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Critiques de David Mitchell (240)
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Cartographie des nuages

Une adaptation cinématographique peut-elle nuire à l'appréciation d'un livre ?

En plus d'en pourrir la couverture — l'art de l'affiche de films s'étant depuis longtemps perdu — à l'occasion de son obligatoire ré-édition, peut-elle influencer l'image que l'on gardera d'un roman, même sans l'avoir visionnée, autre que leur stérile et mécanique comparaison ?



Dans ce cas, il n'est même pas la peine de les confronter : le visionnage de la bande-annonce ne faisant que confirmer ce que la fiche technique préfigurait, les Wachowski étant reconnus pour la sûreté et la constance de leur mauvais goût, acquis depuis le légendaire Matrix, dont l'esthétique publicitaire marquera pour des générations les lunettes de soleil et les téléphones Nokia ( paix à leurs âmes, moi qui leur suis resté fidèle… ), exploit d'agrégat de bonnes idées, tant visuelles que narratives, venant d'autres personnes, vilainement gâchées par certains codes manichéens du genre hollywoodien ( le sempiternel traitre, etc. ), mais qui reste malgré tout, et de très loin, leur meilleur oeuvre — hissée au rang de film générationnel, le tout-mercantilisme ne s'étant jamais aussi bien porté — le reste faisant office de défouloir pour maquilleurs, costumiers et scénaristes insomniaques.



Egalement « à grand spectacle », ce roman offre une kyrielle d'actions le long de ses six histoires gigognes, les liens les reliant plus ou moins ténus ; c'est sûrement là son principal défaut, abondamment relevé, alors que l'auteur avait réussi le plus dur : rendre chaque volet également intéressant et consistant, tout en y variant profondément le style, ce dont la traduction s'accommode très bien.



Ecueil de cette publicité, un certain bouche à oreille s'étant transformé en téléphone arabe : il n'existe pas plusieurs traductions ou versions françaises, simplement différentes couvertures, passant d'un sobre piano bâché à une effrayante et peu crédible bande de saltimbanques trop maquillés.

C'est la version originale qui est double : l'anglaise, puis l'américaine, retouchée postérieurement, faisant foi pour sa transposition dans notre langue.

Certains blogs, en sus d'autres coquilles dans leurs textes, ont colporté cette prétendue différence, elle qui ne s'arrête qu'aux apparences.



Le plaisir du divertissement de qualité est bien présent, servi avec une certaine finesse, loin des pièges de la post-modernité, chausse-trappes dans lesquels le cinéma est tombé, à se demander si on a lu le même livre…



Le talent de David Mitchell saute au visage, mais impossible de se départir de cette appréciation croisée, ou comment répondre à sa propre question : oui, l'âme de ce livre ( mais pas celle des horloges ) est entachée par sa balourde adaptation, dissipant le souvenir de ces pages tournées à toute vitesse, l'épilogue ne venant pas soutenir le générique de fin.

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Slade house

Des jumeaux télépathes, une antique maison trop stylé, une porte métallique qui apparaît comme par enchantement tous les 9 ans, des gens qui disparaissent moins par enchantement, une ambiance aussi fourbe que ce moustique qui ruine ma nuit.

Comment parler de Slade House sans en dévoiler trop?

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Utopia Avenue



Outch ! Cette plongée dans les années 67-68 aura été ma claque littéraire (et musicale) de l'été !

C’est un temps que les moins de...60 ans (gloups!) ne peuvent pas connaître, du moins pas autrement que par les souvenirs de leurs aînés, ou, on y revient, la Musique, avec un grand M.

Pink Floyd, les Who, Janis Joplin, Brian Jones, Jimi Hendrix ou Frank Zappa, ça vous parle ? Moi je suis tombée dans leur chaudron magique à l’adolescence, quand tous étaient déjà au sommet de leur gloire, mais ici on les croise au fil des pages, se produisant dans des clubs pour initiés ou commençant à accéder à quelques grandes scènes. Comme j’aurais aimé vivre dans le swinging London à cette époque ! Même si ce n’était pas le pied pour tout le monde, les événements qui émailleront l’année 68 en Europe et aux États-Unis se chargeront de nous le rappeler…



Et Utopia Avenue, vous vous en souvenez ? Mais si, rappelez-vous, ce groupe à la croisée entre folk-rock, influences psychédéliques et pop anglaise, toujours pas ?

Rassurez-vous, c’est normal, parce qu’ils sortent tout droit de l’imagination débridée de David Mitchell, mais ils sont plus vrais que nature, et toute l’ambiance et les personnages « secondaires » (!) sont si réalistes qu’on s’y croirait.

Utopia Avenue, au départ ce sont quatre individus qui sont réunis par un manager canadien débutant et très discrètement homosexuel (ça ne « passe » pas encore, à l’époque) : Levon Frankland, qui souhaite lancer ses propres poulains, et qui sait, les propulser sur la scène internationale et les premières places des charts (les classements des radios ou de la presse spécialisée). Laissez-moi vous les présenter (je vous préviens, le billet va être long, quand je suis passionnée je ne compte pas, donc n’hésitez pas à survoler si ça vous gave).



D’abord on rencontre Dean Moss qui vit le pire jour de sa vie, il vient de perdre son logement, son boulot, et sa dernière paye parce qu’il s’est fait braquer. Quand il croise Levon, il est au bout de sa vie, il ne lui reste que la basse Fender pour laquelle il s’est endetté, mais celui-ci va lui faire une proposition…

On les retrouve au 2i’s Coffee Bar où se produit un groupe en déliquescence, les Blues Cadillac. Malgré la médiocrité de l’ensemble, deux membres émergent du lot : le guitariste Jasper de Zoet, et le batteur Peter Griffin dit « Griff ». Grâce à une petite entourloupe, Dean va avoir l’occasion de leur montrer ses talents à la basse.



