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sur 662 notes
En décernant le Prix Femina 2022 à Claudie Hunzinger pour Un chien à ma table, le jury a récompensé une belle oeuvre littéraire, un superbe travail d'écri-vaine, comme Grieg, le compagnon de la narratrice aime à la définir.
Modifiant un peu son nom, l'autrice dit s'appeler Sophie Huizinga ; elle m'emmène dans cette maison située aux Bois-Bannis, un nom assez peu engageant mais qui ne rebute pas ce couple uni par une complicité profonde et très émouvante.
C'est là qu'a débarqué une chienne en piteux état qu'elle nomme sans hésiter Yes. La narratrice constate, horrifiée, que cette chienne a été victime de sévices sexuels et qu'elle porte des blessures. Mais, aussitôt après avoir mangé, Yes disparaît.
Ainsi, tout au long de ce roman, le chien n'apparaît pas constamment. Il sert plutôt de repère, de support dans cette maison isolée que frôlent tout de même un parcours santé et le GR5. Quelques passages mis à part dans lesquels Claudie Hunzinger paraît meubler, je suis la plupart du temps très touché, vite ému par ses réflexions, ses avis pertinents sur notre planète. le saccage de la nature, du vivant, est dénoncé avec tellement de pertinence qu'il est impossible de lire ces passages sans être bouleversé. La justesse de son point de vue sur une évolution qui ne semble pas inquiéter la majorité des humains, mérite d'être prise en compte.
Avec ça, l'autrice partage sa façon de faire, son travail au quotidien pour ne rien perdre de ses observations. Il le faut bien car il ne se passe tout de même pas grand-chose dans ce coin isolé des Vosges d'où, indique-t-elle, on aperçoit une autoroute au loin…
Après une sortie dans la libraire Rive Gauche, à Lyon, Sophie que Grieg appelle aussi « ma Biche » ou encore « Cibiche », retrouve les Bois-Bannis et Litanie, leur ânesse, compagne essentielle. Là, elle peut se confier, disserter sur elle-même, faire partager son ressenti face aux animaux, aux gens, aux chiens, à la nature, aux aléas de la météo.
Est-ce un effet de l'âge, mais Claudie Hunzinger me touche vraiment lorsqu'elle évoque la vieillesse, la diminution de ses ressources physiques, voire la perte de certaines possibilités autrefois essentielles. Elle ajoute à cela ce que la vétusté des choses déclenche en elle et les questions qu'elle pose : « Pourquoi la vétusté est-elle douce et anarchiste en même temps ? Pourquoi est-elle compatissante ? »
Que c'est bien écrit ! Que c'est juste !
Qu'elle se nomme Sophie Huizinga ou Claudie Hunzinger, depuis les Bois-Bannis, ne peut mettre un point final à Un chien à ma table sans évoquer cette mort inéluctable pour tout vivant, sans une pirouette humoristique et poétique. Humoristique avec Grieg qui lui demande enfin d'acheter des bretelles pour tenir son pantalon ; poétique grâce à Dominique A et sa chanson « Les éveillés » avec ces vers simples et admirables :
« Nous n'avons pas le droit de nous / perdre de vue.
Nous n'avons pas le choix / et tu le sais.
Il n'est pas question que l'amour/vienne à manquer ».

J'ajoute que Un chien à ma table fait partie des huit livres en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Après « La survivance » et « La langue des oiseaux » c'est le troisième roman de cette auteure que je dévore depuis mon environnement bitumé de citadin.
Lire cette écri-vaine, comme elle se définit, c'est pour moi, pénétrer une dimension quasi inexplorée à la nature souveraine où le guide de vie est l'instinct.
Merci à Mme Hunzinger d'être mon tempérament opposé. Cette altérité bienfaisante, m'enivre, m'emporte. Je me sens choyé mais malgré tout bousculé, effrayé, par l'importance et l'urgence sérieuses à maitriser les concepts inquiétants et menaçants énoncés dans ce roman.
L'anthropocène, cette nouvelle époque géologique qui se caractérise par l'avènement des hommes comme principale force du changement sur terre surpassant les forces géophysiques est en marche et se confirme être suffisamment alarmante pour nous entrainer dans un chaos intégral si elle n'est pas endiguée.

