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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A quoi reconnait-on qu'une auteure est vraiment devenue une de nos favorites ? Au fait qu'on ne réfléchisse même pas quand on a l'opportunité d'acheter son dernier livre. Pour beaucoup d'auteurs, j'attends avant d'envisager même de lire leur dernier livre, je n'ai pas de scrupule particulier à l'emprunter en bibliothèque plutôt qu'à l'acheter. Pour Beata, quand j'ai l'opportunité d'un achat, je vérifie d'abord si elle n'a pas de nouvelle parution... et ce fut le cas grâce à la carte cadeau de Noël de ma chère soeur, merci beaucoup !

Elle qui avait tracé son chemin d'auteure en évoquant la tragédie du génocide des Tutsis par le biais de la fiction, tout en subtilité puisqu'elle n'aborde jamais de front les massacres mais préfère évoquer le passé et le futur, Ejo en kynyarwanda, titre de son premier recueil de nouvelles... comment allait-elle se frotter au travail du récit autobiographique, genre qui est loin d'être mon préféré. Sans voyeurisme, il m'intéressait fortement d'en savoir plus sur son vécu personnel de ce drame.

Elle nous offre tout d'abord la genèse de ce projet, ce qui fut parfait pour moi car elle explique ainsi son choix premier de la fiction et me permet moi aussi de mieux comprendre ce qui m'avait séduit en tant que lecteur dans sa démarche, cette volonté de témoigner sans choquer, en offrant au lecteur l'émotion qui n'enferme pas mais libère. Son dessein rejoignant mon ressenti, je ne pouvais ainsi que me confirmer le lien littéraire construit avec elle. Elle explique également ce qui la mène finalement à témoigner de son histoire, pour elle, pour ses enfants, en communion avec les autres victimes, pour L Histoire. Elle analyse tous les écueils rencontrés par les victimes d'un tel drame, dénichant une formule si explicite en évoquant des histoires "pas tant indicibles qu'inentendables". Elle trace également un lien essentiel entre les génocides, sans jamais vouloir comparer, mais insistant sur la nécessité des échanges et du travail en commun, pour mieux comprendre ce qui peut amener des êtres humains à abolir leur jugement pour perpétrer l'horreur.

Quand elle rentre dans le coeur du récit, elle endosse toujours les habits de l'auteure qu'elle es devenue : humilité, générosité, bienveillance, douceur malgré l'horreur. Elle s'excuserait presque d'avoir vécu moins de drames personnels que la plupart des victimes, parvenant par exemple à survivre aux côtés de sa mère. Une mère dont on apprend peu de choses, comme elle l'explique plus tard en interview, parce que celle-ci ne souhaite pas qu'on parle trop d'elle. Toujours autant de pudeur, de respect du ressenti de l'autre. Elle prend également un bon quart du livre à rendre hommage aux humanitaires qui l'ont sauvée du génocide, à nous raconter sa rencontre avec eux plus de 20 ans après. Elle évoque bien sûr les responsabilités des gouvernements occidentaux, particulièrement belges et français dans la tragédie. Mais elle ne s'attarde pas en longueur sur les coupables, préférant expliquer ce qui a pu fonctionner et offrant ainsi un bon guide pour les associations oeuvrant sur le terrain, même si elle reconnait et déplore que rien de tout cela ne serait possible aujourd'hui, les procédures d'intervention des humanitaires s'étant considérablement alourdies.

Face à autant de bienveillance, on ne peut que comprendre la dernière partie, qui s'interroge sur les photos prises de ce drame, qui ont contribué à en fausser l'image, transformant les coupables hutus en victimes et permettant ainsi de justifier la protection de certains des coupables directs des tueries. Et on ne peut que s'offusquer avec elle des difficultés éprouvées par les victimes pour récupérer certaines de ces photos où elles figurent pourtant elle-mêmes, en total déni d'un droit à l'image, et alors même qu'elle nous détaille bien ici à quel point ces souvenirs du drame gravés sur la pellicule peuvent être des étapes importantes pour la reconstruction. Là encore, elle montre tant d'humilité, déplorant que son statut de privilégiée (Française, ayant fait des études supérieures, auteure) lui permette un accès facilité (et pourtant bien semé d'embûches) aux archives alors que d'autres victimes en sont elles privées. Totalement dans la ligne qu'elle s'est toujours fixée, de bout en bout de son récit, tout simplement sans doute parce qu'elle ne peut pas agir autrement qu'en personne humaine et respectueuse.