Jasper est né d’un riche père hollandais qui n’entretient plus aucune relation avec lui, mais pourvoit à ses besoins matériels, et d’une mère anglaise. Il abrite en lui un hôte indésirable depuis son adolescence, qui revient régulièrement lui gâcher la vie et auquel il doit un long séjour dans une clinique spécialisée. Il tient le coup grâce à des anti-psychotiques. Mais bientôt l’hôte en question va repointer sa vilaine tête : Toc-Toc !



Griff, le batteur, vient du Yorkshire et a fait son apprentissage musical dans le milieu du jazz. Plutôt brut de décoffrage, il n’a pas la langue dans sa poche et ne demande pas mieux que de tenter de nouvelles expériences.



Mais il manque un clavier là-dedans, vous ne trouvez pas ? Et des voix ? Enfin pour le chant, Dean et Jasper assurent, mais un timbre féminin, ce serait un sacré plus. Justement, Levon a repéré Elf Holloway, chanteuse folk et pianiste de formation, qui vient de se séparer de Bruce avec lequel elle formait un duo. C’est le moment pour elle de se lancer dans une nouvelle aventure !



Et l’alchimie va se faire, entre ces quatre musiciens issus pourtant d’univers et de milieux sociaux différents, la magie de la musique va opérer. Bien sûr les débuts seront durs, concerts dans des salles minables, déboires financiers, la gloire se fait attendre et ce n’est pas si facile de concilier les égos, surtout quand trois membres du groupe composent et veulent chacun sortir leur « single ». Mais vaille que vaille, on suit leur parcours tout au long de ces 750 pages divisées en grandes parties portant le nom des différents LP (les 33 tours vinyles de l’époque), subdivisés en chapitres dont chacun s’intitule comme l’une des chansons de la face A ou B. Et on fait plus ample connaissance avec ces quatre personnalités, à tour de rôle, on en apprend plus sur leur jeunesse, leur famille, et les événements qui les ont amenés à leur vie présente. Des tragédies vont évidemment se produire, chacun a dû ou devra se confronter à ses propres drames. Parallèlement, le monde va entrer dans l’ère de la contestation, aux États-Unis comme en Europe on assiste à d’immenses rassemblements contre la guerre au Vietnam, mai 68 arrive, les drogues de toutes sortes circulent presque librement, les relations sexuelles se libèrent avec les conséquences que cela peut engendrer.

Mais la ségrégation n’a pas dit son dernier mot…



750 pages, ça vous paraît peut-être beaucoup pour parler d’un groupe fictif et d’une société aujourd’hui reléguée dans les souvenirs des anciens hippies ? Moi ça m’a semblé bien trop court, j’aurais voulu que ça dure encore et encore. Pourtant je ne fais pas trop partie de la team « c’était mieux avant », j’ai bien conscience que le progrès permet à nombre d’entre nous de vivre mieux, et que les années 60-70 ont connu leur lot de conflits, de misère sociale et de précarité sanitaire. Mais, pour ce qui est de la musique et des autres arts, oui, c’était un âge d’or, une explosion de créativité, de spontanéité où on n’avait pas peur d’innover, et où nos sens étaient bien plus réceptifs, on n’avait pas besoin qu’un réseau social nous dicte la tendance mainstream du moment. « encore une vieille babs », penseront peut-être certains...bon, c’est réducteur, mais j’assume !



J’ai quand même un tout petit bémol, minuscule, mais qui m’empêche de mettre cinq étoiles (c’est qu’on devient exigeant, après tant de billets!). A certains moments, le jargon entre musicos devient inaccessible à la simple amatrice que je suis. Je suis totalement incapable de décrypter la moindre portée, alors imaginez, quand on me parle de pulse ternaire, de piste rythmique en 5/4, de jouer les graves en arpège et de tout renverser après la section médiane, je suis larguée. Mais ces passages ne représentent que quelques lignes par-ci par-là et parleront aux connaisseurs, dont l’auteur fait partie.



Mais ce minuscule point excepté, j’ai tout aimé dans ce roman, y compris la discrète touche de fantastique qui s’intègre merveilleusement bien à l’histoire. Voilà une lecture que je ne suis pas prêt d’oublier !

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Cartographie des nuages

Une fois n'est pas coutume, j'ai vu et adoré le film avant de lire le livre. Du coup, hérésie suprême, j'avais peur d'être déçue par le livre ! Bien évidemment et heureusement, cela n'a pas été le cas, même si les deux œuvres sont assez différentes.



Pour commencer, parlons de l'histoire. Ou plutôt, DES histoires. Car oui, ce livre est composé de six histoires, se déroulant à des époques différentes avec six personnages principaux.



Nous avons Adam Erwing, homme de loi du XIXème siècle ; Robert Frobisher, un talentueux compositeur en 1931 ; Luisa Rey, une journaliste dans les années 70 ; Timothy Cavendish, un éditeur dans les années 2000 ; Sonmi-451, une clone dans un futur pas si lointain ; et enfin Zachry, qui vit dans un futur post-apocalyptique.



Ces personnages sont bien sûrs liés, et on découvre comment au fil de la lecture.



Le grand talent de l'auteur est d'avoir réussi à écrire ces six histoires dans des styles complètement différents. Du journal de bord au récit oral en passant par le roman épistolaire ou l'interview, chaque type de narration correspond parfaitement à l'époque où se situe l'histoire.



L'auteur a même fait évoluer la langue au cours des époques, passant du langage châtié de Erwing à celui, plus familier, de Cavendish, avant d'en inventer des évolutions possibles dans les deux époques futuristes. Cela donne une tangibilité incroyable à ces deux époques, même si le récit de Zachry en devient parfois difficile à comprendre (d'ailleurs, chapeau au traducteur, il a dû s'arracher les cheveux sur cette période ! ).



Bien que j'aie mes petits chouchous (Cavendish et Sonmi-451), toutes ces histoires sont aussi intéressantes les unes que les autres. Le même thème revient dans chacune d'entre elles, à savoir la révolte contre une injustice, mais cette lutte est toujours racontée différemment, et de manière très talentueuse.