Sophie Hunzinga et Grieg son compagnon se sont retirés dans une ancienne bergerie au nom prédestiné : « Les bois-bannis ». Ce lieu-dit excentré, peuplé en son temps par des anabaptistes est à une heure de marche de tout site habité.
Ils ont pour seuls remparts leurs livres, leur connaissance et leur amour de la nature.
« Et moi, je voulais encore une fois gouter au plaisir infini de déguerpir. Déguerpir, c'est ma base de romancière. de livre en livre, je me suis accrochée au déguerpir comme à la queue d'un renard. »

Par je ne sais quel prodige, malgré la perception de ce chamboulement annoncé, je me sens serein. Est-ce cette écriture expérimentée et érudite qui canalise mon inquiétude débordante, qui ralentit mon pouls, qui m'apaise et me tranquillise ou est-ce l'apparition d'une vieillesse partagée avec Sophie et Grieg qui atténue le marasme à venir par le vécu d'une vie déjà bien pleine ?

Dans ses romans, Claudie Hunzinger m'a rendu capable avec sensualité et poésie à percevoir le sifflet des oiseaux dans les cimes, à écouter bruisser les feuilles des arbres, à saisir les plaintes du vent, à pactiser avec un âne aimable, à voir un cerf autrement.
Comment ne pas être ensorcelé ?
Je suis comme un chien à sa table, j'attends qu'elle me jette ses mots en pâture pour m'en délecter, m'en réconforter, m'alerter aussi, jamais rassasié.
Je ne suis plus là, je suis dans ses pas, dans mes brodequins boueux à arpenter le terroir autant que le territoire avec « Yes » sa jeune chienne qui l'accompagne et qu'elle aime à l'égal de son compagnon aigri de la vie bafouillant qu'on lui foute la paix.

Je n'ai pas les compétences pour faire un quelconque bilan. « Il disait qu'on s'habituait tranquillement, voilà tout. Qu'on s'habituerait au pire. Qu'on allait tranquillement banaliser l'insoutenable. »
Je n'imagine pas ma part de responsabilités mais je suis conscient du dégât accompli et de l'immense tâche à effectuer pour soigner ce qu'il est encore possible de sauver.
« Mais je le répète, le monde ne s'était pas écroulé. Juste un peu plus que la veille et c'est un fait qu'on ne lui appartenait déjà plus. »

Parce que je repense à toutes mes années de services, bientôt, il y a aura les années de sévices. le temps perdu qu'on ne rattrape plus. Antisocial, je perds mon sang froid…
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Magnifique roman qui vient d'avoir le Prix Femina 2022. Belle récompense méritée. Premier livre que je lis de l'autrice mais sûrement pas le dernier.
Sophie et Grieg habitent dans les Vosges au milieu de la forêt. Cela fait trois ans. Un soir, une jeune chienne surgit auprès du vieux couple avec sa chaîne brisée et une apparence maltraitée. Sophie l'adopte et la prénomme Yes. Ce n'est pas qu'un roman pour femmes à toutou, c'est beaucoup de choses. Elle parle du monde qui va mal, de la nature qui la ressource. La présence d'autres humains est vue comme un danger à ses yeux. La vieillesse y est souvent notée, mais l'autrice garde une fraîcheur d'écriture et un dynamisme à toute épreuve. Une belle réflexion sur la vie d'aujourd'hui ainsi que des souvenirs d'hier. Un livre que je vous recommande bien évidemment.
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Encore une fois et malheureusement, mon retour prendra une direction différente de celle des jolis retours des Babelpotes que j'ai vus défiler ces dernières semaines et qui m'ont fortement incitée à réserver "Un chien à ma table" à la bibliothèque. Non pas qu'il m'ait franchement déplu, mais quelque peu déçue, oui malheureusement.

