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Ni coutumière des nouvelles, encore moins de la science-fiction, qu'est-ce qui m'a pris de lire Jardins de poussières de Ken Liu, recueil de vingt-cinq nouvelles de SF ? Sans aucun doute la magie de Babelio, celle d'ouvrir notre horizon de lecture et de nous inciter à sortir de notre zone de confort. En l'occurrence, la critique passionnante du premier recueil de Ken Liu « La ménagerie de papier » par Sandrine (@Hundreddreams). Séduite et intriguée, j'ai donc voulu aborder son deuxième recueil de nouvelles.

J'imagine la science-fiction comme une grande demeure aux multiples pièces : l'uchronie, la fantasy, le Hard SF, la SF plus habituelle traitant de l'impact du progrès technologique en accélération constante, la SF du cosmos et de l'espace infini, la transition apocalyptique de notre espèce vers une existence post-humaine…et Ken Liu semble avoir ouvert toutes les pièces, en grand, dans ce recueil. Tous les genres sont convoqués, nous passons de l'un à l'autre au fil des nouvelles, subtilement agencées. Personnellement cela m'a permis d'avoir un vaste panorama et de sentir ce que j'aime et ce que j'aime moins. J'ai envie de creuser certains genres désormais. le fil conducteur de ces nouvelles est l'écriture de l'auteur, fluide et riche, tout en finesse, ses nombreux questionnements philosophiques présents dans chaque nouvelle, et certains thèmes récurrents qui parlent, en filigrane, de l'auteur : la double culture sino-américaine, les liens familiaux, notamment les relations parents-enfants, la filiation, les souvenirs, la quête d'identité.

Ken Liu est né en Chine, fut diplômé en droit à Harvard aux Etats-Unis où il émigre à l'âge de onze ans. Attaché à ses racines, on retrouve dans de nombreuses nouvelles ce mélange de culture chinoise et de culture américaine (notamment dans Une brève histoire du tunnel Transpacifique : le Japon, craignant son voisin soviétique, et les Etats-Unis, dont la situation économique se dégrade, se mettent d'accord pour construire un tunnel favorisant les échanges entre l'Asie et l'Amérique. Cette nouvelle dégage une atmosphère de mélancolie tout à fait particulière, car un ancien ouvrier du méga-tunnel, travail sous terre titanesque, se souvient de l'Histoire, la véritable histoire que l'on cache. Il refuse d'oublier et veut apporter ce souvenir particulier aux autres, notamment à Betty. le récit en devient poignant). Ce mélange de culture est présent tout au long du recueil : « On dit que la Chine est cultivée, mais pas civilisée, et qu'en Amérique, c'est l'inverse. Aux États-Unis, la politesse est toute de surface. le respect n'existe pas. Nul ne vous honore. Quand j'entre dans un bureau, je vois les traits s'affaisser, les regards se durcir. On déteste les Chinois. ».

Je ne vais pas présenter toutes les nouvelles mais seulement quelques-unes, celles que j'ai le plus aimées ou qui m'ont le plus marquée :

- « Ailleurs, très loin, de vastes troupeaux de rennes » (Renée Tae-O, une humaine post-Singularité habitant un monde virtuel part à la rencontre de l'univers réel avec sa mère, une Ancienne de chair et de sang qui souhaite lui faire partager son mode de vie et sa vision avant de quitter la planète), et son écho plus loin dans le recueil « Souvenirs de ma mère » [Amy se rappelle les sacrifices consentis par sa mère malade pour la voir grandir en utilisant la théorie de la relativité] et enfin « 48 heures dans la mer du Massachusetts » : une ancienne chef d'entreprise qui vit sur la mer nous fait visiter la ville de Boston engloutie par les eaux. J'ai été émerveillée par la poésie qui se dégage de ces textes liés (mais non présentés ensemble dans le recueil), notamment la poésie du dernier texte : « le soleil levant révéla peu à peu un fond sableux ponctué de ruines massives. Ces monuments à la gloire des victoires oubliées depuis longtemps de l'Empire américain s'élançaient vers la surface, évocateurs des fusées d'antan  ; des tours en pierre et béton vitrifié abritant autrefois des centaines de milliers de personnes se dressaient comme des montagnes sous-marines, leurs innombrables portes et fenêtres réduites à des grottes désertes et muettes d'où des bancs de poissons chamarrés s'élançaient tels des oiseaux tropicaux  ; entre les édifices, des forêts d'algues géantes oscillaient dans les vastes défilés qui étaient jadis des avenues et des boulevards grouillant de véhicules fumants, les hépatocytes apportant la vie à cette ville immense ».


- « Long courrier », uchronie qui montre ce que serait le monde si les dirigeables étaient restés le principal moyen de communication aérien. La description de cette technologie différente que celle que nous utilisons est également l'occasion pour l'auteur de donner sa vision du couple et du mariage : « Chaque mariage possède son moteur, son rythme, son carburant, son langage et son système de contrôle – un bourdonnement qui témoigne de son bon fonctionnement. Parfois, cependant, le bourdonnement est si bas qu'on le sent plus qu'on ne l'entend, si bien qu'il faut tendre l'oreille pour le percevoir ». Et pour éviter les disputes, la femme du couple a recours à une solution héritée de la culture chinoise : en réorganisant les casseroles accrochées et les assiettes empilées dans la cambuse, les photos dans la chambre, les habits, les souliers, les couvertures, elle améliore l'énergie qi, et lisse le feng shui. Influence de la culture chinoise là encore.