Pour finir, petite anecdote en passant. Dans le livre, elle cite trois auteurs de fiction, soit pour évoquer une lecture qui l'a guidée dans sa réflexion, soit à l'occasion d'une rencontre réelle, soit pour une citation qui lui permet d'appuyer son propos. Ces trois auteurs sont Imre Kertesz... dont j'ai lu le livre qu'elle évoque en septembre dernier ; Mohamed Mbougar Sarr... dont j'ai adoré le Goncourt lu en mars dernier... et Abdulrazak Gurnah, dernier prix Nobel africain que j'ai découvert en août dernier... quand je vous disais que la littérature me lie à cette auteure et que je ne pourrais donc que continuer à la suivre, une pénitence que je respecterais avec beaucoup d'enthousiasme.



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Le 18 juin 1994, après 3 mois de massacre des Tutsis par les Hutus et de terreur, Beata Umubyeyi Mairesse et sa mère ont eu la vie sauve grâce à un convoi de l'organisation humanitaire suisse Terre des Hommes qui les a emmenées de Butare à la frontière avec le Burundi. Elle avait 15 ans; sa mère et elle n'auraient pas du être acceptées dans ce convoi car il était réservé aux enfants de moins de 12 ans. Elle arrive dans le nord de la France, est scolarisée, est entourée d'affection et de soutien par sa famille d'accueil, se marie et a des enfants.
le titre de ce livre évoque, souvent, les heures sombres de la deuxième guerre mondiale et la déportation de Juifs vers la mort. Ici, le mot "convoi" se charge d'une image positive car il a transporté des enfants vers la vie.
L'auteure a suivi un long cheminement de trois décennies avant de pouvoir écrire le récit de ces mois d'horreur mais aussi de témoigner pour les autres enfants, pour saluer le courage de celles et ceux qui les ont aidées, sauvées. Elle a commencé par de la fiction avec des romans autour du génocide, puis elle a accepté de témoigner devant des lycéens de 15 ans à partir de 2016 et s'est lancée dans la quête d'une photo qui aurait été prise au moment de son passage de la frontière avec sa mère; son désir était de retrouver les autres enfants du convoi et leur faire parvenir les photos où on les voyait. Cette (en)quête a été semée d'embûches, d'obstacles, d'espoirs déçus mais riche de rencontres, d'échanges, d'amitié.
L'auteure s'interroge sur ce qu'est la responsabilité de témoigner sans trahir ceux qui ont subi le même drame, sans que son propre vécu oblitère la réalité, sans que ses mots soient mal perçus, mal interprétés.
Elle nous livre également une réflexion sur la place des photos prises par des étrangers, dont l'interprétation peut être faussée par le biais occidental. C'est, pour elle, ce qui s'est passé au Rwanda. Elle souligne le sentiment de dépossession que peuvent ressentir ceux qui ont été photographiés. Où s'arrête le droit à la propriété intellectuelle et où commence le droit à l'image alors que les enfants ont été photographiés et sont apparus dans les média occidentaux sans leur consentement? le regard de l'autre. le regard sur l'autre.
On sent que Beata Umubyeyi Mairesse choisit ses mots avec soin pour essayer de rendre compte d'une réalité dont elle est la porte-parole mais qui ne lui appartient pas. le texte est sobre, précis, sans pathos mais puissant.
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Le 18 juin 1994, Beata Umubyeyi Mairesse a 15 ans lorsqu'elle fuit son pays et le génocide des Tutsis au Rwanda avec sa mère. Grâce à un convoi humanitaire organisé par l'ONG suisse « Terre des hommes », les deux femmes passent entre les mailles du filet et échappent à une mort certaine. Dans les jours qui suivent, des gens disent les avoir vues dans un reportage de la BBC au moment où le convoi passe la frontière avec le Burundi.
Les années passent… le vie continue. En 2007, Beata réussit à entrer en contact avec l'équipe de tournage de la BBC. Elle et sa mère ne sont pas sur la fameuse vidéo mais un des journalistes lui envoie quatre photos du convoi du 18/06/1994. Ces photos sont le point de départ d'une enquête qui va durer 15 ans. Beata, détentrice de ces photos, veut les rendre accessibles aux enfants qui y apparaissent. C'est leur histoire. Beata va alors tout mettre en oeuvre pour retrouver ces enfants, une quête qui va la mener à parler des sauveteurs, des simples citoyens aux humanitaires qui ont risqué leurs vies pour les sauver.
Alors que l'écrivaine avait toujours refusé de parler de son expérience personnelle et intime, préférant parler de son rapport à la littérature et de son expérience de survivante qui écrit de la fiction, une évidence s'impose à elle. Parler de ce convoi qui a sauvé ces enfants, c'est aussi parler d'elle.