Sophie et Grieg forment un vieux couple, installé depuis trois ans aux Bois-Bannis dans une vieille maison cachée et entourée de forêts. Pendant que Sophie, écrivaine de profession, ne fait plus qu'un avec la nature au gré de ses marches forestières, Grieg, quant à lui, a depuis longtemps quitté le monde réel en se réfugiant dans ses livres. Un soir, apparaît, sur le seuil de la maison, une chienne traînant une chaîne cassée et ayant visiblement subi des sévices. Sophie décide aussitôt de la garder, tout en appréhendant le fait que son maître maltraitant vienne la récupérer sous peu. Yes, la petite chienne, s'immisce donc dans la vie du vieux couple, dont le quotidien se résume à s'éloigner de plus en plus de ce monde actuel qui court à la dérive, à vieillir sereinement entre balades dans la nature le jour et lectures la nuit, tout en philosophant sur la société actuelle.

Tout était là pour me plaire : des personnages qui refusent d'entrer dans le moule et qui tiennent absolument à rester sur la marge (à 80 ans en plus, c'est beau !), l'amour et le respect de la nature et des animaux, la passion des livres, de grands espaces naturels qui changent au fil des saisons, le grand air, comme une sorte de ressourcement...

Comme tout n'est qu'introspection, la narration à la première personne nous invite à entrer dans la peau de Sophie, dans ses pensées et ses réflexions, dans son corps vieillissant. Sophie est une dame qui, malgré son âge et les signes de la vieillesse, reste vive d'esprit (et de corps malgré tout). Elle nous partage toutes ses idées, toutes ses réflexions sur notre société actuelle, sur nos modes de vie, sur les humains en général. C'est là que ça a un peu coincé pour moi, puisque ça part un peu dans tous les sens et que l'on se rend compte au fil de la lecture qu'il n'y a en fait guère d'intrigue : une chienne a fait irruption chez ce couple qui continue de vieillir et de mener son train-train comme auparavant, il ne se passe rien d'autre et on a tôt fait de le comprendre. Mais ce n'est pas dérangeant en soi puisque la nature environnante et surtout le cheminement intérieur de Sophie emplissent l'espace, mais de manière trop décousue. Vous allez me dire que c'est normal puisqu'on est dans ses pensées et que les pensées sont rarement ordonnées. Soit, je plussoie mais c'est davantage la façon dont elles sont couchées sur le papier qui m'a quelque peu gênée.

Et c'est là que j'en arrive au style d'écriture de l'autrice : je n'ai rien à lui reprocher dans le sens où elle use d'une plume riche, élaborée, travaillée, cultivée (et ponctuée !), et en cela c'est très agréable et appréciable. Mais les phrases, tantôt très courtes qui tiennent en un ou deux mots, tantôt très longues qui tiennent sur une bonne dizaine de lignes, m'ont souvent rendu la lecture un peu ardue. le style de narration est en fait un peu lourd, peu fluide, soit trop haché, soit qui a fini par me faire perdre le sens de la phrase à cause des nombreux apartés.

En revanche, j'ai beaucoup aimé le cadre, les personnages, leur mode de vie et leurs points de vue. J'ai également beaucoup apprécié la façon dont sont traités les animaux, sur un pied d'égalité avec les humains, d'où le titre du livre d'ailleurs.