- « Animaux exotiques » : Les werks sont des animaux génétiquement modifiés (on mélange les gènes de deux animaux donnant de nouveaux animaux complètement inédits comme des chien-chèvre par exemple), des êtres artificiels. Quand on commence à faire des werks mélangeant les gènes d'animaux avec le génome humain, de façon illégale cela va de soi, cela permet d'assouvir des besoins malsains tant affectifs que sexuels. Un d'eux, mi grenouille-mi humain, cherche à découvrir le possesseur des souvenirs humains qui lui ont été implantés. C'est une nouvelle triste qui parle en substance du clonage, de ce que les hommes sont prêts à faire illégalement pour satisfaire leurs besoins primaires, de l'hypocrisie des politiques.


- « Empathie Byzantine » véritable nouvelle pédagogique sur la blockchain aux mains d'ONGs manipulatrices utilisant la réalité virtuelle pour mieux faire appel aux émotions et donc aux dons. de nombreuses questions sur les rapports entre émotion et rationalisation sont posées avec subtilité ainsi que, une fois de plus, la confrontation des visions chinoises et américains sur ces questions.

- « Vrai visage » est bien d'actualité. A l'heure où l'on désire de plus en plus neutraliser les discriminations raciales, de genre, lors du processus d'embauche, cette nouvelle montre que l'uniformisation peut être dangereuse et absurde, la race ou notre genre définissant autant notre parcours que notre moi intime. Est-il si judicieux de vouloir séparer les deux ?

La réflexion de Ken Liu n'est jamais donneuse de leçon, manichéenne ou simpliste : il ouvre les questions sans forcément apporter de réponse : dans « Messages du berceau... » par exemple, l'humanité du XXVIIème siècle semble avoir les moyens de refroidir la planète… Mais ce refroidissement est-il souhaitable ? Quelles conséquences va-t-il avoir pour les humains et les espèces qui se sont adaptés à une Terre plus chaude ?

Passer d'une pièce à l'autre sans arrêt, d'un genre à l'autre, m'a donné parfois le tournis. Sans doute n'aurais-je pas dû le lire d'une traite, comme je peux lire un roman mais savourer chaque nouvelle, m'arrêter pour la digérer, lire autre chose, pour ensuite commencer une autre nouvelle. Chaque nouvelle est d'une telle richesse que j'ai l'impression d'avoir fini le livre trop rassasiée, d'avoir mangé trop vite. Aucune nouvelle n'est mauvaise, toutes m'ont donné à réfléchir. Je sais à présent que je suis attirée par la SF post-apocalyptique, les nouvelles sur ce thème m'ont frustrée tant j'aurais aimé en lire plus.

Pour finir, je suis admirative de la traduction de ces nouvelles par Pierre-Paul Durastanti, il a su garder intactes la poésie et la finesse d'écriture de Ken Liu !
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Ce magnifique recueil de 25 nouvelles confirme, si besoin était, que Ken Liu est un des meilleurs nouvellistes actuels de science-fiction.
La plupart de ces récits sont tout simplement remarquables, ils frappent l'imagination et suscitent la réflexion par leur diversité et leur originalité.
De nombreux textes prennent évidemment pour thème « l'impact des progrès technologiques en accélération constante » (préface de l'auteur) sur tous les aspects de la vie humaine : « l'amour, l'éducation, la politique, la guerre, l'individu vont tous se trouver modifiés en permanence». le monde dans lequel l'humanité est appelée à vivre va devenir aussi instable et fugace que le « jardin de poussière » extraterrestre qui donne son titre au recueil...
Quelques exemples parmi les récits que j'ai préférés :
- « Une brève histoire du Tunnel transpacifique »(nouvelle uchronique déjà parue dans la revue Bifrost) : le Japon, craignant son voisin soviétique, et les Etats-Unis, dont la situation économique se dégrade, se sont entendus en 1929 pour construire un tunnel favorisant les échanges entre les deux pays.
- « Messages du berceau : L'ermite : 48 heures dans la mer du Massachusetts » : dans ce récit très poétique, une ancienne chef d'entreprise qui vit sur la mer fait visiter au narrateur la ville de Boston engloutie par les eaux.
- « Animaux exotiques » : un être artificiel comportant des gênes humains et animaux cherche à découvrir le possesseur des souvenirs humains qui lui ont été implantés.
- « Sept anniversaires » (récit déjà paru en tant que hors-série dans la collection Une heure lumière) : une plongée vertigineuse dans le temps au cours de laquelle les êtres humains ont abandonné leur corps physique pour devenir des êtres numériques.
On notera également que la réflexion de Ken Liu n'est jamais simpliste : dans « Messages du berceau... », l'humanité du XXVIIème siècle semble avoir les moyens de refroidir la planète… Mais ce refroidissement est-il souhaitable ? Quelles conséquences va-t-il avoir pour les humains et les espèces qui se sont adaptés à une Terre plus chaude ?
Enfin, il faut saluer le travail du traducteur, Pierre-Paul Durastanti, et celui des auteurs de l'anthologie, Ellen Herzfeld et Dominique Martel, car la progression du recueil est aussi pertinente que le choix des nouvelles !
Lecture très fortement recommandée.