1994-2024. Cette année aura lieu la commémoration des 30 ans du génocide des Tutsis au Rwanda, le dernier génocide du 20 e siècle.
J'ai lu un certain nombre d'ouvrages sur le génocide des Tutsis au Rwanda, fictions, documentaires, récits… et celui de Beata est intéressant et bouleversant à bien des égards.
La première chose qui m'a touchée dans ce récit est la réflexion que livre Beata sur son statut de survivante. A quel titre peut-elle écrire sur ce convoi et sa propre expérience, elle qui n'a été ni violée, ni coupée ? Quelle est sa légitimité ? Question pour nous totalement fortuite mais révélatrice d'une immense honnêteté de la part de l'auteure.
Souhaitant rester la plus fidèle possible à ce qu'il s'est passé, l'écrivaine se pose énormément de questions sur sa quête et enquête, s'interrogeant sur la forme d'écriture que doit prendre ce récit, s'inquiétant des défaillances de la mémoire, s'échinant à parler de tous tout en parlant d'elle-même... cette jeune fille métisse, amoureuse des livres déjà, que de nombreux « deus ex machina » ont sauvé à plusieurs reprises. L'enquête est minutieuse, parsemée de nombreux vides, mais de fil en aiguille, Beata recolle les morceaux.
Ensuite, il s'agit pour moi du premier récit qui aborde cet épisode du génocide, le sauvetage des enfants par les organisations humanitaires. Beata rend un hommage bouleversant à ces gens, qui à force de courage, de culot, de diplomatie et de ténacité, ont réussi à soustraire à la barbarie des miliciens hutus des enfants destinés à une mort certaine et nous fait découvrir tout un pan du « travail humanitaire ».
Enfin, la toute dernière partie du livre m'a beaucoup interpellée lorsque l'auteur revient sur ces fameuses photos. Des milliers de photos ont été prises lors du génocide des tutsis au Rwanda par les journalistes occidentaux. Des journalistes, qui bien souvent malheureusement, ne connaissaient rien à l'histoire de ce petit pays si ce n'est les stéréotypes habituels que l'on trouvait dans les journaux justement ou dans les paroles des politiques français qui, on le sait maintenant, n'étaient pas du tout neutres dans le conflit… D'où des interprétations totalement erronées de ces photos où la vérité était bafouée, où les victimes se retrouvaient une fois de plus trahies...

Cette enquête sur les archives est dense, passionnante, bouleversante, nourrie de multiples réflexions sur travail de la mémoire collective et de l'écriture de soi. C'est aussi une écriture sobre et très belle qui révèle toute l'exigence de l'auteure dans la narration de ce récit. Un récit essentiel qui s'ajoute à la littérature déjà existante sur génocide des Tutsis au Rwanda.

Un grand merci à Babelio pour l'envoi de ce livre.
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QUÊTE

Beata Umubyeyi Maîtresse a pu fuir, accompagnée de sa mère, le Rwanda quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi grâce à un convoi humanitaire suisse.

Près de quinze ans plus tard, devenue écrivaine, elle part à la recherche des images et protagonistes de leur sauvetage, afin de comprendre ce qui a permis leur exfiltration.

