scènes ou images puissantes (la décision de Frank, l'avion confiné en bout de piste avec passagers et équipage à bord,...), voilà ce qui m'a marquée. Tout ça, et la nécessité de l'art, parce que "survivre ne suffit pas". Et puisque malheureusement rien dans cette histoire n'est impossible: carpe diem.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La Mer de la tranquillité

Mélancolie intemporelle



Un phénomène surnaturel survient toujours de la même façon à différentes époques.

Une expérience intense et intrigante pour ceux qui la vivent. Une berceuse jouée au violon suivie d'un bruit très étrange qui pourrait être celui d'un engin spacial qui décolle.

Peu évident pour Edwin, l'exilé anglais, qui en 1912 va vivre un moment absolument hallucinant au pied d'un érable d'une forêt de l'île de Vancouver. Tout cela n'est qu'un début car Emily St John Mandel va nous faire voyager sur un axe temporel qui va nous mener jusqu'en 2401, sur une colonie lunaire.

En cette année très lointaine, l'institut du temps détecte une anomalie qui vient perturber la cohésion temporelle de l'univers. Zoey, une brillante physicienne s'interroge sur la reproduction de ce phénomène et laisse alors partir à regret son frère mener une enquête à travers différentes époques...



Si j'ai trouvé la partie historique intéressante, la partie contemporaine ne m'a pas vraiment transporté. Tout a réellement décollé pour moi lorsque l'on est passé dans le futur. Une dimension où Emily St John Mandel excelle avec maestria.

Boucles temporelles, anomalies, simulations, colonies lunaires technologies avancées, l'auteure nous suggère des univers très évocateurs et nous promène avec aisance sur l'axe du temps.

Mais attention, ici la science-fiction est un moyen et non une fin. Les adeptes des voyages temporels risquent la déception. Ce roman aborde avant tout des questions métaphysiques. Quelles répercussions peuvent avoir nos choix sur nos existences ? Les traces que nous laissons peuvent elles avoir un impact sur l'avenir ?

Et surtout, des sentiments qui modèlent à eux seuls une belle histoire mystérieusement fantastique.



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Station Eleven

« Il y eut la grippe qui explosa à la surface de la terre, telle une bombe à neutrons, et le stupéfiant cataclysme qui en résulta, les premières années indescriptibles où les gens partirent sur les routes pour finalement se rendre compte qu'il n'existait aucun endroit, accessible à pied, où la vie continuait telle qu'ils l'avaient connue auparavant ; il s'installèrent alors où ils pouvaient – dans des relais routiers, d'anciens restaurants, des motels délabrés -, en restant groupés par mesure de sécurité. »



C'est dans ce monde post-apocalypse que nous suivons un groupe de survivants, comédiens et musiciens itinérants qui font halte dans les colonies du nouveau monde. A partir de ce point de départ très classique, la construction de ce roman est très habile, choisissant comme point de pivot celui qui a peut-être été le patient zéro, le célèbre comédien Arthur Leander. Parmi les survivants, une jeune femme qui a joué le Roi Lear avec lui le jour de sa mort sur scène, son ex-femme, son fils, un journaliste, son meilleur ami, et un Station eleven, comics créé par sa première épouse, devenu une sorte de relique. Les aller-retours dans le temps, avant l'apocalypse et jusqu'à 20 ans après, sont brillamment orchestrés et se rejoignent de façon cohérente, mais pendant les deux tiers du livre, je me suis un peu ennuyée.



Il m'a manqué une atmosphère forte et intense alors que de très belles idées étaient là, pas assez exploitées ni explorées à mon goût, comme l'idée que c'est par l'art, la culture, Shakespeare ou Beethoven, que l'on peut se raccrocher au monde qui a été, et surtout faire revivre des instants de civilisation pour ceux qui ne l'ont jamais connu. « Parce que survivre ne suffit pas », telle est la devise de la troupe la Symphonie itinérante. Autre idée forte pas assez approfondie , la mainmise de gourous prophétisant sur la fin du monde et profitant de l'aubaine pour se créer des harems d'esclaves sexuels autour de communauté tenue par la force.