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Avec ma méthode picoreur, il m'a fallu trois mois pour finir de recueil. Ceci m'a permis de diluer ce concentré de bonheur de lecture sur une longue durée.
Car j'avais beau connaître le talent de Ken Liu, j'ai quand même pris une belle claque.

Vingt-cinq nouvelles. Impossible de les détailler toutes sans vous endormir, ce serait perdre le message de plaisir dans une masse boueuse de mots.
Difficile d'en tirer des lignes directrices tant les sujets et les genres sont variés. Mais je peux quand même essayer.
Je trouve que le thème qui revient régulièrement concerne la famille, et plus précisément la mère ; la mère absente, la mère qui va partir, la mère qui revient de temps en temps, la mémoire…
Comme dans « Ailleurs, très loin de là, de vastes troupeaux de rennes » (ça c'est du titre) dans un monde où l'humanité est téléchargée, une fille préfère suivre l'exemple de sa mère et représenter son univers personnel en 3D plutôt que dans des topologies multiD abstraites.
Comme dans « Souvenirs de ma mère » où une mère condamnée par un cancer se fait cryogéniser et revient parfois à l'état vivant pour quelques heures, le temps de fêter l'anniversaire de sa fille qui grandit, mûrit et vieillit.
Comme dans « La dernière semence », où une fille rêve de devenir astronaute dans un monde où les ressources sont si réduites que l'humanité n'en a plus beaucoup à consacrer à ce genre de fantaisie.
Et comme dans « Sept anniversaires » où l'on voit l'évolution d'une fille après la Singularité, qui fête ses anniversaires en puissance de sept (7, 49, 343, etc.)

Moins un thème qu'une qualité, c'est cette faculté de Ken Liu d'intégrer des connaissances techniques dans un texte de façon à ce qu'il ne semble pas l'être, technique, qu'il reste poétique.
Comme dans « Jardins de poussière », où l'art de créer des oeuvres à partir de la poussière surmontant des panneaux solaires aide à accroitre l'efficacité de ceux-ci.
Comme dans « La fille cachée », récit de pure fantaisie stylée Tigres et dragons où l'espace multidimensionnel joue un rôle fondamental.
Comme dans « Sauver la face » où les transactions commerciales entre personnes engluées dans leurs préjugés raciaux vont être sauvées par des IA. Machine learning à gogo, qui soit dit en passant ne respectent pas le RGPD (règlement général sur la protection des données).

Difficile de choisir celles qui m'ont plu le plus. Autant effleurer à la cuillère le sommet d'une crème chantilly. Certaines de celles que j'ai déjà mentionnées assurément : « Souvenirs de ma mère » ou « La fille cachée ».
Mais d'autres peut-être encore plus : « Jours fantômes », « Long-courrier » ou « Noeuds ». Je ne décrirai pas ces dernières. Je vous les laisse découvrir.

Le final, avec « Printemps cosmique » qui conte ni plus ni moins qu'une fin possible de l'univers, est une façon admirable de refermer cet objet fantastique.

J'ai lu par-ci, par-là que le premier recueil de l'auteur, La ménagerie de papier est encore meilleur. Cela se peut-il vraiment ?
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Qu'est-ce qu'un grand auteur ?
Cette question pourrait sembler insoluble pour beaucoup de lecteurs et de critiques, surtout par les temps qui courent.
Tout comme les réalisateurs de cinéma ou les scénaristes, les musiciens et les artistes dans le sens le plus large du thème, un auteur n'est-il pas finalement une personne dont la personnalité façonne son oeuvre ?
De loin en loin, le lecteur curieux pourra ainsi relever des particularités, des échos, des obsessions.
Et si, être un grand auteur était en réalité la capacité d'un écrivain, d'un réalisateur ou d'un scénariste à ordonner les fantômes de son propre esprit pour recréer des mondes imaginaires à la portée des autres ?
Prenons Guillermo del Toro et ses créatures fantastiques, Stanley Kubrick et ses doubles, Martin Scorsese et ses gangsters, Christopher Nolan et son rapport au temps, Antoine Volodine et ses révolutions amères, Chuck Palahniuk et ses marginaux en rébellion, Damon Lindelof et son dialogue avec Dieu… Les exemples ne manquent pas et permettent finalement de comprendre que pour marquer un genre ou un époque, un auteur doit donner de lui-même, doit être capable de transformer sa propre histoire en des récits aussi protéiformes que complexes qui parleront aux autres, et pas seulement à celui qui écrit les mots sur le papier à l'instant t.
En littérature, pour définir un grand auteur, on peut lire l'ensemble d'une oeuvre et examiner ce qu'il en transparaît à l'arrivée. Un processus complexe s'il en est mais terriblement gratifiant une fois le tableau d'ensemble achevé. Il existe cependant un accès plus « simple » dans le domaine littéraire mais aussi plus exigeant, pour l'auteur comme pour le lecteur : le recueil de nouvelles.