Sa quête recquiert persévérance et patience, et, celle ci avançant, lui apparaît plus encore la nécessité des victimes de se réapproprier leur histoire, majoritairement relatée au travers d'un regard occidental.

Son livre oeuvre dans ce sens.
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Printemps-été 1994 au Rwanda. Trois mois pour décimer des centaines de milliers de Tutsis (entre 800 000 et un million).
Mille enfants, une goutte de vie dans un océan de cadavres, ont été sauvés, exfiltrés vers le Burundi par des convois affrétés par l'ONG suisse « Terre des hommes ».
Bien que cette opération ait été réservée aux enfants de moins de douze enfants, Beata Umubyeyi Mairesse, quinze ans, et sa mère firent partie du convoi du 18 juin. Pourquoi ?
Treize ans après, l'autrice se met en quête d'une hypothétique liste des petits rescapés. En contactant des journalistes de la BBC présents sur le terrain, elle entre en possession d'une vidéo et de quatre photos sur lesquelles elle ne figure pas. Qu'importe, elle persévère dans ses recherches pour retrouver les survivants du massacre et, au-delà, découvrir la chaîne humaine qui s'est mise en place pour organiser le sauvetage.
Son parcours, dans un premier temps personnel, touche alors à l'universel.
Le titre du récit fait immédiatement penser au « Convoi du 24 janvier 1943 » de Charlotte Delbo qui rend compte de la barbarie nazie.
Quelles que soient les époques, quelles que soient les latitudes, les génocides se ressemblent. Leurs victimes sont liées par une « communauté de destin » et leurs voix, au lieu de se concurrencer, convergent.
Une autre raison motivant sa démarche est le constat que le génocide rwandais avait été raconté par des personnes étrangères au pays « dont la narration avait fini par s'imposer à tous ».
« C'est à nous, les victimes d'hier, de la raconter » affirme-t-elle tout en se désolant, avec Susan Sontag, de la manière dont les Occidentaux traitent l'Afrique en exploitant photos et films des victimes sans leur demander leur avis.
Cette histoire est même souvent manipulée. La France, qui porte une grande part de responsabilité dans les événements de 1994, en est un exemple frappant.
Avec ce témoignage bouleversant, Beata Umubyeyi Mairesse donne enfin la parole aux persécutés. Son récit est intelligent, courageux et indispensable.


Lien : https://papivore.net/littera..
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En exergue du récit de l'auteure, une citation de Rithy Panh pour ancrer ses mots dans le sillage de ceux qui ont fait le travail de revenir au passé pour dire le vécu génocidaire.
Beata Umubyeyi Mairesse nous invite à partager l'itinéraire qui fut le sien pour parler de ce convoi qui l'a sortie de l'enfer le 18 juin 1994, de Boutare au Rwanda à la frontière avec le Burundi.
Trente petits kilomètres, jalonnés de barrières où des miliciens armés de machettes et autres outils du même type ,exercent par leur contrôle, un droit absolu de vie ou de mort sur ceux qui passent.
Bien au delà de cette route de tous les dangers, Beata Umubyeyi Mairesse rapporte dans son récit, ce qui a pu la conduire à mobiliser sa mémoire pour écrire et témoigner à la première personne, de ce qu'elle a vécu. Elle nous dit pourquoi ce travail de revenir au passé ne va pas de soi, et comment par un faisceau de circonstances elle a fini par y venir.
Dans la première partie de son récit, elle explique son cheminement pour découvrir presque à l'insu d'elle même de quel poids pèsent les traces du passé. Ce sont 4 photos qui vont jouer pour elle ce rôle de révélateur et tout son récit se structure autour de la recherche d'autres traces.
Ce travail qu'elle commence pour elle, elle le poursuit aussi pour les autres enfants du convoi. Dans cette quête éperdue, Beata Umubyeyi Mairesse retrouve les humanitaires qui ont organisé dès le 5 juin, le sauvetage de centaines d'enfants. Sa rencontre avec l'un d'eux déterminera sa décision d'écrire. le récit apporte un témoignage fort des conditions dans lesquelles ces humanitaires ont travaillé dans un contexte de totale duplicité internationale.
Tout au long du récit, elle témoigne sur ce cheminement qui a été le sien, elle montre que c'est bien la vie elle même, dans sa puissance et ses hasards qui conditionnent les regards en arrière. Retrouver une photographie c'est renouer avec le réel d'hier, c'est en même temps se l'approprier et le distancer.
Le génocide des Tutsis au Rwanda a trente ans en ce mois d'avril 2024, le témoignage de Beata Umubyeyi Mairesse, dit avec une grande force comment la mémoire des survivants peut trouver dans le passé ce qui les fait avancer et contribuer à ce que demain soit différent.
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Pour être honnête, quand j'ai vu cette couverture et ce titre, en tout petit sur le catalogue Masse Critique de Babelio, probablement sans mes lunettes, j'ai cru qu'on parlait des convois des années 40, vous savez, ceux qui dérivaient vers l'Europe de l'Est. Mais non, nous sommes à l'été 1994, dans un Rwanda en guerre que la jeune Beata s'apprête à fuir. le convoi est son histoire. Et celle de beaucoup de réfugiés rwandais.