Un retour mitigé donc, mais comme vous pouvez le constater, c'est vraiment personnel. La trilogie romanesque de Jón Kalman Stefánsson ("Entre ciel et terre", "La tristesse des anges", "Le coeur de l'homme"), puis "On était des loups" de Sandrine Collette, et maintenant "Un chien à ma table" de Claudie Hunzinger... Je commence à me demander si je n'ai pas un problème avec l'introspection et le style de narration que cela implique...
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Depuis trois ans, une écrivaine Sophie Huizinga et Grieg, son compagnon depuis presque soixante ans vivent pratiquement en reclus, dans une petite maison cachée au fin fond d'une forêt vosgienne au lieu-dit, Les Bois-Bannis, un nom étrange. Ils l'avaient découverte au moment même où ils avaient eu envie de changer encore une fois d'air et « pour se sortir sans trop de casse du chaos qui s'annonçait et que tout le monde avait senti venir sans bouger le petit doigt. »
Sophie écrit des livres qui parlent de grand air et de nature et se définit elle-même comme une romancière des marges. Quant à Grieg, il est déjà comme sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature.
L'arrivée un soir, par la porte laissée ouverte d'un « balluchon de poils gris, sale, exténué, famélique », d'une petite chienne blessée, va carrément réenchanter leur vie et rapprocher ce couple vieillissant. Leur vie va se trouver bousculée quand ce troisième personnage va s'inviter à leur table.
C'est d'abord Sophie qui va retrouver le goût de sortir et retrouver des forces au contact de cette nature avec qui elle fait littéralement corps et ressentir des instants de joie divins, ces éclairs que l'on ressent de se sentir en vie. Puis Grieg lui aussi sera gagné par l‘énergie transmise par cette petite chienne. Ils vont du coup refaire chambre commune, se fabricant un lit composé d'un simple cadre de quatre planches clouées, posé au sol et en y entassant trois ans de journaux ficelés par petits tas pour le combler, leurs deux matelas posés dessus. Dès le premier soir, Yes n'hésitera pas à sauter sur le lit et désormais ils dormiront tous les trois « sur les nouvelles du monde, celles qui de jour en jour tombent dans les abîmes pour être remplacées par les suivantes »…
Un chien à ma table, Prix Femina 2022, évoque le désastre qui menace notre planète avec la disparition entre autres, de multiples espèces animales. le personnage de Sophie, cette femme révoltée va transformer cette catastrophe environnementale en une véritable ode à la nature, et nous offrir une magnifique fresque de la nature sauvage, du monde végétal et animal. Ses escapades aux alentours de leur bâtisse offrent au lecteur de sublimes pages de poésie.
Beau roman d'amour, il est aussi une réflexion sur la vieillesse et sur le pouvoir de la littérature tout en mettant en avant les bienfaits de ce qu'un certain Pierre Rabhi nommait la sobriété heureuse.
J'ai particulièrement apprécié cette osmose entre l'humain et la nature que recherche Sophie Huizinga, alias Claudie Hunzinger et qu'elle excelle à dépeindre.
J'ai été happée par cet hymne à la Terre et à la vie qu'est Un chien à ma table, récit de ce trio qui vit en communion avec la nature et entouré de livres...
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Ce livre commence très fort avec une belle écriture poétique, des références esthétiques à la nature très bien formulées, mais au bout d'une petite quarantaine de pages, c'est l'essouflement qui s'intalle, fatalment suivi de l'ennui pour le lecteur. En tout cas, telle est ma perception personnelle.

La vie conjugale de ce vieux couple ne peut intéresser qu'eux-mêmes, les affres de leurs nuits, et leur dégoût respectif de leurs corps n'apportent strictement rien à l'oeuvre qui sombre dans un pessimisme découlant peut-être de leur isolement volontaire. Ce ne sont pas ceux qui quittent le monde et le dénigrent qui vont l'améliorer, il y a tant d'autres humains qui s'échinent en s'investissant pour un monde meilleur. Claudie a jeté le bébé avec l'eau du bain et le parcours de ce couple n'intéresse pas.

Ajoutons à cela une petite chienne qu'ils recueillent, violée par un pédophile (sic), d'où quelques allusions à la zoophilie qui chargent encore négativement ce texte laborieux à lire.

Et passons sur les ébats impromptus du vieux couple dans la mare aux crapauds, on n'est plus au moindre délire près.

Dommage, car il y a de très belles images de la nature, des arbres, des ciels, des levers et couchers de soleil, des saisons qui habillent ou dévêtent la nature, lui conférant toujours un aspect séduisant.