En matière de recueils de nouvelles, les éditions du Bélial' sont devenues des maîtres avec l'aide avec l'aide de deux anthologiques remarquables : Ellen Herzfeld et Dominique Martel. Après leur (fabuleux) travail sur Greg Egan ou Peter Watts, les deux anthologistes se sont penchés sur Ken Liu, auteur-star de la science-fiction et de la fantasy américaine dont le premier recueil, La Ménagerie de Papier, a reçu une pluie de récompenses.
À travers Jardins de Poussière, second recueil de nouvelles français de l'auteur américaine d'origine chinoise, Herzfeld et Martel offre un exemple brillant de la compréhension de l'oeuvre d'un grand auteur…mais aussi de la construction d'une collection de nouvelles fluides et intelligemment agencées pour le lecteur. Mais avant d'y arriver, quelques rappels sur Ken Liu lui-même. Né en Chine, diplômé en droit d'Harvard aux États-Unis où il émigre à l'âge de onze ans, l'auteur américain n'est pas simplement un écrivain d'imaginaire de plus puisqu'il s'emploie depuis quelques temps à traduire les oeuvres d'auteurs chinois de science-fiction tels que Liu Cixin, Chen Qiufan ou encore Baoshu. Particulièrement attaché à ses racines, Ken Liu ne se contente pas d'écrire, il joue également le rôle de passeur culturel, intermédiaire idéal entre la culture chinoise et américaine. Des casquettes et des origines extrêmement importantes lorsque l'on tente d'approcher Jardins de Poussière et, plus généralement, l'oeuvre de Ken Liu, maître es nouvelles.

Le souvenir en testament
Jardins de Poussière se compose de vingt-cinq nouvelles de taille parfois très inégales. Moins poignante dans l'ensemble que celles d'une Ménagerie de Papier, les textes présentés ici n'en sont pourtant pas moins brillamment racontés et exploités.
Pour preuve, le premier texte, Jardins de Poussière, dans lequel un artiste de bord est réveillé avant le reste de l'équipage pour sauver l'expédition du vaisseau-pionnier Sarira du désastre. Échouée sur une planète qui ensable ses panneaux solaires, l'intelligence artificielle décide de réveiller le membre le plus sacrifiable de tous pour sortir déblayer la seule source d'énergie du vaisseau. Mais voilà que de façon improbable, notre artiste décide de laisser un coin du panneau solaire recouverte de sable…pour y sculpter ses propres créations, marque d'un souvenir face à sa lente agonie face aux rayons solaires. Ken Liu raconte ici le rôle de l'artiste, expliquant non seulement la beauté de l'art en lui-même mais aussi son utilité, parfois inattendue, pour l'espèce humaine. Jardins de Poussière métaphorise une pensée primordiale de l'auteur : la création d'un souvenir, d'une trace, peut conduire à des miracles.
Les souvenirs occupent une place de premier plan dans l'oeuvre de Liu, ce ne sont pas les lecteurs de la Ménagerie de Papier qui diront le contraire. Mais avec ce second ouvrage et le travail des anthologistes, les choses s'avèrent encore plus évidentes.
Dans Une Brève Histoire du Transpacifique, un ancien ouvrier du méga-tunnel se souvient de l'Histoire, la véritable, celle que l'on cache. Il refuse d'oublier et veut apporter ce souvenir particulier aux autres.
Dans Dernière Semence, Linda, dernière survivante de l'humanité tente de laisser un ultime souvenir de notre race sur une planète lointaine.
Dans Jours fantômes, Fred et Ona apprennent l'importance de se souvenir de leur propre passé pour faire survivre tout un peuple, toute une culture.
Trois exemples parmi d'autres pour capter l'importance du souvenir chez Ken Liu, une importance qui va se pair avec deux autres préoccupations : celle de la filiation et celle de l'Histoire avec un grand H.

Compréhesion mutuelle
Depuis La Ménagerie de Papier, les fans de Ken Liu savent à quel point l'auteur américain entretient une relation complexe et fascinante avec ses parents. Une relation d'autant plus importante dans la culture asiatique qui trouve des échos particulièrement forts dans ce second recueil.
Parlons par exemple de Souvenirs de Ma Mère où Amy se rappelle les sacrifices consentis par sa mère malade pour la voir grandir en utilisant la théorie de la relativité. Magistralement adapté en court-métrage sous le titre Beautiful Dreamer, cette très courte nouvelle synthétise nombre de grands thèmes chers à Liu : celui du rapport enfant-parent, celui de la compréhension mutuelle et celui des souvenirs familiaux.
On retrouve ces thèmes dans Ailleurs, très loin de là, de vastes troupeaux de rennes où Renée Tae-O, une humaine post-Singularité habitant un monde virtuel part à la rencontre de l'univers réel avec sa mère, une Ancienne de chair et de sang qui souhaite lui faire partager son mode de vie et sa vision avant de quitter la planète.
Ken Liu ne se limite pas à raconter des histoires de parents et d'enfants, il les lie, les entremêle, tisse des relations complexes et souvent conflictuelles où les éléments imaginaire ou réels du récit séparent. Comment se comprendre dès lors ? Par l'empathie.
Mais l'empathie n'est pas chose facile, comme le démontre la nouvelle Rester dans le même univers que celle de Renée Tae-O où vivants et « morts » (en réalité des humains informatisés post-Singularité) ne se comprennent plus et où père et enfants ne comprennent non plus le désir des uns et des autres dans un monde transfiguré où l'humanité n'est plus qu'un souvenir.
Et si la question filiale semble parfaitement maîtrisé par Liu, il étend sa réflexion sur la compréhension de son prochain à d'autres niveaux.
Comprendre l'autre chez l'américain, c'est le début d'un idéal.
Dans Sauver la Face, il n'imagine pas simplement deux I.As capables de conclure les accords commerciaux les plus périlleux mais la réunion de deux cultures différentes et deux conceptions du monde différentes en abattant le racisme entre les gens. Cette histoire de père-fils et de mère-fille fustige les préjugés, trouve les dénominateurs communs et abat les murs. En trichant parfois mais pour mieux en tirer la vérité des personnes derrière leur histoire personnelle et leurs souffrances.
Ce besoin absolu de compréhension mutuelle va encore plus loin lorsque Liu s'aventure dans des univers fantasy comme dans Bonne Chasse (adaptée dans l'excellente série Love, Death + Robots) où un chasseur de Hujiling, un démon voleur de coeur asiatique, s'éprend du Hujiling en question pour finir par le comprendre enfin. L'américain, en utilisant un monde steampunk-fantasy, métaphorise l'oppression britannique sur Hong-Kong et celle des chasseurs sur les créatures surnaturelles. Jusqu'à ce qu'une étincelle d'humanité, un acte de miséricorde, change la donne.
Plus encore que l'acceptation de l'autre, Jardins de Poussière devient l'acceptation d'une culture/d'un mode de pensée. Si le périple de Barry Icke dans Long Courrier pourrait n'être qu'une uchronie de plus où les zeppelins ont fini par dominer le monde de l'aviation moderne, Ken Liu le transforme en une poignante histoire de collision, celle du monde rationnel et moderne de Barry avec celui traditionnel et superstitieux de sa femme, Yelin. Les mondes peuvent se comprendre et le souvenir, l'Histoire qui se cachent derrière peut ainsi perdurer.