On a également une impression de fatalité, voire de pessimisme. Les gens peuvent peut-être changer des choses au cours de leur vie, mais l'humanité, elle, progresse dans une direction déterminée et rien de pourra dévier sa course.



Ce pessimisme est d'ailleurs à mon sens ce qui différencie le plus profondément le livre du film. En effet, les histoires ont été modifiées dans le film, notamment leurs fins, afin d'apporter une touche d'espoir que ne possède pas vraiment le livre.



Quoi qu'il en soit, j'ai adoré ce livre. Il n'est peut-être pas d'un abord très facile, surtout si l'on n'a pas vu le film, car on peut se demander où l'auteur veut en venir. De même, les changements d'époque sont parfois déstabilisants, le récit pouvant être coupé au beau milieu d'une phrase. Mais la récompense est à la hauteur de l'effort fourni, car il s'agit d'un roman vraiment riche et passionnant, et une expérience littéraire inoubliable.



Je pense que je vais beaucoup le faire lire autour de moi, et je vous le conseille chaudement, même (et surtout) si vous n'avez pas aimé le film.
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Cartographie des nuages

Pfiou... Quel choc !!



Cartographie des nuages… c’est le nom donné à son sextuor par Robert Frobisher en 1931. Le jeune homme est installé dans le château de Zedelghem, et sert d'assistant au vieux Ayrs, un compositeur anglais de renom. Il écrit de longues lettres à son ami Sixsmith dans lesquelles il lui narre son quotidien et lui décrit les affres de la création musicale.



Et voilà qu'il découvre une moitié de livre qui l’intéresse fort, contant les pérégrinations d’Adam Ewing, homme de loi anglais qui voyage dans les Iles Chatham en 1850. Ce dernier assiste, impuissant et résigné, à l’esclavage pratiqué par des autochtones sur d’autres tribus. C'est la première histoire de ce livre incroyable qui m'a émue et captivée, un vrai coup de coeur !



Le ton est en effet donné dès le premier récit - il y en a 6, tour à tour drôles, tragiques, émouvants, dont 5 sont découpés en deux parties. Ces derniers sont tous imbriqués (vous découvrirez comment on passe de l’histoire d’Ewing à celle de Frobisher, puis Luisa Rey, Sonmi 451 et Zachry…), se passent à des époques différentes certes mais ont un commun des individus étrangement reliés par une tache de naissance, et mettent en lumière un destin individuel, un homme ou une femme ayant à lutter contre des événements plus ou moins dramatiques.



Qu’ils soient englués dans un monde terrifiant (qui peut prendre bien des aspects, de la maison de retraite à la société du futur) ou en butte à l’hostilité de leur milieu, chacun est seul. Luisa Rey, mon personnage préféré, combat une installation nucléaire dans les années 70, Sonmi 421 est un clone qui s’est rebellée et qui a découvert l’horrible destin de ses semblables, Cavendish est un vieux bonhomme mis au rebut dans une maison qui n’aurait rien à envier à l’établissement de Vol au-dessus d’un nid de coucou…



Le constat est donc amer. L’humanité est perdue. Il n’y a plus rien à en espérer pour la simple et bonne raison que personne ne tire les leçons du passé, chacun répète les mêmes erreurs. voilà, c'est un éternel recommencement.



La civilisation elle-même est un leurre. Il suffit d’un grand « boum » nucléaire pour que l’homme retourne à l’état de barbare. Le récit "La croisée d'Sloosha pis tout c'qu' a suivi" est plutôt édifiant. C'est le seul qui soit "entier" et qui constitue le point d'orgue de cette histoire de l'humanité. C'est la réponse de Mitchell à la naïve question d'Ewing : "Prétendez-vous que la race blanche ne domine point par la grâce divine mais par le mousquet ?"



C’est un roman bourré de références ciné et littéraires si on sait lire entre les lignes, construit de manière brillante, qui m'a vraiment estomaquée. La traduction est excellente, cela a dû constituer un tour de force pour reproduire ces styles littéraires différents, SF, thriller, récit de voyage du 19ème, genre épistolaire et surtout le langage imaginaire de l'histoire centrale. Chapeau.



Génie et inventivité de l'écrivain qui imaginé toutes ces boites gigognes pour amener le lecteur à réfléchir sur nous, jeu de miroirs, voyage dans le temps qui laisse songeur. Je ressors étourdie de cette lecture, éblouie par la virtuosité de Mitchell et son implacable logique. Légèrement tempérée par la dernière phrase...



Le 13 mars sort l'adaptation ciné. J'ai vu le trailer récemment, en suis tombée amoureuse, je fonce le voir la semaine prochaine. Evidemment.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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L'âme des horloges

Un excellent pavé de plus de 700 pages, plusieurs époques et plusieurs lieux, de nombreuses analyses sociales et un peu de fantastique.



On commence en 1984 où on fait la connaissance de Holly Sykes, une ado amoureuse devenue fugueuse. Elle ne reviendra que lorsqu’on lui apprendra que son petit frère a disparu. Holly sera la fil conducteur de ce roman choral un peu déroutant, car on y rencontre des personnages qui représentent des contextes sociaux variés.



On se baladera en Suisse avec un étudiant d’Oxford qui y va pour les vacances après avoir visité un vieux militaire dans une maison de retraite.



On accompagnera un journaliste affecté aux zones de guerre, qui verra ses amis mourir en Afghanistan et qui sera tiraillé entre sa famille et son dangereux métier.



On ira en Australie, en Colombie et en Islande avec un auteur britannique qui a connu un grand succès, mais qui n’a souffert des commentaires vicieux d’un critique dont il cherchera à se venger.



On pénètrera même dans le futur, un futur post apocalyptique, avec une planète ravagée par les changements climatiques, les épidémies et les pénuries d’énergie.



On croisera un peu de fantastique, de bravoure et de lutte contre le mal, avec des âmes damnées et des individus immortels.



Un livre riche et bien écrit, qui nous emmène ailleurs tout en étant branché sur les problèmes du monde.