Reste que j'adore les romans d'anticipation post-apocalyptique, la réflexion qu'ils suscitent, l'éclairage critique sur notre société actuelle inconsciente et inconséquente dans ses actes. Et les deux derniers chapitres m'ont accroché, surtout celui qui décrit la colonie de l'aéroport : des rescapés qui attendent là comme on attend un avion qui tarde et qui y sont toujours 20 ans après, à y donner la vie, à mourir, à se souvenir de la dernière fois qu'ils ont mangé un cornet de glace ou vu un bus circuler, tout en essayant de ne point devenir fou.



Je conseille à tous les amateurs du genre le magistral Dans la forêt de Jean Hegland, à mon sens plus abouti.

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La Mer de la tranquillité

« J’ai été déroutée par votre livre, lui dit une femme à Dallas. Il y avait tous ces fils narratifs, tous ces personnages, et j’attendais plus ou moins qu’ils finissent par se rejoindre, mais non. Le roman se terminait, point final. » ● 1912. Edwin St. John St. Andrew, le cadet d’une famille d’aristocrates anglais, met les pieds dans le plat au milieu d’un dîner rassemblant sa famille et des amis : il dénonce la colonisation britannique en Inde, alors que ses parents sont liés au Raj, qui est un sujet de nostalgie infinie pour sa mère, et injurie son ancêtre Guillaume le Conquérant en le traitant de bâtard viking. La sanction est immédiate : il est condamné à l’exil par son père : il devra aller au Canada pour y faire ce qu’il voudra, aidé par une petite rente pour subvenir à ses besoins. ● J’ai résumé les premières pages du roman, mais elles ne sont pas tellement représentatives, car très vite on part vers les XXIe, XXIIIe et XXVe siècles dans ce qui semble d’abord être des nouvelles, avant qu’on se rende compte que les personnages de ces récits sont bien liés entre eux. ● C’est le premier livre que je lis d’Emily St. John Mandel, et en lisant d’autres critiques je me suis rendu compte qu’elle y reprenait des personnages et des lieux de son précédent roman L’Hôtel de verre. Cependant, il est tout à fait possible de lire La Mer de la tranquillité de façon indépendante comme je l’ai fait. ● L’intrigue est complexe, il y a en effet plusieurs « fils narratifs » et beaucoup de personnages, mais contrairement à la citation que j’ai mise en exergue, ils finissent bel et bien par se rejoindre, et la construction du récit est brillante. ● Mais, passionné des voyages dans le temps, je dois dire que je n’ai pas trouvé mon compte dans cet ouvrage ; je n’ai pas été emporté par le récit, qui est trop complexe, je n’ai pas vibré comme avec d’autres récits de voyages temporels. Ici, le voyage dans le temps est institutionnalisé et strictement réglementé ; le récit tout entier est fondé sur un seul paradoxe temporel (peu original) qui revient comme un motif obsessionnel dans toutes les parties ; le roman est très cérébral et manque de charme et de cette capacité à fabriquer du rêve chez le lecteur à partir de cette thématique pourtant si propice.
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Station Eleven

Avant, il y avait l'électricité, l'aviation, Internet, la musique et Shakespeare...

Après le Chaos, il reste les souvenirs, la musique et Shakespeare...



Voici de la science-fiction mélancolique comme j'ai eu peu souvent le plaisir d'en lire, débarrassée de tout artifice de thriller post apocalypse.



Une pandémie de grippe fulgurante anéantit 99% de la population mondiale: en quelques jours, la société telle que nous la connaissons disparaît, laissant des individus perdus sans le tout-technologique.



Peu à peu, l'image d'un nouveau monde plausible se dessine en miroir de la civilisation disparue: des rescapés en petites communautés, capables du pire en violences et faux prophètes, mais aussi du meilleur par l'entraide, l'empathie, le désir de transmettre. Au-delà du sens pratique pour résister, c'est une réflexion sur le deuil, la capacité de résilience et le refus d'abdiquer sa part d'humanité pour la barbarie.



Avec une belle profondeur émotionnelle, des images fortes* et une construction narrative intelligente qui brouille les pièces du puzzle, Emily St John Mandel nous fait mourir, renaître et survivre avec ses personnages, établissant des liens entre eux, entre l'avant et l'après.