Au pays des Han et de la technologie
Bien sûr, Ken Liu ne cesse jamais de réfléchir sur ce qui sépare (et rassemble), les cultures occidentales et asiatiques, lui-même fruit de ces deux opposés apparemment inconciliables.
Et pourtant, dans Empathie Byzantine, sur fond d'ONGs manipulatrices et de blockchains, l'américain invite non seulement le lecteur à réfléchir sur l'influence de l'émotion sur la rationalisation mais également à confronter brutalement les conceptions humaines des deux extrémités de la planète. Sophia d'une part, membre de RSF (Réfugiés Sans Frontières) et Jianwen, activiste et créatrice d'Empathium, une application révolutionnaire qui shunte l'influence des gouvernements et des ONGs. Sauf que voilà, les problèmes moraux sont bien plus complexes qu'une vision bichromatique des choses. Doit-on faire des sacrifices ou se fonder sur l'instantanéité de l'émotion ?
Voilà une épineuse question qui ne se conçoit d'ailleurs pas forcément de la même manière que l'on soit occidental ou asiatique. Il en va de même des considérations de Vrai Visage, merveilleuse nouvelle qui réfléchit sur la discrimination raciale et sur les réactions radicales qu'elle suscite.
Et si l'uniformisation forcée n'était pas une bonne chose ? Si la race définissait autant notre parcours que notre être ? Peut-on vraiment séparer les deux…? Doit-on vraiment le faire ?
Au-delà même de la question de racisme, Ken Liu constate les différences sur fond de crise environnemental et d'humanité égoïste, reflets multiples de personnalités individuelles déjà incapables de se comprendre. Au centre, on retrouve la plus chère des obsessions de l'écrivain : l'identité.

Qui es-tu ?
Toute la réussite des nouvelles de Jardins de Poussière et, plus généralement, de Ken Liu, se retrouve en vérité dans ce simple concept : l'identité.
Tous les personnages de Ken Liu se questionnent sur leur nature profonde. Des hybrides homme-grenouille (ou Werk) d'Animaux Exotiques aux paysans de montagnes à l'écriture si particulière dans Noeuds en passant par Dolly, la jolie poupée jetée et abandonnée par sa maîtresse ou encore Jane qui découvre la vérité d'une Saga légendaire sur un monde lointain. Tous s'interrogent à un moment ou un autre sur leur propre identité.
Plus intelligent, Ken Liu porte d'ailleurs la question de l'identité sur d'autres plans : celui de la civilisation, celui de l'humanité toute entière.
Pour Moments Privilégiés, autre extraordinaire nouvelle de ce recueil qui ne manque pas de textes remarquables, un diplômé en lettres et sciences sociales et humaines débarquent dans une entreprise de haute technologie : WeRobot.
Il finit par fabriquer un robot-rat qui ne va pas vraiment avoir les conséquences attendues pour la société. Pire, il conçoit un robot-nourrice pour soulager la peine et les souffrances des parents et qui va, lui aussi, être un échec retentissant. Chronique d'une avancée technologique manquée, la nouvelle illustre de façon superbe la question sur l'identité humaine et, plus précisément, sur la notion de parentalité.
Qu'est-ce qui rend cette relation enfant-parent si particulière et atypique ? Peut-on vraiment la remplacer avec la technologie ? Doit-on vraiment la remplacer ?
Ici, la boucle est bouclée, Ken Liu en s'interrogeant sur l'identité de notre bonne vieille race humaine remonte aux racines de notre être : nos parents. Avec eux s'écrivent l'Histoire et les Souvenirs, dans la douleur, la souffrance mais aussi la joie et l'amour.
Peut-on revenir sur le passé ? Non.
Doit-on s'en servir pour ne pas commettre les mêmes erreurs, comprendre ses propres ancêtres et la personne qui se tient devant nous ?
Absolument, toujours, à chaque instant.