Cela ne m'a pas suffi pour me mettre à la table de Claudie Hunzinger.
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Voilà trois ans que Sophie et son compagnon Grieg se sont installés dans une vieille maison isolée au coeur des Vosges, au lieu-dit « Les Bois-bannis ». Dans ce couple âgé, elle est écrivaine (« écri-vaine », ainsi qu'elle se qualifie elle-même), tandis que lui passe désormais ses journées à dormir et ses nuits à lire. Ils sont loin de tout, à l'écart des humains et des commerces, faisant corps avec la Nature qui les entoure, et cela leur va très bien.
Un jour, une petite chienne déboule dans leur vie. Manifestement maltraitée, échappée de son tortionnaire, elle trouve refuge auprès du couple et s'attache aussitôt à Sophie, qui le lui rend bien. Elle baptise la chienne « Yes », comme un oui un peu étonné à la vie qui jaillit, inattendue, fraîche, joyeuse, énergique, dans la maisonnée sur le point de s'engourdir dans son train-train. Avec Yes, Sophie chausse ses Buffalos, enfile sa parka et s'embarque dans de longues balades à travers la forêt montagneuse.
Il n'y a pas vraiment de péripéties dans « Un chien à ma table », mais il y a beaucoup d'autres choses. A mi-chemin entre la chronique d'une vie d'ermites et une réflexion sur le monde comme il va (mal), Sophie (double littéraire de l'auteure) s'interroge sur la vieillesse, le métier d'écrivain, le langage, les livres, la société déshumanisée, la Nature, l'écologie, les rapports entre humains et animaux et leur bienveillance (ou pas) les uns à l'égard des autres, la frontière entre les espèces, ce qui les caractérise. On y lit beaucoup d'amour et de tendresse, il y a de la révolte et de la résistance, la mort n'est pas encore là, tout n'est pas encore perdu. Pourtant on sent bien qu'il est minuit moins cinq, que l'atmosphère est vaguement pré-apocalyptique en cette ère de fatal anthropocène. Il y a comme une urgence à vivre, à aimer, à respecter le vivant. C'est le message révélé à ce couple vieillissant par Yes, surgie de sa montagne telle un ange gardien porteur d'un message de rédemption. Porté par une écriture poétique, il y a donc un peu de tout cela dans ce livre plus ou moins structuré, plus ou moins développé, plus ou moins compris et convaincant. J'ai plus ou moins aimé.

En partenariat avec les Edtions Grasset via Netgalley.
#Unchienàmatable #NetGalleyFrance
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Sophie et Grieg vivent dans les Vosges, dans la forêt au lieu dit les Bois-Bannis.
Tous deux sont âgés et Sophie, la narratrice, fait souvent référence à la vieillesse de son corps qui doit se remettre en route chaque jour et à celle de son compagnon.
Grieg vit la nuit dans sa bibliothèque. Il se nourrit de littérature.
Sophie vit le jour, observe les animaux, les plantes, les arbres.
Ils vivent chacun dans le respect de l'autre.
Tous deux se sont connus dans la prime enfance.
Un chien arrive dans leur vie mais ne s'approche pas trop. Il est méfiant. Sophie s'aperçoit qu'il a subi des sévices de la part d'un humain.
Elle lui donne le nom de Yes et croit qu'il va rester auprès d'eux mais cet animal pour qui Sophie craque n'apparaît que de temps à autre, assez toutefois pour parcourir la forêt avec elle. C'est un renouveau pour Sophie. Yes lui donne de la force.
Tout au long du récit, Sophie a peur des humains qui bordent la forêt et pourtant, elle les observe. Yes les craint aussi. Elle apparaît comme la gardienne de ces bois.
L'écriture du livre est poétique rien que dans la description des plantes, des petits animaux, de son logis bien rudimentaire, de sa nourriture très frugale.
Un peu plus de vie aurait mieux correspondu à mon style de lecture mais les mots sont très beaux et le thème abordé inhabituel.
Afin de pouvoir profiter des mots, je lisais un autre livre et puis je reprenais celui-ci comme on le ferait avec un recueil de poésies.
"Un chien à ma table" de Claudie Hunzinger a reçu le Prix Femina 2022. Je l'ai appris en le lisant sur le bandeau à la librairie. C'est une belle récompense pour un roman proche de la nature exprimé en de si beaux mots.
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Un baluchon de poil gris, sale, exténué, famélique, c'est ainsi que Yes, une petite chienne est entrée dans la vie de Sophie et de Grieg son compagnon depuis 60 ans. Deux êtres totalement décalés. Ils habitent les Bois-Bannis au milieu des forêts, loin de tout, à l'écart du monde. Sophie est une romancière qui vit en communion avec la nature, Grieg dort le jour et lit la nuit, il habite dans ses livres.