D'ailleurs, l'autrice Beata Umubyeyi Mairesse ouvre son roman sur cette confusion. En Europe, lorsqu'on évoque un convoi ou des rescapés, on pense tout de suite à la Shoah et à la Seconde Guerre mondiale. C'est notre Histoire proche.
Pourtant, la jeune fille qu'elle était en 1994 a fui une guerre très meurtrière, est une rescapée d'un génocide, qui y a échappé grâce à un convoi humanitaire, cachée sous des couvertures. Son convoi à elle l'emmenait vers la liberté. Et c'est une Histoire que l'Europe avait du mal à regarder en face.

Bien des années après son convoi sauvetage, Beata veut comprendre. Elle interroge sa "mémoire effilochée", des journalistes de l'époque... Quel était ce convoi Terre des hommes ?

J'ai beaucoup aimé les réflexions de l'autrice, ses questionnements autour de la façon de témoigner. Doit-elle témoigner en son seul nom ? Ou son expérience de vie appartient-elle à un socle commun ? Rescapée, est-ce son identité première ?

Elle témoigne du génocide rwandais dans les collèges et lycée de France. Ces rencontres ont souvent lieu autour d'autre génocides, et elle croise régulièrement des rescapés de la Shoah. Des histoires différentes mais un destin commun. Leurs discours sont similaires. On a voulu les faire taire et les exterminer, mais ils sont là, debout, à témoigner d'une barbarie qui reste parfois indicible. D'ailleurs, jusqu'où dévoiler la vérité pour qu'elle ne soient pas prise pour un infâme mensonge ? C'est une question commune aux génocides.

Un récit tout en pudeur centre sur le questionnement intérieur et le questionnement au monde. Survivre à un génocide : qu'est-ce que cela implique ?

Merci Beata de partager ces questions et de lever ces voiles parfois bien lourds.
Lien : https://bibliza.blogspot.com..
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Dans "Le convoi", l'autrice nous livre un récit poignant de sa quête personnelle, tissant habilement sa propre histoire à celle d'une tragédie collective : le génocide des Tutsi au Rwanda en juin 1994.
Ayant elle-même échappé à la mort grâce à un convoi humanitaire suisse en 1994, elle entame, des années plus tard, une enquête minutieuse pour retrouver des traces de son passé. Cette quête, démarrée avec quatre photos envoyées par un journaliste de la BBC, devient le symbole d'une lutte pour la mémoire et la reconnaissance.

L'autrice explique vouloir passer à l'autobiographie après avoir écrit des oeuvres fictions pour illustrer son engagement en tant que passeuse d'histoire, consciente de l'importance de transmettre cette mémoire collective, notamment aux générations futures. Elle aborde avec justesse son rapport à l'écriture, et son engagement dans une recherche acharnée de traces de son passé et celui de sa communauté.

Le récit nous fait toucher de près à l'humanitaire, rendant un hommage vibrant à ceux qui ont risqué leurs vies pour sauver des enfants du génocide. Cette perspective apporte un éclairage nouveau sur les efforts de sauvetage durant cette période, montrant la complexité et le courage des opérations humanitaires.