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Cartographie des nuages

Je ne suis pas sûre d'avoir su tracer une cartographie des nuages ni d'avoir saisi toutes les subtilités de cet étonnant roman, mais le fait est que j'en sors enchantée et impressionnée devant la construction intellectuelle qui le sous-tend.

Plusieurs époques, différents personnages, diverses intrigues se croisent dans ce livre. A priori rien ne les relie et pourtant, d'indices en signes, on comprend peu à peu que tous ces récits sont liés, les personnages se retrouvent sous d'autres identités dans chaque histoire, et là le tournis délicieux vient de se dire que la dimension temps n'a pas de sens, que les actes des uns à un moment donné influent sur ceux des autres en un temps autre, voire que ces histoires se déroulent en parallèles dans des couches de réalités concomitantes, illustrant la fascinante théorie des multivers...

Mais même sans aller jusque là, on se régale à suivre chaque histoires, toutes écrites dans des styles différents avec un étonnant brio.

J'ai une tendresse particulière pour le personnage de Zachry, clé de voûte me semble-t-il du roman, qui, depuis son temps futur, pose toutes les interrogations profondes qui donnent un sens à ce livre brillant et singulier, et qui pousse la réflexion plus loin que l'oeuvre cinématographique pourtant bonne qui en a été tiré.
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Cette maison

Je ne lis jamais de roman fantastique ou d’épouvante (trop craintive, stephen king m’a vaccinée à 20 ans...) mais je me suis laissée entraîner malgré moi (un peu comme les protagonistes de l’histoire) dans Slade House. Découpé en plusieurs récits (qui se recoupent et forment une entité), ce texte étrange ne se raconte pas, il se savoure (comme l’âme de nos chers personnages). Un texte qui fait froid dans le dos.
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Utopia Avenue

C'est à une période mythique du rock, qu'il soit pop, folk ou psyché, que s'attaque David Mitchell dans ce vaste roman. Nous suivrons, haletants, pendant deux ans un groupe (imaginaire), Utopia Avenue.



Adoncques en 1967 à Londres Jasper (guitare), Dean (basse), Elf (claviers) et Griff (batterie) sont découverts par un impresario canadien, qui les pousse à jouer ensemble car s'ils sont dissemblables ils sont aussi chacun dans leur genre très talentueux. Il a vu juste car cette alchimie, pas évidente au premier abord, fonctionnera à plein, amenant des concerts d'abord en Angleterre, puis en Europe avant de partir pour New-York puis la Californie en 1968.



Elf a connu du succès avec des compositions folk, en solo puis en duo. Elle a été trahie par son amoureux avec qui elle se produisait et donc décide de parier sur le groupe. David Mitchell prend le temps de détailler tous les titres parus sur trois albums, selon le signataire de la composition, qui prend alors la parole dans sa narration.



C'est un bonheur de chaque instant de suivre les aventures de ces quatre inséparables si différents. Ils rencontreront beaucoup de très grands noms, ou futurs grands noms, de la scène de ces deux années. Et ils devront aussi faire face à leurs démons personnels...



Je suis un lecteur régulier de David Mitchell et si j'avais un reproche à lui faire ce serait la complication parfois excessive de ses intrigues, qui flirtent souvent avec le fantastique le plus échevelé. J'ai relevé dans ce roman deux références assez marquantes à des romans plus anciens. Jasper de Zoet, le guitariste, est un descendant du Jacob de Zoet de "Les mille automnes de Jacob de Zoet". Et nous retrouverons aussi le concernant des protagonistes de "L'âme des Horloges". Mais il n'est pas nécessaire de les avoir lus pour apprécier le roman. Il se suffit amplement à lui-même. Même après avoir lu ses presque 750 pages, on en redemanderait volontiers !



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Cartographie des nuages

Le livre de David Mitchell, Cartographie des nuages est paru aux éditions de l’Olivier.
J’ai beaucoup aimé ce livre si curieux par la construction et intéressant au niveau du récit qui fait s’entrecroiser plusieurs vies à des époques différentes. Si certaines de ces nouvelles sont situées dans le passé ou dans le présent, les autres appartiennent à la littérature de science-fiction .

Le protagoniste d’une des histoires, musicien, compose “un sextuor de solistes empiétant les uns sur les autres ” : piano, clarinette, violoncelle, flûte, hautbois, violon;”.

Ce qu’il en dit résume bien la construction de ce livre : ” Dans le premier mouvement, chaque solo est coupé par le suivant; dans le second, les soli reprennent successivement là où ils se sont interrompus.”
Effectivement il y a six histoires dans ce livre, six vies qui s’interrompent pour laisser place a une autre avant d’être reprises par la suite. “Véritable révolution ou simple procédé?” s’interroge l’artiste. Je ne saurais le dire mais en tous cas c’est une réussite.

“Chaque instrument parle une langue définie par une clé, gamme et couleur.” ajoute le musicien.

Ce qui est remarquable, en effet, c’est que chaque récit est comme une partition qui changerait de style selon le personnage, le siècle dans laquelle il vit, la destinée qu’il affronte. Chacun a une tonalité qui lui est propre, triste ou nostalgique, cruelle ou âpre, humoristique, férocement satirique, chacun est un prétexte a explorer une époque, à en saisir l’essence, en montrer les faiblesses, dénoncer les horreurs. Brillantes variations selon qu’il s’agit d’une femme ou d’un homme, d’une personne âgée ou jeune, de notre passé lointain ou récent, de notre présent ou de notre futur car David Mitchell s’essaie aussi à la science-fiction dans deux des récits. On s’intéresse aux personnages, on peut s’identifier à certains d’entre eux ou en rejeter d’autres selon notre sympathie pour eux car les récits sont prenants.

Piano : Adam Ewing rédige le journal de sa traversée du Pacifique. C’est un homme de loi américain, honnête et scrupuleux, bon croyant. Il manifeste parfois les préjugés de sa classe sociale et de sa religion mais son humanité, l’intérêt qu’il porte aux autres y compris aux indigènes des pays qu’il visite (nous sommes en Nouvelle-Zélande dans l’archipel de Chatham) le rendent sympathique. Nous sommes au XIXème siècle, colonisation, asservissement des races au nom de la religion et de la prétendue supériorité des blancs.