J'ai été très troublé par ce récit, par sa construction, il ne se passe rien. Tout au long des pages, l'auteure nous invite à une réflexion sur la jeunesse qui s'en va, la planète dévastée par l'homme. C'est une balade poétique, une célébration de la beauté de la nature. L'errance d'une vieille femme qui se ressource auprès des arbres et des animaux dont elle se sent plus proche que des humains. Certains passages sont magnifiques. Un livre qui se respire.
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Après avoir savouré « La langue des oiseaux », un roman plein de grâce de Claudie Hunzinger, j'ai eu envie d'un nouveau moment de poésie et de douceur. J'ai donc choisi « Un chien à ma table », prix Femina 2022.
Claudie Hunzinger nous emmène dans un voyage intime à travers sa vie, en partageant ses moments de joie, de tristesse et de réflexions.

« Pourquoi, un soir de cet automne, ai-je alors pensé : je veux bien être devenue vieille, d'accord, je prends la vieillesse et son corps déglingué, mais je prends aussi l'inconnu qui va avec elle ! J'avais oublié l'inconnu. N'oublie pas l'inconnu. Et j'ai longuement pensé à l'inconnu devant moi, et la vieillesse m'a semblé devenir une sorte d'expédition en zone inconnue. Je l'ai pris comme ça. Je me suis dit je vais écrire le livre de cette expédition. »

*
Sophie Hunzinga et son mari Grieg ont acheté une vieille bâtisse perdue au fin fond de la forêt vosgienne, dans un lieu-dit au nom prédestiné « Les Bois-Bannis ». C'est une maison à leur image, à la fois ancienne, rustique, simple, isolée, chaleureuse, un petit joyau dans un écrin de verdure.

Le récit commence au moment où la narratrice aperçoit dans la nuit, une ombre craintive s'approcher du seuil de leur maison en rampant dans les herbes. Avec douceur, elle va l'amener jusqu'à elle : c'est une petite chienne crottée, affamée, ayant subi des maltraitances.

La petite chienne, qu'ils vont nommer Yes, va très vite se faire une place dans cette maison accueillante et paisible. Malgré les sévices subis, Yes est de nature joyeuse, joueuse et affectueuse. Elle va changer la vie du couple, illuminant leurs vieux jours.

« C'était tellement génial d'étendre la main gauche et de pouvoir toucher un ami d'enfance, vieil humain fourbu, complice, frère usé comme moi ; et d'étendre la main droite et de toucher un non-humain recueilli, soigné, sauvé, enveloppé de sa pelisse électrisée d'énergie. »

Leur relation avec Yes est décrite de manière touchante, avec une profondeur et une sincérité qui rendent cette amitié spéciale, un témoignage qui peut faire écho avec notre propre histoire.

« Jamais aucun chien ne m'avait regardée de sa façon à elle, plongeant ses yeux au fond des miens, voici qui je suis et toi qui es-tu ? Un regard cherchant le mien dans sa souveraineté. »

*
Je pensais que ce livre était un roman tourné vers cette petite bête victime des hommes, son passé. Mais je l'ai trouvé plus proche de l'autobiographie ou de l'essai, empreint de réflexions au quotidien.