Cette quête de photos la représentant elle et sa mère, qui l'amène à parcourir plusieurs pays, est alimentée par le désir de se réapproprier une mémoire souvent narrée par des voix extérieures qui nous ont donné une vision erronée de la situation à l'époque.

La réflexion sur le rôle des médias et la représentation du génocide est d'ailleurs bien écrite. Les victimes ont souvent été dépeintes par les journalistes occidentaux, comme souvent réduites à des figures passives de cette tragédie.

Ma découverte de l'histoire du Rwanda à travers ce livre a été éducative et vraiment passionnante. le témoignage de l'autrice, émouvant, puissant et parfois brutal de vérité, ne laisse pas indifférent, elle se met véritablement à nu et invite à une réflexion profonde sur la transmission de la mémoire. Elle s'interroge même sur sa légitimité à témoigner, mettant en lumière la complexité du statut de survivante. Un comble !

Ce récit, au-delà de son aspect autobiographique, s'impose comme un outil pédagogique essentiel, permettant de comprendre les mécanismes de survie, de résilience, et l'importance cruciale du témoignage et de la mémoire dans la construction de l'identité collective d'un pays.
Et à l'aube de la 30ème commémoration du génocide des Tutsi qui aura lieu en juin 2024, "Le convoi" résonne comme un appel impérieux à ne jamais oublier les leçons du passé.

A lire absolument !
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Dans « le convoi », la romancière passe de la fiction au récit en écrivant sur ce qu'elle a traversé plus jeune. Rescapé du génocide au Rwanda en 1994 avec sa mère, elle décide d'aller cherche des informations sur le convoi humanitaire qui leur a sauvé la vie. Un convoi créé à l'initiative de l'association « Terre des hommes » et qui évacuait à la frontière des enfants de moins de douze ans, pour qu'il et elles échappent aux tueries. C'est dans l'un de ces convois que Beata Umubyeyi Mairesse et sa mère se cachent pour fuir. le travail documentaire de l'autrice soulève de nombreuses questions qu'elle prend le temps d'approfondir. du statut de victime au rôle de la France et de Mitterand dans le génocide, en passant par le sens à donner à ses recherches, l'autrice cherche à mettre en évidence les enjeux de son travail aussi bien pour elle que pour les femmes et les hommes qu'elle est amenée à rencontrer lors de ses recherches. Un livre à lire et à faire lire autour de soi.

extrait : "Et me voici aujourd'hui, trente ans après, qui décide de revenir sur ce passé pour enfin le raconter. Que s'est-il passé ?
Je suis arrivée dans le nord de la France à l'âge de 15 ans. Je n'avais pas été violée, je n'avais pas été machettée, j'avais encore à mes côtés une mère aimante avec laquelle j'avais survécu. Ma mère est vite retournée au Rwanda pour chercher des survivants, pour être à leur côté, me laissant aux bons soins d'une famille d'accueil française formidable au sein de laquelle j'avais une chance de recommencer ma vie là où le génocide l'avait laissée."
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Après avoir écrit des romans et des recueils de nouvelles, Beata Umubyeyi Mairesse passe ici de la fiction au récit et nous donne un témoignage bouleversant de ce qu'elle a pu vivre, il y a trente ans, lors du génocide des Tutsis au Rwanda.

Dans « Le convoi », elle rassemble, non sans embûches, les images et les reportages qui ont été rapportés par les journalistes et les humanitaires occidentaux. Tout en exprimant sa reconnaissance d'avoir été sauvée lorsqu'elle avait quinze ans par un convoi de Terre des hommes, elle identifie les erreurs qui ont été commises lorsqu'il est venu le temps de raconter ce qui s'est passé.

Elle porte une réflexion profonde, juste et nuancée sur la mémoire collective, sur les gestes et les mots qui permettent aux récits de s'inscrire correctement dans L Histoire. Après trente ans, son livre est une invitation à l'empathie et à l'écoute, car suite à l'innommable, il est essentiel de donner enfin la place aux voix des survivants et des survivantes.

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