Clarinette : Robert Frobisher, rejeton d’une bonne famille anglaise, déshérité par son père, se met au service du grand compositeur Vivyan Ayrs trop malade pour continuer à composer. Du château Zedelghem en Flandre il écrit à son ami Sixsmith des lettres datées de 1931. Rapports humains qui se fondent sur l’appartenance à une classe sociale et la fortune. Exalté, sans scrupules, cynique, voleur, il voue à la musique une passion qui le consume et qui représente ce qu’il a de mieux en lui. L’art paraît être la seule porte de sortie.

Violoncelle : Luisa Rey, journaliste américaine, idéaliste et courageuse, risque sa vie pour déjouer un complot nucléaire dans les années 70 en Californie. Le récit montre la corruption du pouvoir qui n’hésite pas à sacrifier les êtres humains à l’argent et au profit.

Flûte : Timoty Cavendish vit dans un présent qui nous ressemble où les vieux sont enfermés dans des maisons de retraite, antichambres de la mort. Début inquiétant d’une déshumanisation, solitude.

Hautbois : Somni-451 est une clone. Dans la dictature où elle vit les clones sont des esclaves au service des Sangs-Purs. La liberté individuelle est niée. La science sans conscience a créé une société sans espoir qui fonctionne à la manière du nazisme en éliminant ce qu’il y a d’humain dans l’Homme.

Violon : Zachary, est un survivant de cette civilisation, dans un futur encore plus lointain, après la Chute c’est à dire après la destruction de la civilisation de Somni. C’est le retour à une forme de barbarie où prévaut la loi du plus fort dans une civilisation éclatée qui porte encore des traces de l’ancienne. Pourtant , la solidarité possible entre les peuples,est un léger espoir dans la survie de l’Humanité.

La langue parlée évolue avec les époques et il faut saluer la vive imagination et le style protéiforme de David Mitchell qui parvient même à créer un langage du futur, contemporain de Somni , et un autre contemporain de Zachary , ce dernier n’étant qu’une corruption de la langue parlée à l’époque de Somni.
Ingénieux aussi comment ces récits se transmettent de l’un à l’autre malgré l’éloignement dans les siècles et comment les personnages sont reliés entre eux par un fil qui assure la cohésion de l’ensemble.
Lien : http://claudialucia.blog.lem..
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Utopia Avenue

Ce livre a été mon livre de l'été. Je l'ai aperçu sur les rayons de la librairie Gilbert jeune ( librairie rock s'il en est…) avec une recommandation du magasin. J'ai hésité après avoir soupesé les plus de 700 pages de l'ouvrage, puis me suis laissé tenter.

Je n'ai pas été déçu loin de la. C'est une vrai épopée musicale dans cette époque bénie pour la musique traversant les années soixante / soixante dix. Nous allons assister à la création du groupe utopia avenue, à travers la vision de chaque membre du groupe et de leur manager. Nous les accompagnons aux premières répétitions, premiers concerts. Tout y est parfaitement relaté sans faute de goût. Leur vie, leurs amours, leurs travers…

Ce livre est un vrai page Turner, c'est pour cela que l'histoire se lit agréablement et que j'avais envie de retrouver mon groupe de rock tous les soirs dans ma lecture. le finale est à l'image du livre, très bien venu et très à propos. Bref, je recommande ce livre, qui ferait un bon film, à condition d'avoir la bo adéquate. Avis que je partage avec d'autres lecteurs.

Et qu’elle belle idée surréaliste d’avoir fait se rencontrer les membres du groupes avec les musiciens de l’epoque!
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Cartographie des nuages

J’ai eu envie de lire ce livre, car le film Cloud Atlas qui s’en inspire m’avait beaucoup plu. Mais comment parler de ce livre ?



Pour commencer, il est bien écrit, et très bien traduit. J’ai pris un immense plaisir à le lire !



Ce n’est pas une, mais six histoires, qui se déroulent à des époques différentes, et qui sont écrites dans des styles eux aussi variés :

* première époque : nous lisons le journal que rédige vers 1850 Adam Ewing, jeune notaire de San Francisco qui traverse le Pacifique en bateau avec son ami le Dr Henry Goose. Dans un style très littéraire, le protagoniste prend conscience des injustices subies par certains peuples (roman historique).

* deuxième époque : nous découvrons les lettres écrites en 1931 par Robert Frobisher, jeune musicien déshérité. Anglais réfugié dans les Flandres pour échapper à ses créanciers, il se met au service d’un vieux compositeur reconnu (roman épistolaire mélodramatique).

* troisième époque : nous suivons l’enquête de Luisa Rey, jeune journaliste qui découvre un complot de grandeur ampleur, au cours d’un récit trépidant comme savent le raconter les Américains (polar).

* quatrième époque : de nos jours en Angleterre, nous nous amusons des catastrophes arrivant à Timothy Cavendish, éditeur misanthrope se retrouvant enfermé dans une maison de retraite par son frère encore plus filou que lui (comédie britannique).

* cinquième époque : dans une Corée futuriste inspirée de Philip K. Dick, nous assistons à l’interrogatoire de Somni~451, clone humain arrêtée et condamnée car elle menace cette société consumériste reposant sur l’esclavage des clones (science-fiction dystopique).

* sixième époque : dans un très lointain futur à Hawaï, Zachry et sa tribu survivent et combattent une horde cannibale. La civilisation a disparu, et avec elle le savoir et le beau langage… (roman post-apocalyptique)



C’est un roman où il faut accepter de se laisser emporter par la narration, les protagonistes et les événements. La langue évolue et perd sa beauté au fil du temps : élégante au XIXe siècle, standard dans la deuxième moitié du XXe siècle, elle devient malmenée dans le monde apocalyptique où règles et syntaxes sont oubliées. Il faut souligner le talent du traducteur, qui non seulement respecte le style de chaque époque, mais aussi qui arrive à nous rendre très lisible la dernière époque (post-apocalyptique) alors que le langage n’est plus qu’une bouillie, à tel point qu’on l’oublie et que l’on continue à plonger dans le récit pour suivre les aventures de Zachry.