A partir de cette belle rencontre, l'autrice va relater sa tentative de trouver un sens à sa vie, d'accepter le temps qui file, de renouer avec sa vie malgré l'usure du corps. La séparation, la mort, le deuil et la solitude de celui qui reste se glissent aussi entre les pages.
Des mots émouvants.

*
On entre dans le quotidien de Sophie et Grieg et on apprend à mieux les connaître. Ils forment un couple attachant et sympathique, leur complicité est belle à lire.

Sophie, romancière et « observatrice du vivant », aime la nature et les balades dans la campagne environnante. Je me suis sentie proche de cette femme ensauvagée et rebelle, même si je ne le suis pas moi-même : son monde proche de la nature est celui dans lequel je m'apaise et me ressource. Avec elle, je suis partie pour de longues promenades en forêt, revenant courbaturée mais profondément heureuse.

Grieg, lui, vit retiré des hommes, il a choisi le monde de la fiction et de la littérature, dormant le jour, dévorant les livres chaque nuit. J'ai aimé me retrouver avec lui le soir, au milieu de tous ses livres, savourant un moment de lecture, emmitouflée sous la couette, bien au chaud.

*
Claudie Hunzinger aborde des réflexions profondes et universelles sur la vie et la mort, sur la nature humaine et la recherche du bonheur, la solitude et l'importance de l'amour dans nos vies, sur la vieillesse et le désir.
Elle et son compagnon ont choisi un retour à un mode de vie plus simple, solitaire, proche de la nature, tourné vers l'essentiel. Même au milieu de la douleur et de la tristesse, je les ai sentis plus proche du bonheur que ceux qui le recherchent dans le monde artificiel de l'argent, du consumérisme, de l'individualisme.

« Nous étions bien, nous, bande de bannis aux Bois-Bannis. Nous, complètement givrés. Totalement décalés. Nous deux, augmentés d'une petite chienne – pas même un loup. Nous deux devenus trois. »

Un autre thème fort est celui de la beauté et la fragilité de la nature. Elle évoque notre environnement que l'on saccage inconsidérément, la nature que l'on dénature sans pitié, la vie animale qui s'éteint dans l'indifférence collective. Ses mots passionnés donnent à voir l'importance de protéger notre monde qui est si beau.

« Les mots, les oiseaux, ensemble liés, fragiles, abîmés, décimés par nous, ça, je le ressentais très fort. Quand est-ce que tout avait commencé ? Sans doute bien avant qu'on s'en aperçoive. »

Les animaux ont également une place centrale dans son récit : l'autrice aborde la condition animale, l'amitié entre l'homme et l'animal, leur place dans nos vies et notre responsabilité envers eux.
Que c'est triste de voir la SPA crouler sous la hausse de chiens et de chats abandonnés, c'est une réflexion toute personnelle que j'ajoute après un reportage vu à la télévision.

« Tandis que son corps tressaillant me suivait de près en train de démêler son pelage au peigne, tout ce qu'il y a de cruauté dans le monde entier s'en envolait par poignées, tout ce qu'il y a de servitude, de perversité, d'abandon flottait à présent joyeusement au-dessus de la prairie, métamorphosé en petits nuages vaporeux. »

*
Son style d'écriture, émaillé de belles descriptions sur la nature, est marqué par une grande sensibilité, une profonde empathie et des réflexions personnelles sur notre époque.
J'ai retrouvé dans ce livre la prose poétique de l'autrice, le chant des oiseaux, le nuancier des odeurs, la cacophonie des couleurs. le rythme est doux et paisible, enjoué et vivant, triste et mélancolique, mais aussi plein de sens, d'humanité et de révolte.

*
Pour conclure, "Un chien à ma table" est une belle histoire d'amitié entre un couple et leur chien, mais c'est aussi un livre contemplatif, touchant et engagé qui transporte le lecteur dans les pensées et les émotions de la narratrice.
« Un chien à ma table » est une jolie lecture pour ceux qui recherche une lecture inspirante, pleine de sens, investie en faveur de la préservation de la biodiversité.
Un hymne à la littérature, à la nature, à la vie.
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