Lorsqu’il doit arriver une grande crue d’eau, les gens de rivière s’en aperçoivent par un mouvement particulier qu’ils remarquent dans l’eau ; ils disent que la rivière mouve de fond, c’est-à-dire que l’eau du fond de la rivière coule plus vite qu’elle ne coule ordinairement : cette augmentation de vitesse dans l’eau du fond de la rivière annonce toujours, selon eux, un prompt et subit accroissement des eaux.
On sait que, dans les grandes rivières, le mouvement des eaux occasionné par les marées est sensible à cent ou deux cents lieues de la mer ; on sait aussi que le courant du fleuve conserve son mouvement au milieu des eaux de la mer jusqu’à des distances considérables : il y a donc dans ce cas deux mouvements contraires dans l’eau du fleuve : le milieu, qui forme le courant, se précipite vers la mer, et l’action de la marée forme un contre-courant, un remous qui fait remonter l’eau qui est voisine des bords, tandis que celle du milieu descend ; et comme alors toute l’eau du fleuve doit passer par le courant qui est au milieu, celle des bords descend continuellement vers le milieu, et descend d’autant plus qu’elle est plus élevée et refoulée avec plus de force par l’action des marées.
J’ai ouï dire à un voyageur, homme d’esprit et bon observateur, qui a fait plusieurs grands voyages par terre dans la partie de l’ouest de l’Amérique septentrionale, que les voyageurs et même les sauvages ne se trompaient guère sur la distance où ils se trouvaient de la mer ; que, pour reconnaître s’ils étaient bien avant dans l’intérieur des terres, ou s’ils étaient dans un pays voisin de la mer, ils suivaient le bord d’une grande rivière, et que, quand la direction de la rivière était droite dans une longueur de quinze ou vingt lieues, ils jugeaient qu’ils étaient fort loin de la mer ; qu’au contraire si la rivière avait des sinuosités et changeait souvent de direction dans son cours, ils étaient assurés de n’être pas fort éloignés de la mer.
DES FLEUVES
Dans tous les endroits où il y a d’un côté de la rivière des montagnes ou des collines fort rapides, et de l’autre côté des terres élevées en pente douce, on trouvera toujours que la rivière coule au pied de ces collines rapides, et qu’elle les suit dans toutes leurs directions, sans s’écarter de ces collines, jusqu’à ce que, de l’autre côté, il se trouve d’autres collines dont la pente soit assez considérable pour que le point le plus bas du terrain se trouve plus éloigné qu’il ne l’était de la colline rapide.
Ne laisse jamais un faux pas mettre fin à ton voyage.