Jardins de poussière n'est pas qu'un grand recueil de nouvelles, c'est aussi une façon magistrale d'agencer des histoires, de construire un ouvrage passionnant. Cette construction fluide et intelligente permet une démonstration magistrale : celle qui révèle définitivement Ken Liu comme un grand auteur de science-fiction aux questionnements humains passionnants et à la sensibilité essentielle capable de mêler réflexions technologiques et éthiques aux choses les plus intimes de l'homme.
Lien : https://justaword.fr/jardins..
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Magnifiques nouvelles.

C'est le second recueil de nouvelles de Ken Liu publié en France.

Après la lecture du très bon premier recueil de nouvelles de Ken Liu "La ménagerie de papier", je me suis replongée avec plaisir dans son univers. Je me concentrerais sur les nouvelles qui m'ont le plus marquées.

Le Jardin de poussière: l'art est-il inutile et vain face à la science ? Belle nouvelle qui montre que la question n'est pas si tranchée.

La Fille cachée: Chine médiévale, la fille d'un général est enlevée pour devenir assassin. Nouvelle divertissante et pleine d'action.

Bonne chasse: la modernité va t-elle faire disparaître les traditions ? Bonne nouvelle qui montre l'impact de la modernité sur la tradition. La chute est excellente.

Rester: après la Singularité l'humanité est divisée en deux: ceux qui se sont téléchargés dans un univers virtuel et ceux qui restent dans le monde physique. Bonne nouvelle qui interroge sur la disparition des proches et sur ce qui fait l'humanité.

Ailleurs, très loin de là, de vastes troupeaux de rennes: il s'agit d'une incursion dans l'univers virtuel après la Singularité. Une de mes nouvelles préférées du recueil, on suit une humaine dans l'univers virtuel post-Singularité.

Souvenirs de ma mère: une femme a un cancer incurable, il ne lui reste que deux ans à vivre. C'est pourquoi pour voir sa file grandir, elle va embarquer à bord d'un vaisseau supraluminque et revenir tous les sept ans. Une des meilleures nouvelles du recueil, très belle et très triste.

Une brève histoire du Tunnel transpacifique: Et s'il n'y avait pas eu de Seconde Guerre mondiale ? En 1938, les grandes puissances se sont entendues pour construire un tunnel reliant le Japon et les Etats-Unis afin de contrer la crise économique. Excellente nouvelle. Un ouvrier se souvient de la véritable histoire du tunnel. Celle-ci est nettement moins belle que la version officielle.

Empathie byzantine: comment sensibiliser aux malheurs du monde ? Comment les combattre ? Nouvelle cynique et grinçante sur l'humanitaire et ses méthodes pour obtenir des fonds.

La Dernière semence: quel héritage pour l'humanité après sa disparition ? Ma nouvelle préférée du recueil. elle se focalise sur la dernière survivante de l'humanité et la trace qu'il souhaite laisser.

En bref, ce fût un excellent second recueil, même si j'ai moins apprécié certaines nouvelles. Je vais désormais me tourner vers ses romans.
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Nouvelle valeur montante de la SF (on peut même, déjà, parler de valeur sûre), Ken Liu choisit le plus souvent la forme courte pour s'exprimer, comme en témoignait son anthologie fort récompensée, LA MENAGERIE DE PAPIER. Ce second recueil, JARDINS DE POUSSIERE, rassemble 25 nouvelles, assorties d'un avant-propos et d'une bibliographie, pour 544 pages de lecture. Il s'agit ici des nouvelles courtes, allant de deux pages à une quarantaine, les « romans courts » de l'auteur (le plaisant LE REGARD et le formidable L'HOMME QUI MIT FIN A L'HISTOIRE) étant par ailleurs disponibles dans la collection Une Heure lumière.

Certains des textes ici rassemblés ont été précédemment publiés dans diverses anthologies (« La fille cachée » dans EPEES ET MAGIE, « Sept anniversaires » dans le hors-série de la collection précitée « Une Heure lumière ») ou revues (« Souvenir de ma mère », « le Fardeau », « Une brève histoire du tunnel transpacifique » dans Bifrost qui a toujours mis en avant Ken Liu, « Long courrier » et « Noeuds » dans Galaxies), les autres sont inédits.

Après le court et poétique « Jardin de poussière », nous embrayons avec « La fille cachée », récit de Fantasy proche de la « chevalerie » des films Wu Xia Pian de la Shaw Brothers. « Bonne chasse » reste dans le domaine de la fantasy chinoise avec le personnage de la Renarde (vu dans pas mal de films) dont le héros tombe amoureux, à la manière des « Histoires de fantômes chinois ». Un récit agrémenté d'une réflexion sur le temps qui passe et la mort de la magie dans une ambiance steampunk. Autre réussite, « Rester » traite du monde d'après la Singularité, alors que la majorité de l'humanité a choisi de laisser mourir son corps physique pour ne plus exister qu'à l'état de simulation dans le cyberspace »…Nouvelle illusion ou immortalité ? le récit s'intéresse surtout à ceux qui, comme le titre l'indique, on choisit de « rester » et de continuer à vivre physiquement…mais jusqu'à quand pourront-ils maintenir un semblant de civilisation ? le recueil se poursuit sur d'autres récits qui évoquent la Singularité et le post-humanisme, envisageant un monde dans lequel 300 milliards d'humains ont été digitalisé et stockés pour une nouvelle vie éternelle. le très court « Souvenir de ma mère » joue de la relativité du temps pour permettre à une mère atteinte d'un mal incurable d'accompagner sa fille tout au long de sa vie.