Et s'il reste un message fort, c'est de nous faire ouvrir les yeux sur notre société de privilégiés, sur la beauté de la nature (qui reprend ses droits), le confort fragile de notre civilisation qui paraît si évident, et l'importance de l'art, de l'amitié et de l'amour.



"Parce que survivre est insuffisant"



* ... qui resteront comme une carcasse d'avion, vigie mausolée au bout d'un tarmac.

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Station Eleven

Kirsten, une très jeune figurante, assiste, lors d'une représentation du roi Lear, à la mort de l'acteur Arthur Leander sur la scène d'un théâtre de Toronto. Peu après, une pandémie extermine une grande partie de l'humanité. On retrouve la jeune femme, vingt ans plus tard, avec des comédiens et des musiciens qui circulent autour du lac Michigan. Les plus âgés se souviennent du monde perdu qu'ils tentent d'expliquer aux plus jeunes. Mais le nouveau monde est hostile, la troupe privée de tout confort doit aussi se protéger des agressions et « parce que survivre ne suffit pas » : elle joue des œuvres de Shakespeare et Beethoven.



Dans ce récit post-apocalyptique, où l'on fait de nombreux allers retours entre le passé et le présent, Emily St. John Mandel a choisi l'acteur disparu comme fil conducteur qui relie tous ses personnages. Avec eux, elle nous entraîne dans un monde dévasté et violent, mais qui n'est pas sans espoir, car il en existe encore quelques-uns pour croire en l'immortelle beauté de l'art.

Merci à Babelio et aux Editions Rivages pour ce roman ingénieux et pénétrant.

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La Mer de la tranquillité

Ici dans ma critique, pas d'explosion !

Nous ne sommes pas dans une de ces fables à gros budget de ce Monsieur de la Fontaine.

C'est que paraît-il, il avait l'oreille du roi et les faveurs de la Cour !

Pourtant comme cette grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu'un boeuf, - quelle idée saugrenue ! - ce livre, de chroniques élogieuses en critiques rutilantes, a vu sa réputation enfler, enfler et encore, et encore ... jusqu'à ce que Perrette qui l'avait emprunté au fils du laboureur, ne finisse par me le céder avec moult recommandations de lecture.

Elle est comme ça Perrette, elle est un peu trouble-fête, divulgâcheuse et rabat joie.

Mais on l'aime comme elle est !

Et puis depuis sa sortie de route avec son camion de lait, elle tient parfois de drôles de propos ...

Le retour dans l'ombre après une telle starisation n'est pas toujours si facile !

Enfin ...

"La mer de la tranquillité" est un roman de science-fiction d'Emily St. John Mandel.

Il a été publié en août 2023 aux éditions "Payot & Rivages".

Je n'ai pas aimé ce roman.

La première partie m'a semblé s'ouvrir comme un atelier d'écriture ni convainquant, ni convaincu.

Edwin St John St Andrews a dix-huit ans et pas grand chose à faire dans la vie.

Après une énième provocation familiale, ni une ni deux, il est bon pour une longue errance vers le Canada ...

Cette première partie n'éveille vraiment pas l'intérêt mais, par un épilogue très "vu-à-la-télé-dans-ma-série-préférée", la curiosité et le rebond semblaient devoir être au rendez-vous d'une deuxième partie qui a "slidé" plus de cent ans dans un avenir qui est maintenant notre plus proche passé ...

Et si, voyage dans le temps il doit y avoir, c'est à un fac-similé un peu loupé de la revue "Fiction" qu'il semble mener ...

Je me suis laissé emmener dans ce récit, sans surprises, sans réel plaisir de lecture avec l'envie toujours déçue d'être surpris.

Pourtant, ce roman a remporté un certain succès et un succès certain.

Et l'on ne peut pas toujours avoir raison contre toutes et tous !

Se pourrait-il que je sois passé à côté par manque d'adaptabilité de lecture ?

Très récemment, une nouvelle science-fiction est apparue, plus sensible, plus fine mais aussi moins définie et plus difficile à saisir.