Les liens entre les histoires et les personnages sont tenus, mais ils installent une ambiance légèrement fantastique : une tache de naissance similaire, et un document produit par le personnage de l’époque précédente qui tombe entre les mains du protagoniste de l’époque en cours sans qu’il y ait réellement d’impact sur son histoire.



Alors quels sont le vrai lien et le sens général de ce roman ?



La réponse réside dans la construction du récit, qui est très différente de celle du film. Dans la version cinématographique, les réalisateurs passent constamment d’une époque à l’autre. Pour le roman, l’auteur a choisi d’abord de raconter chaque aventure dans l’ordre chronologique, en s’arrêtant à chaque fois à la moitié de l’histoire pour passer à la période suivante. Arrivé à la sixième et dernière époque (post-apocalyptique), il va jusqu’au bout de la narration, pour remonter le temps et terminer les récits des époques précédentes. Lors de la période polar des années 70, un paragraphe nous suggère qu’il est possible de modifier le futur. Je m’attendais donc à un événement fantastique, et… pas du tout !



Nous remontons peu à peu dans le temps, nous prenons du plaisir à retrouver des personnages que nous avions laissés de côté, nous nous demandons sans cesse quel est le fin mot de l’histoire… Et nous découvrons enfin le thème qui lie les époques et qui soutient le récit dans les dernières pages. Et oui, les dernières pages. Mais quand on le lit, cela semble tellement évident ! Ce tour de force est permis par la construction du roman qui est très solide, plus que celle du film, tout en délivrant un message plus subtil.



J’ai regardé divers commentaires de ce livre après l’avoir lu, et les jugements sur la tonalité optimiste ou pessimiste de l’œuvre diffèrent grandement selon les chroniqueurs. De mon côté, j’ai préféré y voir une note positive : l’avenir de l’humanité est entre nos mains, si nous le voulons bien.


Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Cartographie des nuages

La tentation est forte de classer ce récit parmi les incontournables de la science-fiction : un bon tiers de l’ouvrage se déroule effectivement dans des ambiances futuriste et post-apocalyptique. Ce choix serait pourtant profondément réducteur. Cartographie des nuages est un roman choral intercalant six époques différentes du 18ème siècle (ou avant ?) au XXIIIème (ou après ? ) intimement liées entre elles par des détails narratifs presque dérisoires et pourtant lourds de sens dans la construction du récit et pour le message final que voudrait nous transmettre l’auteur. Car il ne s’agit pas d’un roman distrayant facilement compris devant la toile blanche d’un cinéma de quartier. Si le film est dense et constitue une excellent adaptation, le livre va bien au-delà . J’y ai retrouvé immédiatement cette sensation de tournis face à la multiplicité de détails significatifs proposés, il m’aura fallu patienter près d’un tiers de l’ouvrage pour enfin lâcher prise, accepter de ne pas tout saisir et me laisser embarquer dans le troisième épisode truffé d’humour que constitue L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish, éditeur aliéné en fin de vie. Chacune des histoires rapportées possède son style, son genre et son ambiance propre : roman historique, polar, journal, correspondance, entretien, humour, science-fiction frisant parfois la fantasy ; amours et aventures scabreuses y trouvent également leur place, enfin et surtout le Bien et le Mal sont au centre du récit insidieusement sans être pour autant imposés au devant de la scène. Le génie de David Mitchell réside aussi dans ce dernier point. Cartographie des nuages est incontestablement un roman complet témoignant du talent et de la maitrise littéraire de son auteur.



Les six univers de Cartographie des nuages ne m’ont pas tous emballée de la même manière. Cela s’explique d’avantage pas mes préférences littéraires que par la qualité propre à chaque récit. Je ne suis pas une grande adepte de roman humoristique a priori, pourtant les aventures de Timothy Cavendish m’ont fait rire aux éclats, celles d’Adam Ewing ouvrant et clôturant le livre sont magnifiques et forment le ciment de l’ensemble – d’où la brièveté de l’extrait sélectionné, je préfère vous laisser le plaisir de la découverte. J’aime beaucoup la révolte de Sonmi~451, beaucoup moins les péripéties de Luisa Rey – les polars et moi, c’est compliqué… Incontestablement, en revanche, mon coup de cœur revient à La croisée d’Sloosha et tout c’qui a suivi pour le style d’abord qui n’est pas sans rappeler celui de certains passages de La horde du Contrevent, pour le personnage de Zachry aussi et surtout, pauvre bougre malmené par la vie, dans un monde dévasté, profondément humain et droit autant que possible malgré le sort que la vie lui réserve. Voilà bien l’objet du livre : les choix de comportement justes ou lâches des différents protagonistes en réaction aux vicissitudes de mondes régis par des puissants ne servant que trop rarement l’homme et bien plus souvent l’argent ou le pouvoir, et les heureuses ou déplorables conséquences de ces choix….
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Les mille automnes de Jacob de Zoet

Au 18e siecle, du temps où Djakarta s’appelait Batavia et que les Pays-Bas régnaient sur le commerce de cette partie du monde, la Companie néerlandaise des Indes Orientales détenait un comptoir au Japon, une miscroscopique île artificielle rattachée au port de Nagasaki : Dejima. C’est dans cette minuscule enclave isolée et étroitement surveillée que se déroule l’histoire de Jacob de Zoet, employé intègre, idéaliste et ambitieux de la Compagnie.

Jacob, embauché pour redresser les comptes de la Compagnie, se retrouve parachuté dans une micro-société violente et corrompue, dont le seul but est d’extirper tout ce qu’elle peut d’un Japon inconnu et mystérieux : le Japon sous l’ère Edo, était totalement replié sur lui-même et hostile à toute ingérence occidentale ce qui, bien évidemment ne facilitait pas la compréhension entre les deux cultures.