Plus léger mais tout aussi réussi, « le Fardeau » montre des archéologues étudier une vaste saga épique découverte dans les ruines d'une lointaine planète. Bien que ses habitants aient disparus depuis un million d'années, le poème philosophique continue d'inspirer les Terriens et suscite même l'émergence de nouvelles religions basées sur cette sagesse ancestrale. Mais une jeune femme découvrira la vérité sur ce récit. Un récit très « âge d'or » (on imagine très bien les Grands Anciens comme Asimov ou Clarke tentés par le sujet) à la chute savoureuse.

Dans « Nul ne possède les cieux », un homme commet un sacrilège en disséquant un faucon sacré, ce qui va entrainer le de développer les dirigeables et assurer à son pays la suprématie sur les airs et de nombreuses victoires militaires.

La nouvelle uchronique « Une brève histoire du tunnel transpacifique » constitue une autre indéniable réussite avec ce monde qui a choisi, pour échapper à la Grande Dépression, de creuser un tunnel sous le Pacifique, donnant ainsi un emploi aux nombreux chômeurs.
La suite reste globalement de très bon niveau (« Dolly ») avec des interrogations très actuelles, notamment sur la discrimination positive (« Vrais visages » qui prouve l'absurdité de vouloir gommer son genre et son ethnie) mais aussi sur le clonage et les manipulations génétiques dans le but d'engendrer des hybrides humains / animaux (« Animaux exotiques »,) dignes du docteur Moreau. L'auteur parle aussi réchauffement climatique (« Message du berceau » et sa visite d'une Boston engloutie sous les eaux), transhumanisme (« Sept anniversaires » et ses humains débarrassés de leur identité corporelle pour devenir des avatars numériques immortels).

Quoiqu'il utilise des thèmes classiques et n'hésite pas à proposer une SF exigeante et « hard », Ken Liu ne renonce pas, pour autant, à l'émotion et au « sense of wonder », quitte à parfois vouloir « faire pleurer dans les chaumières » (« Dolly », « Animaux exotiques », « La dernière semence »,…). Mais pourquoi y voir un défaut ? La SF ne doit pas être toujours aussi froide que celle de Stephen Baxter ! Avec Ken Liu le lecteur éprouvera un panel d'émotions et de réflexions qui confirment la place de l'auteur chinois au sommet de son art. Si on aime la science-fiction, impossible de ne pas aimer Ken Liu et ce recueil imparable en constitue une nouvelle preuve.

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J'avais tellement aimé La Ménagerie de papier, que je considère comme un chef-d'oeuvre de la SF, que j'avais un peu peur d'être déçu par le nouveau recueil de nouvelles de Ken Liu. Et bien non, il a réussi l'exploit de faire un nouveau chef-d'oeuvre ! Ces nouvelles sont ambitieuses (par exemple comment raconter la mort thermique de l'univers), originales (une série de nouvelles sur le transhumanisme, très impressionnante), pleines d'humanité (une mère mourante profite de la relativité en faisant des voyages spatiaux pour voir sa fille grandir, elle lui rend visite trois jours tous les sept ans, le temps s'écoulant moins vite pour elle). Il nous montre comment les évolutions technologiques peuvent modifier l'humanité, mais on sent que ce qui l'intéresse, c'est avant tout les humains, plus que les évolutions technologiques. C'est en tout cas une plume et une sensibilité unique qui réussit le tour de force de plaire à la fois aux fans de science-fiction et en même temps à ceux qui n'aiment pas spécialement le genre.
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Imaginaire poétique

Il s'en est fallu de peu pour que cette lecture géniale se transforme en coup de coeur.
Les 25 nouvelles composant ce recueil sont, presque sans exception, d'excellente facture. Je pense qu'il m'a manqué une homogénéité de l'ensemble en matière de genre littéraire. En effet, si ce livre est présenté comme un ouvrage de science-fiction, plusieurs textes de la première moitié obéissent clairement aux codes du fantastique, voire de la fantasy. Il est rare de voir un auteur exceller dans plusieurs registres, et compiler ces nouvelles disparates dans un même recueil peut sembler curieux, mais après tout, il s'agit d'un moyen efficace pour découvrir la large palette de l'artiste.
Charmé donc.