Se pourrait-il que trop gorgé de la science-fiction de papa et de grand-papa, je sois un peu inadapté à ce nouveau genre de ma littérature de genre ?

Me faudra-t-il une cure de désintoxication ?

Y arriverai-je un jour ?

Suis-je un cas perdu dont Perrette se détournera fatalement un jour ?
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La Mer de la tranquillité

J’aime entrevoir un avenir supposé, si lointain que je ne le connaîtrai pas !



Mais avant de plonger vers l’avant, Emily nous ramène en 1912, en Colombie britannique. Edwin y est exilé, mais finit par y trouver sa place. Une balade en forêt donne lieu a un curieux phénomène. À la limite de l’onirisme.



Saut dans le temps en 2020, puis en 2203 et 2401 : qu’est-ce qui relie ces époques ? Qui est ce personnage récurrent qui semble défier le temps ?



C’est un roman vertigineux, de la science fiction sur le thème du voyage dans le temps avec ses paradoxes et ses lois. Pas de développement technique, c’est juste possible et c’est tout. Cependant, l’impact potentiel sur le monde politique est tel que le secret est bien gardé et nécessite de ne pas enfreindre elles règles .



C’est passionnant, inventif, et superbement écrit.



Shakespeare n’est pas oublié dans l’histoire, pour créer un lien avec Station eleven





Grand moment de plaisir pour cette lecture



30 pages Payot et rivages 23 août 2023

Traducteur (Anglais): Gérard de Chargé
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Station Eleven

« Durant ces premiers jours, il était encore inconcevable que la civilisation puisse ne pas s’en remettre du tout. »



« Ravage » de Barjavel et « Malevil » de Merle sont les deux seuls ouvrages que j’ai lus et que je me souviens avoir associés à une « fin du monde » provoquée par des catastrophes qui, à l’époque me paraissaient très lointaines voire impossibles.

Un pur sentiment de vraie science-fiction.



Probablement après avoir subi comme tout le monde la Covid 19, la lecture de « Station Eleven » a, dès les premiers chapitres, sournoisement provoqué en moi une impression d’éventuelle réalité, de possible anticipation. Le ver était dans ma pomme.

J’étais mûr à point pour gober toutes les répercussions envisagées par l’arrivée d’une grippe de Russie (pour changer) qui tue en deux jours la majorité de la population du globe.



J’entame donc ce roman comme un futur manuel « Castor junior » du survivant de la pandémie avec ses lots de désarrois et d’anxiétés pour le citadin que j’ai toujours été.

Ma dépendance n’a d’égal que mon incapacité à vivre sans l’assistance du modernisme.

Que ferais-je sans électricité, sans eau, sans nourriture aisément accessible, sans moyen de me déplacer, sans communication et enfin sans amour, ni ami ?



Emily St John Mandel a écrit un roman attrayant par son habile construction, un peu long parfois par son manque d’action mais toujours anxiogène par sa formulation.

An 20 après le cataclysme : Tous les survivants sont en quête d’un être cher, d’un refuge calme et serein ou simplement d’une réponse, ils endurent chaque jour les drames d’une existence de déracinés. Ils sont pour la plupart liés par leur amour de la musique et du théâtre au sein d’une troupe, la Symphonie Itinérante dont Kirsten est le personnage principal.

Cette jeune femme avait cinq ans et faisait de la figuration dans la pièce de Shakespeare « Le roi Lear » lorsque sur scène meurt Arthur, une star du théâtre et du cinéma et que débute l’épidémie destructrice de la civilisation…



Le charme de ce roman réside dans les multiples liaisons que tissent l’auteure entre les différents protagonistes, dont « Station Eleven » en est l’axe central et Arthur le bras armé.

Son bras qu’avec respect toute la presse people admire.



J’ai refermé mon livre, j’avais fini. J’ai levé le nez, un peu dérouté et je suis parti un peu comme un zombi faire les courses en vélo à la superette du coin. La caissière m’a souri, ma carte bleue a fonctionné, mon réfrigérateur ronronne comme le chat que je n’ai pas.

La vie est sur « on ». J’ai tellement eu peur !







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