C’est en premier lieu ce choc des cultures qui donne tout l’intérêt de ce gros roman, la rencontre entre les samurais à la tradition millénaire et les commerçants occidentaux corrompus et peu intéressés par une culture qu'ils méprisent : afin de pouvoir communiquer avec des étrangers dont ils se méfient, les japonais leur ont interdit d’apprendre leur langue et ont recours à une escouade d’interprètes, ce qui donne parfois lieu à certains comiques de situation … ! A cela s’ajoute une impossible histoire d’amour entre Jacob, tiraillé entre sa fiancée néerlandaise restée au pays et la belle et instruite Orito Aibagawa, une sage-femme japonaise. L’idylle impossible se double d’une enquête et même d’un conte néo-gothique lorsque Orito est enlevée par le puissant seigneur-abbé Enomoto qui la séquestrera dans sa sinistre secte-monastère…

Il y en a donc pour tous les goûts : de l’histoire, de l’ethnologie, de l’amour, du policier et du gore… que demande le peuple ! Et en plus, afin de ne pas ennuyer son lecteur, David Mitchell déroule son histoire au présent dans une langue très moderne qui garantit un rythme soutenu : on ne s’ennuie pas une minute !

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Le fond des forêts

Il existe une étrange malédiction. Avez-vous remarqué que c'est parfois les romans qui vous touchent le plus, ceux que l'on préfère, que l'on a le plus de mal à faire partager? Cela car le texte vous a touché pour une raison qui vous est si personnelle, si intime, que tout autre que vous y sera insensible.



C'est ce qu'il m'est arrivé avec le fond des forêts de David Mitchell. La plupart de ceux à qui je l'ai recommandé sont restés de marbre. Pourtant je trouve cet auteur incroyable. Son style (et sa capacité d'en changer), sa justesse et sa sensibilité sont uniques. Il a l'art d'évoquer les non-dits et de poser des atmosphères en peu de mots.



Ce livre raconte l'enfance de Jason dans une petite ville d'Angleterre. Chaque chapitre est construit comme une nouvelle et décrit une facette de la vie de ce jeune garçon. Tel un peintre qui d'un coup de pinceau met en lumière une nouvelle partie de sa toile. Jason a quelques difficultés d'intégration à l'école car il est bègue. Il aime la poésie mais le cache soigneusement "car il n'y a que les tapettes" qui aiment la poésie. Il en écrit pourtant dans le journal du collège sous un pseudonyme. Une vieille dame de ses voisines va reconnaître son style et le démasquer avant de l'initier à l'écriture.



En fait il ne sert à rien d'essayer de raconter ce livre car tout est dans l'écriture. Les grands auteurs savent transcender le sujet le plus banal en quelque chose d'autre. C'est tout l'intérêt de la littérature en général et de ce livre en particulier.
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Cartographie des nuages

Adam Ewing, XIXème siècle ; Robert Frobisher, années 1930 ; Luisa Rey, années 1970 ; Timothy Cavendish, dans les années 1990 ; Sonmi 451, dans un futur proche mais imprécis ; Zachri, dans un futur encore plus lointain : six histoires imbriquées en une, qui nous livrent, par petites touches, des passerelles entre chacune, en une narration habile qui tient plutôt la route.



De personnages en personnages, de genres littéraires en genres littéraires - journal de voyage, correspondance, roman d'espionnage, aventure burlesque, science-fiction, dystopie -, David Mitchell nous plonge dans les affres de l'Humanité, dans ses tréfonds les plus sombres qui la mène, toujours, de la civilisation à la décadence : c'est, très schématiquement - et c'est de toute façon, tout aussi schématiquement et sommairement, que l'auteur nous le démontre -, le propos de ce roman qui se veut monde, mais qui n'est finalement qu'une version étriquée d'un véritable roman monde.



Car, en effet, à la fermeture des quasi sept cent pages qui s'étirent de plus en plus en longueur lorsque l'on quitte le futur le plus lointain pour en revenir progressivement au XIXème siècle, je me suis dit, très franchement : "Tout ça pour ça ?" Je m'étais, en effet, attendue à davantage de réflexions, beaucoup plus complexes, sur l'Humanité, sur la Création, à davantage de puissance romanesque, permise notamment par l'ambition de la construction narrative. Mais non, le roman se termine, à mon sens, tout en platitude, et c'est bien dommage...



Un roman que je n'ai, en somme, pas trouvé désagréable à lire, mais qui manque furieusement de coffre. N'écrit pas un roman monde qui veut...
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L'âme des horloges

Quel livre étrange dont je ne sais pas trop quoi penser. Je m'attendais à du fantastique et de l'étrange, mais là, cette histoire de conflit surnaturel entre les Anachorètes et les Horlogers est tellement disséminée qu'elle en devient juste bizarre.

L'histoire de Holly Sikes nous est contée au travers de 6 histoires faisant intervenir d'autres personnages principaux. On découvre alors une vie qui se déroule entre 1984 et 2043. Le conflit de ces groupes d'immortels revient de façon ponctuelle, mais j'ai trouvé que ce n'était pas le plus intéressant. Si on occulte cette partie fantastique, ça peut se lire comme une saga familiale, avec une projection dans le futur.

La construction est intéressante, chaque partie raconte un évènement important et permet de revenir sur ce qui a pu se passer sur les années qui n'ont pas été racontées en direct. Mais il n'y a pas de chapitre, seulement les 6 grandes parties. Ça contribue à alourdir le récit, et rend les longueurs très longues.

Je suis tout de même contente de l'avoir lu, même si ce fut un gros pavé à digérer.
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Cartographie des nuages

Lecture compliquée mitigée, si certains passages m'ont plu, surpris, passionnée, d'autres m'ont laissée complètement en dehors.

Ce roman comporte plusieurs histoires se passant à différentes époques, des points d'ancrage certes entre elles, mais je ne suis parvenue à accrocher aux wagons.