Ken Liu n'est pas avare en poésie, romantisme ou autre nostalgie, c'est le moins qu'on puisse dire. Si, au début du recueil, dans ses univers fantastiques, j'ai parfois eu l'impression qu'il en faisait un peu trop, j'ai très vite été rassuré. Ce style se marie bien mieux avec ses idées science-fictionnelles. Il y a de la beauté dans ses mots. Une gravité omniprésente qui redonne à l'humain ses lettres de noblesse.
Le concept de famille est d'ailleurs l'une des pierres angulaires de ses nouvelles. Filiation, héritage, séparation… Ses quêtes sont tout autant intimes que relatives à l'espèce. L'espèce humaine, évolutive, avancée et encore si jeune, inspirée, (dés)illusionnée, agissant par amour, par devoir, par noblesse de coeur pourquoi pas. La dimension psychologique habite chacune de ses lignes, tout prend un sens concret.
Autre fil directeur caractérisant l'écriture de l'auteur : ses origines. La culture, l'histoire, les contes et le système de pensée chinois ajoutent un intérêt à certaines de ces nouvelles. C'est rafraîchissant, pour un lecteur occidental bien ancré dans la SF anglo-saxonne. Une sensation semblable avec ce que le premier tome du Problème à trois corps m'avait procuré. Ken Liu a beau avoir émigré très jeune aux États-Unis, il a su rester proche de ses racines et en tirer parti pour nous livrer des textes universels et évidents dans l'abolition des frontières.

Qu'il s'agisse d'un chantier international à l'échelle du globe, des limites de la technologie, de relativité temporelle, de voyages cosmiques, d'engagement humanitaire, du pillage des traditions au profit de la science et du commerce, de la symbiose/hybridation Homme/animal ou Homme/extra-terrestre, d'immortalité numérique, d'étude de civilisations et de leurs langues, d'écologie, de mécanique steampunk, d'architecture astrale ou encore de biologie, Ken Liu s'approprie une grande variété de sujets avec une sensibilité non feinte. Tout cela l'habite profondément, c'est palpable. Il y croit, comme possédé par ses lubies et ses démons. Mieux encore : il possède les mots pour nous faire partager ses visions. le réalisme de ses idées est poignant précisément parce qu'il y a déversé un maximum d'humanité.
Du conte fantastique presque enfantin à de la hard-SF spéculative, Ken Liu maîtrise son sujet d'un bout à l'autre. Un auteur extrêmement complet, donc.

Une vraie belle plume et une excellente traduction qui nous font voyager, imaginer, rêver, pour mieux nous rappeler ce qui compte vraiment, et quelle est notre place.
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Les nouvelles de Jardins de Poussière m'ont moins marquée dans l'ensemble que celles du recueil de la Ménagerie de papier, mais restent de qualité. Comme le précédent, le ton est majoritairement SF malgré quelques incursions en fantasy et en fantastique.

On retrouve une SF loin d'être froide, pleine d'humanité et dont les relations humaines (en particulier la relation mère/enfant dans des textes souvent empreints de tristesse comme c'était déjà le cas dans la Ménagerie de papier) sont au coeur des récits, mêlés à des problématiques technologiques. Il y a beaucoup de thèmes récurrents qui se dessinent, la double culture américaine et chinoise de l'auteur, l'attirance de l'immensité de l'espace, la famille, la rencontre de la tradition et de la nouveauté, les progrès technologiques et ses tranchants, la numérisation de l'esprit humain… et tant d'autres. Si certains ne sont pas inédits en science-fiction, ils sont toujours abordés sous un angle original.
Tout est nuancé, pensé avec finesse, et l'écriture subtile de Ken Liu exprime beaucoup à demi-mots, en si peu de pages.

Parmi les nouvelles qui m'ont le plus touchée :

- Bonne chasse, dont j'ai vu l'adaptation en court-métrage dans l'anthologie Love, Death and Robots sur Netflix et qui avait été un de mes épisodes préférés.

- Souvenirs de ma mère a réussi à me tirer une larme, avec ses quatre petites pages seulement.

- Noeuds, parce que je trouve le concept d'écriture par noeuds peu employé en littérature et que la rencontre entre tradition et innovation semble aussi enchanteresse qu'amère.

- Imagier de cognition comparative pour lecteur avancé, parce que j'aime le catalogue d'extraterrestres et leurs façons de penser unique. C'est la nouvelle qui m'a le plus rappelé l'ambiance du recueil précédent.
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Commençons par le plus évident: le travail éditorial est d'une propreté remarquable, la couverture d'Aurélien Police une merveille. Mais plus important à mes yeux, Pierre Paul Durastanti, nous fais rendre compte de l'importance vitale du travail des traducteurs.
Un grand coup de chapeau à toute l'équipe donc, car il n'est jamais aisé de créer un objet livre à la hauteur de son contenu, surtout en traduction, mais le défi est relevé avec classe, grande classe.

Les textes de ce recueil sont nombreux et appartiennent à plusieurs sous-genres de l'imaginaire: de la science-fiction, du silkpunk, du steampunk, de l'uchronie. Certains textes se répondent ou ont des thématiques communes. Les textes sont aussi de longueur assez différente. Les nouvelles présentent ainsi une grande variété mais l'ordre du sommaire leur confère une certaine logique de lecture.
Parmi les thématiques abordées dans ce livre, on note le souvenir et l'importance de la transmission que l'on retrouve dans plusieurs textes.Plusieurs nouvelles parlent aussi des modifications du monde et de ce qu'elles entrainent sur les gens.Autre thématique que l'on retrouve au travers de certains textes, le questionnement sur l'identité, et la quête d'identité.
Jardins de poussière montre ainsi à quel point Ken Liu est un auteur extrêmement doué pour le format court. Ces nouvelles abordent de nombreuses thématiques traitées avec nuances et émotions. le recueil contient plusieurs bijoux que l'on pourra lire et relire avec toujours autant de plaisir.
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