J'ai bien ri avec le langage de Zachry, même si parfois ce fut compliqué à déchiffrer mais il m'a bien fait marré. Ce fut le moment le plus sympa du livre. A l'opposé, Sonmi 451 je n'ai pas capté, aucun plaisir pour cette partie.

Le début est pourtant prometteur, on finit en plein mitant d'une phrase, on s'attend à un rebondissement, du suspense, mais ce n'est pas vraiment cela qu'on découvre.

La construction est intéressante, la qualité du style aussi, mais c'est plus le sujet par lui-même qui ne m'a pas vraiment fait décoller de ce livre.

A découvrir pour le côté original mais sans plus, je fais partie des peu Babeliotes qui sont restés quasi de marbre à ce soi-disant univers romanesque les plus singuliers du XXI ème siècle. Oui il est singulier mais il faut s'accrocher pour parvenir à l'apprécier, alors quand la lecture devient plus un exercice que du plaisir bien ce n'est pas vraiment cool.

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Cartographie des nuages

David Mitchell | "Cartographie des nuages" | Editions Points | 2007 (En France) |714 pages|Note 4.04/5 (430 notes)

A travers le prisme de cette oeuvre, je voulais parler du problème de la longueur en général. Que ce soit une chanson, un film, une critique quelle qu'en soit le genre, ou un livre; il y a deux écoles! 1)Vous avez grave kiffés et vous êtes contentes d'avoir du contenu! 2)Vous avez aimés assez bien, pas trop ou un peu... Et vous trouvez le texte trop long !! : ( ...

Quelques exemples pour illustrer cela. le Pape Benoit XVI qui a démissionné, avant la fin de son règne, toutes les fins ne méritent pas d'être lues. Dans un cadre plus laïque, Le Président Hollande, c'était clairement pas une bonne idée de faire traîner le truc! Bien vu! Pour explorer plutôt côté Culture, la célèbre série de manga SNK L'attaque des titans, s'est arrêté aux tomes 30 et quelques, alors qu'elle avait clairement le potentiel pour faire acheter 50 exemplaires supplémentaires à ses millions de fans... Bref... On se rattrapera toujours sur les figurines et les spin-off...

Eh oui... Des fois... Même si c'est bien au début, il faut savoir arrêter à temps. Non?...

Parlons un peu du roman à présent...

On se retrouve fascinés par le ton "ancien" de la narration qui nous immerge dans le texte... Une accumulation de petits chapitres "datés" fait le bonheur des amateurs/amatrices de lectures punchy! C'était si bien, que j'ai relu quelques passages, ce qui arrive fort peu souvent! Que d'anecdotes Adam Ewing (1850), découvreur d'aborigènes cannibales, le "Trésor D'Ivoire", les dents. Que les mangeurs d'hommes recrachent tels des noyaux. Edwing prend en pitié un Black de l'ancien temps et leur relation se passe pas trop mal... Robert Frobisher, jeune musicien, se met au service d'un compositeur de génie. Cette seconde histoire n'a rien de notable, et je pensais qu'il y aurait un ton davantage fantastique. Un peu épistolaires (j'aime bien!) 1975; Luisa Rey, journaliste risque tout (ceux là sont les pires teignes, serviteurs de la vérité!) déjoue un complot Nucléaire... Monsieur Mitchell en tout cas, faute de toujours avoir des histoires extrêmement fascinantes à raconter, sait au moins comment les narrer, c'est vrai. La journaliste va essayer de s'infiltrer dans "Quelque chose qui la dépasse" Napir?? Comme le Joker?xD! Volontaire? Des bonnes punchlines !!

Bonne Lectures ++
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Cartographie des nuages

L’intérêt principal de ce roman réside dans son étrange structure. Six récits, se passant à différentes époques s’imbriquent comme des poupées gigognes, le plus loin dans le futur est au centre du roman, le plus loin dans le passé se trouve au début et à la fin.

Pour apporter plus de crédibilité à ces récits, le style de l’écriture lui même évolue. Le journal de la traversée du Pacifique d'Adam Ewing, le récit ancien qui se passe au XIXe siècle pourrait faire penser à Herman Melville. Dans le récit le plus loin dans le futur, La Croisée d'Sloosha pis tout c'qu'a suivi, l’écriture est est hachée, le vocabulaire est simplifié. L'Épouvantable Calvaire de Timothy Cavendish, le récit contemporain de l’écriture réelle du roman est sur un ton plus ironique, plus humoristique. La traduction n’a pas dû être simple, on peut qu’applaudir le travail remarquable de Manuel Berri.

Les six récits sont plus ou moins passionnants, pris à part, il ont tous de l’intérêt, il y a de l’action, des rebondissements et le jeu des écritures s’accorde parfaitement aux différentes ambiances, on est dans des univers littéraires très différents, aventures maritimes, récit épistolaire, polar, comédie, dystopie, post apocalyptique.

L’ensemble, les liens entre les parties, les parallèles et les citations entre elles nous amène vers une réflexion sur la prédestination de l’humanité, il y a là derrière des notions de réincarnations, de répétitions des cycles historiques, du destin de l’individu face à celui de l’humanité toute entière, avec en arrière plan, la révolte et la lutte contre l’injustice...

C’est très ambitieux et de ce point de vue, je suis un peu moins convaincu, l’articulation reste très artificielle, les théories ne sont qu’évoquées, je n’ai pas ressenti leurs liens profonds avec les différentes intrigues, ne paraissant parfois qu’un prétexte pour écrire six romans différents dans un seul. Je reste assez mitigé à la fin de cette lecture, c’est long, certaines parties pouvaient prétendre contenir à un roman à elle seule, et ce qui motive cette structure complexe ne me parait assez clair, mais en même temps, il y a de très beaux moments, chaque histoire vaut le coup d’être lue et malgré mes doutes sur l’ambition qui n’est pas absolument atteinte, ce livre est un sacré morceau et un grand moment de réflexion.

Pour conclure, on en arrive à préférer telle histoire à telle autre, selon les goûts de chacun, et si le roman avait été parfait, on n’aurait pas dû s’en rendre compte.
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